[TERMINE] Proposal between cousins

Je sais pas si j’aurai des enfants un jour. Oui, je sais, cette affirmation sort un peu de nulle part, là, tout de suite. Elle résulte de mon observation de ces mères poules qui restent plantées devant les grilles de l’école, un grand sourire sur la tronche qui doit faire mal aux joues, à secouer la main en direction de leurs rejetons, jusqu’à ce qu’ils aient franchi les portes, et échappé à leurs vues. Y’en a pas tant que ça, des mamans. Quelques rares papas. Peu de frères ou sœurs, comme moi. Pourtant, quand Bennie se tourne à son tour dans ma direction, je sens mon bras qui se lève, comme animé tout seul, et ma main qui se met à se secouer, pour lui rendre son signe, alors qu’un sourire trouve sa place de lui-même sur mes traits. Être mère, ça a l’air d’être un sacré taff, et je suis pas sûre d’avoir ce qu’il faut pour être à la hauteur. C’est tout juste si j’arrive à être une grande sœur pas trop à chier, alors…pour le reste, ça attendra. Ca attendra peut-être même toute la vie.

Les portes de l’école se referment sur les gosses, et alors que les quelques personnes rassemblées là s’éloignent peu à peu, les unes après les autres, je m’attarde encore un peu, sans trop savoir pourquoi. Je connais les lieux, pourtant. J’y ai passé toute ma scolarité, à l’époque où j’étais haute comme trois pommes, et que tout ce qui fait actuellement mon quotidien me passait bien au-dessus de la tête, parce que mes parents étaient assez doués pour qu’on se rende pas compte que c’était la merde dans la famille. A l’âge qu’à aujourd’hui le minimoy, je savais pas que mes parents croulaient sous les dettes, qu’ils accumulaient les postes, qu’ils allaient sans doute y laisser la santé. Bennie s’en rend pas encore compte…et j’espère que ça durera longtemps comme ça. Qu’il se contentera de rester un gosse au-dessus de tous ces problèmes pendant encore de longues années. Ça me fend déjà le cœur de savoir que Sofia a perdu cette part-là d’innocence, qu’on a rien su faire pour la préserver.

Avec un soupir, je finis par m’arracher à la vue de la façade de l’école, enfonçant les mains dans les poches tandis que je m’éloigne à pas lents. J’ai quelques trucs de prévu aujourd’hui, et même si ça reste dans la famille, j’ai quand même pas envie de me pointer en retard alors qu’on m’attend. C’est comme ça que je finis par me pointer au fight club, où Athy m’a donné rendez-vous…et est donc déjà sur place quand j’en pousse les portes. Je suis pas vraiment habituée des lieux, pourtant, je suis venue suffisamment de fois pour savoir que beaucoup de choses ont changé là-dedans. J’adresse à ma cousine un sourire similaire au sien, alors que j’avance vers elle, faisant un tour sur moi-même, alors que je laisse échapper un sifflement. “-C’est du sacré beau boulot. Et évidemment que j’allais venir. C’est quand la dernière fois que je t’ai posé un lapin ?” Un sourire narquois plus tard, et un coup d'œil à l’expression presque extatique sur la tronche d’Athena, et je finis par me rapprocher du bar, alors qu’elle me propose déjà de picoler. Évidemment que je suis partante…sauf que j’ai pas le temps de répondre, qu’elle prononce les mots magiques. Rhum arrangé de Lucia. La journée vient de prendre une bien meilleure tournure. Au point que je tape sur le bar du plat de la main, sans cacher mon enthousiasme : “-Fais péter le rhum arrangé !” que je réponds sur le même ton, avec cet air de canaille qu’Athy doit connaître depuis le temps. “-Faut bien qu’on goûte pour donner notre avis, non ?” Tu parles, ça ressemble à une excuse de pochtronne ça, mais peu importe.

Pendant qu’Athena nous sert, j’en profite pour observer de nouveau autour de nous, listant déjà dans ma tête tous les trucs qui ont changé ici…même si la liste est plutôt bancale, faut bien l’admettre. Ici, c’était le territoire des Prayers, alors forcément, j’y foutais jamais les pieds. Jamais de la vie j’aurais fréquenté de mon plein gré l’un de ces connards. Le verre se retrouve devant moi, j’en hume déjà le parfum, avant de cogner doucement le bord de mon verre contre celui de ma cousine : “-Salud !” Et je trempe mes lèvres dans le breuvage, appréciant la nouvelle composition de mon autre cousine, avant de désigner l’intérieur du fight club d’un geste vague du bras, mon verre toujours en main. “-Tu me fais visiter ?” que je demande, descendant déjà du tabouret sur lequel je suis installée depuis pas plus de deux minutes. “-Tu pourras profiter de l’état des lieux pour me raconter comment vous en êtes venues à vous investir là-dedans.” que j’ajoute, glissant un regard en biais vers Athena, tout en essayant de garder un ton le plus neutre possible. Parce que…ouais, possible que je trouve cette reconversion un tantinet étrange.

Je sais pas trop à quoi je m’attendais quand Athy m’a donné rendez-vous au fight club qui est en train de refaire peau neuve. J’imaginais bien qu’il y aurait eu un coup de peinture ici, un petit ravalement de façade là, mais pas autant de changements. Pour ma dépense, la déco et moi, ça fait deux. Si j’ai aucun mal à associer les couleurs quand il s’agit de taguer les murs délabrés de Downfall -et aussi ceux qui le sont un peu moins- j’ai pas le regard adéquat en ce qui concerne la décoration. Preuve en est mon appartement, qui est pas ce qui se fait de plus chaleureux, et dont la décoration se limite aux dessins faits par Bennie et Sofia lorsqu’ils étaient plus jeunes. Alors ouais, possible que je sois impressionnée par la nouvelle tronche du fight club, et du boulot qui a été fait par les filles. Ou commandité par les filles.

En tout cas, je sais pas si c’est la surprise de me voir vraiment là, ou du ravissement sur la tronche de la cousine, mais je m’amuse à lui rappeler rapidement que c’est pas vraiment dans mes habitudes de répondre aux abonnées absentes quand on me propose de passer. Je lui adresse ce fameux regard blasé qu’Athena connait bien depuis le temps que je le maîtrise, et réplique d’un très mâture “gngngngn” quand elle me rappelle que je lui a effectivement foutu un lapin y’a quelques années quand elle comptait sur moi pour garder le petit. Elle sait, pourtant, que c’était pas vraiment prévu, et que j’aurai préféré l’option babysitting à celle de laver les toilettes d’une famille blindée de thunes pas capable de s’abaisser à réaliser elle-même cette basse besogne.

M’enfin, c’était y’a deux ans -au moins- et de l’eau a coulé sous les ponts. En l'occurrence, des tas de repas de famille ont eu lieu. Et je sais qu’Athy m’en veut pas, qu’elle comprend même la situation dans laquelle je m’étais retrouvée. Du coup, on s’attarde pas trop sur le sujet, et elle finit par prononcer les mots magiques : rhum arrangé fait par Lucia. La journée vient de prendre une tournure plus qu’intéressante. Je sais pas comment elle fait, la cousine, mais ses préparations sont toujours meilleures les unes que les autres. Elle pense à faire des mélanges, des arrangements comme elle dit, qui semblent logiques que pour elle…et faut dire que ça matche carrément la plupart du temps. Par solidarité avec elle, et pour lui montrer tout mon soutien, je me suis proclamée goûteuse officielle de ses alcools y’a quelques années déjà, l’occasion parfaite pour picoler en bonne compagnie.

