[TERMINE] {Angehan} - Lapin ? Lapin ? C'est le deuxième effet Kisscool

Qu'est ce que vous comptez faire ce soir Angela ? Vous venez d'enregistrer votre dernier podcast, il faut encore le fignoler au niveau du montage pour qu'il soit à votre goût, ce n'est qu'une question de minutes, mais vous avez envie de passer à autre chose, pour le moment en tout cas. Votre dernier enregistrement n'est pas très vieux, il date de trois jours, alors clairement, celui peut attendre d'être finaliser demain ou après-demain. Vous vous êtes amusée une fois de plus à sortir une histoire tout simplement sordide de vos souvenirs, et non de votre imagination. Les gens sont toujours étonnés de vos palabres, pas forcément ici à Downfall, vous ne savez même pas s'ils écoutent ce que vous avez à dire, mais au vue des commentaires les gens sont parfois résignés, parfois révoltés, parfois entre les deux. Les plus sceptiques pensent que tout ceci n'est que fantaisie, que tout cela n'est jamais passé devant vos yeux Angela, mais il est clair qu'ils ne vous connaissent pas, et qu'ils ne savent pas par où vous êtes passées pour devenir cette adulte instable. Les choses sont ainsi faites pourtant, vous avez vu trop de choses, de mauvaises choses dans des plans particulièrement pénibles, des positions improbables, des faits atroces. Mais c'était votre enfance, et malgré tout, vous essayez de ne pas reproduire les mêmes schémas, mais ça reste compliqué toutefois, parce que votre esprit est déjà plombé. Il a sombré durant votre adolescence avec une sexualité bien trop débridée, bien trop violente pour que les garçons et les filles de votre âge en ressortent complètement indemnes même si, même si beaucoup ont apprécié votre expérience bien trop mature pour votre âge. C'est comme ça, aujourd'hui, cela fait partie de vos habitudes, la violence, le sexe, c'est ce qui fait vendre et vous en connaissez un rayon, raison pour laquelle votre podcast fonctionne si bien sur le web. Personne ne connait votre tête, elle n’apparaît pas sur vos réseaux sociaux, ni ailleurs, mais ils savent que vous êtes une femme à la chevelure blonde et aux formes bien proportionnées. Au delà de ça, il n'y a pas guère de détails qui filtrent sur qui vous êtes réellement, et en dehors de quelques habitants de Downfall qui pourrait éventuellement bien vous connaître, personne ne sait. Ce n'est pas spécifiquement un culte du secret, mais pour tous, vous êtes une enfant du quartier, parce que malgré tout, votre faciès est vu, dans les soirées, vous donnez de votre personne et parfois tout cela part en drame, certains n'en sont jamais revenus et un jour, sans doute, cela vous retombera dessus. Vous n'êtes pas une pro dans le crime parfait, mais vous restez un as dans bien trop de domaine pour que l'on remonte à priori jusqu'à vous. Ce soir donc, vous vous décidez à aller du côté du Watts, au Wonderland pour voir le lapin blanc et sucer quelques petits bonbons qui vous feront voir des éléphants bleus et des panthères roses. Ainsi, sans mettre plus d'artifice que cela dans votre look, chevelure détachée, petite robe marron avec un léger décolleté en v laissant voir la commissure de votre poitrine, vous sortez dans ce lieu que vous connaissez plutôt bien à présent, un lieu où pour vous il fait bon vivre. Vous vous accoudez au bar dans un premier temps et prenez un verre, observant votre monde, votre royaume, ce que vous considérez comme votre royaume alors qu'il n'en est rien. Mais vous souhaitez bien du courage à celui qui voudra vous convaincre du contraire, vraiment.

Il ne savait plus trop pourquoi il avait dit oui, mais toujours était-il qu’il était attendu au Wonderland. Kay avait exigé de lui sa présence, invoquant son anniversaire comme raison nécessaire et suffisante. Sohan avait alors consenti à passer. Sauf qu’Elsa - n’ayant pas été invitée - avait catégoriquement refusé de l’accompagner. C’était donc seul qu’il patientait dans la file d’attente du Wonderland, la tête enfoncée dans son éternelle capuche, les mains repliées dans la poche ventrale de son sweat noir, et le regard scrutant les aspérités du bitume.
Il avait avalé deux cachets d’ecstasy histoire de calmer l’anxiété qui le gouvernait depuis qu’Elsa lui avait dit d’aller se faire foutre. Sa psyché étant habituée à ce genre de douceur, il ne ressentait qu’un faible apaisement, totalement insuffisant au regard de l’épreuve qui s’annonçait. Pourtant, quand le type à l’entrée lui fit signe de rentrer, Ellroy obéit, avec autant d’entrain qu’un condamné qui se rendait à son peloton d’exécution.

Sohan balaya d’un regard anxieux la foule qui s’épaississait autour de lui. Aucune trace de Kay et de ses potes. Pourtant, il était bien au point de rendez-vous qu’ils s’étaient fixés. Et Kay qui ne répondait pas malgré les multiples appels passés et messages laissés. Putain, il n’aurait pas dû sortir sans Elsa. Elle, elle savait qu’il ne fallait pas le laisser seul dans ce genre d’environnement où les sourires découpés par la lumière bleue et les stroboscopes devenaient des grimaces quelque peu sinistres. Pourtant, Oz connaissait bien les lieux, et le regard secourable de Jim l’avait aidé à ne pas céder à l’angoisse.  
Puis ce qui devait arriver arriva. Son téléphone s’éteignit, vidé de toute énergie par son utilisation excessive sur la dernière heure. Le jeune homme s’approcha alors d’un pas raide vers le comptoir. Bousculé à deux reprises, il s’excusa, éprouvant un profond mal-être à chacun de ses contacts forcés. Il avait l’impression que son existence était menacée, prête à être engloutie dans cette masse informe et étouffante. La pâleur de son visage interpella Jim qui se déplaça jusqu’à lui, shaker en main. « T’es pas avec Elsa ? Tu l’as perdue ? » C’était bien là son problème, en effet. Et l‘univers semblait vouloir lui rappeler qu’il avait vraiment déconné en se pointant au Wonderland sans elle. « Non, je suis sensé retrouver d’autres amis mais… » Jim eut une moue désolée. Il déposa le shaker et servit un grand gobelet d’eau au trentenaire. « Ça va aller Oz ». D’une manière magique, ces mots l’apaisèrent. Sohan tenta donc de rationaliser l’angoisse qui l’animait : aucun mal pourrait lui arriver ici, tout allait bien se passer. Avant que Jim ne parte à l’autre bout du comptoir, Oz lui demanda s’il pouvait recharger son téléphone. L’écran noir disparut de ses mains, et Sohan ressentit alors un profond sentiment d’isolement. Sauf que, maintenant qu’il était là, fallait qu’il fasse quelque chose de lui. Il se décolla alors du comptoir et partit chercher Kay et ses potes dans la foule. Mais il oublia rapidement son objectif, quelque peu saturé par ce qu’il voyait et entendait, et commença alors à simplement errer, observant toute cette vie qui s’agitait autour de lui.

Puis son regard buta sur celui d’une jeune femme qui, malgré son apparence classique, possédait un air étrange.

Votre esprit ne tourne pas bien rond Angela, vous en avez conscience, et certains pourraient dire que c'est le début de la guérison, mais il n'en est rien. Même si vous savez que vous êtes bizarre, que dans votre esprit tout ne va pas dans le bon sens, vous ne faites plus rien depuis un moment pour que les rouages se remettent en marche sans qu'aucun grain de sable ne viennent les enrayer. Vous en souriez, rien que cette pensée vous fait sourire, comme si ce sourire était un sourire carnassier, comme si finalement, vous étiez à la recherche d'une prochaine proie, d'une prochaine victime dans ce Wonderland aux allures de pays des merveilles. N'en portait-il pas le nom d'ailleurs ? Si bien entendu, et dans votre esprit, votre rôle était tout tracé, celui d'Alice qui essayait de chercher sa place dans ce monde un peu fou, que dis-je, complètement fou. C'était presque à se demander qui était le plus fou entre ce monde et vous Angela. La réponse était pourtant simple à donner, ici ce n'était rien, mais dans votre caboche c'était un boxon sans nom. Pourtant votre regard s'accroche à quelques menus détails dans l'horizon de la décoration des lieux, et instinctivement vous souriez parce que ça vous plait. Il y a comme quelques choses d'apaisant dans ce lieu, sans que vous ne puissiez en donner la nature exacte, aussi fou que cela puisse paraître évidemment. Est ce que vous allez vous lancer sur la piste de danse et danser jusqu'au bout de la nuit, jusqu'à la fermeture des lieux ? Ceci aurait pu être possible, mais ce soir, non, vous n'aviez pas envie de danser, vous étiez dans l'observation, la contemplation des lieux, mais aussi de chaque personne qui peuplait celui-ci, parce qu'ils ressemblaient tous à des pantins désarticulés. Ceux sur la piste de danse vous font cette impression, plus que ceux qui sont assis au comptoir du bar. Est ce que vous auriez déjà trop bu Angela ? Pourtant la soirée ne fait que commencer, et déjà, tout semble en mouvement perpétuel, aussi étrange que cela puisse paraître. Vous vous frottez les yeux, et tout semble reprendre son presque calme, comme si tout cela n'était qu'une illusion, qu'une hallucination. Est ce que quelqu'un aurait mis quelques choses dans votre verre ? Non, c'est bien malheureusement votre état normal Angela, et vous le savez, mais ça vous étonne toujours de voir certaines choses. Vous buvez une nouvelle gorgée de ce verre mystique, mais non, les gens ne reprennent pas leur mouvement psychédélique, ça ne vient donc pas du contenu de celui-ci, mais bien de votre esprit complètement ravagé. Pourtant votre regard fini par tomber sur cet être au sweat noir et à la tête décharnée, comme s'il avait été bouffé par on ne sait trop quoi, et immédiatement, il vous intrigue alors qu'il répond au barman qu'il est sensé retrouvé des amis mais que visiblement, ils ne sont pas là, c'est ce que vous en déduisez au vue de son regard perdu, semblant fixer un point invisible sur le comptoir, à moins que ça ne soit derrière celui-ci. Quoiqu'il en soit, il confia son téléphone au barman, qui le brancha à une prise pour le recharger, et votre homme se mit à errer en quête de ses amis imaginaires. Vous l'observiez depuis tout ce temps et finalement, vos regards finirent par se croiser. Instinctivement, vous lui faites signe de venir vers vous, sans réfléchir comme si son air hagard était quelques choses de rassurant pour vous. Est ce qu'il allait venir vers vous ? Vous n'en aviez aucune idée, mais quoiqu'il en soit, l'invitation était lancée et votre regard légèrement maquillé se voulait le plus rassurant possible.

