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 [TERMINE] We were just kids x Sohan

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Andrea Espinoza
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MessageSujet: [TERMINE] We were just kids x Sohan   [TERMINE] We were just kids x Sohan EmptyMar 24 Jan - 22:16

Planquée derrière la porte de ma chambre à peine entrebâillée, je tends l’oreille pour écouter la conversation qui se tient dans la cuisine, entre mes parents. Je sais que le sujet est sérieux -et passablement secret- quand ils prennent ces airs de conspirateurs, qu’ils discutent presque en chuchotant, et qu’ils le font…en espagnol. Sans que je sache vraiment comment leur est venue cette habitude, l’espagnol est la langue qu’ils adoptent quand ils ont ces conversations compliquées, ou en tout cas, dont ils se passeraient bien. Là, en l'occurrence, j’entends ma mère reprocher à mon père d’avoir encore travaillé toute la nuit précédente, de devoir encore recommencer cette nuit, et d’avoir presque pas été là au cours de la semaine qui vient de s’écouler.

C’est vrai qu’il a pas été souvent là ces jours-ci. Mais les quelques fois où je l’ai croisé, avant d’aller en cours par exemple, il avait sa tête des mauvais jours. Pas qu’il était en colère, ou quelque chose comme ça, pas du tout non…il était plutôt proche de l’épuisement. Il m’a quand même sourit, ce qui a atténué ses cernes l’espace d’une brève seconde, alors qu’il m’a tapoté la tête, comme quand j’étais gamine. Je sais que je le suis plus, et qu’un tas d’ados de mon âge auraient protesté face à cette marque d’affection, mais pas moi. Elle me réchauffe le cœur, et me donne cette sensation d’être spéciale, comme quand j’avais six ans. Ça s'explique pas vraiment. Et en plus de ça, c’est un peu tout ce qui me reste en ce moment, quand on fait en général que se croiser parce qu’il doit aller travailler, rejoindre tel chantier, ou que sais-je encore. Je suis sûre que s’il pouvait, il resterait bien plus souvent à la maison avec nous. Mais il peut pas, parce qu’il manque les cruels dollars nécessaires à notre foyer.

Papa et maman parlent de moins en moins fort, et même en tendant fort l’oreille, j’arrive plus à entendre ce qu’ils disent. J’entrouvre un peu plus la porte, pour me donner plus de chance d’en entendre davantage, mais c’était sans compter sur Raoul qui la referme dans un petit bruit sourd, alors qu’il m’adresse une œillade sans appel.  “-T’en as assez entendu. Va te coucher.” Et il se laisse tomber sur son lit dans un craquement sourd, sortant de son sac un livre sans doute emprunté au collège. “-Héééé !” Mais Il est intraitable sur le sujet, et c’est avec une pointe d’humiliation de me faire foutre au lit par mon grand-frère que je finis par remonter la couverture au-dessus de mon nez. Pour autant, j’arrive pas à m’endormir tout de suite. Mon cerveau est pour la millième fois en train de réfléchir à ce que je pourrais faire du haut de mes seize ans, pour aider mes parents à surmonter les problèmes d’argent qui ont toujours été les nôtres. Je travaille déjà un peu, ici ou là, c’est rien de vraiment important, je livre des journaux, ou j’aide ma mère à faire des ménages, et les quelques dollars que ça ramène sont toujours trop vite dépensés. Je suis encore en train d’établir des tas de scénarios pour espérer trouver une solution quand le sommeil alourdit trop mes paupières, et que je finis par m’endormir.

Au réveil, Raoul a déjà quitté la chambre, et quand je m’installe pour petit-déjeuner, ma mère m’informe même qu’il a quitté la maison, avec mon père, qui l’a emmené travailler avec lui. L’ambiance à la maison est morose, et je finis par sortir à mon tour pour échapper au regard triste de ma mère. J’aime pas la voir comme ça, et je sais jamais quoi dire pour lui remonter le moral, ou pour trouver les mots justes. Elle dit toujours que de toutes façons, c’est pas mon rôle, et que j’ai pas à endosser ça, mais bon…c’est ma petite maman, alors ça me fait de la peine de constater que même en se saignant aux quatre veines, notre quotidien reste difficile, et que le moral en prend immanquablement un coup.

Embarquant le vélo de Raoul, je file dans les rues de Skid Row, sans autre but plus précis que celui de m’éloigner un peu de la maison. Dans le coin, c’est plus ou moins partout les mêmes rues, avec la même misère, les mêmes parents absents, les mêmes gosses livrés à eux-mêmes. Pour autant, je m’y sens pas si mal. C’est chez moi, je connais les gens qui partagent nos galères, qui comptent, eux aussi, leurs billets au dollar près à chaque fin de mois. Je vais pas jusqu’à dire qu’on est une communauté soudée, qu’on peut compter les uns sur les autres, ou ce genre de conneries, mais…je sais où toquer si je suis dans la merde, qui éviter, et tout ça.

Les bouclettes dans le vent, je prends un virage, et repère à plusieurs mètres une silhouette solitaire qui marche, le visage penché vers le trottoir. Il me faut pédaler pendant encore plusieurs mètres avant de reconnaître celui qui avance, et qui me pousse à aller encore plus vite, pour le rattraper. “-Je te dépose quelque part, Ellroy ?” Ouais, possible que j’ai profité de mon arrivée silencieuse dans son dos pour faire une entrée fracassante, et parler un peu plus fort que la situation l’exigeait. Je ricane un peu face à son air surpris, et finis par arrêter le vélo pour le rejoindre sur le trottoir, et marcher à ses côtés. Est-ce que j’ai l’impression de m’incruster ? Pas du tout. Je me préoccupe pas vraiment de ce genre de considérations. Je le connais, il marche dans la rue, je suis juste à côté, y’a rien à dire de plus. “-Tu vas où comme ça ?” Une fois encore, je pense pas du tout que je pourrais me montrer curieuse, ou que Sohan a peut-être pas envie de me dire ce qu’il fait, ni où il va. Faut dire qu’on se connaît depuis…toujours, à vrai dire. Aussi loin que je m’en souvienne, en tout cas. Alors…c’est pas si bizarre de ma part, non ?

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Sohan Ellroy
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MessageSujet: Re: [TERMINE] We were just kids x Sohan   [TERMINE] We were just kids x Sohan EmptyMar 31 Jan - 16:13


we were just kids


2010, une année bien merdique. Tout comme les précédentes. Et pourtant, il s’y accrochait à cette envie de vivre, même s’il se répétait chaque jour “à quoi bon continuer ?” Parce que rien n’avait de sens ici-bas... Par conséquent, Oz avait fini par abandonner toute ambition existentielle, se contentant seulement d’être tout en atténuant son rapport avec la réalité à grands renforts de dissociatifs. Les choses étaient plus supportables ainsi.

