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 [TERMINÉ] Vade Retro [Mickaëla x Kyoran]

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Kyoran Gweria
Kyoran Gweria
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MessageSujet: Re: [TERMINÉ] Vade Retro [Mickaëla x Kyoran]   [TERMINÉ] Vade Retro [Mickaëla x Kyoran] - Page 2 EmptyMer 9 Nov - 16:06

D’un balayage consciencieux, le regard de Kyoran analysa ce nouveau décor. Six tables le long des baies vitrées, plus tout un comptoir bordé de tabourets s’étendant d’un coin à l’autre du diners, lui donnant un air de couloir. Un vieux, là bas, tout au fond, avec une casquette presque aussi enfoncée sur ses yeux qu’il l’était dans son siège. Sa main tenait un crayon de papier mais la grille de mots croisés ne semblait pas se remplir bien vite. Une serveuse. À travers l’ouverture qui communiquait avec les coulisses, le bruit un peu fainéant d’une radio mal réglée et celui plus flemmard encore d’une cuisine qui ne s’activait pas. Sans doute une seule personne là derrière. Pour ne pas faire griller de steack, ils n’avaient probablement pas besoin d'être plus.


Il n’y avait plus réellement de moments de détente pour Kyo. Même là, ses réflexes prenaient les commandes sans qu’on leur demande quoi que ce soit. Ils notaient pour elle le nombre et l’emplacement des sorties, la quantité de personnes dont elle devait potentiellement se méfier, les objets qu’elle pourrait éventuellement utiliser comme arme, si elle avait besoin de se défendre. Elle s’installa sur une banquette, une autre table derrière elle, mais vide. Personne pour la surprendre. La vitre lui permettait de surveiller passivement les allers et venues : elle verrait toute personne passant la porte à clochette.


Elle jugea la situation suffisamment contrôlée pour se relâcher, juste un peu, et reporter son attention sur des éléments moins essentiels à sa survie. Le carrelage à damier noir et blanc, le vynile bordeau usé de son siège, les baskets blanches de la serveuse. On aurait presque dit un de ses cafés préférés à New York. S’il avait pris 20 ans dans les dents d’un coup. On retrouvait le même genre d’esthétique, ce style désuet qui vous donne l’impression d’entrer dans une bulle temporelle. Sauf qu’ici, il faisait triste et fatigué, quand là-bas il était rafraîchissant et adorablement rétro. Là-bas, on jouait sur les codes du passé. Ici, tout était d’époque et avait mal vieilli. Même la serveuse faisait plus vieille que son âge.

Puis Kyoran nota Ben, qui tentait de négocier une place à ses côtés et lui envoya son regard le plus culpabilisateur lorsqu’elle lui indiqua de rester par terre. Il ne le savait pas, mais dans sa tête, elle lui promettait de partager ses frites, s’il était sage. Elle regarda enfin la carte. Puis le visage de la serveuse qui revenait prendre leurs commandes. Elle observait tout, ou presque. Tout, sauf Mickaëla.


“Une salade composée s’il vous plaît.”


C’est cette phrase qui lui fit briser sa grève du regard. Elle était prête à fulminer : après toute cette galère pour l’amener ici, pour s’assurer qu’elle avale un repas, elle allait manger trois feuilles de laitue ? Mais la psy du sentir le vent de tempête qui s'apprêtait à s’abattre car elle ajouta précipitamment un dessert à sa commande.


“Et pour moi un croque-monsieur avec des frites, merci.”


Elle hésita à ajouter un milkshake à sa fantaisie vintage, mais elle n’était pas sûre de vouloir étirer ce moment de convivialité. Et après tout, il serait toujours temps d’en commander un plus tard.

La serveuse acquiesça avec entrain, en décalage complet envers l’absence de vie de ce lieu. Ceci dit, elle était peut-être juste ravie d’avoir enfin quelque chose à faire.


“Ça rappelle la fac, tu ne trouves pas?”


Kyoran reporta enfin son regard sur sa compagne. Elle pouvait difficilement faire autrement maintenant, et puis le repas serait long si elle le passait à l’éviter. Elle fut surprise de déceler l’ombre d’un sourire. Comme quoi, tout arrive.


“Avec vingt-cinq ans de rides et de soucis en plus.”


Elle avait beau dire, elle n’avait pas tellement changé. Bien sûr, le temps avait rendu le visage moins lisse, et les ennuis l’avaient rendu plus anguleux. Mais sous ce déguisement, elle reconnaissait bien la jeune adulte qu’elle avait été, jadis. Elle était toujours là.


“Et la gueule de bois en moins.”


Kyo tendit un sourire sur ses lèvres, aussi mordant qu’un carreau d’arbalète. Elle n’avait pas passé beaucoup de temps sobre, adolescente. Que ce soit saoule d’alcool, de drogues ou d’amourettes, il y avait toujours un truc pour lui faire tourner la tête. De quelques années plus jeune que sa camarade, elle compensait à l’époque sa jeunesse par un goût de l’excès et de l’incorrection. Elle n’en avait rien à faire de rien, et puis si elle pouvait foutre son père en rogne en plus, c’était tout bénef’.

Micka devait la trouver changer, elle. Elle était bien loin la party girl. Non, maintenant, elle prenait soin d’elle. Après tout, son corps était son outil de travail, elle se devait de le garder aussi affûté que son esprit. Mais en y réfléchissant, son corps avait toujours été son meilleur outil, mais il était intéressant de voir comme son rapport avait changé. Terrain de toutes les expérimentations, sortilège de toutes les séductions, il était devenu un nerf, une corde, un couteau. Un corps qui avait changé en même temps que ses objectifs.


“Je n’aime pas trop la fille que j’étais à cette période.”


Son regard vert de gris s'attardait dehors, comme si elle se parlait plus à elle-même qu’autre chose.


“Toi non plus d’ailleurs, tu ne l’aimais pas trop. Non pas que ça ait changé, de toute manière.”


Elle aiguisa un nouveau rictus, piquant, en ramenant son attention sur la psy. Mais déjà, la serveuse revenait avec leurs assiettes.