Certaines personnes se démarquaient par leur aura, et cette femme troublait sa perception, s'y imposant avec une étrange autorité. Oz décrocha son regard de cette silhouette d'une blancheur presque éblouissante, à la recherche d'autres points auxquels s'arrimer. Or, seuls les ténèbres s'étendaient, amas et conglomérats d'ombres, dans lesquels la lumière des projecteurs découpaient des corps difformes et des visages défigurés. Sohan sentait sa propre carcasse vibrer sous l'effet d'une angoisse qui abolissait peu à peu son discernement. Alors il se laissa happer par l'énergie troublante de cette jeune femme, seule silhouette nette parmi l'agglutination confuse des organismes autour de lui. Ellroy rompit l'immobilisme dans lequel il s'était figé pour avancer jusqu'à elle, se faufilant et se heurtant contre ces autres dont il ignorait à présent la menace.
La MD qui parcourait ses veines et qui s'était installée dans sa psyché n'était peut-être pas étrangère à cet état altéré de conscience dans lequel il s'enfonçait et s'effaçait. Capturé dans l'instant présent, Oz ne parvenait plus à se rappeler pourquoi il était ici, mais éprouvait une certaine satisfaction à simplement y être. Il appréciait le chaos dans lequel il se sentait libéré d'un sentiment d'exister qui lui était généralement trop lourd à porter, et qui était à présent gommé par les drogues. Il était donc traversé par l'agréable impression de débarquer dans sa propre vie, sans pour autant en ressentir le poids ni la douleur. Et c'était bien parce qu'il se libérait peu à peu de lui-même qu'il avait la sensation qu'il pouvait être en phase avec l'autre.

Quand il fut parvenu à la hauteur de la jeune femme, Ellroy eut un sourire timide. Elle aussi l'avait repéré parmi la foule. D'un signe de la main, elle l'avait appelé, lui avait proposé de la rejoindre. Or, maintenant qu'il était à ses côtés, il ignorait tout ce qui pouvait l'intéresser. Oz s'en sentait désolé, et craignit de décevoir l'attention dont il faisait l'objet. « B-bonsoir » s'entendit-il la saluer, d'une voix rendue râpeuse par la pâteuse qui asséchait sa bouche.
Une sensation de chaleur réchauffa son corps, et le fit se sentir à l'étroit dans son sweat. Il ôta alors le vêtement, s'y perdit quelques secondes à l'intérieur, avant d'en sortir la tête et de révéler un corps maigre et osseux. S'échappaient de son t-shirt noir deux longs bras décharnés, marqués par quelques plaques d'eczéma et marbrés que d'ecchymoses.

Sohan déposa son sweat sur le comptoir et y découvrit un verre d'eau qu'il ne se rappelait pas avoir commandé. Il but dedans, sans plus s'interroger. Il ne remarqua pas Jake qui s'était penché par dessus le bar pour glisser à l'oreille de la jeune femme de ne pas s’inquiéter. Oz fixait le fond de son verre vide quand le barman ajouta qu'il était un type étrange, mais foncièrement gentil et incapable du moindre mal. Le trentenaire n'arrivait pas à se débarrasser de ce sentiment de soif qui lui collait la langue au palais. Il parvint néanmoins à se décaler de cette sensation pour focaliser son attention sur l'inconnue qu'il était venue retrouver parce qu'elle le lui avait demandé. Traversé par une fulgurance qui s'étiolait déjà du fait de nouvelles latences, Ellroy enfonça la main dans la poche de son jean et en sortit un pochon où reposait deux cachets représentant une tête de lapin. « Tu en veux ? » Il avait envie de partager ce moment de pure euphorie avec quelqu'un. Et il ne voyait qu'elle pour l'accompagner.

Est ce que vous étiez fait pour vous rencontrez ? Est ce que c'était votre destinée ? Difficile à dire, vous ne pensez pas que le destin existe réellement Angela, vous êtes plutôt partisane du fait que c'est vous, et uniquement vous qui agissez dans le sens de la vie pour l'influencer d'une bonne ou d'une mauvaise façon. Votre vie avait décidé de vous la faire à l'envers, avec des traumatismes bien trop présents pour que voue en sortiez indemne, mais est ce que vous sembliez si différente que ça, extérieurement parlant ? Vous ne sauriez dire, vous restez une belle blonde avec des formes suffisamment généreuse pour attirer du monde. Vous êtes une belle femme Angela, il n'y a pas de doutes à avoir là dessus. Et finalement, le regard de l'autres s'était arrêté sur le votre et vous n'aviez pas eu besoin de réfléchir pour l'attirer à vous. Il semblait être encore plus perdu que vous ne l'étiez vous-même dans les méandres de votre propre esprit. Qu'est ce qu'il faisait là, visiblement seul ? Attendait-il des amis à trop avoir utiliser son téléphone pour en vider la batterie à force de l'utiliser ? C'était l'hypothèse privilégiée dans votre esprit, mais peut être que vous vous trompiez. Peut être qu'il était en recherche d'une proie, peut être que ... Difficile à dire, juste en l'ayant observé à travers un comportement que vous aviez jugé comme bizarre, bien plus bizarre que ce que vous avez à proposer en temps normal. Alors vous étiez intriguée, et finalement, il finit par venir dans votre direction, car il se rend compte qu'il n'y a pas d'autres points d'encrage réel dans sa réalité, qu'il n'y a que vous qui semblait être susceptible de l'intéresser réellement, à moins que ça ne soit pour une autre raison que vous ignorez pour le moment. Ainsi, il arrive, bousculant certaines personnes sur son passage comme si elles n'avaient jamais été là, présente, comme si ces personnes n'étaient que de vulgaires poteaux ou murs qu'il ne pouvait pas voir. Il arrive à votre hauteur et un sourire timide s'afficha sur son visage. Il semblait pourtant toujours aussi perdu dans les méandres de son propre esprit, et un son finit par sortir de sa bouche, de simples salutations, mécaniques, sans âme, conventionnelles mais cela restait convenable malgré tout. Puis, il prit chaud, enleva son pull protecteur pour dévoiler un corps que vous jugerez de chétif toutefois. Vous ne saviez pas ce que la vie avait pu lui réserver mais comme pour vous, elle ne lui avait pas fait de cadeaux. Alors le barman vient vous voir, il se penche légèrement pour vous dire de ne pas prendre peur, qu'il n'était pas méchant, mais vous n'aviez pas peur Angela, bien au contraire, cet homme était déjà en train de vous fasciner complètement. C'était fou, mais immédiatement, votre regard s'était encré sur lui, comme si, entre fous, vous saviez parfaitement vous reconnaître, à moins que ça ne soit plus compliqué, au delà de tout ce que vous aviez pu imaginer jusqu'à présent. Et puis, soudain, il sort un petit sachet, et sors deux cachets d'ecstasy. C'était donc ça. Un sourire s'affiche sur votre visage, vous ne savez pas exactement la composition de ceux-ci, mais vous en avez déjà pris, bien trop pour que l'effet soit durable, à moins que ceux-ci ne soit spéciaux.

" C'est gentil de partager, merci. Au fait, je m'appelle Angela, c'est un plaisir de te rencontrer. "

Et limite, vous lui auriez pris la main pour y déposer un baiser dessus si cela avait été la convention de ce monde là, mais ça ne se faisait pas, pas vraiment, alors un petit sourire su vos lèvres, vous tendiez la main pour l'accompagner dans un délire sans doute plus fort encore que celui qu'il avait actuellement. Vous alliez être euphorique durant quelques minutes, peut être quelques heures avec cet inconnu. Est ce qu'il allait avoir au moins la lucidité de dire son prénom ? Possible, vous ne sauriez pas dire, mais est ce que cela avait une réelle importance ? Non, pas réellement, pas vraiment.

« A-avec plaisir. » Évidemment, il n'était pas parvenu à saisir son prénom. Et sa mémoire déconnait trop pour faire quoique ce soit du résidu auditif qui traînait dans sa boucle phonologique. Sohan tenta quand même de se repasser le moment. Il revoyait le visage de la jeune femme s’illuminer d'un sourire doux, tandis que ses yeux bleus plongeaient dans les abysses qu'étaient devenus ses iris. Il parvenait même à ressentir le toucher délicat de la pulpe de ses doigts alors qu'elle prenait le pochon de sa main. Mais aucun prénom dans cette réminiscence qui s'effritait rapidement.
Alors projeté dans l'instant présent, Ellroy jeta plusieurs regards autour de lui, avec encore cette nette impression de débarquer dans sa propre vie. Et il réalisa alors que...putain, on venait de lui tirer son sweat-shirt. Alors qu'il le portait ! Sohan tâta mollement son torse - contre lequel son t-shirt noir s'était collé du fait de la transpiration excessive qui inondait sa peau -. Puis le contact poisseux de ses mains sur ses avant-bras lui arracha une grimace, et son esprit se focalisa alors sur toute cette eau perdue. Il devait boire. Et vite. Cette fois-là non plus, il ne vit pas Jake déposer le gobelet d'eau à côté de lui, sur le comptoir. Mais il le but, d'une traite, manquant de s'étouffer.

