[TERMINE / RP COMMUN 7.1] Our downfall is a preparation for your up-rise

Une expression fermée sur le visage, Livia reposa son smartphone, sans pouvoir retenir un bref soupir excédé. Quittant son fauteuil, la mexicaine vint se planter devant la fenêtre de son bureau, l’ampleur de la situation figeant ses sourcils dans un froncement. Cela faisait plusieurs jours que certains informateurs qu’elle veillait à garder dans ses petits papiers lui avaient rapporté des nouvelles pour le moins préoccupantes. Il se racontait que les Rats étaient en train de préparer une action visant les Prayers, et leur emprise sur Downfall, dont les précieux détails n’étaient cependant pas parvenus aux oreilles de la juriste, empêchant le cartel de pouvoir se préparer adéquatement à l’invasion qui sévissait à présent dans les rues de Florence. Et quand bien même ces informations avaient été plus précises, la juriste était d’avis qu’ils n’auraient jamais pu prédire que les Unbroken auraient pu entraîner une telle foule, convaincus tant de civils de les suivre dans cette marche sous leurs fenêtres qui suintait la rage, et le ras le bol.

On frappa sèchement à sa porte pour l’informer qu’Aaron avait requis sa présence, comme celle de certains gradés, et à son tour, la jeune femme rejoignit la salle de réunion pour ce qui s’apparentait à une réunion de crise. Arpentant la pièce, l’hispanique faisait les cent pas enfermée dans une bulle qui n’appartenait qu’à elle, coupée du reste des Prayers. Ses pensées tournaient à une vitesse effarante dans son esprit, tâchant d’exploiter les différentes options qui s’offraient à eux, et tous les scénarios qui s'échafaudaient déjà sur toutes les suites potentielles qui pourraient découler de ces émeutes. L’arrivée d’Aaron dans la salle de réunion fit exploser cette petite bulle, alors que Livia portait son regard sur le leader, serrant la mâchoire pour s’éviter toute remarque qui n’avait pas sa place dans cet endroit. Elle le savait encore convalescent, l’attaque qu’il avait subie près d’un mois plus tôt ayant laissé quelques séquelles qui, bien que quasi invisibles à l'œil nu, étaient toujours bien présentes. Le regard sombre de la brune se posa à cette pensée sur Olivia, à quelques mètres d’elle, dont le bras encore plâtré était un rappel constant de ce qui s’était passé, et de la mort d’Ezechiel.

Trouvant un rebord de table, l’avocate s’y installa, posant ses fesses dessus, alors que ses bras venaient se croiser sur sa poitrine, soulignant encore davantage l’expression fermée qui se dégageait d’elle. Livia eut un léger hochement de tête aux paroles d’Aaron, profitant du léger silence qui suivit ses mots pour parler à son tour : “-J’ai envoyé certains de nos hommes infiltrer les manifestants. Ils ont pour ordre de se fondre dans la masse, de ne rien tenter, et de relayer tout ce qu’ils jugeront utile sur la situation et son évolution.” annonça-t-elle d’une voix forte pour être entendue par tous, avant de reprendre sur le même ton : “-Les premiers retours sont plutôt inquiétants. De nombreux barrages ont été forcés, et des civils se sont infiltrés jusqu’aux abords des quais, ou des entrepôts.” précisa-t-elle sans chercher à minimiser l’ampleur de la situation dans laquelle ils se trouvaient. “-Il semblerait cependant que pour l’heure le Watts soit épargné par la manifestation, mais tes hommes sur place auront sans doute plus d’informations à ce sujet.” acheva-t-elle, tournant son regard sérieux vers Georgia, également présente au sein de la cellule de crise improvisée.

Le visage fermé, Livia écoutait les Prayers s’exprimant sur la situation, les uns après les autres, alors que sa main se resserrait peu à peu sur son téléphone, s’attendant à ce qu’il vibre à tout instant pour leur apporter des nouvelles en direct de la manifestation. La mexicaine hochait la tête de temps en temps, appuyant tel ou tel propos provenant de l’un ou l’autre de ses acolytes. Les ordres semblaient avoir été respectés à la lettre par Noumair et Reed, et elle espérait qu’il en était de même ailleurs sur leur territoire, que chacun comprenait la gravité de ce qui était en train de se dérouler en ce moment même sous leurs fenêtres. Jamais l’avocate n’avait eu à ce point la sensation de se trouver sur une poudrière prête à prendre feu, et pourtant, nombreuses avaient été les affaires délicates depuis son arrivée à Downfall, plus d’une décennie plus tôt.