Il n’était pas loin de dix heures du matin quand il sortit de chez Marco, un ami de sa défunte mère qui l’avait pris en affection. Cette douche chaude lui avait fait du bien. Car cela faisait pratiquement un mois qu’il devait se laver à l’eau froide chez lui, en raison d’un impayé de facture généralisé à plusieurs locataires de l’immeuble, si bien qu’il avait été décidé d’y suspendre l’électricité, rendant hors d’usage les chauffe-eaux, gazinières électriques et tous autres appareils nécessitant un branchement sur le secteur. Et puis, après la nuit qu’il venait de passer, nettoyer en profondeur chaque pore de sa peau s’était érigé en un impérieux besoin. Un frisson parcourut d’ailleurs sa chair tandis qu’il repensait malgré lui à ce que Llyod avait fait avec son corps. Une sacrée quantité de coke avait été nécessaire pour tolérer… ce qu’Ellroy avait eu à tolérer.
Libéré vers six heures du matin, Sohan s’était alors réfugié chez celui qu’il considérait comme un oncle, dans la perspective d’y prendre une douche et surtout d’apaiser les angoisses qui menaçaient sa psyché. Depuis quelques temps maintenant, il se sentait parasité par des pensées étranges et intrusives, qui parfois arrivaient à prendre une texture presqu’aussi réelle que celle d’une voix. Comme si ses pensées étaient prononcées par quelqu’un d’autre, et que cette personne lui murmurait ses mots à l’oreille. Ellroy n’en avait rien dit à personne, par honte mais aussi méfiance. On lui avait chuchoté qu’il devait rester discret à ce sujet, car personne ne devait le savoir. A bien y réfléchir, il avait ces pensées à haute voix depuis son sevrage à l’héroïne. Il était parvenu par lui-même à arrêter à s’injecter cette merde en y substituant des opiacés pharmacologiques qu’il avalait ou sniffait. Or, selon ce que sa journée l’amenait à devoir affronter, il pouvait diversifier ses consommations. Ainsi, lorsqu’il s’agissait d’aller voir des types comme Llyod, Sohan prenait généralement de la cocaïne et de la kétamine. Il avait besoin des effets dissociatifs de cette dernière pour survivre aux angoisses psychiques qui finissaient par le déborder. Grâce à la kétamine, il parvenait à se retirer de l’instant présent pour errer dans un nulle part, où rien advenait, ce qui le libérait de la contrainte de composer avec la réalité. De toute façon, il ne lui était plus possible de gérer autrement la mise à disposition de son corps à un autre. Quant à la coke, elle l’aidait à ponctuellement revenir dans l’instant T, afin de vérifier qu’il était là, bien en vie.
Ainsi, dès qu’il avait pu s’enfermer dans la salle de bain de Marco, Sohan s’était enfilé assez de ké pour complètement s’engourdir et se retirer du monde tangible. Il était resté un moment, assis sur le carrelage froid de la petite pièce d’eau, le dos appuyé contre la porte, à s’absenter de lui-même. C’était d’ailleurs Marco qui l’avait arraché à sa torpeur en lui demandant, à travers la porte, si tout allait bien. Il était huit heures et il venait de se lever. En allant dans la cuisine, il avait trouvé posé sur une chaise le sweat et le sac noirs du jeune Ellroy.
Oz avait donc fini par prendre cette fameuse douche. A sa sortie de la salle de bain, Marco lui avait offert un café, et était demeuré, tout comme Sohan, silencieux. Jusqu’à ce que le jeune homme de dix neufs ans enfile son sweat et attrape son sac. Marco lui avait alors lâché, d’une voix où se mêlaient cynisme et tristesse : « Pas sûr que la nuit porte conseil quand on traîne dehors ». Sohan l’avait dévisagé un moment, avant de partir, toujours aussi mutique.

Les mains enfoncées dans la poche ventrale de son sweat, la tête couverte par la capuche, Oz n’eut pas l’énergie de sursauter malgré l’arrivée notable de la petite Andrea dans son monde. Il lui coula un regard néanmoins sidéré, tant il y avait quelque chose de fondamentalement incompatible entre la nuit qu’il venait de passer et la journée qui s’amorçait. La jeune Espinoza descendit de son vélo et se mit à marcher à côté de lui, comme s’il avait toujours été prévu qu’ils se retrouvent pour passer un moment ensemble. Et à bien y réfléchir, pourquoi pas. Traîner avec Andrea serait toujours mieux que de finir seul chez lui, à basculer dans les méandres de sa psyché. Alors quand elle lui demanda où il allait « comme ça », Sohan arbora un léger sourire et répondit : « Là où tu vas. » Une fois sur deux, ce genre de réplique agaçait l’adolescente qui aimait à échanger sur du concret. « Je t’offre un chocolat ? » Dans la poche ventrale de son sweat, ses doigts caressaient ce pourquoi il avait sacrifié sa nuit : de doux billets verts, fondamentalement nécessaires à la vie ici-bas.


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Andrea Espinoza
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MessageSujet: Re: [TERMINE] We were just kids x Sohan   [TERMINE] We were just kids x Sohan EmptyLun 13 Fév - 22:21

Je sais bien que notre quartier, c’est pas le plus beau. Pas le plus riche. Pas le plus sûr non plus. Mais c’est chez nous, et c’est tout. Au moins ici, dans ces rues plus moisies les unes que les autres, je peux échapper aux disputes entre mes parents, à la vision des factures qui s’accumulent, au désespoir un peu trop présent ces derniers temps sur les traits de ma mère. Il m’arrive souvent de me sauver de la maison quand les choses vont pas très bien là-bas. Je sais que c’est pas très malin, et maman dit que c’est pas très mâture non plus, mais pour l’instant, j’ai pas encore trouvé comment encaisser ça comme une vraie adulte. Fuir, c’est pas si mal. Des fois, j’arrive même à me convaincre pendant quelques heures que quand je rentrerai à la maison, je me rendrai compte que la situation est pas si compliquée, que nos problèmes d’argent sont pas si graves. Les quelques fois où j’y arrive, il me suffit de pousser la porte de la maison pour reprendre bien vite contact avec la réalité, et prendre conscience que c’est pas parce qu’on espère très fort quelque chose que cette chose va se réaliser.

En attendant, je suis bien contente d’être sur mon vélo, comme pourrait l’être n’importe quelle ado du coin, à penser à des trucs et à d’autres, en laissant les sujets fâcheux pour plus tard. J’aime bien avoir encore la possibilité de vivre ce genre de petits moments rien qu’à moi, parce que j’ai l’impression que c’est plus trop le cas quand on est devenu adulte. Les parents, par exemple, ils ont pas vraiment de temps à eux. C’est soit le travail, soit nous, les enfants…et eux, ils passent en dernier, quand il reste quelques minutes à grappiller. C’est un peu triste, quand même. Et ça donne vraiment pas envie de vieillir non plus, de devenir adulte, de devoir gérer toutes les responsabilités que ça implique.