« Ah ! Oz ! C'est comme ça qu'on m'appelle ! » qu'il gueula soudain. La jeune femme lui avait demandé comment il s'appelait. Ou peut-être pas. Mais bon, se présenter faisait partie des coutumes de base. Le visage fendu par un large sourire, Sohan lui serra donc la main, et accusa un frisson en sentant la peau fraîche et douce de la blonde. Ses pensées s'égarèrent, emportées par un vent de culpabilité. Elsa n'approuverait pas ce qu'il se passait. Déjà, elle n'aurait jamais accepté qu'il teste un nouveau produit sans elle, et encore moins pour aller seul à une soirée et se faire de nouveaux potes. Kay, putain. « Je de-devais rejoindre des amis mais je ne les ai pas trouvés ». Ses épaules se haussèrent. Tant pis. Maintenant qu'il était avec... elle, Oz n'avait plus tellement envie de retrouver Kay et les autres. Il aimait bien le regard avec lequel la jeune femme l'observait. Elle était douce et patiente avec lui. Elle ne le regardait pas comme s'il était un type bizarre, et il appréciait cette sensation d'être accepté tel quel.
Autrement, les cachets d’ecstasy avaient disparu des mains de la jeune femme, et supposant qu'elle en avait pris un, Sohan jugea alors bon de l'informer : « Je ne sais pas si tu as l'habitude d'en prendre mais ils sont forts ». Pour qu'ils soient autant arrachés, lui, sa psyché et son corps pourtant très tolérants, le comprimé devait contenir un dosage indécent de MD. Cela faisait longtemps qu'il n'était pas parti aussi loin aussi vite, et ce bain de sérotonine n'était pas désagréable. Ce fut donc avec un large sourire épanoui qu'il s'inquiéta du bien-être de sa nouvelle amie : « Ça va ? Tu es toute seule ?  Ou tu dois retrouver des gens ? »

Oui, le gars est déjà bien stone, visiblement il prend de la bonne came pour que ça lui ravage le cerveau bien comme il faut, raison évidente pour laquelle votre regard se soit accroché à sa silhouette hagard. Il est perdu, mais dans le labyrinthe que représentait le Wonderland, votre blondeur avait réussi à l'attirer à vous de façon presque inexorable. Le plaisir de la rencontre semble cependant partagé même si vous n'êtes pas certaine qu'il réagisse au delà de vos mots et que par mimétisme, il ne réponde qu'en reprenant vos dires. Peu importe, peut être que tout à l'heure, c'est vous qui serez dans son état alors que lui ne changera pas le moins du monde, toujours aussi perdu dans les méandres de son esprit. Ainsi, il vous dit qu'il s'appelle Oz, qu'on ose l'appeler Oz en quelques sortes même si vous doutez que ce soit réellement son prénom, même si, ce serait possible, à moins qu'il ne s'inspire de cette série sur les prisons portant ce nom aussi, difficile à dire, du peu que vous avez pu voir de sa carcasse déjà bien abîmée. Il a bu ce verre d'eau de façon frénétique, comme s'il était pris d'un coup d'un sécheresse incroyable, sans doute les effets des cachets qu'il a déjà pu prendre, ingurgiter pour être dans cet état là.

" Enchantée de faire ta connaissance Oz. "

Vous lui souriez légèrement, comme pour mieux le mettre en confiance. Vous ne savez s'il voit une différence, il a l'air déjà bien perché dans son monde et sans doute que vous allez le rejoindre, parce que vous voyez dans le vide de ses prunelles que pour ce soir, vous allez être son seul point d'appui, avant que vous ne sombriez vous aussi et que vous soyez deux poids morts au mieux de ce paradis dansé. Il donne alors une certaine explication, il devait rejoindre des amis mais dans la foule, il n'a pas réussi à les trouver, vous êtes donc une roue de secours, mais vous ne vous en offusquez nullement, c'est de bonne guerre après tout. Ainsi donc, même sans savoir ce qu'il propose exactement, vous acceptez l'expérience donnée, et il juge bon de vous avertir que c'est assez fort. Cela tombe bien, vous ne vous défoncez pas assez régulièrement ces derniers temps, ça ne peut vous faire du mal que de voyager loin, un peu plus loin que d'habitude. Le bonbon fondait déjà sous votre langue, les effets ne tarderaient pas à se faire sentir.

" Oui, ça va bien. Je viens toujours toute seule ici, c'est mieux comme ça de toute façon, je n'attendais personne, sauf toi apparemment Oz. "

Est ce que vous l'attendiez vraiment ? Non, clairement pas, vous ne l'attendiez pas, mais il était là, devant vous, et vous alliez partir de façon violente dans son monde. Depuis que vous aviez fui cet asile, vous preniez de temps en temps des médicaments un peu fort, ça dépendait de ce qui arrivait sur votre table, mais là, vu son état, s'il vous prévenait que c'était un peu fort, pour lui, pour vous, ce serait sans doute à un niveau encore plus élevé. Mais peu importe, vous n'alliez pas le lâcher de la soirée maintenant.

Un sourire niais s'épanouit à nouveau sur les lèvres du trentenaire. La présence de cette jeune femme était réellement apaisante. Certes, la MD et ses artifices n'y étaient pas pour rien, mais Oz avait envie de croire à un peu de magie au-delà de la simple chimie.
Elle aussi continuait de lui sourire, douce, aimable, patiente. Alors quand elle lui annonça qu'elle venait systématiquement seule ici, et que c'était mieux ainsi, Oz sentit ses sourcils se froncer. Puis, d'une voix presque mystique, la jeune blonde lui confirma l'impression qu'il avait eu, quelques minutes plus tôt, en l'apercevant au cœur de la foule du Wonderland. Cette sorte d'attirance, entre l'énergie de leur psyché. Elle n'attendait que lui. Sohan se saisit littéralement de cette déclaration, quelque peu confus. Il avait lu des centaines et des centaines de pages sur l'aura, un concept méprisé par les sciences, du fait de ses connotations ésotériques. Pourtant, il avait la nette impression que cette femme rayonnait ; plus que le simple balayage de la lumière sur sa peau blême ne pouvait l'expliquer. « D'où-d'où viens-tu ? » La question lui avait échappé alors qu'il s'apprêtait à la considérer comme une entité cosmique, descendue sur terre pour voir ce qu'était l'Humanité. Ses lèvres se pincèrent d'elles-mêmes alors qu'il repensait aux épisodes de Star Trek où Q s'entêtait à tester Picard pour se forger une opinion sur l'espèce humaine. Q et son accent très anglais... Voilà ce qui la rendait aussi étrangère : son accent. Écarquillant les yeux sous l'effet de cette fulgurance, Ellroy ajouta, d'une voix toujours empâtée : « Tu as un-un accent différent de ce-celui de Downfall. » La MD balançait à un rythme régulier des spasmes dans sa mâchoire. Sohan serra les dents, agacé par ce bégaiement que le produit lui imposait.

Angela. Putain. Ça lui revenait ! Les associations d'idées qui faisaient frémir ses neurones étaient parvenues à reconstruire son prénom. Et tout prenait un sens, étrange certes, mais la cohérence de cette rencontre lui était à présent limpide. Angela était un dérivé du grec qui signifie « messager ». C'était pour cela qu'elle n'attendait que lui : elle lui avait été envoyé !
Conscient de l'aspect totalement paralogique et délirant de son raisonnement, Sohan eut une moue amusée. Il aimait ce genre d'évidences qu'imposaient les drogues, créant ainsi une harmonie là où il n'y avait habituellement que du chaos.

 « Et ça-ça fait longtemps que tu es à Downfall ? » Il ignorait combien de temps s'était écoulé depuis sa dernière phrase. Toujours était-il qu'il avait un intérêt prononcé pour les étrangers - les non-natifs de l'ex-quartier expérimental - lui qui n'avait jamais franchi le Mur, lui qui avait grandi dans le huis-clos downfallien. « Pourquoi venir seule ici ? Je veux di-dire au Won-Wonderland ? » Oz rougit de sa curiosité et détourna le regard. Loin de lui l'idée de lui faire passer un interrogatoire. Mais Angela l'intriguait. Et puis, il aimait entendre sa voix douce et placide s'imposer par dessus le roulement brutal et écrasant des basses. Sa présence était rassurante, parce qu'il avait la sensation que quelque chose les liait, et que l'un ne pourrait dériver trop loin de l'autre ce soir.

Dire qu'il était intriguant était un total euphémisme pour vous Angela, il était l'attraction de votre soirée, plus que ça même, vous sentiez qu'il y avait quelques choses de plus puissant qu'avec n'importe qui. Est ce que votre folie vous attire mutuellement l'un à l'autre ? Il semblerait que cela soit totalement possible oui, plus que ça même. Vous en souriez alors que vous partagiez ce petit bonbon qui fondait doucement mais sûrement sous votre langue. Et les effets se faisaient déjà ressentir. Votre monde semblait comme disparaître, sauf lui, il semblait avoir été mis en mode netteté sur photoshop, comme si chaque trait de son visage ressortait, comme s'il sortait d'un cartoon ou quelques choses comme ça. D'un peu mieux et vous seriez en train de voir ses yeux sortir de ses orbites, avec une langue pendante. Mais ce n'était pas le cas, pas vraiment, pourtant vous en aviez l'impression. Ainsi, votre sourire s'aggrandissait de secondes en secondes, et sa première question ne manqua pas de le laisser sur votre visage. D'où est ce que vous venez Angela ? C'est une bonne question que même vous, vous ignorez. Vous ne venez pas de Downfall, c'est une certitude, vous venez d'au delà du mur, mais en dehors de cela difficile d'en dire plus, parce que vous n'avez de souvenirs que cet asile dont vous vous êtes échappés. Avant ? Mystère. Votre enfance semble s'être envolée à travers les visions d'horreur de nombreux fantasmes sexuels improbables. Est ce que vous avez été un jour une enfant ? Vous vous le demandez parfois, mais dans votre esprit, vous êtes passée du stade du foetus à ce corps de femme pour assouvir tout un tas de fantasmes, voilà tout. Vous auriez pu être moche, mais ce n'est pas le cas, même si vous êtes loin de vous juger spécialement, mais vous ne vous sentez pas moche, bien au contraire. Et Oz semble être le type d'homme qu'il vous faut. Pourtant, à sa première question, vous ne répondez pas tout de suite, comme si la drogue donnait un effet de latence à votre esprit et que donc, votre cerveau avait du mal à répondre à la question. Qu'est ce qu'il y avait dans son cacheton ? Vous n'en savez rien, mais ça envoyait du lourd, du très lourd et ce n'était pas pour vous déplaire. Il réalisa alors que vous n'étiez pas de Downfall.

