[TERMINE] Trouble comes with pink nails and fifty tattoos x Kenny

Hé bah ce serait pas mensonger de dire que j’avais imaginé bien différemment le reste de ma journée. Certes, j’avais pas pensé que Tattooman m’embarquerait dans l’un de ses jobs, et si on s’en était tenu à ça, ça aurait pas été si terrible. Voler une caisse, enfin, la remorquer, pourquoi pas non plus. Mais se faire tirer dessus ! Putain, j’ai pas signé pour ça. Je devrais avoir une ristourne sur ma dette parce que ce crétin a risqué bêtement nos vies. Et bordel, il me suffit de voir l’impact de balle dans la carrosserie de la bagnole qu’on a remorqué pour sentir une nouvelle fois la colère se raviver. Comment est-ce qu’il peut être aussi désinvolte, alors qu’on s’est fait tirer dessus, qu’il aurait pu clamser, que j’aurai pu mourir ? Sérieusement, il a un sacré pète au casque, ce Prayer !

Si bien que quand j’ai droit à ce surnom à deux balles de sa bouche, le sang bouillonne de nouveau dans mes veines, alors que je me tourne vers lui, et ce joint qu’il me tend. Je m’avance vers lui, laissant s’exprimer tout ce caractère hispano qui demande qu’à s’exprimer sous l’effet de ce trop plein d’émotions. “-Ma jolie ? C’est à moi que tu parles, là ? C’est à moi que tu parles ? C’est à moi qu’il parle, ton pote ?” que je demande même à un illustre inconnu qui passe par là, qui avait rien demandé à personne, et qui s’arrête en plein mouvement avec cette étincelle dans le regard indiquant clairement qu’il pige rien à ce qui se passe.

J’ai pas le temps de m’attarder sur sa réaction, que mon regard fusille de nouveau Kenny, à deux pas de moi. “-Je suis pas ta jolie, bordel. Et j’aurai pas besoin de me relaxer si tu m’avais écouté, cara de culo !” que je lui réponds avec humeur, avant de considérer le joint tendu. C’est vrai que vu mon état de nerfs, ça pourrait que faire du bien, et après un nouveau regard noir, je me penche pour inspirer longuement, sans le quitter des yeux. Putain, la vache ! Mais wow…tu m’étonnes qu’il soit pas si inquiet que ça de s’être fait tirer dessus avec ce qu’il y a là-dedans ! S’il fume ça tous les jours, ça doit être le type le plus zen du monde. “-La vache…je vais voir la Vierge avec ça…” que je lâche après avoir expiré la fumée, comme un aparté qui m’aurait échappé.

Laissant Tattooman à son joint, je me détourne pour regarder ses gars en train de tourner autour de la caisse, cette foutue bagnole pour laquelle on a pris tant de risques, et qui soulève des tas de questions. Je sens le regard de Kenny sur moi, qui me pousse à me tourner vers lui, au moment où il reprend la parole pour évoquer ce moment où j’ai pris le temps de vérifier qu’il était pas blessé. “-Ouais, bah…” Bah quoi, j’en sais rien. Je vais pas plus loin dans mon argumentaire. Y’en a pas, d’argumentaire, et j’ai pas envie de lui expliquer que j’ai juste fait ce qui m’a semblé être le truc le plus normal du monde, de vérifier qu’il allait bien. Enfin, qu’on allait bien tous les deux, quoi. Il planait à mille avec l’adrénaline dans ses veines, et j’ai vu une fois dans une série que ce truc fait que si t’es blessé, tu ressens pas tout de suite la douleur, alors…oh et puis merde, pourquoi je cherche des explications ou justification ?!