Ce qui fait que, forcément, quand Athy propose de goûter la dernière nouveauté de sa sœur, je suis plus que partante, et marque mon enthousiasme de façon un peu bruyante. La brune nous sert et je m’empare du petit verre sans attendre la moindre autorisation, le buvant rapidement après qu’on ait trinqué. L’alcool brûle ma trachée mais j’ai quand même un sourire qui trouve son chemin jusqu’à mes lèvres. “-Dieu bénisse ta frangine. Elle sait y faire, y’a pas à dire.” Même si la recette sacrée d’abuelita est une bonne partie du succès de Lucia, elle fait pas tout, et il faut lui reconnaître qu’elle excelle vraiment dans ce qu’elle fait.

J’attends que le picotement dans ma gorge se soit dissipé pour reprendre la parole, alors que j’ai quitté mon tabouret, et réclamé une visite guidée du coin. Je sais, comme à peu près n’importe qui vivant à Downfall, que le fight club était jusqu’à pas très longtemps un fief des Prayers of Insanity. Les nouvelles rumeurs qui circulent sur le sujet laissent penser que l’endroit est pas devenu tout à fait clean pour autant, même si je garde forcément une part de scepticisme puisqu’Athy et Maddy ont repris les lieux. Aux premières explications de ma cousine, j’ai les sourcils qui se haussent franchement, alors que je lâche un parfaitement inutile “-Sérieux ?! Je savais pas du tout !” qui passe presque inaperçu, et coupe pas Athena dans son récit. Je savais pas du tout que le fight club appartenait à la base à la famille O’Connor…et en même temps, je vois pas Maddy en parler alors que son père a dû filer ce qui lui appartenait à ces enfoirés de vendeurs de came. J’ai quand même un léger mouvement d’arrêt et un bref haussement de sourcils aux paroles d’Athena, alors que je lance un regard en biais vers elle : “-Et…ça implique quoi, de…faire en sorte de récupérer ce qui lui revenait de plein droit ?” que je demande avec une pointe d’inquiétude à l’idée de tout ce qu’aurait pu faire ma belle-cousine. Si je l’imagine capable de botter des paires de cul ? Évidemment !

Maintenant qu’Athy est de mon côté, j’ai le droit à ma visite guidée…qui commence par rien d’autre que le bar…où elle m’explique qu’elle va continuer à bosser en tant que barmaid. “-Sérieux, bosser avec ta nana, c’est un truc qui te branche ? En plus, vu que c’est la proprio, ce sera pas genre…ta Boss ? J’ai toujours entendu qu’il fallait pas mélanger vie perso et vie pro…m’enfin, on sait bien toutes les deux que ma dernière relation sérieuse date de la maternelle.” Et j’hausse les épaules d’un air entendu, parce qu’on sait toutes les deux que les relations amoureuses, c’est loin d’être ma spécialité. Je me dis quand même que bosser avec la personne avec qui on partage sa vie, c’est pas forcément l’idéal, non…? Je veux dire…elles se racontent quoi, le soir, si elles ont passé toutes les heures de la journée ensemble ?

En attendant, on continue la visite guidée, et je crois deviner qu’Athena est hyper motivée par l’ouverture prochaine du fight club version 2.0. C’est marrant de la voir comme ça. Mais c’est pas moi qui vais la couper dans son entrain. “-Le ring…le ring…le ring. Ouais, ça me dit vaguement un truc. C’est là où on range les bouteilles, non ?!” que je réponds sans pouvoir m’empêcher d’avoir un léger sourire en coin. J’ai le regard qui se lève quand elle mentionne le coin VIP, alors que j’ai un bref hochement de tête. “-Meilleur service, ouais…c’est logique.”  Les clients qui rincent davantage que les clients lambda s’attendent à plus, c’est d’ailleurs pour ça qu’ils allongent les billets, non ? “-Y’aura une sacrée vue sur les combats de là-haut.” Et sur une bonne partie de ce qui se passera ailleurs dans le fight club aussi. Un point de vue stratégique, s’il en est un.

Je suis en train de finir mon tour sur moi-même, le nez en l’air pour mieux apprécier l’espace autour de moi quand Athena reprend la parole pour parler de petits travaux qu’il reste à faire…et aborder enfin la vraie raison de ma présence ici. Un job…ma cousine me propose un job. Je fais celle qui a pas tiqué, évidemment, et observe encore un peu le fameux coin VIP en gardant le silence. Je me doutais pas que c’était ça, la raison de ma présence. Je pensais qu’Athy voulait vraiment me montrer ce que Maddy et elle avaient fait de cet endroit, des changements qui avaient eu lieu depuis le départ de la vermine. Je suis pas fière au point de refuser une aide qui viendrait de la famille, pour ce seul prétexte. Faut bien l’admettre…de la thune, y’en a toujours besoin. Pour les parents. Pour Bennie. Pour éponger cette foutue dette. Et puis…ça me fait pas spécialement flipper d’avoir Athena pour collègue, ou même cheffe. Je sais qu’on est pas débiles, qu’on sera capables de laisser au fight club ce qui s’est passé au fight club. Enfin…j’espère.

Pourtant, au lieu de lui dire clairement qu’on peut commencer à parler emploi du temps et salaire, je finis par passer ma main le long d’une des cordes du ring, ne pouvant qu’imaginer l’effervescence qui doit régner autour de ce carré en plein combat. “-T’es au courant des rumeurs qui circulent sur cet endroit ?” que je demande l’air de rien, en continuant de marcher autour du ring, la main toujours sur la corde. En bossant ici, je me demande bien comment elle pourrait ne pas être au courant, mais bon…je continue malgré tout sur ma lancée : “-Dans le Skid, il se raconte que le fight club sert de QG à une bande de bons samaritains qui entent rétablir la sécurité dans le quartier. Ouais, rien que ça…” que je poursuis, désormais de l’autre côté de l’aire de combat, qui se trouve entre Athy et moi. Je continue encore un peu, jusqu’à revenir à mon point de départ, alors que je finis par me tourner vers ma cousine pour demander finalement : “-Vu tes liens avec l’endroit, j’imagine que tu dois en savoir quelque chose, non ?”

Okay, faut bien que je l’admette, je m’attendais pas forcément à ça quand j’ai reçu le sms d’Athena me demandant de passer au Fight club. Évidemment, j’avais entendu des choses, gosse du Skid un jour, gosse du Skid toujours, mais je savais pas exactement ce qui se passait sous ce toit. Je sais ce qui se passe dans mon quartier, même quand c’est que dans les grandes lignes. Pourtant, j’ignorais jusqu’à ce que ma cousine m’en informe que cet endroit appartenait à la famille de Maddy, et qu’elle a fait, en quelques sortes, que récupérer ce qui revenait aux siens. Forcément, la façon dont le formule Athy me laisse soupçonner que tout c’est pas réglé dans une cordiale poignée de mains, ou une tape sur l’épaule, même si je suis pas vraiment surprise qu’elle refuse de me donner plus d’informations sur le sujet. D’ailleurs, sa réponse, plus que mystérieuse, ne manque pas de me faire lever les yeux au ciel, alors que je grommelle un : “-Ben voyons…” Franchement, à ce tarif, elle avait autant à me conseiller de m’occuper de mon cul.