___________
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Mickaëla Andersonn
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MessageSujet: Re: [TERMINÉ] Vade Retro [Mickaëla x Kyoran]   [TERMINÉ] Vade Retro [Mickaëla x Kyoran] - Page 2 EmptyMar 22 Nov - 20:18

Et voilà que je retourne dans la machine à remonter le temps. Sauf que cette fois-ci je vais beaucoup plus loin. Que je zappe les détails déprimants entre les deux. Tiens ça fait du bien. Généralement quand je m’y essaie seule, je n’arrive pas à retourner aussi loin. Il arrive toujours à me rattraper. À m’enfermer. Comme pour m’empêcher de me rappeler. Qu’il y a un avant-lui. Tout comme il y a eu un après. Enfin, un jour il finira bien par y en avoir un … non ?
Mais voilà ! Vous voyez ! Il n’est juste pas foutu de me laisser divaguer dans la nostalgie en paix non ! Espèce de c …

Le mot reste coincé dans mon subconscient. Même après toutes ces années, même après toute cette émotion à l’état brut, même après tout ça je n’arrive toujours pas à le cracher. Peut-être que je devrais un jour penser à consulter. Ha. Ha.
C’est le moment que Kyo choisit pour rajouter la gueule de bois. Celle que je n’ai pas vraiment connu. Du moins pas à cet âge-là. C’est d’ailleurs elle qui m’a valu ma première. Ah, chouette, on repart sur la bonne voie ! Creuse, creuse, creuse, nage, nage, hop on va y arriver !

Je sens l’ombre d’un sourire s’éprendre de mon visage tandis que mon regard dérive vers l’extérieur. C’est fou ce réflexe corporel de se détourner de la réalité pour se projeter dans ce qu’elle fut jadis. Car même si la scène se passe dans le passé, à l’époque de sa survenance elle n’était rien de plus que présent – et, de fait, réalité. Oui oui je sais, on part loin et ce dans tous les sens du terme. Je me rappelle vaguement notre première fois. Haha, une deuxième tiens, pour le coup. C’est qu’elle va avoir les chevilles qui gonflent et les oreilles qui sifflent à cette allure-là. La première fois donc, en occurrence celle de notre rencontre. Elle venait d’arriver au campus. J’y trainais depuis de longues années déjà. Je ne sais même plus vraiment comment c’est arrivé, mais peu importe car le résultat final reste sensiblement le même : on a fini par passer la soirée ensemble. Et NON, je vous coupe direct, pas dans ce sens-là. À l’époque il n’y avait même pas encore Will, c’est pour vous dire. Fichtre, le voilà encore ! Allez dégage, ton tour viendra après ! Notre première soirée donc. Enfin, la mienne surtout vu que Kyoran … eh bien, disons que cela coulait un peu de source qu’elle n’était pas à son premier essai. Le qui, du pourquoi, du comment – on va également les laisser pour ce qu’ils sont. Mais j’ai bu, et j’ai bu encore et – tant qu’à faire – encore un peu plus. Pour une première fois, ça faisait beaucoup. Inutile de préciser que si on devait remettre ça sur le tapis de nos jours … mais passons, Kyo n’est pas obligée de découvrir que je suis devenue un peu trop copine avec la bouteille depuis quelques années. Même si elle a dû le deviner. Tout le monde a dû le deviner. À moins que je me fasse des films sur la réalité qui s’affiche sur mon front dès que quelqu’un prend un tant soit peu le temps de poser son attention sur moi. Pow pow pow, on retourne à la case déprime là. Zap !

Kyoran se veut bien plus rabat-joie pour le coup en rajoutant qu’elle n’apprécie (bon, ce n’est pas le verbe qu’elle a utilisé, mais il s’y prête un chouia mieux je trouve) pas trop celle qu’elle était. Eh bien tant pis pour elle car, primo ce qui est fait est fait (c’est profond, je sais je sais), deuzio c’est cette même fille pas-aimée qui a fait d’elle celle qu’elle est aujourd’hui. Eh oui, qu’elle le veuille ou non, c’est le même prix. En fait non, ça pourrait être différent, mais comme toute bonne chose qui se mérite : c’est plus cher. Pas que ça doit manquer de billets verts dans ses poches. Quand bien même elle n’a finalement pas daigné m’inviter au resto de la haute. Ce que je peux comprendre. Heureusement il y a le chien pour compenser. Et jouer le rôle de la victime toute désignée.

En parlant du loup, j’ai reporté presque instinctivement mon regard sur lui. Ce qu’il semble prendre pour une invitation à plus. Je hausse un sourcil. Sceptique. Il pense chiner quoi là au juste, la feuille de laitue que sa (presque-)maîtresse a failli me faire avaler avant même qu’elle ne soit servie ? La moitié de mon muffin ? Il aurait pu, si j’avais pris l’option sans le chocolat. Je n’ai pas spécialement envie de me retaper la clinique vétérinaire ; même si lui va y repasser sous peu pour scanner son magnifique peluche. Bonne chance à Kyo pour ramasser tout ce qu’il va perdre dans sa bagnole. Bob au moins il est rasé de près. Je divague ? Non, vous croyez?

Je relève mon attention vers elle à la dernière pique. Celle qui ne cache pas son sous-entendu. Celle qui aspire à ce qu’on se la prenne en pleine face. Je sens ma tête se pencher ce tout petit peu de côté. Comme pour mieux cerner mon interlocutrice. Qu’est-ce que tu cherches à faire là Gweria ? Qui est-ce que tu essaies de convaincre au juste ?
Je n’ai pas le temps de la réplique que la serveuse nous revient déjà. Soit on a toutes les deux zonés bien plus longtemps qu’on aurait dû ; soit c’est du service rapide par ici. Ce qui indique soit que c’est toujours full house et qu’on travaille à la chaîne ; soit que c’est tellement rare d’avoir du people (on pourrait dire touristes à la limite) qu’ils tentent de nous chouchouter en faveur d’un pourboire. Dernière option, et non pas la plus improbable : ça va être dégueu. Est-ce pour autant possible avec une salade ? Ne mettons pas l’univers au défi d’accord.

- « Merci. »

Que je balance à la demoiselle qui y met du sien pour mettre les assiettes en valeur, sans trop y arriver. Cela donne quand même assez bien l’impression que ce n’est pas souvent qu’on commande lors de son service. Ou qu’elle est débutante en la matière. Ce dont je me permets de douter. Je ne lui fais pas l’affront de remettre les choses dans l’ordre avant qu’elle nous ait quitté, en demandant une dernière fois s’il ne nous manque rien. Une tenue correcte. Deux litres de sang dans le corps. Et une intraveineuse de sucre. Mais là encore je m’abstiens bien sagement de lui balancer mes pensées premières et répond pas la négative. Ah déception quand tu nous tiens.