De toutes façons, j’ai rien le temps de répondre de plus -non pas que j’en aurai eu envie- que je vois son sourire disparaître, comme s’il avait switché un interrupteur, et il reprend la parole, alors que je serre les poings dans mes poches, dans lesquelles j’ai plongé mes mains un peu plus tôt. Je crois que j’avais encore jamais rencontré quelqu’un capable de me faire expérimenter autant de montagnes russes avec mes nerfs. “-Maître du jeu, pendejo ? Alors tout ça, c’est juste un jeu, pour toi ?” Débarquer chez les gens, les menacer, menacer leurs proches, se faire tirer dessus…un simple jeu. La beuh a dû cramer un ou deux neurones au passage. “-T’en as pas marre, de ce foutu rapport de force que tu nous imposes à chaque fois qu’on se voit ? Ca va, j’ai pigé que c’est toi le grand Manitou, et que j’ai juste à fermer ma gueule, et faire ce que tu dis, parce que si jamais j’ai le malheur de m’exprimer, ou de refuser de faire un truc, tu vas me le faire payer en gonflant ma dette. Le message est passé, Boss, et je pensais que tu l’avais compris, puisque tu as mon entière coopération depuis que je travaille pour toi.” Putain de merde. Azy, il me soûle, ce petit con. “-Tu sais quoi ? T’as qu’à pas me répondre, je m’en fous.” que je dis en ronchonnant un peu, alors que je me détourne de Kenny pour lui montrer mon dos.

Il m’a énervée, voilà. Maître du jeu à la con. Je prends une longue inspiration, et me contente d’observer les allées et venues des gars autour de la caisse, en me disant que ça fera passer le temps, et que ça permettra de faire redescendre la pression. Et peut-être que ça aurait pu marcher…si je savais pas cet idiot, juste là, derrière moi. Argh…qu’est-ce que je risque, à juste quitter cet endroit, pour rentrer chez moi ? Enfin, à part qu’il considère que j’ai pas fait le job intégralement, et que du coup, Tattooman réduise pas ma dette parce qu’il estime que j’ai pas été au bout du taff, même si on s’est fait tirer dessus par sa faute, et que rien que pour ça, il devrait m'exonérer de plusieurs centaines de dollars ? Je lui jette un regard en biais, observe quelques secondes la fumée qui s’élève jusqu’à disparaître complètement, et je me demande comment on en est arrivés là. Sans un mot, je chope le bras de Kenny, tourne sa main vers moi, ramène le joint à mes lèvres une nouvelle fois pour tirer dessus, et tant pis pour la Santa Madre de Dios.

Je reste silencieuse un moment, avisant un canapé défoncé un peu plus loin sur lequel je tarde pas à aller me laisser tomber, alors que malgré moi, ses paroles me travaillent depuis tout à l’heure. Je sais que cet enfoiré est capable de trouver tout seul les réponses que j’ai pas voulu lui donner aux questions qu’il m’a posées. A son interrogatoire, plutôt. Le plus drôle, c’est que lui ou ses sbires connaissent sans doute déjà au moins de vue les personnes de mon entourage. “-On appelle ça un ami. Pas un contact. C’est bien d’avoir des amis, tu devrais essayer.” Okay, ça c’était pas cool, et totalement gratuit. Je fais une petite moue désolée, et finis par caler ma nuque contre le dossier du canapé. “-T’as déjà dû la voir, elle bosse au Diner avec moi. Et les garçons, ce sont nos amis d’enfance. On a grandi en se serrant les coudes, comme beaucoup de gosses du Skid. On était là les uns pour les autres quand nos parents avaient pas le temps, ou pas les capacités de le faire.” C’est ma famille, celle avec laquelle je partage zéro brin d’ADN, mais pour qui j’irai au bout du monde.

Je me rends compte que cette simple pensée a étiré le coin de mes lèvres, et je m’empresse de retrouver une mine plus neutre. En fait, c’était pas de l’herbe magique qu’il me fallait pour me détendre, juste penser à mes amis. A mes amis dont il a intérêt à rester éloigné. “-Et bien sûr qu’elle sait rien de nos aventures. Tu crois quoi ? J’en ai parlé à personne.” que je dis d’un ton grognon, en me renfrognant un peu. Le seul à qui j’aurai pu en parler s’est barré de l’autre côté du mur, alors Kenny, et nos petites affaires, sont plutôt safe. “-Quand je disparais, elle doit sans doute s’imaginer que je suis en train de m’envoyer en l’air en douce, de me faire d'autres amis, ou un truc dans ce goût-là, pas que je collabore avec un Prayer of Insanity pour éponger ma dette.” que je poursuis, histoire de mettre les choses au clair pour de bon. Je suis sûre qu’Hailey s’est fait des tas de scénarios dans sa tête, et qu’un bon nombre d’entre eux implique un gars. Elle a pas tort, même si on est loin de faire ce qu’elle s’imagine.