" Je suis originaire de l'autre côté du mur, mais rassure toi, la vie est pas mieux là-bas. "

Est ce que c'était même pire de l'autre côté ? C'était ce que vous pouviez en dire, de votre point de vue, de votre expérience, c'est pire en dehors de Downfall. Il faut avouer que vous n'avez pas eu de chance surtout, tout simplement. Vos parents étaient les pires raclures que l'on peut avoir, et vous avez suivi le rythme imposé par leur vie infâme. C'est pour cela que les choses ne tournent pas rond dans votre esprit Angela, mais vous n'en avez pas vraiment conscience, pas même avec lui alors que pourtant, il semble en tenir une couche plus importante que vous encore. Une autre question sort alors de ses lèvres, prouvant clairement son intérêt pour votre petite personne. Il veut savoir depuis combien de temps vous êtes là, mais vous n'en avez strictement aucune idée, le temps n'est plus une notion que vous possédez réellement. Peut être deux ans, peut être trois, voire même quatre, ce sera possible, c'est difficile à dire. Vous faites vos podcasts depuis bientôt deux ans. Est ce que vous avez fait ça directement en arrivant ou un peu après ? Impossible de vous en souvenir, votre psyché n'est plus formaté pour voir le temps de la même manière que les autres. Mais votre esprit n'a pas le temps de lui répondre que déjà une autre question a passée la barrière de ses lèvres. Il va vite mais vous arrivez à suivre malgré tout. Vous avez l'impression qu'il sort d'un caveau, d'une tombe tellement son teint est blafard, mais ça n'est pas très grave.

" Je suis à Downfall depuis assez longtemps pour me fondre dans la masse Oz. Mais si je suis ici, c'est pour trouver des personnes comme toi. En venant seule, je peux passer inaperçue, sauf pour celui à qui j'ai envie de parler. "

Si vous aviez été avec d'autres, serait-il venu vous parler ? Est ce que vous l'auriez repéré ? Est ce que vos esprits seraient rentrés en osmose ? Non, vous en doutez fortement en tout cas, et curieusement, vous avez envie de l'embrasser mais c'est encore trop tôt, vous lui feriez peur, n'est ce pas ? Peut être qu'il n'aime pas le contact ? Vous ne savez rien de lui, vous ne savez pas s'il va donner des informations ou si vous allez devoir aller les chercher vous même, mais peu importe, vous êtes persuadée que vous allez obtenir ce que vous désirez de sa petite personne, au delà de cette drogue ingérée, bien au delà de tout ça, comme si vous alliez voyager dans un autre espace temps durant encore quelques minutes ou heures alors que vous étiez seulement au Wonderland.

Le liseré rosé qui colorait ses joues tranchait avec la blancheur blafarde de son teint. Oz avait rarement bonne mine, et la MD attaquait grossièrement ses traits, raidissant ses mâchoires et allongeant ainsi un visage duquel ses yeux semblaient vouloir sortir de ses orbites. Pourtant, Angela continuait de le regarder, avec cette éternelle douceur à laquelle se mêlait à présent une pointe de curiosité et d’intérêt. Tant d’égard relança le rougissement des joues creuses du trentenaire. Dans le regard de cette femme, il se sentait tellement accepté tel qu’il était qu’il hésitait à succomber à l’idée qu’il pouvait être beau. L’une de ses pensées prit alors la voix d’Elsa, et lui rappela que, non, sous amphét’, il avait « une sale gueule, genre vraiment sale ». Sohan aurait aimé que son amie soit là, qu’elle participe à cette rencontre. Or, est-ce que cette harmonie dans laquelle il s’enfonçait avec Angela aurait été possible ? Certainement pas. Reed était bien trop exclusive pour le laisser, ne serait-ce que deux minutes, à l’attention d’une autre… Peut-être qu’il devrait lui envoyer un message, pour lui rappeler son amitié. Leur amitié. Elsa avait brutalement pris ses distances avec lui suite à la soirée de la Saint Valentin, où il l’avait « abandonnée » selon les accusations de la jeune Blackened Beauty. Une moue chagrinée brisa le sourire qu’il arborait depuis un moment. Ses mains tâtèrent les poches de son pantalon, et il lui fallut passer quelques latences avant de se rappeler qu’il l’avait laissé à Jake, derrière le comptoir.

Son regard revint sur Angela, se détachant du point invisible qu’il s’était mis à fixer alors qu’il était aux prises avec ses pensées. Peut-être était-ce la voix de la jeune femme qui l’avait d’ailleurs ramené dans l’instant présent. Toujours était-il qu’elle venait de répondre à ses questions, demeurant assez énigmatique et binaire. Le manque de précision devait être la marque d’une réserve à parler d’elle et de son passé, donc Oz ne souhaita pas insister. Il reprit son sourire niais et écouta, non sans plaisir, Angela.
Ce n’était pas la première fois qu’un « extérieur » dressait ce constat, comme quoi la vie de l’autre côté du Mur n’était pas meilleure. Sohan acquiesça, presque désolé pour elle ; désolé qu’elle n’ait pas su s’épanouir « là-bas ». Elle ne donna pas tellement d’indice non plus concernant son arrivée à Downfall, ni depuis combien de temps elle y errait. Suffisamment néanmoins pour passer inaperçu selon elle. Ellroy pencha légèrement la tête sur le côté, incapable de comprendre comment elles – Angela et son aura - pouvaient se fondre dans la masse. Puis elle ré-insista sur la presque nécessité de leur rencontre. Comme si les planètes s’étaient alignées afin que leurs psychés puissent partager ce moment de réalité. Sa discrétion lui était donc utile pour être approchée uniquement par les personnes auxquelles elle avait envie de parler. Ça n’avait aucun sens, mais Oz trouva l’idée forte, tant elle confinait avec la parapsychologique et tous ses phénomènes psychiques inexplicables. Psychoses pour les uns et évidences naturelles pour les autres. « Tu-tu crois qu’on devait se rencontrer ? » La question lui échappa. Sa tolérance concernant ce type de discours encourageait une curiosité décomplexée. Cette fille résonnait avec lui, dans un écho troublant qui lui laissait penser qu’elle aussi avait quelques problèmes de câblage.

Sohan perçut alors l’émoi qui emplissait les pupilles dilatées d’Angela. Elle le fixait, avec un intérêt différent, mais toujours aussi prononcé. Une pointe de malaise creva l’insouciance du trentenaire. Il n’était pas habitué à ce genre de regard, et il n’en comprenait d’ailleurs pas vraiment la signification. Gêné, il se gratta la nuque, ses ongles rongés jusqu’au sang glissant sur la transpiration qui recouvrait sa peau. « Tu veux boire quelque chose, ou aller danser ? » Il ne voulait pas qu’elle s’ennuie, ni qu’elle se lasse de sa compagnie. Après, s’ils étaient destinés à se rencontrer, rien de ce qu’il pouvait faire ou dire ne pourrait délier le lien qui venait de les unir. Soulagé par ce qu’il tenait pour une évidence, Oz se laissa aller à un sourire et reprit suffisamment d’aplomb pour soutenir ce regard avec lequel elle le considérait.

Est ce que vous étiez en train de voir que ses joues rosissaient à vue d'oeil ? Non, votre regard ne se portait pas sur ce détail insignifiant, mais bien à ce que vous pensiez lire dans les pupilles de ce jeune homme. Son regard était intriguant, plus que la rougeur naissante sur son visage, bien au delà de ça. Il était intriguant, tout son être l'était bien plus qu'il ne le fallait, mais votre regard rempli de douceur semblait avoir été hypnotisé par sa personne, tout comme l'inverse semblait être véritable aussi fou que cela puisse être. Qu'est ce qui pouvait réellement vous attirer l'un à l'autre ? Cela ne semblait pas être définissable de façon clair, mais l'intérêt semblait être instinctivement naturel, comme si les plus fous entre eux se reconnaissaient entre mille dans une foule aussi compacte que celle du Wonderland. Oz semblait pensif, mais vous n'aviez aucune idée de ce qui se tramait dans sa tête, vous n'aviez pas encore ce super pouvoir là même si parfois ça aurait été bénéfique dans certaines circonstances. Quoiqu'il en soit, avec vous, il ne devait pas s'en faire, il était avec la plus parfaite des compagnies. Bien entendu, vous n'alliez pas vous amuser à le lui dire aussi ouvertement mais les choses étaient ainsi, comme pour vous, il ne pouvait y avoir meilleure compagnie que lui, et c'était ce que vous lui disiez. Alors, il vous demande, il vous pose la question qui paraît presque fatidique mais dont la réponse est assurément positive.