Je la regarde encore quelques instants tandis qu’elle s’éloigne avant de revenir à mon assiette. À la vue, au moins, ça se laisse apprécier. Et c’est plus copieux que la restauration française. Mais ça, en soit, ce n’est pas bien difficile.

- « J’ai oublié la fille que j’étais à l’époque. »

Je pique dans un quartier de tomate, que je me mets ensuite à étudier comme s’il comportait un message crypté en son sein.

- « Ou plutôt, elle s’est oubliée. »

Je reporte ensuite mon attention une nouvelle fois sur Kyo. C’est fou le nombre de fois qu’on a pu se regarder depuis qu’on s’est retrouvées. Ça doit bien être la première fois qu’on arrive à passer un aussi long moment ensemble sans que ça ne parte en cacahuètes. Les vraies cacahuètes je parle, pas les broutilles précédentes. Bon, à l’époque de notre prime jeunesse (les deux filles qu’on a cessé d’être, remember) on passait plus de temps que ça ensemble sans pour autant en venir au main (ou à la langue, mais ça pourrait porter à confusion comme expression), mais pour toutes les deux ça relève d’un temps ancien et enterré.

- « Je n’ai jamais compris ce que tu lui avais trouvée. À cette fille qui était moi et qui n’avait genre strictement aucun atome crochu avec celle qui était toi. »

Cette phrase de ouf ! Le genre de philosophie bien profonde entre une tomate et une frite. L’endroit n’aurait pas pu mieux se prêter à de telles retrouvailles !

- « Pourtant, tu ne peux pas nier qu’elles ont fait de nous ce que nous sommes aujourd’hui. Avec le pour et le contre. »

Surtout le contre, mais inutile de le préciser. Ça coule de toute évidence de source.

- « Si c’était à refaire, tu changerais le cours des choses ? »

Ah, la question qui tue. La question piège. La question dont la réponse ne pourra quand même jamais effacer ce qui a été fait, dit, vécu et j’en passe. Mais qui fait du bien quand même. Juste le temps de rêvasser à une autre vie. Lointaine. Meilleure. Ou pas du tout. N’est-ce pas ?

- « Et si oui même si on sait toutes les deux pertinemment que ce sera le cas, le non serait un mensonge tellement gros qu’on risque de s’étouffer dans notre prochaine bouchée quel moment exactement ? »

Celui avant ou après notre première rencontre ?
Action ou vérité ?
Car par la force des choses, nos chemins n’auraient-ils pas irrévocablement fini par se croiser ?
Et plus si affinités ?

___________
~You were lying in the bathroom
We almost thought we lost you ~
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Kyoran Gweria
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MessageSujet: Re: [TERMINÉ] Vade Retro [Mickaëla x Kyoran]   [TERMINÉ] Vade Retro [Mickaëla x Kyoran] - Page 2 EmptyMar 20 Déc - 16:49

La fatigue de toute cette journée tomba sur Kyoran sans prévenir. À moins que ça soit la fatigue des 20 dernières années. Elle regardait dehors et elle se sentait vieille, tout à coup. Usée. Vide. Mais ce n’était pas le moment d’avoir une crise existentielle, pas maintenant, pas ici.
La nourriture arriva devant elles comme une diversion envoyée du ciel. Rien de mieux pour se donner une contenance que de triturer une feuille de salade du bout de sa fourchette. Comme (intérieurement) promis, à peine l’assiette devant elle, Kyoran légua une de ses frites à l’affreux jojo à ses pieds, qui n’attendait que ça. Il la goba avec un mouvement de mâchoire à la fois bien trop large pour le maigre butin obtenu et étonnamment précautionneux.
Son devoir rempli, elle joua du couteau pour entamer méthodiquement le croque-monsieur. Mais la réplique de Micka l’arrêta avant la première bouchée.

"J’ai oublié la fille que j’étais à l’époque. Ou plutôt, elle s’est oubliée.
Heureusement que je m’en rappelle pour deux alors."


Elle arqua un nouveau sourire salé, avant de goûter son plat. Bon. Au moins ce n’était pas brûlé.
La psy semblait quant à elle absorbée par une tomate, sans doute à se demander “tentera? tentera pas ?”. Mais elle ne tarda pas à reprendre le fil de ses pensées, plutôt que de manger. À croire qu’elle faisait tout pour repousser le moment de se sustenter.
Ce qu’elle lui avait trouvé, à l’époque ? Hum. C’était difficile à définir.

“Justement. Tu n’avais rien à voir avec moi. Je ne sais pas si j’espérais que tu déteignes sur moi, ou que je déteigne sur toi. Mais j’étais curieuse de voir.”

Il y avait un peu de hasard aussi. Elle s’était simplement trouvée là. Elle ne semblait pas éviter sa présence (au début du moins). Il n’en fallait pas toujours plus à la Kyo de l’époque. À l’époque, tout l’ennuyait. Les soirées avec la jeunesse dorée new yorkaise lui semblaient déjà vues et revues. Les excès n’étaient déjà plus vraiment excitants. Alors Micka, avec son sérieux, ses études, sa mesure, c’était différent. Pas forcément mieux, mais différent. Peut-être que, comme de tout le reste, Kyo se serait lassée après quelques mois ou années de plus. La malédiction qui avait frappée leur amitié n’en avait toutefois pas laissé l’occasion. Mais ce n’était peut-être pas une chose à dire. Et de toute façon Mickaëla était déjà lancée sur la suite de ses idées.
Ces deux gosses auraient fait d’elles ce qu’elles sont aujourd’hui ? Kyoran resta silencieuse, mais elle n’était pas vraiment d’accord. La fille qu’elle était à 20 ans n’avait pas vraiment eu son mot à dire sur son évolution. Le destin, les drames avaient complètement déformé ses contours, comme un vulgaire bonhomme en fil de fer écrasé sous une pierre. Ce qu’elle était avant n’avait que peu compté dans la transformation. En vérité, il s’agissait presque d’une coupure, et de deux vies, deux personnes différentes, plutôt qu’une évolution.