Mes mains tremblent plus. Je sais pas depuis combien de temps exactement, mais les faits sont là. Mes poings sont plus serrés non plus. A croire que j’ai finalement vraiment réussi à me détendre un peu. Je laisse échapper un léger soupir, et la nuque toujours en appui sur le canapé, je tourne la tête vers Kenny pour reprendre : “-Ils savent rien, aucun d’entre eux. T’es mon sale petit secret.” Et je sais pas pourquoi, mais le dire à voix haute m’arrache un sourire en coin qui sort de je sais pas où. “-Alors tu restes loin d’elle. Et des garçons aussi. Ils bosseront pas pour toi, aucun d’entre eux. Y’a que moi qui fait ça.” Et je pourrais le faire jusqu’à ce que je finisse par me prendre une balle perdue, ou avoir quatre-vingt ans -si j’arrive à vivre jusque là- si ça peut leur éviter d’être impliqués dans les affaires d’un cartel. Mais ça, Tattooman a pas besoin de le savoir.

Je finis par me redresser, m’installant en tailleur dans le canapé, alors que je me penche en avant, comme pour ancrer davantage mes paroles, ou leur donner plus de poids : “-Faut que j’sois sûre qu’ils resteront loin d’mes emmerdes…tu comprends ?” que je demande, en reprenant plus ou moins ses paroles, et sa façon de parler. Personne n’a à payer pour mes conneries, même s’il doit déjà le savoir, puisque c’est en menaçant ma famille qu’il a obtenu mon entière coopération. “-Je veux pas qu’il leur arrive un truc. Et…à toi non plus…” que je lâche sans trop savoir d’où ça vient. “-C’est pas parce que tu me fais galérer et que t’aimes te comporter en petit enfoiré que je te souhaite de crever dans une mare de ton propre sang…maître du jeu.” Et je m’en fous, que ça fasse chaud à son petit cœur, ou à toute autre partie de son anatomie, c’est juste un fait. Le monde est assez pourri sans qu’on ait besoin de l’être, nous aussi.

Je peux pas dire le contraire, ça m’a fait du bien de gueuler un bon coup, de  laisser sortir ce que j’avais sur le cœur, d’évacuer la pression en haussant un peu le ton. J’entends déjà d’ici Nick me proposer de me détendre à sa façon, et je me fais aussi presque aussitôt la remarque que je pourrais même pas lui expliquer pourquoi je suis aussi tendue. Comment expliquer à mes amis que je me suis retrouvée à bord d’une dépanneuse sur laquelle on a tiré, sans leur révéler à peu près…tout le reste. Ma dette, Kenny, les Prayers of Insanity, ces petits boulots loin d’être réglo que je fais pour rattraper ma merde, et j’en passe. Des fois, ça m’aurait fait du bien, d’en parler. Surtout au début, quand je m’obstinais à tenir tête à Tattooman, et qu’il tournait autour de ma famille pour me faire plier, que je flippais ma race de tout ce qui se passait, et que j’avais l’impression de plus rien contrôler. Ouais, à ce moment-là, j’aurai pu avoir besoin d’une oreille à qui confier la merde que j’avais fait, mais j’ai jamais pu m’y résoudre. Comme si j’avais toujours su que ça risquait de tomber sur la personne à qui je me confiais, ou que ça ferait que compliquer encore davantage la situation.