Je sais même pas où je vais comme ça…mais je crois que la destination importe peu. Je suis quand même sacrément contente quand en prenant un virage, j’aperçois une silhouette que je connais bien, à plusieurs mètres de moi. Je dois rouler un peu plus vite pour rattraper Sohan, mais je m’en fiche, je sais que ça vaut bien que je m'essouffle un peu. A son regard surpris suite à ma petite mise en scène, je lui oppose un large sourire, alors que je vais prendre place à ses côtés sur le trottoir, poussant le vélo. Je me demande même pas si je le dérange, c’est pas vraiment dans mes préoccupations, et vu que j’ai rien à faire, je me dis juste que je resterais avec lui tant qu’il aura un peu de temps à m’accorder, et qu’ensuite…ensuite, nos chemins se sépareront, et on continuera chacun de notre côté. J’aime bien être avec Sohan. Je sais que certaines personnes le trouvent bizarre, Raoul est le premier à le dire, mais moi j’aime bien être avec lui. Je le trouve…je sais pas…gentil ? Pas gentil comme certaines personnes l’utilisent parfois dans un sens péjoratif, nan…un vrai gentil, quelqu’un de bon quoi. Enfin, tout ça pour dire que j’aime bien passer du temps avec lui, même si c’est juste pour marcher un peu le long d’un trottoir.

Avec autant de délicatesse que je sais en faire preuve, je lui demande où il va, sans même me dire que ça me regarde pas, et que c’est juste de la curiosité. Nan…pour moi, c’est une question normale, presque logique, quand on croise quelqu’un qu’on connait dans la rue. A sa réponse pleine de mystère, je réponds par une grimace peu convaincue, alors que je reprends aussitôt : “-C’est pas une vraie réponse, ça !” Je ronchonne un peu, pour la forme, avant de finalement hausser les épaules, et laisser filer un sourire en coin : “-Et puis…je vais nulle part en particulier en plus. Je voulais juste échapper un peu à la maison.” que j’ajoute dans une parfaite honnêteté, alors que le sourire se fane un peu. Sohan est issu du même quartier que moi, il sait aussi ce que ça fait de devoir compter méticuleusement chaque billet avant d’envisager de faire un achat. La pauvreté, c’est un peu monnaie courante ici, même si chaque famille y fait pas face de la même façon.

Je shoote sans douceur dans un caillou qui se trouve sur mon chemin, alors que je pourrais juste l’ignorer, et tourne la tête si vite vers Sohan à sa proposition que je manque de voir des étoiles. “-Pour de vrai ?” Je sais plus de quand date la dernière fois que j’ai mangé du chocolat. Ca entre clairement dans la liste des dépenses inutiles, et qui passent donc en dernier sur la liste de ce qu’on peut s’offrir quand il reste du rab de dollars…ce qui arrive pas souvent. Je crois qu’on avait acheté des chocolats après Noël, l’an dernier, quand ils étaient en promotion au magasin où on fait les courses. On les a fait durer le plus longtemps possible, comme si on savait tous sans le dire vraiment qu’il fallait en profiter tant qu’on en avait parce que ça arriverait pas de nouveau avant un bon moment. “-D’accord ! Mais on fait moit-moit alors ! Enfin…” Je plonge la main dans ma poche pour en retirer ma petite ferraille, et grimace ouvertement en montrant ma paume sur laquelle se trouvent les pièces. “-J’ai que deux dollars et vingt-sept cents…” Ce qui en soit est que dalle…et en même temps, presque tout ce que je possède. Ma petite fortune.

Nos pas nous guident jusqu’à une petite supérette du Skid, où le gérant a déjà vu nos tronches de gosses du quartier. “-Je reste dehors, j’ai pas envie qu’on pique le vélo de Raoul. Tiens, prends mes sous !” Et je les lui colle dans la main, sans accepter la moindre protestation de sa part. Entre gens qui galèrent, c’est normal de se serrer les coudes, non ? Même si je sais que j’ai l’air ridicule, avec mes mêmes pas trois dollars… En attendant, je déambule devant le petit magasin en regardant passer les voitures. La couleur de l’une d’entre elles attire bien vite mon attention, alors que je pose un sourire sur mes lèvres et salue la famille qui se trouve à l’intérieur…et qui préfère détourner le regard, comme s’ils m’avaient pas vu. Les Halpert ont déménagé y’a quelques temps dans un quartier qui craint moins, et c’est la première fois que je les revois depuis. J’imagine qu’ils ont pas dû me reconnaître, parce que sinon, ils m’auraient forcément saluée en retour, non ? Mme Halpert a travaillé plusieurs fois avec ma mère pour faire les ménages, c’est pas comme si elle savait pas qui je suis. Ils ont juste pas dû me voir, c’est pas simplement parce qu’ils ont déménagé qu’ils font semblant de plus savoir d’où ils viennent…non ?

J’ai pas le temps de m’attarder sur ce genre d’idées, de me poser des questions auxquelles j’ai pas de réponse que Sohan ressort de la supérette, alors que mes pas me ramènent vers lui. “-Je viens de voir passer les Halpert…mais je crois qu’eux ils m’ont pas vu…” que je dis en haussant les épaules alors que l’information a rien de primordial en soit. C’est juste que leur passage a amené une question qui m’est venue en tête, et même si ni Sohan ni moi n’avons la réponse, je me retrouve quand même à la lui poser à voix haute : “-Tu crois qu’on quittera le Skid un jour, nous aussi ?” A croire que c’est le but ultime de tous les gens qui vivent ici, d’en partir un jour ou l’autre. Et faut les comprendre en même temps…ici, c’est pas ce qui se fait de plus joli comme endroit, sans même parler des risques de faire des mauvaises rencontres, d’être juste au mauvais endroit, au mauvais moment.