“Si c’était à refaire, tu changerais le cours des choses ?”

L’interrogation la sortit un peu de sa rêverie, mais pour la replonger aussitôt dans une autre. Combien de fois s’était-elle posé la question ? Combien de fois avait-elle essayé de déterminer le moment crucial où tout avait basculé ? À quelle étape revenir en arrière pour tout effacer ? C’était impossible. Elle avait déjà imaginé une vie où elle n’avait jamais rencontré Sat, où son père n’avait pas été tué cette nuit-là, où ils n’avaient pas fini en cavale. Mais non, malgré les emmerdes, malgré les blessures, pour rien au monde elle n’aurait voulu effacer Sat de sa vie. Pas cette période-là, en tout cas.
Après alors ? Oui, peut-être. Peut-être qu’une fois leur innocence reconnue, ils auraient dû quitter New York, abandonner l’entreprise, finir quelque part où le monde les aurait oubliés. Sat ne serait jamais devenu ce requin de “Christopher”. Elle ne l’aurait jamais surpris avec une autre. Il n’aurait jamais détourné la moitié des fonds de sa boîte avant de la planter là, à être à nouveau la risée de la ville. Elle n’aurait jamais eu à devenir Blake Baccara.

Elle réalisa soudain que Micka ne parlait pas de la vie en générale, mais de leur relation, à elles. Elle réalisa en même temps à quel point sa mâchoire s’était crispée, juste en repensant à tous ces regrets. En imaginant ce qu’ils auraient pu avoir, ailleurs. En imaginant ces réalités alternatives où elle n'était pas une moitié arrachée à un tout. Enfin, elle réalisa à quel point, quand on parlait de changer l’histoire, quand on parlait de regret, peu importe le temps passé, peu importe le contexte, ses premières pensées allaient toujours à Sat. Comme une tâche qu’on n’arrive pas à effacer malgré tous les efforts.

Kyoran se laissa un peu retomber en arrière, contre le dossier, tout en prenant son verre. Elle aurait voulu avoir du vin, là, plutôt que de l’eau. Mais tant pis. Une gorgée, pour se donner le temps de reprendre ses esprits, revenir au présent, balayer l’amertume qui s’ancrait dans sa gorge. Des tanins auraient été moins âcres.

Comme pour lui offrir un répit supplémentaire, Micka précisait ses pensées avec une tirade supplémentaire. C’était marrant de voir que sa compagne prenait pour acquis qu’elle changerait les choses si elle pouvait. Kyo ne trouvait pas ça si évident. Même si elle avait le pouvoir de changer un truc, autre chose aurait merdé à la place. Very Life is Strange, very Butterfly effect.
Mais ne serait-ce que pour l'intérêt de cette conversation, admettons.

“Je crois que je te laisserais bûcher, la veille de ta première deuxième sess’, au lieu de te convaincre de traîner avec moi. Je crois que c’est ça, le tournant à partir duquel tout a déconné, pour nous.”

Elle marqua une pause, découpa un morceau de pain de mie (oui parce qu’on cherchait un peu la garniture) mais se ravisa. La fourchette tinta contre l’assiette plus vivement qu’elle n’aurait voulu. Ben leva la truffe, des fois que quelque chose tomba de la table.

“Et je te présenterais pas l’autre connard. Ça, ça va sans dire. Mais je crois que notre amitié était déjà ébréchée avant ça.
Et toi du coup ?”


Une fois la balle renvoyée, elle reprit sa fourchette. Elle n’avait pas vraiment faim, mais c’était une sorte de pilote automatique. Un devoir à remplir envers son corps. Et puis, autant profiter de ne pas être en train de parler.
Elle se surprit cependant à se sentir un peu en colère. Elle n’était plus agacée contre Micka, non. Parler de toutes les merdes du passé avait balayé ces broutilles. Elle était remontée, sans trop savoir contre qui. Un peu triste aussi. Elle ne se détachait pas vraiment de l’impression de faire un post-mortem de leur relation.

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Mickaëla Andersonn
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MessageSujet: Re: [TERMINÉ] Vade Retro [Mickaëla x Kyoran]   [TERMINÉ] Vade Retro [Mickaëla x Kyoran] - Page 2 EmptyJeu 12 Jan - 20:07

Elle a raison. Je n’avais rien à voir avec elle. Pas plus qu’elle n’avait à voir avec moi. De là à dire qui a été le plus attirée par l’autre (en tout bon, tout honneur), ah mystère mystère et boule de gomme. Probablement un peu des deux. J’aime à croire que c’était de manière équitable. Mais rien n’est moins sûr. L’être humain a cette fâcheuse tendance à vouloir s’attribuer les beaux rôles. De là à dire si c’est celle de la fille un peu rebelle qui veut se calmer ou, au contraire, de la fille un peu trop sage qui aimerait se lâcher un peu. De même, est-ce qu’il y avait seulement un beau rôle ? Est-ce que l’une et l’autre nous rêvions seulement de sauver l’autre de sa misère sociale ? Ou n’espérions-nous pas secrètement plutôt échapper à la nôtre si morose à nos yeux ? La logique voudrait que la mienne avait plus le profil pour supporter cet adjectif (j’en conviens parfaitement) ; mais cela implique qu’il faut également connaître l’autre côté du miroir. Et m’est avis que nous n’étions pas à ce point opposé dans notre débandade. Nous ne nous regardions pas vraiment mutuellement. C’est plutôt que nous regardions dans la même direction, mais chacune depuis un côté différent.