Aaron ne tarda pas à reprendre la parole, attirant une nouvelle fois l’attention de Livia, qui se passa une main sur le front, les engrenages sous son cuir chevelu se mettant en branle alors qu’elle réfléchissait aux mots que venait de prononcer leur leader. Un léger froncement de sourcils trouva sa place sur les traits de l’hispanique, s’accentuant de plus en plus, jusqu’à ce que la brune reprenne la parole : “-Ce n’est peut-être pas une mauvaise idée, cette histoire de contre-discours.” commença-t-elle prudemment, relâchant la pression de sa main sur son front pour se redresser légèrement, regardant les siens à tour de rôle. “-Je ne pense pas qu’il aura le moindre effet, ni que ça apaisera les esprits comme tu le dis, nos concitoyens sont trop remontés pour ça. Mais ça pourrait détourner suffisamment l’attention des manifestants pour nous laisser le temps nécessaire à mettre nos marchandises et nos armes en sûreté. Et ça pourrait aussi amener la foule exactement où on le souhaite, et peut-être même nous donner l’opportunité de la maîtriser un peu.” déplia-t-elle ses pensées à voix haute, tandis qu’elles se déroulaient comme un fil dans son esprit.

Livia lança un long regard à Aaron, alors que les rouages étaient toujours en marche, et qu’elle envisageait déjà tout ce qui pourrait ressortir de ce face à face avec la foule. Et l’idée n’était pas sans conséquences néfastes possibles. Aussi, la juriste s’humecta les lèvres, un infime soupir quittant ses lèvres. “-Mais…il pourrait aussi y avoir des complications, vu l’état d’esprit des civils. De simples provocations murmurées aux mauvaises oreilles, et ça dégénèrera. On pourrait être débordés, voir complètement dépassés et ne pas réussir à contenir les manifestants. Ça nous mettrait dans une position encore plus délicate si c’était le cas. Il ne faut surtout pas qu’il y ai ne serait-ce qu’un seul heurt. La moindre goutte de sang répandue nous sera reprochée…sauf si c’est le nôtre qui coule, bien sûr.” ajouta-t-elle avec une amertume qu’elle ne chercha pas cacher.

Les doigts fins de Livia s’emparèrent du pendentif qui ne quittait jamais le cou de la jeune femme, alors qu’elle poursuivait, après une brève pause nécessaire à l’organisation de ses pensées. “-On pourrait envisager de faire ce discours près des entrepôts dans lesquels on stocke les denrées que nous mettons en vente. Si la situation dérape, ces entrepôts pourraient être cette offrande aux manifestants que tu semblais prêt à accepter. Leur perte ne mettra pas en péril le business et donnera l’illusion aux civils qu’ils nous ont pris quelque chose. La foule a faim, et ces denrées arriveront à point nommé, trop pour qu’une partie de ces personnes ne se chargent pas les bras de nourriture avant de fuir en courant.” conclut-elle, relâchant le pendentif qui dansa un instant sur sa poitrine avant de s’immobiliser. Quelle que fut leur réponse à cette manifestation, il ne leur faudrait pas traîner, les minutes s’écoulant entraînant avec elles leur marge de manœuvre, et les acculant de plus en plus.

L’expression fermée sur le visage de Livia était bel et bien installée, et pour un certain temps, à n’en pas douter. Il n’y avait pas grand-chose pour se réjouir, cette réunion au sommet, en urgence, en était bien la preuve. Le regard sérieux de l’avocate se posa tour à tour sur ses subalternes quand ils prirent la parole, alors qu’un léger sourire sans joie aucune étira de manière presque imperceptible les lèvres de la brune. Son attention fut momentanément accaparée par le portable qui vibra dans sa main, alors que la mexicaine dépliait ses doigts fins aux jointures blanchies, sans s’être rendue compte jusqu’alors à quel point elle serrait ledit téléphone. Sans lever la tête de l’écran, en pleine lecture des dernières nouvelles, elle lâcha néanmoins d’une voix suffisamment forte pour être entendue : “-Ne vous méprenez pas. Annoncer qu’un discours va être prononcé pour amener une foule de manifestants exactement à l’endroit où on l’aura décidé, et prononcer réellement ce discours sont deux choses différentes. Je n’ai aucun désir de m’offrir aux balles de nos détracteurs, pas davantage d’y exposer Aaron.” souffla-t-elle d’un ton où ne perçait aucune chaleur, rien qu’un constat implacable.