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Sohan Ellroy
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MessageSujet: Re: [TERMINE] We were just kids x Sohan   [TERMINE] We were just kids x Sohan EmptyDim 26 Fév - 20:32


we were just kids


En marche pour « nulle part », Espinoza et Ellroy foulaient le bitume abîmé de Skid Row sous un soleil matinal. L’adolescente lui confessa avoir enfourché le vélo de son frère dans l’espoir de prendre un peu de distance avec la maison et les problèmes qui y plombaient l’ambiance. Sohan eut un léger sourire, compatissant. Il resta néanmoins silencieux, estimant que ce n’était pas forcément le bon moment pour replonger Andrea dans les soucis qu’elle avait cherché à fuir le temps d’une matinée. La lucidité n’était jamais sans douleur, car avide d’une innocence qu’elle déchiquetait à grand renfort de ce foutu principe de réalité. Une fois qu’on avait vu les choses telles qu’elles étaient vraiment, il était impossible de s’y soustraire, d’en ignorer les tenants et les aboutissants, tant ils savaient s’imposer, s’ériger en évidence. La violence de ces rues avait flingué l’insouciance, maculant du sang des rêves des enfants le bitume qu’ils foulaient. Chacun de leur pas les rapprochait de l’inévitable. Et de l’épicerie du vieux Todd. Oz trichait en s’engourdissant à coups de dissociatifs pour oublier le poids de l’existence. Or, il voulait qu’Andrea puisse s’extraire aussi un instant de cette réalité, le temps d’un bref plaisir. Alors, il lui proposa de lui offrir un chocolat.
Le visage de l’adolescente s’illumina. Elle cerna Sohan d’un regard rempli d’envie. Oui, elle s’autorisait à avoir envie, oubliant une fraction de seconde que « l’argent ne poussait pas sur les arbres », et qu’il fallait le gagner, galérer pour l’avoir. La jeune Espinoza accepta la proposition du presque vingtenaire, mais l’expression de son visage se ternit au moment de devoir se bouffer – avant d’espérer croquer dans le moindre carreau de chocolat - le principe de réalité. Elle grimaça, sortant de sa poche un fond de monnaie. « Ce sera suffisant ! » déclara Ellroy, exagérant un sourire confiant sur ses lèvres gercées, et insistant même d’un pouce levé. Il appartenait à Andrea de vouloir y croire ou non.

Il y avait quelque chose de réconfortant à partager ce bout de trottoir avec la volubile et enthousiaste Espinoza, car cela signifiait que cette nuit était bel et bien terminée. Des images tentèrent pourtant de s’imposer, réactivées par cette simple pensée, et prêtes à dévorer sa psyché. Sohan ferma les yeux et secoua mollement la tête, comme s’il était ennuyé par un essaim d’insectes volants. L’adolescente ne releva pas, habituée à ces comportements bizarres. Or, elle faisait partie des rares personnes à ne jamais les lui faire remarquer, ne serait-ce que par un regard trop appuyé, une moue dérangée voire une expression inquiète ou méprisante. Aucune condescendance ni pitié non plus. Elle l’accueillait tel quel, en l’état, avec un réel et sincère respect.

La petite supérette du Skid se rapprochait d’eux. Alors qu’ils en atteignirent le seuil, Andrea lui fourra dans la main l’essentiel de sa fortune. Elle resterait sur le trottoir à garder le vélo de son frère. Sohan obtempéra et franchit la porte de l’épicerie. Le vieux Todd l’observa, au début d’un œil méfiant, les sourcils froncés. Il lui fallut quelques longues secondes pour remettre le petit Ellroy avec ses yeux globuleux et sa mâchoire presque prognathe. Tandis que ce dernier longeait le rayon des friandises, le commerçant secoua la tête, dans une forme d’apitoiement. Avec des gamins comme lui, il réalisait à quel point les enfants du quartier grandissaient trop vite, privés du répit qu’était l’enfance. Todd se ressaisit à temps et afficha un sourire commercial à son client qui revenait vers la caisse avec une tablette de chocolat au lait et aux noisettes dans une main, et deux canettes de vrai Coca-Cola dans l’autre. Downfall connaissait une période de pénurie, et la vie y était devenue plus chère. L’inflation ruinait l’enfance, quand un sourire et deux pièces de monnaie ne pouvaient plus payer un bonbon. Sohan sortit de sa poche ventrale un billet de 10 dollars, suffisant pour couvrir ses achats. La ferraille d’Andrea était restée quant à elle dans la poche de son jean. La transaction terminée, Oz salua le commerçant et sortit de la boutique.

Andrea s’était légèrement éloignée. Elle revint vers lui troublée, embarrassée par l’attitude qu’avaient eu les Halpert, une famille qui avait réussi à quitter Skid Row. Sohan jeta un coup d’œil dans la rue, à la recherche de la voiture du père Halpert, mais l’avenue était vide de toute circulation. Haussant les épaules, le jeune homme reporta son attention sur l’adolescente et lui tendit la tablette de chocolat ainsi qu’une cannette de Coca-Cola. Andrea lui demanda alors s’il pensait qu’un jour, ils parviendraient à partir eux-aussi de Skid Row. « Peut-être. Si on en a envie. » Lui-même y croyait, parce qu’ils méritaient tous les deux de s’en sortir.

« Comment ça se passe l’école sinon ? » demanda Sohan après avoir bu une première gorgée de soda. Ils avaient repris leur marche vers « nulle part », là où personne ne les attendait.

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Andrea Espinoza
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MessageSujet: Re: [TERMINE] We were just kids x Sohan   [TERMINE] We were just kids x Sohan EmptyLun 27 Fév - 22:14

La voiture des Halpert a déjà tourné à l’angle de la rue, et pourtant je suis encore en train de regarder dans leur direction. C’est pas comme si je m’attendais à un geste de la main tardif, ou à un signe quelconque qu’ils m’ont vu, non, rien de tout ça. Je sais même pas pourquoi je reste à fixer leur point de disparition, aussi longtemps après leur départ. Je crois qu’ils avaient pas envie qu’on les voit ici. Je me dis que…qu’une fois que les gens ont quitté le Skid, c’est comme s’ils avaient réussi à faire quelque chose de leur vie, comme un grand accomplissement. Alors du coup, faut pas qu’on les voit de retour au bercail, parce que ce serait comme un bond gigantesque en arrière dans leur évolution sociale, peut-être même un échec. Et ça…ça, j’imagine que personne le veut. Quand on a réussi à quitter un coin qui craint, faut surtout pas qu’on nous y revoit. Enfin, j’imagine que c’est ce que ce disent ceux qui partent. Qu’ils s’en vont, en espérant plus jamais revenir.

Pourtant, les Halpert sont toujours dans un coin de ma tête quand Sohan ressort du petit magasin alors que je lui fais part de ce qui vient de se passer. Oh, c’est rien d’extraordinaire en soit, c’est même trois fois rien, mais…j’ai tendance à parler comme ça vient, sans vraiment me demander si c’est intéressant, ou si ça vaut le coup d’être partagé. Je me demande si un jour, nous aussi, on connaîtra autre chose que ces rues qui puent la misère et l’insécurité. Y’a pas besoin d’être un génie, ou d'avoir beaucoup plus que seize ans pour comprendre qu’ici, on est loin des belles pelouses vertes impeccablement tondues, des jolies barrières blanches, de ces endroits où on doit pas faire attention à soi quand on sort de la maison une fois la nuit tombée. Ce genre de maisons, je les connais quand même, parce qu’on va souvent y faire le ménage, avec ma mère. Et elles sont en rien semblables à notre chez nous.