" Je le pense sincèrement Oz, c'est un signe que tes amis ne soient pas là, c'est parce que nous devions partager ce moment, rien que nous deux dans ce tumulte perpétuel. Je suis certaine que l'on pourrait faire de grandes choses ensemble. "

Vous partez loin, mais c'est votre destinée. Non, en vrai, c'est du baratin, mais il vous hypnotise tellement que ça semble être d'une limpide limpidité pour vous, comme pour lui au vue de la question providentielle. Vous êtes au Wonderland, mais les effets de la drogue se font sentir sur votre organisme, et c'était comme s'il n'y avait que vous eux, et personne d'autres. Vous ne savez pas ce qui vous retiens de lui sauter dessus et de l'embrasser mais vous ne le faites comme si vous pensiez, sans doute à tord, ou peut être à raison que cela pourrait le faire tout simplement fuir. S'il est ici, c'est qu'il n'a pas peur du contact, n'est ce pas ? Ainsi, il vous demande si vous voulez boire ou danser, comme s'il avait peur que déjà vous le quittiez. Mais il a une bonne idée, un verre avant d'aller squatter la piste de danse, rien que vous deux, et personne d'autre.

" Buvons à notre santé Oz, tu veux bien ? Qu'est ce que tu aimes boire ? Qu'est ce qui va bien avec les petits bonbons que nous avons pris ? Il y a bien quelques choses qui va à la perfection avec ceci, non ? Et ensuite, nous danserons jusqu'au bout de la nuit d'accord ? "

De votre main, vous lui faites comprendre de s'installer plus confortablement sur le siège juste là alors que votre sourire se fait toujours présent sur votre visage, comme sur le sien d'ailleurs, il n'en est que plus séduisant. Vous ne savez pas comment tout cela va se finir, mais pour le moment, il semblerait que vous soyez bien ensemble, pourquoi vouloir rompre la magie de ce moment en dehors du temps ?

Ellroy éprouvait une certaine admiration pour cette audace avec laquelle Angela se permettait d’exister. Il se dégageait d’elle une forte assurance, non sans lien avec son charisme naturel. Si Sohan n’était pas très sensible aux charmes féminins – ni masculins d’ailleurs -, il en pouvait nier cet intérêt pour l’aspect physique de la jeune femme. Aucun désir n’animait son corps depuis toujours étranger à une quelconque libido. Son attirance confinait plutôt avec le concept philosophique de l’esthétique ; cette discipline qui s’attachait aux perceptions, aux sens et à la beauté, avec toutes les émotions que chacun pouvait drainer et affoler. Angela suscitait en lui un fort éveil de ses sens, exacerbant les sensations induites par la MD. Pourtant, il parvenait à ne pas y succomber, à ne pas s’abandonner à cette effervescence de pensées qui aurait pu le rendre trop confus. Oz se sentait profondément ancré dans l’instant présent. Une impression qui lui était rare, trop rare. Il sentait qu’il pouvait se rattacher à la réalité que tous deux se construisaient, ignorant certains détails de celle qui les entourait pour mieux exister comme ils leur plaisaient.

Avec un aplomb forgé par l’évidence, Angela lui confirma ce qu’il suspectait : ils devaient se rencontrer. Sinon, pourquoi s’était-il retrouvé seul, oublié par ses amis ? Cela faisait suffisamment sens pour le trentenaire pour qu’il acquiesce, acceptant pleinement ce mysticisme que d’autres appellerait du hasard. Certains d’entre eux diraient même qu’ils étaient fous, la psyché rongée par une psychose qui contournait et détournait le sens communément admis. Ellroy acceptait de considérer ce type de fonctionnement mental comme une maladie, mais il se demandait régulièrement si ce qu’il percevait de la réalité était juste une réécriture personnelle de perceptions déformées par des traumatismes, ou bien s’il était juste capable – malgré lui – d’accéder à l’envers du décor, de traverser le miroir. Pourquoi ses perceptions étaient-elles jugées comme des illusions voire des hallucinations ? Pourquoi personne ne voulait penser qu’il était dans le vrai, là où les autres se laissaient avoir par des simulacres que lui savait dissiper ?

Encore une fois, ses pensées le firent dériver hors du temps et de l’espace, et ce fut brutalement qu’il retrouva son corps, plein de sueur et raidi par la drogue, perdu au milieu de la foule du Wonderland. Il devait rester ici-bas, avec Angela, surtout car de « grandes choses » les attendaient.
Le regard vif, la jeune femme continuait de le cerner de ses yeux bleu azur. Elle semblait elle-aussi en proie à des réflexions dont Sohan ne pouvait rien deviner. Mais elle y erra moins longtemps, et quand elle revint à elle, à eux, Angela proposa de boire en l’honneur de leur santé. Ils en auraient besoin pour traverser la nuit qui les attendait. Or, elle ignorait quelle boisson pourrait s’accorder aux comprimés d’ecstasy avalés et lui demanda son avis. Ellroy se figea un bref moment, incapable de la moindre suggestion. Lui n’avait besoin que d’eau, mais il doutait que cela satisfasse le palais de son amie. La chaleur du Wonderland l’invita alors à considérer quelque chose de frais, de très frais. « Un Mojito peut-être ? » Il n’en avait aucune foutue idée, mais Angela attendait après lui pour pouvoir trinquer. Oz savait que c’était une mauvaise idée de mélanger alcool et drogue, d’autant qu’il n’avait aucune tolérance pour cette foutue molécule qu’était l’éthanol. Pourtant, quand les verres furent servis, Sohan but d’une traite le sien, toujours aussi assoiffé. La fraicheur de la boisson lui fit passer la grimace que lui arrachait habituellement le rhum. Et ce fut avec un verre vide qu’il trinqua, un air con sur le visage. Il laissa la tâche de trouver un toast à Angela, car il savait qu’elle saurait quoi dire et comment le faire. Avec cette aisance qu’il lui enviait.

Un bout de cul posé sur le siège sur lequel la jeune femme lui avait demandé de s’asseoir, Oz laissa ses oreilles accueillir la musique qui était diffusée. Un DJ avait pris place derrière les platines et offrait un live assez groovy au Wonderland et ses âmes égarées. Sohan dodelina de la tête, en rythme, tout en sentant son corps vibrer sous le roulement des basses. Il accorda un regard à Angela, tout aussi prêt à aller danser que de demeurer au comptoir pour continuer à discuter avec elle. La décision lui revenait ; il suivrait son envie.

Vous ne savez pas pourquoi vous l'aviez choisi lui au départ, mais plus vous restiez à ses côtés, avec lui, plus vous compreniez qu'il y avait une véritable osmose entre vous deux, une osmose naturellement naturelle qui semblait s'amplifier de minutes en minutes. Est ce qu'il avait cette impression là ou pas ? Vous ne sauriez le dire, peut être que c'était les effets de ces petits bonbons sur votre organisme qui agissaient véritablement sur votre perception du monde, l'affinant pour le meilleur sans doute. Enfin, c'était ce que vous supposiez même la réalité était évidemment bien différente. Vous étiez donc persuadée que vous deviez vous rencontrer, ça tombait sous le sens, sinon, il aurait été rejoins pas ses amis, et donc totalement inaccessible, mais là, ce n'était pas le cas, et votre émerveillement mutuel grandissait de jours en jours. Bon, pas vraiment de jours en jours, mais de minutes en minutes ce serait plus exact, en vérité, mais l'espace temps semblait avoir été tordu pour le meilleur, ou peut être le pire, comme si dans le fond, vous vous connaissiez depuis longtemps alors que c'était votre première réelle rencontre, comme si avant celle-ci, le destin en avait décidé tout bonnement autrement. Est ce que vous pensiez que cela était possible ? Oui, sans doute que vous ne deviez pas vous rencontrer avant ce soir, pour le mieux. Quoiqu'il en soit, vous n'aviez pas pris d'ecstasy depuis si longtemps que vous en aviez oublié quelle genre de boisson pourrait l'accompagner. Peut être qu'un mojito pourrait convenir, et l'idée vous parut brillante, comme si une nouvelle fois, il s'agissait d'une évidence. Vous aimiez bien cette boisson dans les souvenirs que vous aviez, enfin ce cocktail puisqu'il y avait du rhum, de la menthe, du citron si vous ne vous trompiez pas. Ainsi donc, vous passiez commande au barman qui apporta les deux verres rapidement même si vous aviez pu lire un certain étonnement sur son visage, car sans doute, Oz n'en boit pas si souvent que ça. Il n'en profita pas tellement d'ailleurs car le verre fut vidé d'une traite alors que vous trinquiez et que vous n'aviez bu qu'une petite gorgée.

" A cette folle nuit Oz ! "

Cette nuit ne serait assurément pas commune, mais vous ne sauriez dire dans quel sens, parce que ce soir, tout les deux, vous n'agissiez pas tout à fait comme à votre habitude, aussi étonnant que cela puisse paraître. Ainsi donc, alors que son verre était bien vide, son âme se mit à vibrer d'une autre façon encore, comme si elle commençait à être pénétrée par la musique environnante que vous commenciez à entendre à votre tour alors que vous buviez une autre gorgée de ce cocktail rafraîchissant. Il faut dire qu'il commençait à faire chaud ici, et qu'une folle envie d'ôter vos vêtements vous prenez. Mais une autre gorgée de la boisson, puis encore une autre vous donna l'impression que la température descendait un peu et que vous pouviez garder ce que vous aviez sur vous. Finalement, le verre se retrouvait bien rapidement vide par rapport à ce que vous preniez le temps de déguster mais ce soir n'était pas un soir comme les autres. Et doucement mais sûrement, votre tête commençait à bouger au même rythme que celle d'Oz. Instinctivement, vous lui preniez la main, comme pour ne pas le perdre et vous vous leviez.