Et franchement, quand je vois comment Kenny a réagi à cet appel que j’ai passé à Hailey pour qu’elle me dise ce qui se passait par chez nous, je me dis que j’ai plus que bien fait de tenir ma langue à l’époque. Maintenant aussi, évidemment. J’ai jamais rien dit à aucun d’entre eux, parce qu’il m’a toujours semblé impératif de pas les entraîner dans mes conneries. Comme je tarde pas à l’expliquer au blond, même si pour ça, je lui en apprends un peu plus sur ces personnes qui font partie de ma famille, et qui sont dans mon quotidien depuis aussi loin que je m’en souvienne. Alors ouais, quand je dis que Kenny est mon sale petit secret, c’est entièrement la vérité, puisque j’ai parlé de lui ni à mes amis, ni à ma famille, ni à…personne, à vrai dire. Ca m’évite aussi de devoir rester assise à entendre quelqu’un me faire la morale, et on peut presque dire que c’est une double victoire du coup. Parce que clairement, je suis pas certaine que j’apprécierai d’entendre qui que ce soit me foutre dans les dents à quel point j’ai merdé.

Pourtant, je dis pas que ça me plait de devoir leur cacher des trucs, de mentir carrément, de m’empêtrer quand ils me demandent où j’étais passée quand je disparais subitement, que je réponds pas aux sms, que je participe pas à une soirée parce que j’ai des engagements ailleurs. Mais je sais aussi que je le fais pour les protéger, et l’espace de ce bref instant pendant lequel je me mens à moi-même, je me sens plus légère. Et tant pis pour ce qu’ils s’imaginent dans ces moments-là, ça sera de toutes façons moins pire que la réalité. Je lève un sourcil quand mes paroles arrachent un petit rire à Kenny, alors qu’il répond à son tour que toutes ces suppositions se réaliseront peut-être un jour. “-C’est une proposition ?” que je demande en accrochant son regard, la tête légèrement penchée, alors qu’un petit sourire en coin finit par étirer mes lèvres. “-C’est vrai que ton pote de tout à l’heure avait l’air plutôt sympa. Tu pourrais peut-être nous présenter.” que je continue sans pouvoir empêcher mon sourire de s’étirer encore un peu plus, parce que j’en pense pas un mot. L’échange avec ledit pote a duré approximativement cinq secondes, et il doit me prendre pour une hystérique de l’avoir pris à parti comme ça. Non pas que ce soit un problème en soit, je me fous pas mal de ce qu’on peut penser de moi. Je soutiens son regard quelques secondes de plus, avant de lever les yeux au ciel sans pouvoir me départir de mon sourire.

En attendant, ce serait bien qu’il reste loin de ma famille et de mes amis. Genre vraiment, vraiment bien. Je pensais naïvement que le fait que je me montre on peut plus docile depuis que j’ai accepté de travailler pour Kenny jouerait en ma faveur, mais…faut croire que non. Y’a toujours ce rapport de force entre nous, cette dynamique à chier où il est le Boss, et où j’ai juste à faire ce qu’il attend de moi. Ce qui est pas vraiment facile pour la nana que je suis qui aime pas qu’on lui dise ce qu’elle doit faire, mais bon…j’imagine que c’est le jeu. Quand tu baises un cartel, et qu’on te laisse la vie sauve, c’est un moindre mal. Alors ouais, j’essaie de ravaler ma fierté le temps de cette collaboration forcée, et pas mêler mes amis à mon merdier. Et ce serait vraiment bien que Tattooman en fasse autant. Je sens mes sourcils se hausser quand il rétorque qu’il a beaucoup à faire avec moi, une information qui me fait entrouvrir légèrement les lèvres, et hocher lentement la tête. Ah ouais, rien que ça…beaucoup, qu’il a dit. Pourquoi est-ce que cet aveu m’inspire aucune confiance ? Je me racle la gorge, et finis par maugréer à mi-voix : “-Ils se tiendront loin de tes affaires.” J’y veillerai. Et si par malheur l’un des trois venait à éveiller l’intérêt de Kenny, je m’arrangerai pour qu’il continue avec moi, et les laisse tranquille.