Je sais pas trop comment les Halpert ont fait pour quitter le Skid. Je me suis jamais posé la question, et à vrai dire, j’avais pas repensé une seule fois à eux avant de voir passer leur voiture. J’ai une légère moue à la réponse de Sohan, alors que par réflexe je récupère ce qu’il me tend, tout en le remerciant. “-Si on en a envie ? Qui pourrait vouloir rester ici de son plein gré ?” que je demande, sans m’attendre pour autant à ce qu’il me réponde. C’est vrai quoi…y’a d’autres endroits bien plus sympas où vivre, même ici à Downfall. J’ouvre la canette pour avaler une gorgée de soda, fermant les yeux une brève seconde quand les bulles pétillent sur ma langue. Et quand je les rouvre, c’est pour tomber directement sur le visage de mon ami, que j’étudie quelques instants en silence. “-Tu voudras partir toi, un jour ?” Et pour aller où ? Et d’ailleurs…comment ? On va pas bien loin, quand on a pas un rond. Je sais que je devrais lui souhaiter de trouver mieux qu’ici…même si ça veut dire que lui non plus, il reviendra peut-être plus.

Me repositionnant à côté du vélo, je coupe un petit morceau de chocolat après avoir coincé la canette comme je peux et tends le reste de la plaque à Sohan. Le carré trouve sa place contre ma joue, et je le laisse fondre doucement, comme pour profiter plus longtemps de ce goût qui reviendra pas avant un bon moment. Quand Oz reprend la parole pour me poser une question sur l’école, je retiens pas une petite grimace coupable, alors que j’hausse un peu les épaules : “-Ben…” Si je réponds juste bof bof, c’est une réponse suffisante ? Parce que franchement…y’a rien de super intéressant à dire sur le sujet. Enfin non, c’est pas que y’a rien d’intéressant à dire, c’est juste que la perspective qu’il puisse me tirer les oreilles m’enchante pas vraiment. Même si je le mérite sans doute, évidemment.

J’ai quand même un soupir, alors que je finis par admettre la réalité au bout de quelques secondes : “-J’ai loupé beaucoup de cours ces dernières semaines. Rester assise à écouter un prof, ça rapporte pas un rond…alors…” Alors je sèche. Plus de fois qu’il le faudrait, bien trop de fois pour que ce soit acceptable. Des fois mes parents sont au courant…d’autres fois, je le fais dans leur dos. Je sais très bien qu’aucun d’entre eux pourrait donner suite à une convocation du proviseur pour absentéisme, alors j’en profite un peu. C’est même pas pour traîner, ou faire la fête, ou quelque chose comme ça, non. Mais au fond, ça change pas grand-chose au fait que ma place est bien trop souvent vide en salle de cours. “-Ca m’étonnerait même pas que je finisse par me faire renvoyer…” que j’ajoute quand même d’un air un peu dépité. C’est comme si je savais très bien ce qui allait se passer, mais que je peux pas faire autrement, et que je fonce droit dans le mur malgré tout. Droit vers le renvoi, dans ce cas précis.

Je saurais même pas dire si je suis triste, déçue, en colère de pas avoir une scolarité tout à fait normale. Faut dire que j’ai pas l’impression que j’ai vraiment eu le loisir de me poser la question. “-Enfin, c’est comme ça…il a fallu choisir entre les cours de géo et quelques dollars, et…le choix a été vite fait…” Au moins, la question se pose pas trop pour mon avenir. Je sais pas si j’ai vraiment les capacités de faire des études, si je suis assez intelligente pour ça, mais…je crois que j’aurais jamais à me préoccuper de savoir si je peux l’être ou pas. Déjà, on a pas les moyens de financer des études, et puis…je sais que dès que je serai en mesure de le faire, je me trouverai un petit boulot quelque part, et je travaillerai pour aider les parents. C’est ce qu’a fait Raoul, lui aussi. J’imagine que c’est aussi ce qu’on attend de moi.

La canette me refroidit la main, mais ça fait tellement longtemps que j’en ai pas tenu une que je m’en fiche un peu. J’aime pas trop m’apitoyer sur mon sort, parce que je peux pas vraiment me plaindre malgré tout. J’ai jamais sauté de repas, je suis pas cul nu, j’ai un endroit où dormir à l’abri. Et je sais que y’a beaucoup de personnes qui peuvent pas en dire autant. Alors vraiment…c’est pas si terrible, hein, de devoir travailler et de jamais connaître le monde universitaire. J’ai quand même un fin sourire qui finit par se pointer, alors que je tourne la tête vers Sohan pour ajouter une bêtise. “-Dommage que j’ai pas de baguette magique, ou une super combine pour rapporter de l’argent tout en pouvant continuer à aller en cours…” Je ricane un peu face à ce qui pourrait être pris pour un rêve, un peu irréalisable. Des combines, j’en ai déjà trouvé deux ou trois que j’ai mises en application, parfois avec Raoul, parfois toute seule. Parfois avec succès, d’autres fois en capotant sérieusement. Pourtant, elles sont toutes trop limitées, et toute seule, mes moyens sont vite restreints. Je lâche un petit soupir étouffé par le bruit de nos pas, alors que je finis par donner un petit coup de coude à mon voisin de trottoir. “-Et toi ? Tu fais quoi de tes journées en ce moment ? T’as gagné à la loterie, et t’as oublié de me le dire ?” que je demande, en avisant d’un coup d'œil notre goûter improvisé, qui a définitivement dû lui coûter plus que les quelques dollars que je lui avais passés.