Ma question tombe.
Et laisse un petit blanc.
Je sais que nous avons tous déjà étudié cette question au moins une fois dans notre vie. À peser le pour et le contre de certaines décisions. À regretter les mauvais choix. À se féliciter des bons. À, pourtant, essayer de déterminer ce qui aurait pu se passer si les deux avaient été inversés. Reste à voir ce que nous faisons avec cette information par la suite.
Beau nombre de mes patients viennent me voir, justement parce qu’ils n’arrivent pas à tourner la page. Parce qu’ils restent bloqués dans le passé. C’est compréhensible certes ; mais irréversible en même temps. Désolée les amis, mais le retourneur de temps ça reste de la pure fiction. Tout comme la poudre de cheminette et la transplanage. On sait, on sait, ce serait vraiment un trou dans le marché actuel. Toutefois, certaines choses se doivent de rester dans le monde de l’imaginaire. Et quand on se pose, à juste titre, cette question de changement temporel ; ces broutilles anecdotiques ont vite fait de s’y immiscer. Je me surprends d’ailleurs à sourire légèrement à cette image. Kyoran semble se tordre et distordre les méninges comme si je cachais vraiment dans ma poche de sweater (après la capuche hein, la méga poche kangourou – c’est un mystère ce que cette chose pouvait bien faire dans ma penderie !) une télécommande magique avec un petit bouton tout aussi farfelu. Désolée très chère, mais tu sais aussi bien que moi que si cela avait véritablement été le cas, le bouton aurait été gros et rouge. Oui, exactement comme dans les memes.

Elle semble donc perdue en pensées. Je peux comprendre. De là à dire s’il y fait bon vire ou pas … de mon expérience (professionnelle autant que personnelle) ce n’est pas généralement le cas. Une arnaque de plus à rajouter à la liste. Elle commence vraiment à devenir (très) longue celle-là d’ailleurs.

Je ris.
Oui. Rire.
Elle pense sérieusement encore à ce moment-là?
C’est vrai que c’était assez inoubliable. Surtout le regard de mon père quand j’ai dû lui annoncer (je n’avais pas vraiment le choix, il valait mieux que ça vienne de moi que du corps enseignant … c’est le risque quand ton paternel connaît toute la clique). Cette déception. Ce renvoi de culpabilité. Pourtant, à bien y regarder, ce n’était qu’un juste retour des choses. Lui qui n’a jamais réussi à cacher le fait qu’il aurait préféré un fils … au moins là il avait une excuse toute trouvée pour me le reprocher de vive voix. Ce qu’il n’a jamais fait. Ce qu’il n’a jamais eu à faire. Comme j’aurais pu m’enfoncer dans le sol sur le coup, toute habillée, ce jour-là. Il va sans dire que personne ne m’aurait regrettée. Même pas toi, crois-moi.

Je tique un peu quand elle évoque l’autre connard bien sûr. Mais on n’a qu’à dire que c’est le bruit de la fourchette sur la céramique. Ce qui me fait me rendre compte que je n’ai toujours pas mordu dans ma tomate. Je profite de son point d’interrogation pour le faire. Cela me fait gagner quelques secondes. De réflexion. De perdition. De flexion. Whatever. Comme si je ne m’étais jamais posée cette question ô combien fatidique. Comme si je ne m’étais jamais projetée dans un monde sans lui. Comme si tout ceci avait vraiment pu être évité.
Nous connaissons tous deux la réponse à cette question.
Elle et moi.
Lui et moi.

Je prends le temps d’avaler. De déposer ma fourchette à mon tour (sans transformer mon assiette en tableau sur lequel quelqu’un aurait l’horripilante idée de faire crisser ses ongles parfaitement manucurées). De boire une petite gorgée d’eau. Et finalement, mes coudes posés sur la table – mon menton sur mes doigts entrelacés, je pose mon regard sur celle qui m’a renvoyé la balle :

- « Tu sais, j’ai longtemps aimé mon ma ... Will. »

Même si théoriquement on est toujours mariés. Même si je dois parfois encore me forcer à ne pas l’appeler ainsi. Même ne serait-ce que prononcer son nom est un exploit en soi. Je me redresse un peu de position précédente. Plus droite. Plus stoïque. La Micka qui enfile sa jolie carapace qui est désormais tellement fissurée qu’on pourrait croire que c’est le but du costume.

- « Et je suis intimement convaincue qu’il m’aime également. »

J’ai besoin d’y croire.
Et oui, j’ai utilisé le verbe au présent.
C’est peut-être un lapsus révélateur.
Peut-être pas.
On ne passe pas plus de quinze ans de sa vie avec quelqu’un pour lequel on n’éprouve aucun sentiment. Et comme la haine et l’amour se rapprochent tellement que parfois (si pas souvent même) les barrières se floutent …

- « Puis je sais ce que j’ai eu. Qui sait ce que j’aurais pu avoir. »

J’essaie une petite pointe d’humour. Même si je me doute que mon expression faciale n’est pas vraiment du même avis. Il est néanmoins vrai que j’aurais pu tomber sur pire. Il aurait pu me tuer. Ce qui n’était peut-être pas la pire des options à bien y réfléchir … alors pourquoi je garde cette crainte constante qu’il pourrait encore et toujours revenir pour finir le boulot ? Justement parce qu’il risque de me laisser en vie … non ?

- « En ce qui concerne notre amitié ébréchée ... »

Hop hop, on rebondit on rebondit.
J’ai repris ma fourchette et je pique dans un œuf coupé en huit.

- « Peut-être. »

Je porte l’aliment à ma bouche et le savoure en silence tandis que mes pensées se réordonnent de telle sorte à laisser certains éléments perturbateurs dans leur sillage.
Avant de reprendre :

- « Je pense que cela va de pair avec ce que tu as dit juste avant. Tu voulais voir qui allait déteindre sur qui. On avait toutes les deux besoin de s’échapper de notre quotidien. Vérifier si l’herbe était plus verte de l’autre côté de la haie. Sauter le mur. »

Je lui décoche un petit clin d’œil à cette dernière allusion.

- « Ensuite il a fallu rétablir l’équilibre. Il a fallu retrouver la stabilité, ou l’instabilité d’antan. C’était en partie de manière inconsciente. On avait toutes les deux un nouveau besoin : celui de tester les limites de cette nouvelle relation qui, in fine, n’aurait jamais dû accrocher. »

Nos univers étaient bien trop différents. Nous n’aurions pas dû nous entendre. J’aurais dû te nier quand tu as tenté l’approche. Et toi tu aurais dû me dire de dégager quand j’ai accepté l’offre. Certaines choses ne s’expliquent pas. Comme cette étrange affinité qui a fini par s’instaurer. Alors il nous a fallu la briser. C’est que qu’exigeait le dogme après tout … non ?

- « Tu avoueras que malgré la distance plusieurs fois instaurée, nous avons toujours réussi à nous retrouver. »

Tu sais, le karma ça va dans les deux sens. Et je lève mon verre à cela.
Celui-là même que je te tends pour trinquer.
Même si ce n’est qu’avec de l’eau.
Vaut mieux ça qu’un bon rouge d’âge.
Ce sera pour la prochaine fois.