Finalement, être assise me convient pas. J’ai l’impression d’avoir un stock d’énergie à l’intérieur de moi qui pulse, qui demande qu’à être dépensée, et je me relève du canapé alors que j’ai le sentiment de m’y être tout juste posée. Peu importe la raison, on s’en fout un peu, mais il faut que je bouge. Que j'extériorise. Que je libère ce trop plein qui s’agite dans mes cellules. Mes pas hors du canapé me rapprochent donc du blond, alors que je relève la tête quand il a l’air d’approuver ma mentalité…qui est juste pour moi le truc le plus normal et le plus évident du monde. J’ai un léger sourire, dont je sais pourtant qu’il atteint pas mes yeux parce que c’est plus un rire jaune qu’autre chose : “-Ouais…c’est important, c’est vrai. Mais ça fait aussi faire de sacrées conneries.” que je dis d’un ton presque amer, avant de laisser échapper un bref soupir, et de laisser mon regard traîner derrière Tattooman, où ses gars sont occupés avec la voiture.

Sauf que j’ai pas vraiment l’occasion de vraiment observer ce qu’ils font, c’est même plus si important d’ailleurs, que Kenny reprend la parole, pour me dire que mon job d'aujourd'hui est terminé. Il a pourtant déjà de la suite dans les idées, le loustic, puisque je me vois confier un autre job presque aussitôt. Cramer une bagnole ? Mais putain, il est sérieux là ?! A chaque nouveau boulot qu’il me confie, j’ai l’impression de glisser un peu plus dans l’illégalité, et de flirter avec le danger. Et au fond, c’est peut-être ça le plan. Me mouiller tellement que y’aura plus aucun retour en arrière possible. Sauf que j’ai pas le temps de m’offusquer de ce brasero qu’il me demande -pour pas dire ordonne- de faire que ses doigts attrapent une mèche de cheveux, coupant court à mes revendications. Je suis obligée de lever légèrement la tête pour garder le contact visuel, et découvre ce petit sourire de tête à claque qu’il partage avec sa sœur, et ce regard que je lui avais jamais vu. Par réflexe, j’attrape la main occupée à toucher mes boucles, et l’éloigne de mes cheveux, alors que je fronce légèrement les sourcils : “-Hm…mettre des gants et m’attacher les cheveux, c’est noté…” que je répète comme si c’était la chose la plus normale du monde, qu’on parlait pas de foutre le feu à une caisse et de la regarder cramer. Façon…c’est pas comme si je pouvais argumenter, je sais bien ce qu’il m’en coûtera si je veux pas le faire.

Je finis par lâcher ses doigts en me raclant une nouvelle fois la gorge, tout en esquissant un pas en arrière, pour remettre un peu de distance entre nous. L’un des gars fait tomber un objet métallique sur le sol, ce qui fait un boucan d’enfer et m’arrache aux yeux de Kenny que j’avais pas quitté depuis tout à l’heure…ce qui me permet de faire le focus sur un autre truc qu’il vient de dire. “-Attends…comment ça, je peux y aller si je veux ?!” que je demande, en reprenant ses mots, alors que j’hausse les sourcils. “-Tu me ramènes dans un coin que je connais pas, et quand t’en as fini avec moi, tu me dis juste que…je peux y aller ? Je te rappelle que j’ai pas de voiture, que personne m’attend dehors, et que putain, je sais même pas où on est !” Chassez le naturel, il revient au galop. J’oublie que cinq secondes plus tôt, je me perdais dans le bleu de ses yeux, et m’occupe désormais de le fusiller du regard. “-Tu fais chier Kenny !” que je lui lance entre mes dents serrées, avant de soupirer.

Bien sûr que je vais me barrer si j’ai pas besoin de trainer ici pour rien. Plutôt deux fois qu’une, même ! Qu’est-ce que je pourrais faire d’autre ? Attendre gentiment assise sur le canapé que Môsieur ait fini de faire ce qu’il a à faire, et qu’il me ramène chez moi ? Je marmonne à voix basse des trucs incompréhensibles en espagnol, et récupère ce qu’il reste de joint entre ses lèvres et le porte aux miennes : “-Je prends ça pour la route.” que je balance alors que je le dépasse, et me dirige vers la sortie, en lui adressant mon majeur au-dessus de ma tête, dos à lui : “-Allez, à plus, Patron !” Et j’attends pas de réponse pour ouvrir la porte du garage, me glisser par l’ouverture, me retrouver sur le trottoir, et regarder autour de moi pour essayer de me repérer. Hé bah putain…je sais pas où on est, mais je sens que je vais me payer une sacrée trotte jusqu’à mon appart.