" Allons danser maintenant que cette boisson a réussi à refroidir un peu nos organismes, j'ai envie de bouger mon corps au rythme de cette musique psychédélique. "

Est ce qu'elle était vraiment ainsi cette musique ? Pas vraiment, mais elle grondait en vous de cette façon, comme si le disque joker avait changé de braqué et qu'il avait mis la musique qui vous convenait, comme un signe pour aller danser. Alors vous faisiez quelques mètres et vous commenciez à bouger de façon plus ou moins saccadée, de façon plus ou moins rythmée, comme s'il n'y avait plus que vous deux, et personne d'autres sur cette piste là.

Oui, cette nuit s'annonçait folle, par-delà une raison dont chacun d'entre eux avait été dépourvu, celle-ci évidée de tout sens commun pour y enfoncer des traumatismes qui ne seraient jamais totalement ensevelis. La bouche toujours aussi pâteuse, Sohan peina à maintenir son sourire sans grimacer. Il se massa brièvement les mâchoires, se sentant progressivement libéré des spasmes qui avaient encombré son élocution jusque-là. Ses sensations étaient moins dispersées et confuses, et se recentraient en une sorte de clairvoyance affûtée. Il percevait à nouveau le fragment d'univers qui les entourait, mais n'éprouvait aucune difficulté à y exister, l'orgueil gonflé par la MD. Sauf qu'il savait ce que signifiait ce resserrement de ses sens, et déjà il craignit que les contours de cette réalité dans laquelle il avait pu si librement errer s'effritent, que l'aura exceptionnelle de cette rencontre avec Angela s'éteigne, que l'harmonie fusionnelle entre eux se dissipe. Ses mains tâtèrent ses poches, cherchant le relief du pochon qui contenait les artifices dont il voulait continuer de s'émerveiller. Parce qu'il savait que tout cela s'arrêterait à un moment ou à un autre. Oz espérait juste pouvoir repousser au maximum cette échéance, cette chute dans les affres d'une existence trop douloureuse à porter. La mystique Angela deviendrait alors presque banale, plus psychotique qu'oracle. Sohan n'était pas prêt à retourner dans ce monde.
Alors il recommanda un verre après avoir écrasé un billet sur le comptoir. Jake passa devant lui, et écarquilla les yeux, surpris. Ellroy lui claqua un clin d’œil qui ne fit qu'accroître la sidération du barman. Celui-ci s'exécuta néanmoins, et Oz put alors accompagner Angela.

L'alcool ne tarda pas à se mêler aux effets des amphétamines, dispersant brutalement les pensées qui trentenaire. Quelques vertiges décolèrent de son estomac une sensation de nausée qui le fit pâlir. Angela ne semblait pas vraiment prêter attention à son état. Elle bougeait nonchalamment la tête, se faisant proie des basses. Sohan décida d'ignorer les protestations de son corps et s'abandonna à la musique. Il y parvint rapidement, mais fut rappelé à sa condition lorsque la jeune femme sauta de son siège, lui saisit la main, et le traîna sur la piste de danse. Elle lui hurla dans l'oreille son envie de danser, maintenant que leur corps était préparé à la surchauffe qui les atteindraient. Angela se laissa aller à ce que la musique voulait faire d'elle, et dansa, exaltée. Oz l'observa un moment, sincèrement touché par la grâce qui se dégageait des mouvements furieux de la jeune blonde. Il y voyait une détermination décomplexée. Et il tenta lui aussi de se livrer aux roulements des basses.

Il lui sembla ne jamais avoir aussi bien dansé. Son corps se mouvait de lui-même, offrant à sa psyché une valse qui la laissait fiévreuse. Habituellement, Sohan n'était pas un grand amateur de ce type de trance progressive. Il préférait les sons avec plus d'épaisseur, au rythme plus soutenu et à l'ambiance plus étouffante. Mais il prenait pourtant un réel plaisir à s'agiter sur le live de ce DJ dont il se dit qu'il devait retenir le nom, même s'il savait que quand il le réécouterait, il serait déçu. Parce que cette effervescence, il l'oublierait, malgré la vigueur avec laquelle il la ressentait présentement. Tout avait une fin.

Comme cette soirée.
Mais elle s'annonça plus tôt qu'il ne put l'imaginer. Ils avaient eu le temps d'écouter un nouveau DJ avant que les lumières ne dissipent brutalement les ténèbres du Wonderland. Des voix s'imposèrent par dessus les murmures de la foule soudainement privée de son. Une descente de flics ? Les informations qui animaient les bouches étaient confuses. Mais Oz comprit qu'il était temps de partir d'ici. L'ambiance s'était crispée. Clairement, ça allait dégénérer.
Ellroy saisit la main d'Angela et l'invita à le suivre. « Il faut partir. » Il n'eut pas la présence d'esprit de récupérer son sweat-shirt ni son portable en passant devant le comptoir derrière lequel Jake s'était figé. Sohan n'avait qu'une seule idée en tête : protéger Angela et sortir d'ici, vite.
Le Wonderland était un dédale qu'il connaissait bien, et le duo fut rapidement rendu dehors. Un videur les laissa partir par une sortie privée. Le type leur conseilla, alors qu'ils passaient devant lui, de ne pas traîner dans le coin, car ça risquait de bouger. Les flics venaient faire chier les Prayers dans leur nouveau chez eux. Le ton allait monter.

Bien que le Wonderland s'éloignait dans leur dis, Sohan tenait toujours fermement Angela par la main quand il lui proposa : « On n'est pas très loin de l'océan. Je t'y emmène ? »

Cette soirée s'annonçait bien meilleure que ce que votre esprit n'avait pu simplement imaginé Angela, mais il faut croire que vous étiez voué à vous rencontrer avec Oz. Vous n'avez pas remis en question ce prénom, ce surnom, parce que dans le fond, ça n'a aucune importance à vos yeux puisque vous aviez réussi à vous rencontrer. Et la soirée ne semblait pas vouloir se terminer trop tôt non, même si ce qui se dessinait dans votre esprit n'avait sans doute rien à voir avec ce qui allait se faire réellement mais peu importe, avec l'alcool et la drogue, vous n'alliez pas redescendre tout de suite de votre piédestal, clairement pas, vous le saviez. Pour lui, ce serait peut être différent, car il était bien plus habitué à prendre ce genre de substances que vous Angela, alors peut être que l'effet serait de courte durée pour lui. Là aussi néanmoins cela n'avait pas grande importance car vous aviez fini par lui prendre la main pour aller sur la piste de danse et vous déhancher au rythme de cette musique presque plus psychédélique que l'homme en face de vous, à vos cotés. Et ce sourire ne lâchait plus votre faciès parce que vous étiez bien, parfaitement à l'aise dans le cocon que vous aviez réussi à vous créer malgré tout, et ce n'était pas pour vous déplaire, comme si finalement, il n'y avait qu'elle, et toi ce soir, et personne d'autres évidemment. Pourtant, ce n'était pas si simple que ça, mais votre esprit était ailleurs, même si votre corps se trouvait physiquement là, votre esprit était dans un autre monde, entre le Wonderland et un pays que vous n'aviez plus trouvé depuis déjà bien trop longtemps. Mais les choses sont ainsi et cette hybridation était quelques choses qui convenait à merveille. Vous dansiez, et la notion de temps et d'espace devenait de plus en plus flou. Combien de temps est ce que vous êtes restés sur la piste de danse avant que l'ambiance ne se flétrisse ? Difficile à dire, peut être plusieurs heures, peut être juste quelques minutes, vous n'en aviez aucune idée, mais de ce que vous compreniez, la tension était arrivée dans la pièce. Pourquoi ? Comment ? Vous n'en saviez strictement rien du tout Angela, mais c'est la main d'Oz qui vous ramena à la réalité pour ainsi dire, avant que sa voix de vienne se frayer jusqu'à vos oreilles. Il fallait partir et votre esprit n'était nullement en capacité de prendre une autre décision. Qu'est ce qui aurait pu se passer s'il avait dit quelques choses d'autres ? Vous l'ignorez, sans doute que ça aurait pu faire mal, mais sans réfléchir, vous le lâchiez pas sa main et ainsi donc, vous le suiviez à travers le Wonderland pour réussir à finalement en ressortir en l'espace de ce qui semblait être une fraction de seconde, car bientôt, vous n'entendiez plus les mélodies, votre corps ne bougeait plus tout seul sous le rythme de cette musique bien trop forte. Est ce que vous étiez en train de redescendre ? Vous n'en saviez rien, les sensations que votre corps éprouvaient n'étaient pas claires, elles étaient confuses, bizarres, mais une chose était certaine, vous n'étiez plus à l'intérieur de la boite de nuit, mais dans les rues de Downfall. Et ainsi donc, toujours main dans la main, comme deux amoureux fuyant une famille bien trop encombrante, il vous proposait d'aller à l'océan qui n'était pas très loin. Il serait votre guide, vous lui faisiez confiance, car si la notion de temps avait disparue, celle contenant l'espace semblait en avoir pris un sacré coup également, mais c'était ainsi après tout. Alors, vous le regardiez dans les yeux pour lui répondre.

" Allons à l'océan, cela me parait être une merveilleuse idée. "

Il aurait sans doute pu vous dire tout, et n'importe quoi que cela aurait été une merveilleuse idée, mais là, vous alliez le suivre sans poser plus de questions, sans vous poser plus de questions que ça, parce que votre esprit était encore loin, très loin, comme si votre âme s'était détachée de votre corps, ou quelques choses dans ce genre là.

