Don't ask me where I've been. - Kenny

Revenir, ce n’est pas quelque chose d’évident surtout après autant d’absence. Des rues me rappellent des souvenirs et d’autres, j’ai l’impression que je suis dans l’inconnue. Ce n’est pas évident d’arriver ici alors que nos repères sont présents et absents en même temps. Le pire dans cette histoire c’est la rupture avec ma sœur, j’ai l’impression d’être comme une inconnue pour elle, voire pire, son ennemie. Je suppose qu’avec le temps elle me pardonnera, du moins, je l’espère. Aujourd’hui, il est vrai que je me promène avec mon insigne dans une poche et une arme à la ceinture, mais dans cette ville, c’est presque normal d’être armée. De toute façon, dans toute une partie des états du pays, cela fait partie des lois et il est hors de question de retirer le port d’arme aux gens. J’ai sans doute un peu peur, bien plus peur que lorsque j’étais encore de l’autre côté du mur, mais j’ai comme la sensation de me sentir vivante, bien plus qu’avant.

Avant de reprendre du service, j’ai eu la chance d’avoir quelque jour dans le but de me familiariser un peu plus avec les différentes règles tacites de cet endroit. J’aurais pu passer la semaine à bouquiner des livres sur la situation géopolitique de l’endroit, mais une partie de moi savait très bien que ce n’était pas la meilleure façon d’obtenir ce genre de connaissance. J’avais besoin de le sentir et de le voir de mes propres yeux.

C’est par habitude que mes pas m’emmènent dans le Watts, quartier qui m’a vu grandir, dans lequel je me suis fait beaucoup d’amis à l’époque. Je suis certaine qu’en cherchant bien, il serait même possible de trouver un ou deux tags que j’avais faits à l’époque. Peut-être qu’ils ont été recouverts par d’autres tags ou que la pluie a fini par les délaver, rien ne serait vraiment surprenant. Le temps a passé, j’ai grandi, j’ai vieilli, je suis une femme accomplie maintenant bien que sans doute un peu seule au milieu de cette ville pleine de vice. En avançant, je reconnais des bâtiments qui ont fermé avec le temps ou d’autres qui sont encore plus délabrés qu’à l’époque. J’ai l’impression que construire quelque chose ici est peine perdue, alors le rénové je n’en parle pas.

Je vois un homme en train dealer au coin de la rue. Est-ce que ce ne serait pas ça, la meilleure façon de se rappeler de la ville, de s’y imprégner pour reprendre un peu ses marques. Je fouille dans mes poches l’air de rien, j’ai un peu de cash se serait suffisant pour m’acheter un peu de weed, je n’ai pas ce qu’il faut pour fumer sur moi, mais je suis certaine qu’avec l’argent que j’ai, il va bien me rouler ma consommation. Ce n’est pas parce que je suis devenue officiellement flic que je ne peux pas m’amuser un peu. Plus je m’approche de lui, plus il m’a l’air familier, comme si je le connaissais avant et que bien évidemment, il avait grandi.

- Dis-moi, avec ça, il y a moyen que tu me roules un joint ou deux ?

C’était une façon de l’interpeler des plus directe, je lui tendais un billet de cinquante replié entre mes doigts, vu son attitude, il était certain que c’était un dealer, j’y pense, peut être me prendrait il pour ma sœur bien que j’ai actuellement les cheveux plus longs qu’elle. Je n’arrivais pas à me rappeler de son prénom et pourtant, j’avais la nette impression que c’était un bon pote et si c’était Kenny ? Je ne voulais pas trop le dévisager parce que je savais que ça pourrait être mal interprété. Je ne voulais pas qu’il ait l’impression que je puisse être un flic en couverture. J’étais déjà un flic tout cours… La balle était dans son camp maintenant, j’espère qu’il accepterait ma requête tout de même, j’avais envie de me détendre.