- « Il serait peut-être temps qu’on arrête de fuir l’évidence, non ? »

Toi et moi.
Moi et toi.
Ce n’était pas fait pour durer.
C’est ce qu’on a cru.
C’est ce qu’on a voulu croire.
Mais comme tu vois, ce n’est jamais aussi simple que ça.

___________
~You were lying in the bathroom
We almost thought we lost you ~


Dernière édition par Mickaëla Andersonn le Mar 17 Jan - 20:08, édité 2 fois
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Kyoran Gweria
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MessageSujet: Re: [TERMINÉ] Vade Retro [Mickaëla x Kyoran]   [TERMINÉ] Vade Retro [Mickaëla x Kyoran] - Page 2 EmptySam 14 Jan - 19:14

C’est un son rare, le rire de Micka. Un son qui n’existait plus que dans de lointains souvenirs. Et encore. Et à la regarder à cet instant, Kyoran se demandait si la principale concernée ne l’oubliait pas elle-même, trop souvent. Oui, elle se souvenait de cette soirée où elle n’avait qu’une idée en tête : aller danser. Et quand la Kyo de l’époque voulait aller danser, personne ne pouvait lui dire non. Comme une impératrice capricieuse, elle avait ce don de gamine pourrie-gâtée qui arrive à tordre tout le monde. Alors elles avaient été danser. Et elles avaient bu. Elle se souvenait aussi du lendemain. Du moins, elle se souvenait qu’elle n’avait pas souvenir de grand chose. Juste d’avoir été réveillée par une Micka en panique qui cherchait ses affaires et avait eu le mauvais goût de claquer la porte en partant, lançant son mal de tête dans une boucle d’échos douloureux. Et puis elle s’était rendormie comme une bienheureuse. Elle n’avait compris la bourde que quelques temps après, en découvrant son amie dans tous ces états, mi-dépitée, mi-coupable, mi-enragée après elle. Oui ça faisait un “mi” de trop, mais ça montrait bien l’excès d’émotion de ce loupé. La jeune Kyoran, désinvolte et sans une préoccupation au monde, avait haussé les épaules. Il fallait relativiser, les exams n’étaient pas si importants, il y aurait toujours une autre opportunité. Il fallait savoir s’amuser. Profiter. Mais si elle était honnête, déjà à l’époque elle avait culpabiliser. Pas beaucoup. Pas longtemps. Et surtout, hors de question de le dire.

La brune avait sourit un peu en réponse, mais pas longtemps, car déjà l’évocation de l’ex avait tué le rire de la psy, inévitablement. Gweria resta silencieuse, écoutant sans un mot l’espèce de déclaration d’un amour passé. Sans un mot et sans jugement, hochant seulement la tête, doucement. Aime-t-on toujours ceux que l’on a aimé un jour? Apparemment, il n’y avait pas qu’elle pour continuer à alimenter des sentiments compliqués et contradictoires. “Je suis intimement convaincue qu’il m’aime également”. Elle baissa un peu les yeux sur son assiette. Oui, elle aussi était convaincue de quelque chose de similaire. Était-ce illusoire? Pour se protéger, car accepter qu’il ne l’aime plus aurait été trop douloureux ? Être la seule encore prisonnière de ces sentiments aurait sans doute été la blessure de trop à son égo. Alors elle se disait que oui, au fond, il l’aimait encore. Même si rien ne serait plus jamais possible entre eux. Même s’il s’affichait aux bras d’une nouvelle blonde. Il s’était même marié, parait-il. Mais elle le savait : il pouvait bien dire ce qu’il voudrait. Il l’aimerait jusqu’à la fin. Rien ne pouvait changer ça.

Le retour de la discussion à leur amitié la sauva d’une mélancolie de plus en plus menaçante. Oui, elle essayait de s’échapper de son quotidien à l’époque. Ou plutôt elle cherchait à dynamiter son quotidien. Mais pas en cherchant à voir si l’herbe était plus verte ailleurs. Elle n’avait jamais envié cette vie studieuse, imaginé s’y projeter. Non, elle ne pouvait pas le formuler à haute voix sans passer pour une psychopathe mais… Micka à l’époque n’avait été rien d’autre qu’un projet parmi tant d’autres. Une expérimentation. Quand elle parlait de déteindre l’une sur l’autre, c’était d’une certaine manière une façon pour la Kyo de l’époque de tester ses limites. Ses capacités à influencer quelqu’un d’autre. Folie de jeunesse sans doute, mais à l’époque elle se sentait invulnérable, invincible. Un god complex à toute épreuve couplé à un charisme et un charme qui faisaient souvent tourner les choses en sa faveur, ce qui ne faisait qu’alimenter un peu plus la machine. La modération et la sagesse de la jeune Micka était une forme de résistance. Une innocence à corrompre et à vaincre. Elle avait gagné. Pendant un temps.
Et puis oui, il avait fallu rétablir l’équilibre. Pour Micka en tout cas. Elle avait du sentir qu’elle n’avait rien de bon à gagner à côtoyer l’agitatrice.

Une relation qui n’aurait jamais dû accrocher. Kyoran réprima difficilement un furtif haussement d’épaule. Manière de laisser cette remarque lui glisser sur le dos, et faire semblant que ça ne l’atteignait pas. Elle avait l’habitude de prétendre ce genre de chose. C’est justement ces relations qui ne sont pas faites pour exister, qui se révèlent souvent les plus intéressantes, non ? Celles que la vie n’aurait pas dû vous lancer dans les pattes, mais trop tard, vous vous y prenez les pieds dedans et vous ne pouvez plus vous en dépêtrer. Comme deux aimants, elles continuaient à s’attirer et se repousser sans fin. Kyoran leva son verre pour trinquer de bon gré, un sourire flottant sur ses lèvres.

“Avec notre veine, le jour où l’une de nous meurt, elle restera coincée dans ce bas monde pour hanter l’autre.”

Elles en étaient bien capables. Et au fond, cette perspective était presque réconfortante.

“T’as raison. Et puis je suis fatiguée de courir, de toute façon.”