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Sohan Ellroy
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MessageSujet: Re: [TERMINE] We were just kids x Sohan   [TERMINE] We were just kids x Sohan EmptyMar 7 Mar - 19:21


we were just kids


Pourraient-ils un jour quitter Skid Row ? C’était la question qu’Andrea venait de lui adresser, partagée quant au réalisme d’une telle idée. Sohan ne parvenait pas à déterminer s’il s’agissait d’une question plutôt théorique ou de l’expression d’un espoir. Les Halpert et leur voiture - ou plutôt les Halpert et leur indifférence - semblaient avoir remué l’adolescente. Alors, en guise de réponse, Oz lui rétorqua qu’ils pourraient aller où ils voudraient, à la seule condition de le vouloir. C’était naïf, une part de lui le savait. Pourtant, à force de louvoyer avec le principe de réalité, il lui arrivait de souscrire à ce genre de pensée un peu magique. Rien ne lui paraissait impossible, mais peut-être parce que ses rêves étaient trop étroits. Il n’avait jamais aspiré qu’à survivre. Difficile d’avoir la tête en l’air quand on marche dans la merde. Ellroy s’était toujours projeté dans une vie qui n’existait que jour après jour. « A chaque jour suffit sa peine » lui balançait régulièrement sa mère, égrainant le temps, ne voyant que celui qui était passé et jamais celui qui était encore à vivre. Sohan avait hérité de cette façon d’exister. Et les drogues qu’il prenait contribuaient à cette sensation d’une temporalité figée dans un « nulle part », déraciné de toute réalité tangible, à n’être que des projections psychiques. Le délitement de son sentiment continu d’exister lui faisait parfois même hésiter avant de donner son âge. Il lui était arrivé assez récemment d’affirmer qu’il avait quinze ans. Le temps s’était particulièrement immobilisé depuis le décès de sa mère. L’image de son corps étendu au sol, après avoir chuté du canapé du salon, les pieds pris dans la table basse sur laquelle elle avait laissé son matériel de défonce, était restée tenace dans l’esprit de l’orphelin. Oz se rappelait aussi l’expression contrariée qui avait saisi les traits du visage émacié de sa mère, une pellicule brillante de régurgitation sèche entre son nez et son menton. Au moment de la toucher, il s’était rendu compte que la raideur s’était déjà emparée de son corps. Ellroy revenait de trois jours passés dans des squats avec des amis quand il l’avait retrouvée. Depuis, sa vie était restée la même, mais rien n’était pareil.

Andrea semblait assez peu convaincue par la réponse de son ami, ne comprenant pas pourquoi quelqu’un voudrait rester ici, de son « plein gré » qui plus est. Qui pourrait bien le vouloir ? Lui. Lui ne se voyait pas partir. Pour aller où ? Il était déjà suffisamment perdu.
La jeune femme prit une gorgée de soda avant de lui demander si lui espérait un jour partir d’ici. Haussant à nouveau les épaules, Sohan lui répondit avec sincérité : « Je ne pense pas que je saurai vivre ailleurs. Rien ne m’attend là-bas, parce que je ne regarde pas dans cette direction. » Il avait l’impression de se prendre les pieds dans ses pensées et s’imposa un bref silence, les sourcils froncés, pour essayer de clarifier ce qu’il voulait dire par là. « Je ne sais pas ce qui peut m’attendre de mieux là-bas, tout simplement parce que j’ai déjà tout ici. Je ne suis pas sûr de vouloir prendre le risque de perdre ces choses-là. » Une moue mi-sourire mi-grimace étira les lèvres du natif. Andrea ferait avec cette réponse.

Oz associa alors sur le sujet de l’école, gageure d’un avenir meilleur selon bon nombre de parents. L’adolescente lui avait rendu la tablette de chocolat et profita d’avoir la bouche occupée pour lui planter un silence qui en disait long. Le jeune homme cassa à son tour un carreau et le mit dans sa bouche. La tension musculaire dans ses mâchoires rendit l’exercice de mâcher le chocolat assez désagréable, d’autant qu’il manquait de salive. Si bien qu’il finit par l’avaler à l’aide d’une gorgée de coca-cola. Pendant ce temps, Andrea était parvenue à rassembler toute son honnêteté pour lui avouer qu’elle n’allait plus vraiment en cours, séchant l’école car être élève ne rapportait rien. Sa situation scolaire était tellement critique qu’elle avait conscience de risquer le renvoi. Oz la regarda sans qu’aucune émotion particulière n’infiltre son regard. Lui avait arrêté l’école dès ses onze ans, à l’entrée au collège. Il préférait rester à la maison pour aider sa mère. Il profitait alors des temps où elle dormait pour lire. Parfois, il fuguait même jusqu’à la bibliothèque du centre-ville, où il avait volé quelques livres.
L’adolescente paraissait déçue d’elle-même, le voile de la honte obscurcissant l’éclat de son regard. Elle essaya de rationaliser sa situation, invoquant une nouvelle fois l’argent comme valeur suprême. Mais elle ne semblait pas totalement convaincue par ce qu’elle avançait. Avait-elle réellement eu le choix ? Quel choix avait-on quand la misère pointait un flingue sur sa tête ? Et quand les baguettes magiques n’existaient pas ? Sohan se pencha légèrement, un sourire au coin des lèvres, et déposa une main fraternelle sur la tête de la jeune fille. Ses doigts se prirent dans ses boucles alors qu’il lui frotta le dessus du crâne. « Tu sais, l’important n’est pas d’aller à l’école, mais de se créer des savoirs sur le monde, peu importe comment. » Légèrement repoussé par un petit coup de coude, il leva la main des cheveux de l’adolescente et la plongea dans la poche ventral de son sweat où il gardait quelques billets.
Lorsqu’Andrea l’interpela sur ce que lui faisait de ses journées et comment il avait gagné l’argent utilisé pour payer leur encas sucré, Sohan eut l’impression qu’elle avait tout deviné. Un liseré rosé traversa le visage du natif. Il cessa de caresser les billets et sortit les mains de sa poche. « Oh, vu qu’il parait que le temps, c’est de l’argent, je vends de mon temps. Enfin, quand des gens veulent bien de mon temps... » Ellroy ignorait quel était le degré d’explicité de cette confession. Du haut de ses seize ans, Espinoza avait la capacité de comprendre beaucoup de choses. Mais demeurait à l’adolescence un dernier voile, celui du déni des réalités trop difficiles pour être acceptées. Pourtant, Oz ne doutait pas que la jeune femme ait été déjà approchée par des personnes avec de mauvaises intentions. Raoul ne pouvait constamment veiller sur sa sœur et la protéger de ce monde. Et Sohan se rappelait avoir été invité « à passer un moment » avec un inconnu dans une voiture alors qu’il était à deux rues de chez lui. Il avait à peine treize ans. Ce genre de personnes savaient où chercher les enfants aux rêves brisés mais encore tenaces, les séduisant à coup de billets pleins de promesses.


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MessageSujet: Re: [TERMINE] We were just kids x Sohan   [TERMINE] We were just kids x Sohan EmptyDim 26 Mar - 21:51

Ne pas savoir vivre ailleurs…j’avoue que je comprends pas vraiment ce que ça veut dire. Pourquoi vivre ailleurs ce serait si différent de vivre ici ? Enfin si, je vois bien ce qu’il pourrait y avoir de différent. Mais…on peut s’adapter à tout, non ? Si on arrive à vivre ici, on pourra très bien réussir à vivre dans un endroit meilleur, où on aura pas à craindre pour notre sécurité, et s’inquiéter de tout. Enfin…peut-être que je me pose pas assez de questions, ou que c’est Sohan qui s’en pose trop, je sais pas. Ce qui peut nous attendre de mieux ailleurs ? Un logement qui prend pas l’eau à chaque fois qu’il pleut, dans lequel le vent passe pas, et où je serai pas obligée de partager une chambre avec Raoul. Voilà, au moins tout ça pour commencer.