Tandis qu’il forçait le pas à travers le Watts, prenant la direction de l’Ouest afin d’atteindre l’océan et les plages de West Coast, Sohan réalisa qu’il tenait de sa main une parfaite inconnue. Certes, quelque chose s’était passé entre eux et en eux ; quelque chose qui lui donnait l’envie d’offrir une confiance aveugle à cette femme qui avait su le voir parmi cette foule massive et compacte. Il était intimement persuadé que ce quelque chose dépassait clairement les seuls effets de la MD. Il dépassait même cette folie qu’il partageait pourtant. Pourtant, Oz ne parvenait pas à nommer cette évidence. Peut-être parce que cela se passait de mots.
Angela s’enthousiasma de sa proposition. Elle marchait à présent à son niveau, et l’avait cerné encore une fois de son regard étrange. Le trentenaire eut un sourire à l’éclat juvénile. Etonnamment, il n’avait pas lâché la main de la jeune femme, lui qui répugnait pourtant au moindre contact. Perdu dans son regard azur, Sohan ne vit pas le trottoir s’arrêter et manqua de perdre l’équilibre, son pied glissant d’une bonne dizaine de centimètres. Leurs paumes moites faillirent se séparer, mais Angela parvint à maintenir sa prise et à lui éviter de se bouffer le bitume. Les joues empourprées, il reprit sa marche comme si de rien était, se sentant ridicule d’avoir presque chaviré, envoûté par ses yeux.

« Ça fait combien de temps que tu es à Downfall déjà ? » La réponse d’Angela avait été relégué à l’oubli, faute d’une mémoire opérante. Ellroy fut néanmoins frappé par une impression de déjà-vu. Confus, il ralentit, les yeux plissés en un effort intense de rappel de ses souvenirs. Mais il n’y avait rien à faire. Alors, il embraya : « Tu vis où ? » Il lui fallait poser la question pour réaliser que cela ne se faisait peut-être pas. Il était mal vu qu’un homme qui ne connaissait une femme que depuis quelques heures lui demande où elle habite. C’était Pixie qui lui avait fait remarquer que cela pouvait laisser penser qu’il était intéressé par une folle partie de jambes en l’air. « Je veux dire… tu habi… » Non, ce n’était pas mieux, le fond restait le même. « Désolé, je ne dis pas ça pour venir chez toi et qu’on… on fasse des… trucs » Il aurait peut-être mieux fait de se péter les dents sur le trottoir, ça lui aurait épargné la possibilité de sortir ce genre de connerie.
Le visage rougi par la honte, Sohan s’écarta brutalement d’Angela, imposant une distance qui permettrait à la jeune femme de comprendre qu’il ne désirait aucun rapproché. Il hasarda son regard partout sauf sur elle, bien trop gêné pour supporter le moindre contact visuel. Il aperçut alors une petite épicerie ouverte. « Tu veux… » Il avait murmuré, encore pétri de honte. Le trentenaire prit néanmoins sur lui et recommença : « Tu veux qu’on se prenne quelque chose pour la plage ? » Il lui restait un billet de vingt dollars. Ils pourraient se prendre un pack de bières ou même une bouteille d’alcool fort avec ça. Sohan appréciait la façon dont l’éthanol se mariait aux amphétamines. Il avait cru complètement redescendre au moment de devoir fuir le Wonderland, mais il réalisait à présent que son état de défonce demeurait encore bien avancé. Et puis, au pire, il avait de quoi faire durer encore un peu la soirée. Car malgré l’heure avancée, quelque chose – oui, encore ce quelque chose – lui disait que toute cette soirée ne faisait que commencer.

Où est ce que tout cela allait pouvoir vous mener Angela ? Vous n'en aviez aucune foutue idée, mais vous vous laissiez porter par celui qui serait Oz dans votre esprit, peu importe comment il pouvait s'appeler en vérité, ce n'était pas un problème, vous sauriez le retrouver, le reconnaître aussi. Peut être que la prochaine fois il sera avec ses amis et qu'il fera le choix de vous ignorer, peut être pas, difficile à dire, parce qu'il semblait avoir été autant hypnotisé par votre regard, votre voix, autant que vous l'avez été par son être tout entier. C'est étrange, mais la sensation reste agréable au delà de l'alcool et de la drogue ingérée qui font encore bien effet sur votre organisme, peut être déjà un peu moins sur le sien, sans doute plus habitué à recevoir une telle dose. C'est peut être pour ça que vous avez la sensation qu'il accélère un peu, comme pour que vous soyez au bon endroit, au bon moment quand il sera descendu de son nuage, à moins que ça ne soit pour d'autres raisons toutes aussi obscures. Comme deux amoureux transis, vous vous dirigiez vers la plage alors que pourtant, vous ne vous connaissez quasiment pas, que vous n'avez échangés que quelques paroles, mais il faut croire que le feeling est bon entre deux esprits bien amochés, bien différents de celui du commun des mortels. Pourtant, dans la foule, c'était lui qui avait réussi à faire accrocher votre regard, et là, main dans la main vous alliez loin du Wonderland, ignorant complètement les notions de distance qu'il pouvait y avoir. Vous marchiez et il manquait de peu de se rétamer par terre mais la prise entre vos mains tenait bon et il réussissait à garder son équilibre pour continuer cette quête que vous veniez de vous donner. Ainsi, il repose la question, depuis combien de temps est ce que vous êtes là Angela ? Impossible de le dire clairement, quelques années, mais combien précisément ? Vous même vous l'ignorez. Alors un petit haussement d'épaules se fait sans que votre bouche ne s'ouvre vraiment alors qu'il enchaine sur une autre question mais là encore, vous n'avez pas le temps de répondre Angela qu'il se rend compte qu'elle est peut être indiscrète. Pourtant votre regard se plante dans le sien, enfin vous essayez de le capter alors que d'un seul coup, il s'éloigne comme pour vous faire comprendre qu'il ne comptait pas coucher avec vous ce soir, et peut être même aucun autre soir alors que c'était pourtant votre spécialité. Il semble avoir honte de cela, mais votre esprit ne comprend pas qu'il n'est pas quelqu'un qui aime ça, qu'il n'aime pas réellement le contact alors que pourtant votre esprit s'est déjà joué le film du baiser et plus sur la plage. Vous essayez de comprendre, mais vous n'y parvenez pas, alors il change de sujet, parce que le précédent le gêne et que donc vous n'allez pas continuer d'alimenter ce malaise. Sur votre chemin se trouve une petite épicerie, et presque immédiatement, il vous demande si vous voulez quelques choses.

" Je crois qu'il fait soif, alors une bonne bouteille serait peut être la bien venue sur la plage. "

Vous n'êtes pas sûre, mais sans doute que c'était ce qu'il voulait entendre, n'est ce pas ? Vous n'en êtes pas certaine à vrai dire, car les certitudes se sont envolées avec la distance qu'il venait de prendre alors que jusqu'à présent vous étiez proches. Vous aviez une envie furieuse de l'embrasser pour le rassurer, mais si l'envie était toujours présente, la certitude de faire ce geste s'était envolée car peut être que cela le ferait fuir. Est ce que vous pourriez faire l'amour de façon platonique sur cette plage ? Est ce que l'alcool prochainement acheté pourrait faire la différence ? Vous n'en saviez rien du tout, mais les choses allaient à présent dans une direction qui semblait différente de celle à laquelle vous aviez pensé avec sa proposition de se rendre sur la plage, là où il n'y aurait personne, juste vous deux.

Ses lèvres se pincèrent, prises d'un doute. Il éprouvait un sentiment de honte mais ne parvenait plus à savoir pourquoi celui-ci était né. Oz braqua un regard - qui fut plus vide que pensif - sur Angela, et s'anima d'un rire nerveux. La jeune femme semblait elle-aussi quelque peu confuse. Ses pupilles dilatées avalaient les ténèbres de la nuit ; ténèbres qu'une lueur tentait de dissiper, ou du moins, d'y survivre. Quelques pas les séparaient à présent, sans que Sohan ne puisse se rappeler la raison de cette soudaine distance. Il s'apprêta à s'avancer vers Angela lorsque celle-ci lui annonça qu'elle avait soif. Enfin, qu'elle croyait avoir soif. Une bonne bouteille saurait la contenter. « Attends moi ici, je reviens. » Et il la planta, là.

Ellroy foula le bitume à vive allure pour s'engouffrer dans la petite épicerie où son irruption fit sursauter le vieil homme derrière le comptoir. Plusieurs bouteilles étaient alignées derrière lui. Sohan tenta de lire les étiquettes, se demandant ce qu'était une bonne bouteille. Son amie voulait-elle du vin ? Il semblait difficile de trouver un grand cru dans ce commerce. Et puis, avec son billet de 20 dollars, il n'irait pas très loin. Mais cela l'ennuyait de ramener une bouteille qui décevrait les attentes d'Angela. Plaçant une main sous son menton, Oz se perdit dans ses doutes et hésitations, jusqu'à ce que la voix de l'homme lui demande s'il pouvait l'aider. « Oui, sûrement. Angela veut une bonne bouteille parce qu'elle a soif. J'aurai besoin de votre meilleure, pour 20 dollars. » Le vieux l'observa quelques longues secondes, dubitatif, avant de finalement se retourner et de lui indiquer une bouteille de vodka, une autre de whisky et une dernière de rhum. Ils avaient tous les deux bus des mojitos au Wonderland, ce qui signifiait que la jeune femme appréciait très certainement le rhum.

Oz retrouva Angela, le goulot d'une bouteille de rhum ambré fièrement tenu entre ses doigts. « Allons-y ». Il lui prit la main et l'entraîna encore un peu plus profondément dans Gardena. Le Watts était à présent dans leur dos. La jeune femme ne semblait pas savoir où elle était, mais le suivait sans crainte. « On sera bientôt à la plage. Je t'amène à celle de Palos Verdes ; la plus belle de la ville ! » Peut-être connaissait-elle ce banc de sable prisé.