Maintenant que je sais que Maddy est donc propriétaire des lieux, dans cet endroit où Dani va bosser aussi, une question me vient rapidement en tête, à savoir comment elle peut envisager de taffer avec sa nana. Pour sa nana même, en l'occurrence. En plus de ça, quand on connaît un minimum le caractère de ces deux-là, et comment ça pourrait virer, une dispute entre elles, on a toutes les raisons du monde de s’inquiéter et de poser des questions. Au moins leurs collègues slash employés s’ennuieront sûrement pas. J’ai un léger haussement de sourcils à la réponse de la brune, qui laisse entendre que tout a déjà été étudié, en long, en large et en travers. A l’entendre, il semble presque impossible que les deux en viennent à se prendre méchamment la tête à cause de ce qui pourrait se passer entre ces murs. “-Hmm…Ca m’a l’air vachement étudié, tout ça. Tant mieux. M’enfin, tu sais où sonner quand ta Boss te fera des misères.” que je réponds au bout de quelques secondes, avec ce sourire malin qu’Athy me connait très bien depuis le temps.

Et vient ensuite la visite des locaux, et les explications de la cousine sur la façon dont l’endroit est organisé. J’ai bien l’impression qu’elles ont pensé à tout, toutes les deux. Avec un intérêt non feint, j’écoute les explications fournies, hochant la menton sans même m’en rendre compte, alors que je lève la tête quand il faut la lever, et la tourne dans les directions indiquées. J’ai un peu de mal à me projeter et à parvenir à imaginer cet endroit quand il sera plein, et que des combats auront lieu sur le ring, quand l’ambiance sera effervescente, et les clients sans doute un peu chaud. Enfin, faut dire que je suis pas très coutumière du coin, ça doit pas aider.

Sauf que c’est bien sympa tout ça, et même si Athena sait que je suis du genre à la soutenir -quand elle fait pas de conneries- ça explique pas pour autant pourquoi elle a tenu à me faire la visite guidée, ni même à me montrer le coin en avant première. Alors, sagement et patiemment -deux adverbes qui me collent pas vraiment à la peau- j’attends de savoir où elle veut en venir réellement, et l’objet de ma présence ici. Quelques paroles de plus, et Athy finit par cracher le morceau, et évoquer les quelques tâches qu’il reste à accomplir avant l’ouverture prochaine du fight club. Quelques travaux supplémentaires -clairement j’ai pas ma place dans ce plan- et du recrutement. Hé bah…nous y voilà ! Dani sait très bien qu’au milieu de ma longue liste de jobs, j’ai été serveuse et barmaid. Comme si elle pouvait pas commencer par là directement !

Se pose quand même deux trois questions, avant que je daigne répondre à sa proposition à peine voilée. Est-ce que j’ai envie de bosser ici ? Pourquoi pas. Si le coin est blindé de clients, ça laisse supposer quelques pourboires qui pourraient faire du bien au porte-monnaie. Je connais le boulot ce qui est aussi un plus, mais…est-ce que j’aurai le temps de gérer un taff ici, à côté du reste ? Et si je diminue mon contrat chez Pop’s, est-ce que bosser ici couvrira ce que je me fais au Diner ? Et si au final, c’est pas la relation Maddy/Athy qui pâtira de cette collaboration, mais bien celle que j’entretiens avec ma cousine ? Ça fait des tas paramètres qu’il faudrait que je prenne en compte avant de donner ma réponse à cette question à moitié posée. Et puis…reste une autre question, juste là, en suspens.

J’aurai pas l’affront de demander à Athy si elle pense que je suis totalement débile, mais…j’ai entendu des choses, sur cet endroit. Et je suis quasi certaine qu’elle le sait. Elle sait que j’ai grandi ici, que j’ai des amis dans le coin, autant d’oreilles susceptibles d’entendre des trucs, et d’en discuter avec moi, en pensant que je sais des choses, moi aussi. Alors ouais, je tarde pas à laisser entendre que comme beaucoup de gens du coin, j’ai entendu des trucs, sur cet endroit. Ou plutôt sur ce à quoi sert cet endroit. Et je parle pas que de combats, évidemment. Quand je vois sa réaction, je me dis qu’elle se doutait peut-être que j’allais finir par aborder le sujet. Je suis pas spécialement impressionnée ni effrayée par ce long soupir qui quitte la volumineuse cage thoracique de ma cousine, et me gêne pas pour faire une petite grimace à ses paroles, alors que je hausse légèrement les sourcils. “-T’es au courant que je suis pas un de tes gamins, et que ce genre d'œillades, ça fonctionne plus à mon âge ?” Nan parce que sérieux, le coup du ouvre bien tes oreilles avant que je compte jusqu’à trois, à mon âge, c’est moyen.

Pour autant, je me montre attentive à ses explications, alors que j’ai les bras qui se croisent sur ma poitrine, presque tous seuls, et que ma tête se hoche à intervalles réguliers. Nous protéger, les petits et moi…évidemment, je me doutais que ce mot allait être prononcé, à un moment ou à un autre. Pour autant, je sais pas si c’est la vraie réponse, la vraie raison pour laquelle Athy cherche à me tenir éloignée de la vérité, ou si c’est juste plus facile de le dire comme ça. Du coup, quand elle a finit son semblant d’explication, je finis par prendre la parole à mon tour : “-Hum…permets-moi de pointer deux trois failles dans ta réflexion, veux-tu ?” Bon, ok…c’est pas une vraie question…et même si elle me répondait “non”, j’aurai quand même ouvert ma bouche de nouveau pour livrer la suite de mon raisonnement.

Du coup, je me lance bien rapidement, sans attendre la moindre autorisation de sa part : “-Tu connais mon point de vue et ce que je pense des gangs et autres groupes de ce genre. Ma question est tout à fait légitime, puisque tu me proposes de bosser ici. J’ai tous les droits de savoir où je fous les pieds.” Premièrement. S’il en va de mon intégrité physique, de ma sécurité, et encore davantage de celle des petits, il me semble plus que normal que je me pose des questions, et que je cherche à savoir où je suis sur le point d’accepter de travailler. Et ouais, bien sûr que je fais confiance à Athena, et que je sais qu’elle me proposerait pas un job qui pue, évidemment. Mais vouloir savoir ce qu’on cherche à tout prix à nous cacher, ça me semble humain. “-Et ensuite, Athena, de par nos liens familiaux, même si je suis au courant de rien, être ta cousine pourrait donner l’idée à n’importe qui de se servir de moi pour…pour j’en sais rien. T’atteindre, me forcer à révéler des trucs dont je suis pas au courant pour te nuire, nuire à votre Business, ou que sais-je encore.” Les malfaiteurs, ça a de l’imagination, non ? Je soutiens le regard d’Athy, même quand j’y lis sa désapprobation. On a beau être cousines, on a pas besoin d’être d’accord sur tout. A mon tour, je finis par pousser un léger soupir -rien d’aussi long et lourd qu’elle quelques secondes plus tôt- sans rien ajouter pour autant.