Son regard quitta l’écran aux paroles du Boss, qui arrachèrent à l’hispanique une mimique légèrement agacée, qu’elle ne chercha cependant pas à cacher. “-Tu l’as dit, pas tous. Évidemment, pas tous. Certains sont venus casser du Prayer, coûte que coûte, et ils n’y dérogeront pas. Mais pour ceux qui sont là par réelle conviction, et qui ont une famille à nourrir, ça serait une opportunité trop belle pour qu’ils puissent passer à côté. Et ça nous débarrasserait d’une partie de ces manifestants.” dit-elle, la tête à peine penchée, en soutenant le regard que lui adressait leur leader. L’arrivée impromptue d’Oakstone détourna quelques instants les pensées de l’avocate du cartel, tout comme ses yeux, Livia secouant la tête aux solutions envisagées par cette dernière. “-Je ne suis pas certaine qu’envoyer nos hommes ailleurs soit une bonne idée. On va avoir besoin d’eux ici, surtout si la foule se dirige vers nous. Nous ne devrions pas disperser nos forces.” réfléchit-elle tout haut, gardant l’idée de la lacrymo dans un coin de son esprit. L’idée n’était pas particulièrement tentante, le geste étant déjà trop agressif, mais elle était toujours moins douloureuse qu’une salve de balles réelles.

En réponse à cette inspiration brusque que prenait subitement Aaron, Livia eu un soupir discret, jetant un coup d'œil à son portable, par réflexe. “-C’était McCreary. Il a infiltré le cortège par sa fin. La police est bien infiltrée dans la manifestation, il a pu reconnaître quelques têtes.” Le téléphone vibra de nouveau dans sa main, la poussant à baisser une nouvelle fois la tête, alors que ses sourcils se fronçaient en une strie bien marquée. “-Hé bien…il semblerait que nous ne soyons pas les seuls à connaître le visage de la police. L’un d’entre eux, en civil, a été démasqué. Il se vide de son sang dans nos rues en ce moment-même.” résuma-t-elle le sms sous ses yeux, sans le moindre état d’âme, avant de relever la tête, qu’elle secoua légèrement : “-Je crains qu’envoyer des hommes déguisés en membres de la DPD ne soit risqué. S’ils se heurtent à des contestataires qui haïssent autant la police qu’ils nous détestent, ce serait les exposer inutilement. S’ils sont pris à parti par certains manifestants, et que le nombre de ces civils dépasse celui de nos infiltrés, la situation dérapera nécessairement, et nos hommes risqueraient de riposter en ouvrant le feu pour se protéger. Ce serait le début d’un bain de sang. Et si le subterfuge est découvert, la haine à notre encontre n'en sera que plus violente.”

Sa main se perdit un instant sur ses tempes, avant qu’elle repousse ses boucles d’un geste las, venant finalement s’emparer de son collier. Lèvres pincées, le regard perdu un instant, signe qu’elle était en pleine réflexion, Livia hésita quelques secondes à poursuivre, signe qu’elle n’était pas particulièrement emballée par l’idée qu’elle s’apprêtait à émettre à voix haute. “-La peur pourrait être un bon moyen de disperser la foule, mais…certains n’auront peut-être pas la réaction à laquelle on pourrait s’attendre…” commença-t-elle prudemment, arrêtant de tripoter le pendentif pour reprendre, le menton à peine relevé. “-Le cortège semble être assez éloigné des docks à présent. On pourrait tenter de feindre une violente altercation en faisant éclater des coups de feu. La foule est assez loin pour qu’on ne risque pas de blesser involontairement qui que ce soit, ou qu’au contraire, certains se précipitent, et tirent à leur tour par peur, ou en se croyant réellement en danger.” poursuivit-elle, agitant sa main quelques instants devant elle, sans même s’en apercevoir : “-J’imagine que la réaction normale ou appropriée dans ce cas de figure serait la fuite, mais…une fois encore, ça ne dissuadera sans doute pas les centaines de personnes rassemblées dans notre quartier de le quitter purement et simplement. Et ça risquerait également de créer un mouvement de panique…mais tout comme risquerait de le provoquer l’arrivée de nos hommes sous les couleurs de la DPD, ou la lacrymo. ” acheva-t-elle dans une grimace peu satisfaite, jetant un coup d'œil à Aaron, puis Symea. Livia avait beau retourner la situation dans tous les sens, il ne semblait pas y avoir de solution parfaite, une qui les tirerait de ce mauvais pas d’un claquement de doigts. Alors, à défaut, il faudrait sans doute se contenter de choisir la moins pire.