Je lève quand même le nez vers Oz en essayant de me forcer à réfléchir plus loin, alors que je fronce un peu les sourcils. C’est vrai que même s’il fait froid dans la maison parce qu’on met pas le chauffage, j’ai un toit au-dessus de la tête. Et même si on mange pas du chocolat toutes les semaines, je pars jamais à l’école le ventre vide. J’imagine que c’est des choses comme ça que Sohan a pas envie de perdre. Des petits trucs qu’on sait qu’on aura toujours ici, si on fait attention. C’est vrai que l’inconnu ça fait peur, mais…est-ce que c’est une raison suffisante pour pas espérer avoir un jour une meilleure situation, ou vouloir mieux ? Ou est-ce que c’est juste moi qui suis une mauvaise personne parce que j’arrive pas à me contenter avec ce que j’ai ? Mince alors…bon sang, ça fait beaucoup de questions ça, et il est encore beaucoup trop tôt pour réfléchir autant. Je vais finir par avoir mal à la tête ! “-En tout cas, si tu déménages un jour, essaye juste de pas m’oublier. Tu t’ennuierais sans moi.” Même si je me rends bien compte que j’apporte pas grand-chose, c’est agréable de se dire qu’on compte pour au moins quelques personnes, peu importe où on vit.

Finalement, Sohan me demande comment ça va à l’école, et je suis sûre que j’aurai presque pu m’abstenir de répondre par des mots, tant l’expression sur mon visage doit parler pour moi. L’école pourrait être bien, si je prenais le temps de m’y consacrer pleinement, comme la plupart des adolescents de mon âge. Mais c’est pas le cas. A la place de ça, je cumule presque autant de journées en dehors de l’école qu’assise à ma place, à apprendre des choses. Je serais pas étonnée qu’un avis de renvoi arrive dans la boîte aux lettres, à la maison, d’ici peu. Je le sais, hein…et pourtant, je sais pas si j’aurai l’occasion de rectifier le tir à temps. Bien sûr que ça m’embête de pas pouvoir aller à l’école, comme les autres, et apprendre pleins de trucs ! Et en même temps…la plupart de ces trucs me seront jamais utiles plus tard, alors est-ce que ça vaut vraiment le coup de passer à côté d’une occasion de ramener un peu de fric à la maison quand l’occasion se présente ? Une fois encore, j’ai pas de réponse à toutes ces questions. Si y’a bien un truc que je sais, c’est que je sais pas grand-chose.

Alors je lui explique, comme je peux, que je suis pas l’élève de l’année, et que y’aura pas mon portrait accroché sur un mur de l’école vantant mes mérites et mon assiduité. Et puis, c’est tout juste si j’arrive à avoir la moyenne dans certaines matières, pour les mêmes raisons que celles évoquées précédemment. Mais c’est pas si grave. Même si je suis renvoyée de l’école, ou que je fais pas d’études, je trouverai bien quelque chose à faire quand même plus tard, pour gagner ma vie. Enfin…je crois. Des fois, j’aimerai bien que quelqu’un me dise que ce sera pas toujours aussi compliqué, et que je m’en sortirai. Que c’est juste une espèce de mauvaise passe, même si elle dure. Mais c’est rarement aussi simple que ça, la vie ici.

Je lève les yeux vers le haut comme si j’essayais de regarder quand je sens la main d’Oz sur mes cheveux, alors qu’il dit une de ces phrases dont il a le secret, pleine de mystère à mes yeux. Un petit coup de coude dans les côtes plus tard, et je suis déjà en train de froncer les sourcils, en pleine réflexion. “-Se créer des savoirs sur le monde ? Hm…ça m’a l’air bien vaste. Tu fais ça comment, toi ? En tout cas, j’ai déjà tout un tas de savoirs sur comment faire briller l’intérieur des maisons de personnes qui sont blindées d’argent et dont le temps est trop précieux pour qu’elles fassent elles-mêmes leur ménage !” Tu parles d’un savoir. Je vois d’ici le regard réprobateur que m’aurait adressé ma mère. Elle déteste quand je suis sarcastique, elle dit que ça me va pas au teint, pour ce que ça peut bien vouloir dire.

En attendant, il paraît que l’argent tombe pas du ciel, alors il faut bien se débrouiller tout seul. A la réglo, comme le font nos parents, à se détruire la santé petit à petit pour quelques billets trop vite dépensés, ou de manière pas toujours correcte, comme peut le faire Raoul. Bon…comme j’ai pu le faire aussi, à une moindre échelle. Ce serait tellement pratique, de pouvoir trouver une solution à tous nos soucis. En attendant, et parce que c’est vraiment pas dans mes habitudes de m’apitoyer sur mon sort, je préfère demander à Sohan ce qu’il fait de ses journées, lui, à part se créer des savoirs sur le monde.

A sa réponse, j’ai un léger froncement de sourcils, le visage tourné vers lui. Il vend de son temps…j’ai une moue à cette pensée, parce que je crois savoir ce que ça veut dire. Raoul m’a déjà dit des trucs sur Oz, sans que je sache si c’est vrai ou pas. Il m’a expliqué des choses, sur ces personnes qui donnent de l’argent en échange de certaines faveurs, et de la possibilité de faire ce qu’elles veulent pendant quelques instants. Je sais pas s’il a dit la vérité, s’il a inventé ces trucs vraiment horribles qu’il m’a dit pour me convaincre de jamais accepter -une idée qui m’a jamais effleuré l’esprit- mais les histoires que mon grand-frère m’a raconté sur des trucs qu’on déjà fait des gosses du quartier contre quelques dollars est tout simplement dégoûtant. Je crois pas que je pourrais accepter ça, même si un jour ça devenait vraiment très très difficile. Et en même temps…je sais que quand je pense à ça, y’a une petite voix dans ma tête qui me dit toujours qu’on sait jamais de quoi on est capables avant d’être dans la situation en question. Comme quand on dit qu’on pourrait jamais tuer quelqu’un, avant d’être dans une situation de vie ou de mort face à une autre personne.