A quel point j’ai envie d’accepter de bosser dans un endroit dans lequel je sais qu’il se passe des trucs pas très clairs ? Les gens qui ont fait de cet endroit leur QG ont beau se prétendre de bons Samaritains, à quel point on est loin de l’appellation de gang ? Si c’était vraiment un nouveau groupe de mafieux, Athy me l’aurait forcément dit…non ? Je veux dire…elle sait bien ce que je pense de ces gens-là. Je reste à la zieuter encore un peu, avant de finir par hausser les épaules. “-Mais okay…des clients réguliers. D’accord, si t’y tiens, appelons les comme ça.” Ca ou autre chose, ma foi. Est-ce qu’ils assureraient vraiment la protection d’une petite nana qui paye pas de mine, et qui bosserait ici que quelques heures par semaine, tout au plus ? Est-ce que je suis naïve au point de penser que d’autres personnes que moi-même sont capables de me protéger ? Putain, la liste de questions comment à être vachement longue.

J’ai pas le temps de commencer à les noter -lesdites questions- ni même de commencer à chercher une esquisse de réponse, qu’Athena reprend la parole, m’expliquant qu’en échange de la présence de ces clients réguliers, comme elle dit, y’a certains endroits où j’aurai pas le droit d’aller. Pour ma propre protection, bien sûr. “-Moins j’en sais, mieux tu te portes…ouais, j’avais déjà bien entendu la première fois.” que je répète, avant de faire un tour sur moi-même, le regard traînant ici ou là, et particulièrement sur le ring. “-Curtis bossera ici aussi ? Je demande…pour une amie.” Tu parles, pour une amie. Conneries. Mais si on peut allier l’utile à l’agréable, faut carrément pas se priver.

Je finis par m’éloigner un peu d’Athena pour rejoindre l’arrière du bar, glissant l’index et le majeur le long du comptoir parfaitement lisse. C’est beau. C’est neuf. Je me demande combien de temps ça le restera. Finalement, je me positionne en plein milieu du bar, à vue d'œil quoi, pose les deux mains à plat sur le comptoir, et regarde autour de moi, tâchant de m’imprégner de tout ce qui fait le fight club. “-Mouais…ça peut le faire. La vue d’ici est sympa.” Pas autant qu’elle le serait vu d’en haut, mais j’imagine que comme pour les clients, il faut le mériter, ce coin VIP. J’ai une œillade vers le matos, les verres, les bouteilles déjà présentes, lisant les étiquettes d’un rapide coup d'œil. J’imagine que c’est un peu comme le vélo, et que ça s’oublie pas. Enfin, j’espère.

Et pendant que je suis encore en train de zieuter, je finis par lâcher. “-Je devrais pouvoir bosser ici au moins deux soirs par semaine, peut-être trois, si je demande à faire plus d'ouvertures au resto. J’ai mon planning au Diner trois semaines en avance, et tu sais que mon boulot chez la tia est à jour fixe.” Ouais, le boulot au salon de beauté, c’est bien un des seuls trucs stables dans ma vie au cours de ces dernières années. “-Je travaille pour toi. Pour toi, et pour Maddy. Pour personne d’autre. Et si…ces clients réguliers commencent à se montrer trop envahissants, je prendrais le large. Je refuse d’être affiliée à ce groupe, de près ou de loin.” Et pas besoin de m’étendre davantage sur le sujet que ces quelques mots. Ça reste dans la famille, point barre. Je me suis redressée pour dire ça, le visage tourné vers Athena, alors que toute trace de plaisanterie a quitté mon visage. Façon, y’a pas besoin d’en dire davantage, elle sait déjà tout de ce que je peux penser sur le sujet. Mais la thune reste la thune, et en ce moment plus que jamais, elle manque un peu trop. “-Alors…je commence quand ?”

Je lève les yeux au ciel quand Athy me traite à demi-mots de gamine, alors que je lâche un soupir excédé. Sérieux, ce côté maman pas contente à deux doigts de me mettre une fessée, c’est moyennement ma came. Le fait que ce soit ma cousine et qu’elle me fasse la morale, hein…pour les fessées, par contre…enfin bon, ça c’est une autre histoire. Je lui lance ce regard blasé qu’elle connaît déjà, et prends le parti de pas répondre, parce que je sais très bien, vu nos deux caractères, que ça pourrait aller très loin. Trop loin, même. Et il faut bien que l’une de nous deux se montre plus mâture que l’autre, non ? Oui, en l'occurrence moi. Ha ha.

Quoique, finalement, quand j’entends la suite de sa tirade, je me dis que finalement, si, c’est peut-être moi la plus mâture de nous deux. Me faire la liste des personnes qu’elle a perdues à cause des gangs ? “-Tu te fous de ma gueule, là, pas vrai…?!” Parce que y’a pas d’autres explications. C’est pas un foutu concours, bordel. Bien sûr que je sais qu’elle a perdu beaucoup, à cause d’eux. N’importe qui ayant perdu ne serait-ce qu’un proche, a déjà trop perdu. J’oublie pendant quelques secondes nos gentilles taquineries, et laisse apparaître qu’un regard noir, qui dure pas longtemps. C’est débile. Athy est ma cousine, et même si la douleur est pas la même, évidemment, et que j’essaierai jamais de minimiser ce qu’elle peut ressentir, ses pertes m’ont également causé de la peine.

Je soupire de dépit, et m’apprête à me détourner quand Athena finit par reprendre la parole, pour lâcher cette phrase qui me tord aussitôt le bide. Je suis pas sa cousine. Hé bah putain, je l’avais pas vu venir celle-là. C’est moi, ou ça va loin là ?! La colère déserte mon visage pour laisser la place à autre chose. La famille, c’est hyper important pour moi. Mes parents le savent. Raoul, cet enfoiré, le sait. Athy le sait également. Tous ceux qui me connaissent un minimum le savent. Voilà pourquoi ça fait un mal de chien de l’entendre dire ça. Ben tu sais quoi, foutue Athena foutue Reyes, t’as qu’à garder ton foutu job dans ton foutu fight club avec tes foutus…owh…ah. Ouais, nan, rien. Fausse alerte. C’était pas sa façon à elle de me jeter, ou de me faire comprendre qu’on est pas de la même famille. Juste sa manière pas très avisée de me faire comprendre qu’elle a pensé à tout.

Je l’écoute donc me dire à sa façon qu’elle a pris ses dispositions concernant cet endroit, son identité, et les gens qui partagent notre sang. Ben voilà, il suffisait de le dire, pas la peine de prendre ses grands airs de latina effarouchée au sang chaud. Je suis sûre, la connaissant, qu’elle était même à deux doigts de me demander de tenir ses créoles pour me refaire le portrait. Je souffle par le nez pour marquer le fait qu’elle m’agace avec ses manières à la con, mais me contente d’hausser les épaules à cette fausse question qu’elle me pose. Ses questions même…y’en a au moins trois. “-J’en sais rien. T’es montée direct sur tes grands chevaux façon Athena.” C’est peut-être pas la meilleure réponse à apporter vu le caractère de Reyes, mais je suis pas encore totalement redescendue en pression, et j’ai pas pour habitude de tourner la langue sept fois dans ma bouche avant de l’ouvrir. “-Contente de constater que tu as pensé à tout. On te remercie de veiller à notre sécurité.” Et même si ça sonne sarcastique, ça l’est pas. Elle sait que la sécurité des petits est ce qu’il y a de plus important pour moi.