Un sourire sur le visage, ils marchèrent un petit moment en silence. Oz se perdait non sans un certain plaisir dans ses pensées, pour la plupart enthousiastes. Il s'émerveillait de cette soirée et de ces instants de grande plénitude. Cela faisait longtemps qu'il ne s'était pas senti aussi apaisé. La dernière fois qu'il avait éprouvé un tel sentiment de satisfaction remontait à sa rencontre avec Sam, lors de la soirée de la Saint Valentin organisée à Van Nyus. Or, le bal avait rapidement viré au drame, un incendie ayant ravagé la salle des fêtes dont ils avaient failli être les prisonniers. C'était depuis ce jour qu'Elsa refusait de lui parler. Une moue peinée tira les traits du jeune homme qui secoua la tête pour chasser ces pensées hors de sa conscience. Son attention revint sur Angela, toujours aussi calme et silencieuse.
Alors que la ligne d'horizon de l'océan se découpait sous la lumière d'une lune presque pleine, Ellroy demanda à son amie : « Pourquoi être venue à Downfall ? Tu as du fuir quelqu'un ou quelque chose ? » Oz ne comprenait pas pourquoi tant d'âmes échouaient dans l'ex-quartier expérimental alors qu'elle avait eu la chance de naître ailleurs. Lui, qui connaissait les moindres rues de Downfall, rêvait de pouvoir voir autre chose, bien que cet inconnu, immense, l'effrayait. Cependant, il aimait se dire régulièrement qu'un jour, il oserait franchir le Mur et découvrir cet ailleurs, souvent décrit comme « pas mieux ». Mais il savait que cela serait différent. Et ça lui suffisait.

Vous ne saviez pas où vous alliez, dans quelle direction, mais ça prenait un certain sens toutefois sans que vous ne maîtrisiez rien, ou presque parce que vous vous laissiez guider par votre instinct, et Oz qui était là, qui était devenu votre guide spirituel malgré lui. Il avait eu le réflexe de quitter le Wonderland avec la descente de police, et sans doute que sans lui, vous seriez encore là-bas sans savoir réellement quoi faire, prise dans un carcan de murs impossibles à repousser. Ici, vous ne saviez pas plus quoi faire, mais l'air frais sur votre visage signalait une certaine liberté malgré tout, et ce petit sourire sur vos lèvres venait compléter le tableau qui se dressait à vos portes. Pourtant, il y avait quelques choses dans votre esprit qui n'allait pas dans le sens habituel de ce genre de rencontres, parce que oui, le plus souvent, vous finissiez par leur sauter dessus pour vous amuser de façon plus intime que ça, mais pour le moment, l'envie était là, comme toujours, ça faisait partie de votre être Angela mais vos muscles ne s'étaient pas positionnés sur lui à califourchon, peut être parce que vous aviez senti que ça pourrait le perturber et vous n'aviez pas envie de vous séparer de lui. Pourtant, c'est ce qu'il fit en vous laissant là, sans presque aucune réaction, mais en votre for intérieur, vous étiez certaine qu'il allait revenir vers vous avec ce qu'il fallait, une bouteille que vous pourriez boire sur la plage en vous amusant le plus simplement et naturellement du monde. Vous ne saviez pas d'où pouvait venir cette certitude là, mais elle était bien présente malgré tout. Et donc il disparut de votre champs de vision durant un laps de temps totalement incertain, cette notion ayant disparue depuis déjà de nombreuses minutes, peut être même des heures, vous ne sauriez dire, parce que vous n'aviez pas regardée et que dans le fond, ça n'avait aucune importance, tant que le plaisir de l'amusement était là alors tout irait bien. Et il revint avec une bouteille qui ferait l'affaire, même si c'était habituellement quelques choses que vous n'aimiez pas, vous aviez le sentiment que ce soir ne serait pas comme tous les autres soirs. Ainsi donc après cette petite pause, vous repreniez votre course en direction de ce qui était une plage. Combien de temps faudrait-il marcher encore ? Vous n'en aviez absolument aucune idée comme si l'espace temps n'avait plus aucune importance alors que vous vous sentiez malgré tout bien. Main dans la main, vous avanciez, vous parcouriez des mètres, des kilomètres peut être à un rythme qui était plus ou moins lent mais qui ne vous posait aucun problème comme si vous alliez pouvoir faire un marathon ou quelques choses dans le genre. Downfall n'était sans doute pas assez grand pour ça mais peu importe, l'idée était là, celle où vous pourriez avaler les kilomètres pendant des heures, heures qui ne seraient peut être que quelques minutes d'ailleurs. Ainsi donc, il révèle la destination finale, celle où il veut vous emmener, et un sourire se dresse plus franc encore sur votre visage.

" Palos Verdes c'est parfait oui. "

Avec la nuit se dessinant devant vos yeux, vous n'arriviez nullement à vous situer, surtout qu'avec la drogue et un premier verre d'alcool, les choses étaient un peu bizarre, mais vous aviez confiance alors qu'il y a de cela quelques minutes encore, vous ne le connaissiez pas. Mais vous le savez, ce n'est pas pour rien que votre regard a été irrémédiablement attiré par son être, parce qu'il possède quelques choses un truc en plus, ou un truc en moins, mais il a cette particularité malgré tout. Et vous marchiez, encore, un peu, et l'océan semblait se dessiner à l'horizon, moment qu'il choisit pour poser sa question avec une improbable innocence dans le ton de la voix, ainsi que dans son regard. Mais il avait vu juste, vous aviez fui quelques choses, quelqu'un aussi par extension.

" Je suis venue à Downfall pour me trouver un refuge et si ce n'est pas forcément mieux, ici, on ne cherche pas à vouloir attenter à ma vie, et ça me suffit, je crois. "

Pour une fois, la certitude n'ébranlait pas votre voix, c'était même plutôt le contraire, vous ne saviez pas vraiment pourquoi vous étiez là, vous ne sauriez même pas dire depuis combien de temps vous étiez là, mais ça n'avait plus d'importance, votre vie était ici, et non de l'autre côté dans un asile psychiatrique parce que vous êtes considérée comme un danger pour vous, mais aussi pour les autres. Ici, vous restez imprévisible, un danger aussi, mais personne ne semble avoir réussi à pleinement vous remarquer, parce que vous êtes plus une petite voix qu'une personne véritable et c'est bien là votre fond de commerce. Votre voix est belle, claire, et elle raconte des histoires à demi vraie sur fond de vérité. Est qu'Oz en avait entendu une déjà ?

C'était quand même bien le bordel dans sa tête. Déjà que de base, les serviettes et les torchons étaient mélangés... Oz pouffa, assez discrètement néanmoins, amusé par ses propres pensées. Ses inhibitions - déjà sévèrement attaquées par les amphéts et l'alcool – s'étiolaient, tout comme ce principe de réalité, qu'il n'avait jamais vraiment compris de toute façon. Tout avait toujours été plutôt confus.

Une bouteille de rhum ambré dans une main, et les doigts d'Angela dans l'autre, Sohan jetait régulièrement des regards autour d'eux, afin de vérifier que les bons repères jalonnaient le chemin qu'ils empruntaient. Il connaissait les moindres recoins de cette foutue ville, pour l'avoir arpentée durant trois décennies. Pourtant, il parvenait encore à s'y perdre, en de rares occasions, la psyché souvent projetée dans un plan moins terrestre qu'astral. Et il aimait cette sensation, celle de se retrouver dans un environnement inconnu et nouveau qu'il pouvait découvrir. Oui, un jour... Un jour Oz arriverait à quitter ce berceau et cercueil qu'était Downfall. Il foulerait « l'autre côté du Mur » et s'y dissoudrait, enfin libéré des murs qui l'enfermaient...
Mais pourquoi certains décidaient de piéger leur âme ici-bas ? Cela n'avait aucun sens. La seule réponse entendable pour le natif était de venir à Downfall pour y sauver sa vie. C'était pour cela qu'il avait demandé à Angela si elle avait fui quelque chose là-bas. Et elle lui confirma ce qu'il avait suspecté : l'ex-quartier expérimental avait été pour elle le seul refuge possible, des menaces pesant sur son existence. Ellroy s'arrêta quelques secondes, sidéré malgré lui par ce qu'il venait d'apprendre. « Qu-qui ? » Le trentenaire ne comprenait pas non plus cette capacité qu'avaient certaines personnes à s'octroyer un droit de vie et de mort sur d'autres. Toute vie était égale, égale dans le respect qui lui était du. Mais Être ne suffisait pas, car à jamais voué à une éternelle frustration. Alors, certains préféraient Avoir, dans une avidité cruelle, l'Autre n'étant qu'une denrée comme une autre pour satisfaire une faim qui jamais ne saurait être repue. Lui, Sohan, avait fait le choix d'Être, d'Être là, même si c'était un hasard, sans qu'il n'y ait de sens à son existence. Il s'en contentait, sans les apparats d'Avoir, d'un avoir qui rappelait sans cesse une dette, impossible à recouvrir.
Angela lui avait-elle répondu ? Oz l'ignorait. Il abandonna alors ses pensées, qui s'emballaient un peu trop - des pensées qu'Elsa aurait jugée chiantes, et Pixie de perchées – et revint à l'instant présent.

Une étroite étendue de sable courait à présent devant eux, bordant un océan d'un noir abyssal zébré par les reflets blafards de la lune. Pris d'une envie de cliché, Ellroy inspira une grande bouffée d'air marin, grimaçant légèrement en raison de l'odeur iodée qui saturait à présent ses narines. Il fit un premier pas dans le sable. Celui-ci ensevelit ses semelles, laissant quelques grains rouler sur le tissu de ses vieilles Vans. Il s'avança sur la plage, tenant toujours Angela par la main, jusqu'à ce que l'eau ne se trouve plus qu'à deux mètres d'eux. Oz tendit alors la bouteille de rhum à la jeune femme, un sourire sincère étirant ses lèvres. « Je suis vraiment heureux de t'avoir rencon... » Une silhouette se découpait derrière Angela. Une silhouette fixe, encapuchonnée. Sohan crut croiser son regard malgré l'épaisseur de la nuit. La silhouette brisa alors l'immobilité avec laquelle elle était survenue dans la réalité du jeune homme, et s'avança vers eux, sans un bruit, si ce n'était la houle des vagues qui s'écrasaient sur le sable.