Elle avait fuit toute sa vie. L’ennui. Les emmerdes, les flics, la mafia. Maintenant elle fuyait des sentiments invivables. Elle ne savait pas bien ce que Micka savait de sa cavale, de ce passé. Certains aspects avaient fait la une des journaux, mais difficile de savoir ce qu’elle avait vu, lu, imaginé. Tout et son contraire s’était dit sur elle à l’époque, sur eux. Mais oui, en tout cas, la fuite, elle connaissait. Alors si sur un pan de sa vie au moins, elle pouvait rester tranquille, elle était preneuse. Et reconnaissante. Aussi bancal que ce point d’attache pouvait être, il n’en était pas moins nécessaire pour lui éviter de se perdre complétement.

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MessageSujet: Re: [TERMINÉ] Vade Retro [Mickaëla x Kyoran]   [TERMINÉ] Vade Retro [Mickaëla x Kyoran] - Page 2 EmptyMar 24 Jan - 20:08

Il était peut-être même temps d’arrêter de fuir tout court. Puis, à bien y réfléchir, où donc aurait-on pu se rendre après Downfall ? L’autre bout des Etats-Unis : fait, non concluant. Un autre continent : fait, pas convaincue. Il ne restait plus que ce fichu mur. Si proche et pourtant tellement hors d’atteinte à la fois. Sinon il l’aurait déjà sauté … non ? Ou du moins envoyé quelqu’un pour vérifier. Ce qu’il a peut-être fait. Ce que j’ai cru pendant de longs et interminables mois. Ce dont j’étais même intimement convaincue. Moins maintenant, mais ce sentiment ne disparait jamais complètement. Ce serait d’ailleurs se tirer une balle dans le pied – à défaut de savoir viser. Baisser sa garde … le piège par excellence. La facilité à portée de main. L’étape après le ras-le-bol. Celui que je sens arriver gros comme un camion. Ou un train à grande vitesse. Ça dépend lequel ferait le plus de dégâts.

Son verre vient rencontrer le mien. Le contact donne naissance à quelque chose qui ne sonne clairement pas comme autre chose que le cristal vendu sur Wish. Il n’y a que la version plastique recyclé qui aurait encore plus gag. Ce sera pour notre prochain restauroute. On vérifiera les rares clients à travers la fenêtre afin de se faire une première idée du lieu avant de venir y trinquer à la chose la plus farfelue qui nous traversera l’esprit. Ou de nous faire remballer. Car deux meufs chelou collées à la vitre pour se décider … c’est moyen-moyen quoi.
Et cette image m’arrache un sourire similaire au sien. Un simili-sourire qui cache bien des choses. Elle le sait. Je le sais. Nous le savons. Ça en fait des gens qui savent. Et ça en fait du savoir aussi. Si seulement ça valait quoi que ce soit sur le marché noir de nos jours. Fait est qu’à Downfall les règles sont parfois un peu différentes qu’ailleurs. Comme quoi, tout arrive et finit par arriver.

- « Moi aussi. Mais la course n’a jamais été ma pratique sportive préférée. »

Pas que j’en ai une, de pratique sportive préférée je parle. Du moins aucune que je pratique. Je peux prendre plaisir à les regarder à la télévision, mais de manière occasionnelle. Il faut dire que les compétitions en live, j’ai cessé d’y assister assez rapidement après m’être mise officiellement en ménage. Nous ne sortions pas. Du moins pas pour ce genre d’événements. Plutôt pour des vernissages. Pour des sorties en publiques. Pour toutes ces occasions qui ne pouvaient que flatter son ego de me trimballer à ses côtés. Pour m’obliger à sourire devant un public qui n’y voyait que du feu. Pour autant qu’il regardait seulement. Non pas qu’il n’aurait pas pu intéressé (le public je parle), mais plutôt la contrepartie de se rendre complice de quelque chose dont il (toujours ce même public) ne souhaitait clairement pas s’enticher. Car certains devaient être forcément au courant de ce qui se tramait derrière tous ces faux semblants … non ?

Je m’égare. Souvent. Toujours. Et de plus en plus souvent. Alors je m’accroche aux branches. En espérant tantôt qu’elles ne céderont pas. Tantôt à ce qu’elles en aient marre elles aussi et finissent par me lâcher. Droit dans la bouche des Enfers. Sunnydale style.

- « Je pense plutôt que notre veine nous déposerait joyeusement au purgatoire à poireauter pendant une petite éternité en attendant que l’autre se décide enfin. »

Je bois une nouvelle gorgée d’eau à cette prévision (car on est toutes les deux d’accord de dire que c’est ainsi que cela va se passer). Ma bouche est quelque peu sceptique par rapport au liquide qui a été choisi pour célébrer cette … oserais-je dire fatalité sine qua none ? Et il n’y a d’ailleurs pas que ma bouche.

- « N’empêche, ça aurait eu meilleur goût avec quelques degrés d’alcool en plus dans le fond. »

Ou comment vexer un verre d’eau et une salade verte en tellement de mots que cela a dû les perdre à coup sûr. Ce qui est peut-être mieux, connaissant mon aptitude incontestée à m’attirer les foudres des choses les plus absurdes.
Je préfère donc ne plus toucher ni l’un (le verre) ni l’autre (l’assiette et ses couverts) et attrape mon muffin dont je détache un minuscule petit bout de rien du tout et qui a pour effet de réveiller la grosse bête poilue dont j’avais quasi oublié l’existence. Pourtant ce n’est pas faute d’avoir matière à voir. Je porte mon minuscule pitance à ma bouche tout en l’observant. Lui, de son côté, suit le mouvement de ma main avec une telle concentration que cela donne l’impression que tous ses neurones s’y sont mis à l’unisson. C’est fou quand même cette obsession presque maladive pour les nutriments.

- « Et lui ? »

Après quelques secondes supplémentaires à m’amuser intérieurement de cette intime conviction qu’il a que je vais partager (cela aurait pu être le cas, mais no way que je prends le risque de lui refiler une intoxication alimentaire au chocolat ; et la tomate il risque de la remettre dans la Toyota … quelque chose me dit que sa propriétaire temporaire ne sautera pas de joie à l’idée de ramasser …) ; après ces quelques secondes donc, je reporte une nouvelle fois mon attention sur la miss en question :

- « Tu as vraiment envie de te retaper le cabinet vétérinaire ? »

Comme s’il venait de comprendre ma question, voilà que monsieur tourne également sa grosse tête de loustic en direction de notre interlocutrice commune. Il la même penché un peu de côté. On dira que c’est pour chiner la frite qui manque de se vautrer de son assiette (comme si je n’avais pas remarqué que son appétit et le mien auraient pu être apparentés dans une vie antérieure) car je garde mes réserves quant au bon dos de l’anthropomorphisme qui est servi à quasi toutes les sauces.