Bon…, maintenant qu’on s’est dit tout ça, et que je sais que je vais pas me faire coincer par des sales types -encore- pour qu’on me force à avouer des trucs que je sais pas, je me sens un peu plus tranquille. Maintenant, y’a plus qu’à trouver un moyen de détendre tout ça, avant qu’on en vienne aux mains. Enfin, façon de parler. Je me vois mal foutre sur la gueule d’Athy. Déjà, parce que c’est ma cousine. Et ensuite, parce que j’ai aucune chance contre elle. Elle sait ce qu’il faut faire avec ses poings, elle. Les poings, le ring…mais ouais !! J’ai une diversion toute trouvée sous la main, que je m’empresse de saisir, en demandant l’air de rien à la brune si Curtis va bosser aussi. Même si je sens qu’elle est pas encore tout à fait détendue, je sais aussi que la tension est déjà plus entièrement là. J’ai un sourire en coin à sa question, et hausse les épaules : “-Des putains de pectoraux, des biceps qui font la taille de ma cuisse, et un sourire trop mignon…tu connais des gens qui seraient pas intéressés toi ?” Nan parce que ce serait difficile de pas être intéressé par le bonhomme, hein…Et d’ailleurs, quand j’entends Athena me parler du ring, j’ai un nouveau sourire appréciateur, alors que j’ajoute aussitôt : “-Ben voilà…il suffisait de commencer par là.” Non, c’est pas le cas. Mais si Curtis est dans le coin, ce sera la cerise sur le gâteau. Si on peut allier l’utile à l’agréable…

Quand la cousine finit par me donner une date d’essai, je dégaine mon téléphone dans lequel se trouvent mes plannings, que je prends en photo chaque semaine. Vendredi soir…okay, c’est cool. Je bosse pas…bon, j’ouvre le Diner le lendemain, mais tant pis, hein…le sommeil, c’est surfait. Je dormirai quand je serai morte. Par contre, pour le mercredi… “-Je suis libre vendredi soir, je serai là à l’heure. Par contre…je travaille au Diner normalement mercredi. Si ça matche vendredi, et que tu veux revoir ma tronche ici, je demanderai à Hailey si elle veut bien échanger ses horaires avec les miens. Y’aura sans doute pas de soucis, elle est grave arrangeante.” Et accessoirement c’est une des nanas qui me connaît le mieux sur Terre, et qui accepterait de me rendre service les yeux fermés.

Je range le téléphone dans la poche de mon bomber, et tourne une nouvelle fois mon regard vers Athy, alors qu’elle revient sur cette histoire de “je suis pas ta cousine”...au cas où j’avais pas déjà pigé la première fois. “-Je t’ai déjà entendue tout à l’heure, Daniela.” que je réponds, en utilisant ce prénom qui existe quasiment jamais entre nous. Je saurai même plus dire de quand date la dernière fois où je l’ai employé. Et parce qu’on se refait pas, je finis par ajouter bien vite, en levant les épaules : “-Et j’aurai pas besoin de passe-droit, ni de traitement de faveur. Je viens, je fais ce que j’ai à faire, et je rentre. Ce sera pas plus compliqué que ça.” Ca a pas à l’être. Et clairement, je pourrais pas traîner des masses après mes services si je suis censée me remettre à bosser moins de huit heures plus tard ailleurs.

Je regarde de nouveau autour de moi, et je dois bien admettre que je suis curieuse de voir ce que ça va donner, quand ce sera ouvert, et fréquenté. Je crois que contrairement à Maddy et Athy, je me rends pas forcément compte du potentiel de cet endroit, mais les connaissant, je suis sûre qu’elles ont pensé à tout. Dans les moindres détails. D’où mes nouvelles questions : “-Je bosserai en binôme ? Et est-ce que vous avez pensé à un dress code particulier ?” Je préférerai éviter d’avoir à acheter un truc pour que ça colle avec leurs idées, pour des raisons de budget, évidemment, mais si Athena me dit qu’elles ont opté pour des hauts roses à paillettes -ce dont je doute quand même- je m’y plierai. Je lui demanderai bien aussi si y’a une politique particulière sur les pourboires, mais j’ai comme l’impression que c’est pas une hyper bonne idée. Je tapote des mains sur le comptoir, avant de lâcher en vidant mes poumons comme si je retenais ma respiration depuis trop longtemps : “-Bon…et la question à 1 000 balles. On dit à nos mères que je travaille pour toi, ou on garde ça entre nous ?” Parce que nos mamans, elles peuvent se montrer excessives, elles aussi. Faut bien que nos caractères viennent de quelque part.

Athena marmonne je sais pas trop quoi dans sa barbe, mais je prends le parti de faire comme si de rien était, persuadée que ce serait pas une bonne idée de la faire répéter alors que la tension est gentiment en train de retomber. C’est un peu une spécialité de la famille, ça, s’énerver, laisser le ton monter, s’envoyer quelques gentillesses à la tronche, et quelques minutes plus tard, quand chacun -enfin, chacune la plupart du temps- a dit ce qu’il avait à dire, les décibels diminuent de nouveau, le calme reprend ses droits, et les esprits sont calmés. On est comme ça dans la famille, des sangs chauds, comme on peut l’entendre parfois.

Quoiqu’il en soit, notre petit coup de sang est désormais derrière nous, et on peut reprendre une conversation plus sereine. Enfin, plus sereine…façon Espinoza/Reyes, quoi. Et parler de Curtis était sans doute la diversion parfaite. Peut-être que je me doutais déjà de la réponse qu’allait me donner ma cousine, mais l’occasion était trop belle pour pas la saisir. Et à cette réponse que m’adresse la métisse, je peux pas retenir un léger ricanement moqueur. “-Pfff, tu parles ! Maddy est pas dans le coin, pas la peine de nier. Pas avec moi.” que je dis dans un clin d'œil, parce que je suis persuadée que ma cousine aussi aurait été plus que réceptive aux charmes du jeune boxeur si la situation avait été différente.

Téléphone en main, je consulte mes prochains emplois du temps au Diner, pour vérifier mes disponibilités les soirs évoqués par Athy, en venant rapidement à la conclusion qu’Hailey acceptera sans doute d’échanger certaines de ses heures de travail avec les miennes, pour que je puisse bosser ici. C’est sans doute l’un des nombreux avantages au fait de bosser avec une amie proche, outre le fait de pouvoir faire bloc contre les débiles, c’est qu’on arrive toujours à arranger l’autre quand y’a besoin d’un changement de planning. Je relève quand même le nez de l’écran à la proposition d’Athena, haussant légèrement les sourcils. En règle générale, c’est à l’employé de s’adapter, pas à l’employeur. Du coup…“-Non, t’inquiètes pas. Je vais me rendre disponible aux soirs demandés. Mais merci.” que je dis, prenant quelques secondes pour adresser un sms à Hailey concernant ce fameux changement.

Deux secondes de plus, et le téléphone retrouve sa place dans la poche arrière de mon jean, alors que la remarque de ma cousine m’arrache un sourire en coin amusé. “-Ah oui, voyez vous cela ? Je suis ravie que tu abordes le sujet de la paie cependant. Alors…combien ?” que je demande l’air de rien, même si c’est quand même un sujet qui a son importance. Parce que bon, quitte à faire des heures en plus, et à rogner sur mon potentiel temps libre, faut quand même que ça vaille le coup, pas vrai ? Je me fais pas trop d’illusions concernant le fait que des barmaid, et des serveuses, elle peut en trouver à tous les coins de rue. Les Downfalliens ayant besoin de thunes sont monnaie courante ici, elle pourrait me trouver facilement des tas de remplaçantes en un claquement de doigts. Donc…ouais, va falloir filer droit.