Rien de tout ça n’était vraiment convaincant aux yeux de la juriste, dont l’expression gagna encore en sérieux. Même sa propre proposition ne lui offrait pas entière satisfaction, Livia ne le cachait pas. La peur pouvait être un puissant moteur, mais il conduisait aussi à avoir des réactions imprévisibles, et en l'occurrence, des réactions qui pourraient faire plus de mal que de bien dans cette situation. Il ne semblait pas y avoir de solution idéale, et aucune des décisions qu’il prendrait ne serait parfaite. Un peu comme s’ils avaient à choisir entre la peste ou le choléra. Cornélien, donc. Et c’est d’ailleurs ce que ne tarda pas à dire à haute voix Georgia, elle qui semblait partager le point de vue de l’avocate. A son tour, elle proposait de céder aux émeutiers une offrande qui saurait calmer leur colère, au moins sur le coup, et dissiper la foule qui s’amassait désormais presque sous leurs pieds. Le casino fut évoqué pour devenir la cible des manifestants, Livia tournant son visage vers Aaron, comme pour cueillir sa réaction à chaud à l’évocation de cette proposition.

Mais le Boss n’eut pas le temps de répliquer, ni même l’occasion, qu’Olivia reprit la parole, avec ce franc parler qui faisait parfois hausser les sourcils de la mexicaine. Si certains de ses mots sonnaient juste, et étaient criants de vérité, ils ne provoquaient pas tous l'adhérence de Livia, qui secoua légèrement la tête, presque imperceptiblement. Pinçant les lèvres pour s’éviter toute riposte, elle tourna à son tour son regard vers Fade qui proposa un plan qui fit froncer les sourcils de l’hispanique, sans qu’elle ne cherche à se cacher. Cette fois-ci, pourtant, hors de question de rester bouche close, pas face à une telle proposition. “-Hors de question.” Elle allait ajouter qu’il n’était pas envisageable de sacrifier qui que ce soit, mais Olivia lui coupa l’herbe sous le pied, pour affirmer à voix haute ce que pensait Liv. Si la colère de la foule était justifiée par leurs estomacs vides, il n’en demeurait pas moins que nombre d’entre eux n’avait sans doute aucun désir de souiller leurs mains de sang, et n’avait pas d’autres intentions que de manifester pacifiquement. Il restait bien sûr les plus durs, radicaux, ceux venus fouler le béton dans l’espoir d’en découdre avec les Prayers. Et il n’était pas question d’offrir à ceux-là l’un de leur capo, chair à canon volontaire, pour satisfaire leurs besoins de violence.

Le téléphone vibra une nouvelle fois dans sa main, mais l’hispanique n’eut pas le loisir d’y accorder son attention, Aaron reprenant la parole pour distiller ses ordres, s’adressant aux personnes présentes autour de lui à tour de rôle. Leurs regards s’accrochèrent, alors que la jeune femme hochait finalement la tête : “-Henderson Avenue, c’est noté.” répéta-t-elle, s’éloignant déjà pour s’isoler dans un coin de la pièce. Là, elle eut l’occasion de lire le sms reçu un instant plus tôt, alors qu’elle ravalait un juron dans sa langue natale, McCreary l’informant qu’un des leurs avait été repéré. Un coup de fil révélateur à côté d’oreilles trop attentives, et son infiltration était tombée à l’eau. Ils avaient bien fait de privilégier les textos, même s’ils leur imposaient de prendre plus de temps pour transmettre les informations.

A son tour, elle lui adressa un bref message en lui communiquant les ordres d’Aaron, et la nécessité de conduire la foule jusqu’à cet entrepôt contenant les denrées alimentaires qui permettraient de clairsemer les rangs des manifestants. En fin de cortège, McCreary n’était pas vraiment idéalement placé pour mener ces individus jusqu’à Henderson Avenue, pas sans éveiller quelques soupçons. Pourtant, en quelques messages, ils mirent à leur tour une ébauche de plan au point, ralliant d’autres Prayers dispersés parmi les émeutiers, donnant à chacun un rôle pour que leur stratagème fonctionne et conduise une partie de ces Downfalliens jusqu’au sud de Florence, où ils trouveraient de quoi nourrir leurs familles pour quelques jours. Du moins…si tout se passait bien.