- « À moins qu’on fasse une deuxième petite scène de ménage à l’assistante ? Je suis certaine qu’elle avait misé sur une gifle. Au minimum. »

Je souris à nouveau.
Quelque part, au fin fond profond de notre dedans, ces deux grandes adolescentes sont toujours là.
C’est juste qu’elles avaient besoin de l’autre pour s’en rappeler.

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Kyoran Gweria
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MessageSujet: Re: [TERMINÉ] Vade Retro [Mickaëla x Kyoran]   [TERMINÉ] Vade Retro [Mickaëla x Kyoran] - Page 2 EmptyMar 7 Fév - 10:38

Poireauter au purgatoire ? Kyoran fit la moue à cette idée. Si les cathos avaient raison, si un vieux barbu décidait de qui ferait la zumba au paradis ou irait pourrir en enfer, pas de doute, elle ferait partie du second lot. Avec le nombre de gens qu’elle avait tués, il n’y avait pas vraiment de marge de manœuvre pour la juger. Même avec toutes les bonnes raisons qu’elle se donnait. Le purgatoire n’était assurément pas dans les cartes pour elle. Si Micka s’y trouvait avant elle, elle risquait donc de poireauter un sacré bout de temps. Mais elle sourit un peu. Le fait que la psy se projette dans un sas de l’emmerdement éternel était plutôt rassurant. Elle, au moins, n’avait pas suivi un trajet aussi damnant qu’elle. Elle avait ses défauts, comme tout le monde, commis ses erreurs, menti, sans doute. Mais elle se sentait encore une âme digne d’être épargnée.

Elle acquiesça par contre volontiers à la mention de l’alcool. Définitivement, ça manquait. Pour le goût, pour l’oubli, et puis aussi pour désinfecter un peu plus les verres, au passage.

“Et lui ? Tu as vraiment envie de te retaper le cabinet vétérinaire ? ”

Le regard songeur de Kyo descendit vers l’animal. Comme s’il avait compris que c’était le moment de tout donner, il leva vers elle des yeux doux. À croire que ce chien était un maître dans l’art de la manipulation, avec sa belle bouille implorante, cette petite inclinaison de la tête, avec l’oreille qui se replie juste comme il faut pour faire craquer. Elle lui glissa un froncement de sourcils, les yeux légèrement plissés, comme pour percer le voile de mensonge.

*Tu sais très bien ce que tu fais. Comédien.*

Mais le chien ne sortait pas de son rôle de parfait compagnon. On pouvait presque l’imaginer dire “je serai sage, promis!”. Alors Kyoran se retrouvait coincée entre lui et l’air interrogateur de la psy. Ils s’y mettaient à deux pour essayer de la faire culpabiliser et flancher. Les bougres.
Pendant une seconde, elle soupesa à nouveau la possibilité de l’embarquer avec elle. Un peu de compagnie ne lui ferait certainement pas de mal, la preuve avec cette étrange journée. Mais c’était une responsabilité de plus, un engagement, du temps à accorder qu’elle n’avait pas. C’était aussi quelqu’un qu’elle laisserait derrière elle, si jamais il lui arrivait quelque chose lors d’une de ses activités moins officielles. Actuellement, pas d’attache, rien qui la retienne, personne à qui manquer si elle finissait avec une balle dans la tête quelque part dans les ombres de Downfall. Et c’était très bien comme ça. Elle haussa les épaules. Non, même si l’idée était tentante, elle n’avait pas ce qu’il fallait pour adopter ce chien, ça ne serait bon pour personne.

“Envie, non. Mais pas vraiment le choix.”

L’animal baissa sa grosse truffe, vaincu. Kyoran essaya de ne pas se laisser déstabiliser dans ses convictions. Et après tout, il avait sans doute une famille qui l’aime, morte d’inquiétude, entrain de le chercher actuellement. Oui, elle allait retourner au véto, ils allaient retrouver son propriétaire et tout le monde serait heureux.

“Une gifle ? Vu comme tu m’as sauté dessus, je pense qu’elle s’attendait surtout à ce que tu me décapites.”

Elle eut un petit rire/rictus en repensant à la scène. Quelques heures en arrière seulement, mais l’énergie avait quand même bien changé depuis. Elle ne se considérait pour autant pas à l’abri d’un nouveau revirement, et elle tenait à sa tête, alors autant ne pas réveiller le monstre.

Elle tenta une nouvelle bouchée de croque-monsieur, mais non, décidément, manger du pain de mie sec avec un morceau de laitue ne lui disait rien. Elle écarta le reste du bout de sa fourchette tout en dardant un regard en coin vers son interlocutrice. Un blanc s’installait, chacune consciente de la fin de ce moment qui approchait. Conscientes aussi qu’elles se quitteraient en meilleurs termes qu’elles ne s’étaient trouvées. En même temps ce n’était pas bien difficile. Pour autant, se retrouveraient-elles bientôt, ou cette journée n’était-elle rien d’autre qu’une anomalie, un hasard qui devait leur permettre de faire leur paix et de passer à autre chose, rien de plus ?
Difficile à dire, et Kyoran n’avait pas vraiment envie de s'appesantir sur la question. Pour cela, il aurait fallu s’interroger un peu sur son rapport aux autres, se demander si sa solitude actuelle était acceptable, si elle pouvait, devrait changer des choses. Alors tant pis, on verrait bien.

Elle s’essuya les mains avec la petite serviette en papier (quel luxe!), comme pour annoncer la suite, la préparer.

“C’est bon pour toi ? Je te dépose avant le véto si tu veux.”

Ce n’était certainement pas un festin de roi qu’elles s’étaient offertes, mais hé, au moins Micka aurait quelque chose dans le ventre. Et après tout, c’était la mission qu’elle s’était fixé, non ?
[Fin]

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