Sauf que, pour être sûre de filer droit, il faut que je connaisse le mode de fonctionnement de cet endroit. Pas de question, des pièces interdites, et Athy est pas Athy ici. Bon, ça fait quelques infos, mais il en manque encore quelques unes…genre la tenue. A la réponse de celle qui est en train de devenir ma nouvelle Boss -l’une d’entre elles en tout cas- je force une moue indignée sur mon visage, alors que je réponds aussitôt : “-Pas de bikini ? Ben mierda alors ! J’étais prête à mettre mon plus beau maillot à froufrous. Mais note cependant que tout ça, là, ça aurait assurément ramené du monde !” que je dis en tournant sur moi-même, incapable de m’empêcher de pouffer parce que primo, je suis pas du genre à m’exhiber, et deuxio, j’estime pas vraiment être le type de nanas sur qui on se retourne quand on me croise dans la rue. Et franchement, ça me va, hein. La bombasse du groupe, ça a toujours été Hailey, et ça m’a toujours convenu. Du coup…ouais, pas de bikini, ni de mini-jupe, de décolleté jusqu’au nombril, ou de chaussures si hautes que je me casserai la cheville au moindre faux pas…ouais, ça me va totalement ! Et en même temps, connaissant Maddy et Athena, évidemment que j’allais pas devoir me transformer en bimbo pour bosser ici.

Bon, la tenue : check. Reste à savoir si je vais me farcir un ou une collègue pour bosser, ou si je vais être en totale autonomie. Je dis me farcir, mais dans les faits, ça me dérangerait pas tant que ça. A moins de tomber sur une pipelette -la/le pire binôme du monde- c’est souvent agréable d’avoir de la compagnie pour bosser. Du coup, j’hoche la tête à la réponse d’Athena, notant dans ma petite tête sa réponse. C’est que mine de rien, ça en fait des infos à retenir. “-Ouais, je me bile pas trop non plus.” Parce que pour le coup, j’en suis pas vraiment à mon coup d’essai. Mais y’a quand même pas de raison que ça le fasse pas. “-Mais pour qu’on soit raccord…l’idée d’un binôme me dérange pas, hein. Même si, ouais…je devrais me démerder sans trop de soucis.” Et j’ai un léger hochement de tête alors qu’une autre idée me vient subitement en tête.

J’hésite quelques secondes à partager ladite idée avec Athena, avant de finalement me jeter à l’eau. Faut dire qu’elle est tout autant concernée que moi, donc bon…faudrait qu’on sache si on met nos mères au courant de notre petit arrangement, ou au contraire, si on garde ça pour nous. J’ai un hochement de tête vigoureux dès les premiers mots de ma cousine, aussitôt suivi d’une grimace. Ouais ça pour m’en souvenir, je m’en souviens encore. Sûre que Lucia aussi s’en souvient. N’importe quel Espinoza-Reyes présent ce jour-là s’en souvient. Les voisins s’en souviennent sans doute aussi d’ailleurs. C’était pas très joli à voir. Et pas davantage à entendre. Ca fait un sacré bruit une maman Reyes pas contente. Et je sais aussi tout le boucan que peut faire une maman Espinoza de mauvais poil. Bon…la question se pose vraiment, finalement. On se la joue suicidaire ? Sacrée bonne question.

J’ai un léger soupir alors que je finis par poser mes fesses sur l’un des tabourets, fronçant légèrement le nez. “-Je suis à deux doigts de te proposer de tirer ça à pile ou face…” que je réponds après quelques secondes de silence, laissant un léger sourire filer sur mon visage. En vrai…je crois que j’ai la réponse à la question, même si elle risque de plaire à aucune de nous. “-Je crois qu’il faut qu’on se montre honnêtes, et qu’on dise la vérité à nos mères. J’ai moyennement envie que l’une de nous trois laisse échapper un jour un truc, et qu’on se retrouve avec ta mère et ma mère sur le dos à nous faire la morale en même temps. Aucune de nous a envie de vivre ça.” Et je lui fais les gros yeux, avec cette expression à la limite de l’horreur. Alors ouais, évidemment que j’en fais un peu trop, mais…Athena sait les proportions que ça pourrait prendre. “-On devrait le dire à nos mères chacune de notre côté. Comme ça, elles nous feront la morale chacune de leur côté, et ensuite elles s'appelleront pour se demander ce qu’elles ont fait de travers dans notre éducation pour qu’on en soit arrivées là.” Encore une fois, je peux pas retenir un sourire un brin moqueur, parce que ça risque vraiment de finir comme ça avec nos mères.

La désactivation du volcan Reyes est un succès, s’en est fallu de peu qu’elle foute de la lave partout avec sa crise de colère à la con. Merci Curtis d’avoir été la parfaite distraction. Il l’est à bien des égards, mais là, on s’égare un peu, et c’est plus trop le sujet. Je note quand même qu’évoquer un type bien foutu est plutôt efficace quand Athena fait son Athena, un détail qui pourrait m’être utile à l’avenir. On va pas se mentir, c’est pas la première fois qu’on se frite un peu, et on sait bien toutes les deux que ce sera pas la dernière non plus. Ce qui veut pas dire qu’on s’aime pas, et tout ça, loin de là, même. C’est juste la façon de communiquer principale de notre famille. Et on échappe clairement pas à nos gènes.

Enfin, malgré les tensions initiales, on tombe rapidement d’accord sur le fait que ce cher Curtis est tout ce qu’il y a de plus agréable à regarder, un fait dont Lucia et moi avons déjà longuement discuté, en nous marrant comme des préados qui découvrent leurs hormones. Y’a peut-être même des chances que ce brave combattant nous ai déjà entendu, mais ça nous a jamais vraiment arrêtées pour autant. Mon sourire se fane quand même un peu quand Athy mentionne son défunt mari, alors que je me contente d’une vague moue pour toute réponse. Mouais, bon…l’idée c’était pas non plus de raviver des souvenirs douloureux, juste d’évoquer un truc léger, pour qu’on évite de s’arracher la tronche comme on était à pas grand-chose de le faire.

Maintenant qu’on s’est mises d’accord sur le jour où je viendrai faire un essai au fight club, il reste encore deux trois détails à évoquer, comme le salaire, par exemple. Parce que mine de rien, Athena sait comme moi que je suis trop en galère de thunes pour me passer de quelques précieux sous que pourrait me rapporter mon boulot ici. Dix dollars, okay…c’est un début. Un vrai début, j’entends, c’est Athy qui vient de le dire en indiquant que ce sera “pour le moment”, ce qui laisse penser que le salaire sera évolutif. Partager les pourboires me dérange pas, mais je tique assez vite sur un truc qu’elle a dit, et qui me fait froncer légèrement les sourcils : “-Tu vas bosser derrière le bar aussi ?” Enfin ouais, ça pourrait être logique pour quiconque a connaissance de ce qu’elle faisait avant, mais bon…j’imaginais qu’étant l’une des Boss, elle resterait plutôt en retrait, genre dans les arrières salles, ou alors là où elle peut zieuter que tout se passe bien, et qu’aucun client fait de la merde. Parce que sans que ce soit vraiment surprenant, et l’alcool aidant, ça étonnerait aucune de nous que certains clients s’échauffent un peu, et que ça puisse déraper.

En tout cas, je peux dire sans me planter que c’est l’entretien d’embauche le plus cool que j’ai jamais passé. Et putain, j’en ai passé des tas. Alors ouais…c’est peut-être parce que c’est ma cousine qui me le fait passer, même si ça rend aussi la situation un peu particulière. Un fait dont on a sans doute toutes les deux conscience, même si aucune de nous trouve utile de mettre des mots dessus. Ici, Athy sera ma cheffe, Daniela même, et pas ma cousine, elle l’a répété suffisamment de fois pour que ça s’imprègne bien dans mon petit cerveau. Mais en dehors de ces murs, elle redeviendra Athena, ma cousine, que je me ferai toujours autant de plaisir à emmerder. Après tout, elle est l’une des premières à crier haut et fort, et à qui veut bien l’écouter, que je suis une emmerdeuse née.

On a presque fait le tour de ce nouveau boulot, je crois. Et j’en sais suffisamment pour avoir envie de tenter le coup. C’est rien que j’ai pas déjà fait de toutes façons, et je suis sûre que c’est comme le vélo, ça s’oublie pas. Puis je peux pas dire, je suis du genre à m’adapter assez facilement, alors je le sens plutôt bien. Reste quand même à évoquer un petit détail qui pourrait avoir son importance, à savoir avec qui je vais travailler. Ou plutôt, comment je vais le faire. Et là encore, je suis pas bien difficile, qu’il s’agisse de bosser en solo, ou avec un binôme, je m’adapte facilement. Et puis, j’ai le contact assez facile avec les gens, alors ça aide. Du coup, la réponse d’Athy me convient parfaitement, et je m’empresse de hocher la tête avec conviction. “-Pas être un boulet, c’est la qualité première que je mets toujours en avant sur mes CV.” que je dis dans un grand sourire de tête à claque, même si j’imagine qu’elle doit déjà le savoir, puisqu’elle me propose de bosser pour elle. C’est qu’elle a un minimum confiance, j’imagine.

En attendant, j’ai quand même envie d’assurer, pour ce job. Je me rends bien compte qu’Athena me donne ma chance, alors qu’elle pourrait trouver des serveuses à la pelle en claquant juste des doigts. Des nanas en manque de thunes, y’en a des tas dans le coin, elle aurait pu en trouver sans risquer de mêler la famille à ça. Ça comporte des risques, évidemment. D’autant plus quand on connait nos mamas...et leurs caractères encore plus explosifs que les nôtres. Parce que ouais, y’a de fortes chances qu’on les entende râler, et pas qu’un peu. Surtout si elles l’apprennent de quelqu’un d’autre que de l’une de nous deux. Ce qui fait que…ouais, faut qu’on prévoit un moment pour leur dire, et sans tarder. Athena a l’air d’accord avec moi sur ce point, même si elle tarde pas à souligner le fait qu’on a intérêt à lâcher le morceau en même temps, sinon l’une appelera l’autre, et au final, on se fera sermonner jusqu’à ce que mort s’ensuive. Nope, non merci. Ça tente aucune de nous, ce genre de plan foireux. Donc ouais…faut le dire en même temps. Bon, pas à la minute près, évidemment, mais presque, ce serait bien. On balance ce qu’on a à balancer, et ensuite on les laisse faire leur debrief, bien loin de nous.

J’ai un sourire en coin quand je vois Athena descendre son verre cul sec, comme si elle avait besoin d’une dose de courage liquide. C’est dire à quel point nos mères ont un impact sur nous, malgré le fait qu’on soit adultes. Demain soir ? Je passe rapidement en revue mon emploi du temps pour les jours à venir, et laisse échapper une légère grimace. “-Demain soir, avant 18h30 si c’est okay pour toi ? Faut que je passe chez mes parents dans l’aprem, Sofia a besoin d’aide en trigonométrie. J’ai pas encore trouvé de bonne façon de dire que je suis une vraie quiche et que j’y connais plus grand chose, aux maths…” que j’ajoute, pleine d’autodérision. Je suis pas un génie, ça, c’est une certitude. J’en serai sans doute pas là aujourd’hui, sinon…

Et puisqu’on a un deal, ou un truc qui y ressemble, je tarde pas à lever mon verre à l’attention de ma cousine, et boire cette nouvelle rasade de rhum arrangé made by Lucia. Ça me fait grave plaisir de me dire qu’on va bosser ensemble. On est jamais les dernières à dire -et faire- des conneries quand on est ensemble. Même si, une fois encore, la dynamique sera nécessairement différente, puisqu’on sera toutes les deux employées ici. Je repose le verre vide sur le comptoir, et en profite pour regarder autour de moi une nouvelle fois, avant de baisser la tête, pour regarder Athy. “-Je vais pas faire dans le pathos ou je sais pas quoi, mais…merci. De me donner ma chance.” que j’ajoute, après un léger hochement de tête, comme s’il était vraiment nécessaire que je précise de quoi je suis en train de parler.

La perspective de ce nouveau boulot va changer pas mal de choses dans mon quotidien. Et ça, même si on parle juste d’un ou deux soirs par semaine, par-ci, par-là. Je vais pouvoir arrêter de traquer les annonces de ménage, parce que j’en aurai plus besoin. Entre le Diner, le boulot chez la tia, les ménages nocturnes avec ma mère, et maintenant le fight club, ça devrait faciliter mes finances quelques temps. Est-ce que c’est mal que je songe déjà à refourguer certains ménages aux copines de ma mère ? Parce que suis quasi sûre qu’en troquant une nuit de ménage contre une soirée ici, et avec les pourboires potentiels, ça devrait être gagnant pour les Espinoza. Ouais…peut-être que l’idée de plus avoir à foutre mes mains dans la crasse d’autres personnes joue aussi dans la décision. Et puis…en fonction de mes horaires au resto, je pourrais même trouver quelques heures les aprem pour faire des trucs un peu plus sympa que trimer. Genre glander. Ou…récupérer les heures de sommeil qui me manquent depuis plus ou moins ma naissance.

Et puis, mine de rien, c’est plutôt chouette de se dire qu’on va bosser avec la famille. Je suis passée par tellement de boulots que la phase d’intégration me fait plus vraiment peur, mais…faut dire aussi que j’ai jamais noué de lien avec qui que ce soit non plus. Vu le temps que je tiens dans chaque taff, j’ai fini par me dire que ça servait à rien d’apprendre à connaître des gens que je fréquenterai même plus d’ici quelques mois. Faut pas se leurrer, même si on s’entend bien derrière un bar, la caisse d’un supermarché, ou le guichet d’un cinéma, dès que l’un ou l’autre se casse, les contacts se perdent irrémédiablement. On a beau se dire qu’on gardera contact, qu’on se reverra pour une soirée ou boire un verre…c’est jamais vraiment le cas. C’était merdique…au début en tout cas. Et finalement, on finit par s’y faire. Les gens vont, les gens viennent, et voilà. C’est la vie.

Mais ici…ce sera différent. Bosser avec la famille fait que j’aurai aucun effort à faire pour faire connaissance, et ça a aussi l’avantage de se dire que quand j’arrêterai de bosser ici, y’a genre zéro chance que je redevienne juste une inconnue. Et ça a un côté assez réconfortant. Même si, comme Athy a cru utile de le préciser, quand je bosserai ici, elle sera ma patronne, et pas simplement ma cousine. Enfin, pas du tout ma cousine, même. Juste celle qui a accepté de me donner un taff, et que je connais ni d’Eve ni d’Adam. J’imagine qu’il faudra aussi que je fasse semblant de pas connaître Lucia, si on veut pas que qui que ce soit fasse le lien entre nous toutes. Merde, ça veut dire aussi qu’on va devoir faire autre chose que se chamailler avec la prima, et ça, je sais pas si on va pouvoir y arriver à long terme.

Je bois une nouvelle gorgée de ce merveilleux rhum arrangé, avant de tiquer sur un des trucs que vient de lâcher Athena. Ça me dérange pas de l’avoir derrière le bar, quand on connaît son passif, c’est même assez logique. Et pourtant…ça l’est plus tant que ça, maintenant, au vu de la situation. Je fais une petite moue blasée quand elle fait mine de me chambrer, en se montrant ironique à souhait, alors que je lui réponds presque aussitôt : “-Ben quoi ? T’es devenue une des Boss maintenant ! Ce serait pas si déconnant du coup de penser que tu vas laisser les clients et le bar aux autres, et t’occuper de tout gérer de loin…sans te mêler à la populace. » que je précise, dans un petit sourire en coin amusé. Y’a plein de monde qui, dans sa situation, aurait délégué à mort juste pour pas avoir à gérer les clients relou, les remarques à la con, les monologues des types bourrés qui finissent par s’affaler sur un bout du comptoir. « -Mais j’aime bien l’idée ! Ca va être cool de bosser ensemble ! » que j’ajoute dans un grand sourire, en oubliant d’être sarcastique au passage. L’idée m’enchante vraiment.  

Et si nous, ça nous tente plutôt bien…j’en connais au moins deux qui seront nettement moins ravies, et qui s’emballeront pas des masses face à la nouvelle. Ouais, nos mères, en effet. Nos mamans ultra protectrices, aux idées plus qu’arrêtées, aux caractères explosifs, et qui risquent de méchamment vriller s’il nous venait l’idée absolument stupide de pas les informer de mon nouveau job, et de l’opportunité que me donne Athy, et qu’elles l’apprennent par quelqu’un d’autre. Et comme on est beaucoup trop jeunes pour mourir -et Athena beaucoup trop belle- on va éviter que ça arrive aussi vite. Donc ouais…ce sera sans doute pas une partie de plaisir, mais…faut le faire. Il suffira juste d’y aller sans tourner autour du pot, et basta. Et quand la mama se mettra à crier, j’aurai juste à dire qu’on m’a appelé pour que je commence en avance, et voilà. Et non, c’est pas de la lâcheté ! Presque pas. C’est juste que quand maman Espinoza commence à monter sur ses grands chevaux, ça sert à que dalle de tenter de répliquer ou de raisonner. Elle trouve toujours le moyen de déformer tout argument, et ça vire au dialogue de sourds. La seule chose à faire, c’est la laisser s’exprimer, crier, et redescendre en pression à son rythme. Même si on est pas à l’abri d’un petit regain de cris la prochaine fois qu’elle me verra. Et me dire qu’Athy aura droit plus ou moins à la même chose me console pas du tout.

Et puis…je me dis que quand les dollars rentreront, ça apaisera un peu la colère de ma mère. En plus de ça, bosser avec la famille est bien moins craignos, même ici et dans ce contexte, que certains autres boulots que j’ai pu avoir. Mais bon…je sais que j’aurai plus de chance si j’essayais de trouver une solution contre le réchauffement climatique que si je tentais de faire changer d’avis ma mère. « -On se dit qu’on s’appelle pour faire un briefing après ? J’ai hâte que tu me racontes ce qui promet d’être une charmante conversation mère/fille. » que je demande dans un sourire malicieux, avant d’hocher la tête avec conviction à sa proposition. Ca me fera plaisir de voir la minimoy en plus. « -Mais carrément, bordel ! J’ai pas arrêté les cours pour me taper des maths à l’aube de mes trente ans ! » Et sans trop savoir pourquoi, je juge utile de taper de la main sur le bar pour appuyer mes propos. « -Ce serait vraiment cool, merci. » Et ça m’éviterait de passer pour un âne auprès de ma sœur.

On trinque à notre toute nouvelle collaboration, et tout juste après avoir terminé mon verre, j’en profite pour regarder autour de moi, dans mon tout nouvel environnement de travail. Je suis sûre que ça le fera, et j’ai franchement tout à y gagner. Et même si on est pas hyper fan des démonstrations d’affection dans la famille, je le pense sincèrement quand je la remercie pour cette opportunité qu’elle me donne. Je retiens pas un petit sourire en coin à sa réponse, avant de lever légèrement les yeux au ciel : “-Oui Madame Derozan. Comme il vous plaira, Madame Derozan.”, alors que je fais une petite révérence factice. Bordel…il va falloir que je fasse attention au début, pour m’éviter quelques familiarités que j’ai habituellement avec elle, et que je pourrais bien évidemment pas avoir avec ma future patronne. Idem pour Lucia, du coup. Avec un peu de chance, y’aura tellement de boulot qu’on aura pas l’occasion de discuter tant que ça.

Et en attendant d’être vraiment en situation, et face à la clientèle, je traîne encore un peu pour me familiariser avec le fight club 2.0. C’était pas vraiment le genre d’endroit où je traînais avant, et pas mal de choses ont changé, mais j’aime bien l’idée de me dire que pour une fois, je connaîtrais les lieux pour mon premier jour. Je demande à Athy de me faire encore une visite des lieux, et de me dire plus précisément les lieux qui me seront interdits. Faut pas croire, même si j’ai un petit côté tête à claques, quand il s’agit de la famille, j’ai tendance à respecter les règles. Elle me montre les réserves, ce qui fera office de vestiaires aux combattants et au personnel et on retourne même faire un tour à l’étage, l’endroit que je trouve le plus intéressant de tout le club. Je trouve ça vraiment malin, ce coin surélevé où on a une vue sur toute la salle. “-Je me répète mais…vous avez fait du beau boulot ! Je suis sûre que l’endroit va marcher de ouf.” Et finalement, et bien qu’il y ai aucun billet à la clé, mais juste parce que c’est la famille, je lui propose de rester l’aider à ranger ce qui a encore besoin de l’être, de nettoyer par ci, de faire briller par là, alors qu’on finit par échanger nos anecdotes de quand on bossait derrière un bar, en sifflant encore un peu du rhum de Lucia…qui finit d’ailleurs par pointer le bout de son nez. Elle saute dans tous les sens quand Athy lui explique que j’ai passé mon entretien d’embauche avec brio -ou presque-, et qu’on sera bientôt collègues. Et fidèle à elle-même, Lucia finit par monopoliser la parole, sans que ça soit vraiment dérangeant pour autant. Faut dire qu’on à l’habitude, maintenant. Et tandis que ma nouvelle patronne et moi échangeons un regard amusé qui passe inaperçu auprès de ma cousine, je me dis que ouais, vraiment, j’ai hâte de commencer.