Sans trop savoir pourquoi, je réduis la distance entre nous, et passe très maladroitement ma main autour de sa taille pour venir me serrer de façon gauche, à peine le temps de quelques secondes, avant de le relâcher. Je suis pas très douée pour ça. Et je crois qu’Oz est pas très fan de ce genre de démonstrations d’affection de toutes façons. “-J’aime bien traîner avec toi. Alors moi, je voudrais toujours de ton temps.” De son vrai temps je veux dire, pas de…enfin…j’espère qu’il a compris. Je me renfrogne un peu, alors que mes pensées sont déjà plus loin, à réfléchir à d’autres trucs…comme une façon qui permettrait qu’il ai plus besoin de vendre de son temps, comme il le dit, quoi que ça puisse impliquer.

J'ai un nouveau coup d'œil en biais, alors que je tergiverse quelques secondes, incertaine. Et finalement, après une nouvelle gorgée de soda, je reprends prudemment : “-Et s’il existait un moyen qu’on se fasse un peu d’argent…sans louper l’école, ou vendre de ton…temps ?” D’accord, c’est hyper vaste, et super théorique pour l’instant, mais je suis sûre qu’on peut trouver quelque chose en y réfléchissant à deux. Je vais éviter de lui dire que Raoul a formellement refusé quand j’ai essayé de lui proposer la même chose, et qu’il a menacé de me botter les fesses si je tentais quoi que ce soit. Mais…ce que Raoul sait pas peut pas lui nuire…pas vrai ? “-On pourrait trouver quelque chose pour se faire un peu d’argent. Bon…ce serait peut-être au détriment d’autres personnes, mais…on pourrait aller dans les beaux quartiers. C’est sûr qu’à eux, ça leur fera rien au porte-monnaie, s’ils perdent quelques dollars…” Alors que pour nous…ça ferait une sacrée différence.

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MessageSujet: Re: [TERMINE] We were just kids x Sohan   [TERMINE] We were just kids x Sohan EmptyDim 9 Avr - 11:41


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Leur discussion sur les futurs alternatifs qu’ils enviaient troublait Ellroy. Saisi d’un doute, il inclina légèrement la tête sur le côté et se gratta - avec un peu trop de force - le sommet du crâne. Il comprenait les souhaits d’Andrea d’une vie meilleure, sans qu’elle soit nécessairement faste et luxueuse. Elle ne voulait juste plus vivre avec l’angoisse du manque d’argent en arrière-fond de chacune de ses pensées. Sohan eut un léger soupir. Son regard fixait le bout de la rue, où il leur faudrait choisir de continuer tout droit, ou d’aller à droite ou à gauche. Les préquels d’une métaphore lui vinrent quand l’adolescente lui demanda de penser à elle si jamais il parvenait à déménager un jour. En guise d’argument, elle le prévint que l’ennui s’abattrait sur lui s’il se dispensait de sa présence. Il comprit qu’elle lui demandait surtout par-là de ne pas l’oublier, en la reléguant au silence honteux d’une vie passée qui fut marquée par la misère, comme venaient de le faire les Halpert et leur indifférence. Oz eut un sourire doux et se contenta d’un clin d’œil complice en guise de réponse.

Vouloir s’en sortir était une chose, les moyens pour y parvenir une autre. Aussi, Sohan en vint à associer sur l’école et demanda à Andrea comment se passait le lycée. Un malaise crispa le visage de l’adolescente qui lui confessa ne plus vraiment se rendre en cours. Elle justifia son absentéisme par la logique – qu’elle voulait implacable – de l’argent. Comme beaucoup de jeunes, elle ne voyait pas l’utilité de l’école et de ce qu’on y lui apprenait. Et il ne pouvait pas lui reprocher : connaître les grands noms du siècle des Lumières français ne lui remplirait pas l’estomac. Ce dilemme – entre savoir et manger -, Ellroy l’avait aussi connu. Or, il n’avait jamais pu renoncer à découvrir le monde et son histoire. Cette nourriture intellectuelle lui permettait de supporter la malnutrition dont il souffrait depuis l’enfance. Il s’agissait sûrement d’une sorte de mécanisme de défense, qui lui offrait la possibilité, par une sorte d’équation symbolique entre connaissance et nourriture, de quand même se remplir et satisfaire un appétit, celui de la curiosité et de son avidité à comprendre le monde, et même plus, l’univers. Ellroy se rappelait d’ailleurs une scène avec sa mère, qui avait deviné à son air coupable que son fils de huit ans avait volé quelque chose lors de sa dernière sortie. Bien qu’elle l’eût mollement réprimé pour son geste, il avait bien vu qu’elle avait eu l’espoir que ce soit de la nourriture ou quelque chose à revendre contre de la nourriture, puisque leur dernier repas remontait déjà à deux jours. Or, quand elle avait sorti de son sac d’écolier deux livres, un sur l’histoire de l’Europe médiévale et l’autre étant un roman fantastique de donjons et de dragons, elle l’avait giflé, jetant les deux ouvrages par la fenêtre du séjour, lui hurlant qu’il n’avait qu’à bouffer du papier ce soir.

Tandis que les dernières images de ce souvenir refluaient dans sa mémoire, Sohan posa un regard fraternel sur la jeune femme qui tentait de justifier son absentéisme scolaire. Il lui ébouriffa les cheveux en un geste maladroit qu’il voulait tendre, et lui annonça que l’important n’était pas forcément son assiduité à l’école, mais sa capacité à découvrir et apprendre des choses sur ce qui l’entourait. Sa réponse parut assez obscure à la lycéenne qui le reprit, lui demandant comment il y parvenait. Parce qu’elle, elle n’avait eu pour seule possibilité que d’apprendre comment faire un ménage de qualité. Au ton sarcastique de l’adolescente, Ellroy eut une grimace. « Ça reste un savoir, même s’il n’est pas très épanouissant, c’est certain… » Il réalisa après coup qu’en fait, la remarque cynique de la jeune Espinoza n’appelait pas vraiment de réponse. « En lisant. C’est comme ça que j’apprends des choses sur le monde » ajouta-t-il, la voix troublée par un léger doute. La lecture était une activité assez chronophage, et comme il finirait par le dire à Andrea : le temps, c’était de l’argent. Elle risquait donc lui opposer le même argument qu’au sujet de l’école : lire n’aiderait pas les siens à manger, ni ne réparerait pas la machine à laver ni ne permettrait d’acheter le médicament dont son père avait besoin. Sohan avait conscience que, quand on vivait dans la misère, il était dur de s’extraire de la dichotomie entre la réalité des besoins matériels et l’épanouissement spirituel.

Andrea finit par lui demander comment il avait gagné l’argent qu’il possédait aujourd’hui. Et la réponse du jeune homme fut finalement plus explicite qu’il ne l’aurait souhaité. L’adolescente l’observa, le regard durci par un froncement de sourcils. Il comprit qu’elle avait compris ce qu’il faisait pour rentabiliser son temps. Ils s’imposèrent alors un silence gêné, qu’Espinoza rompit assez rapidement par un rapprochement pudique. Sohan n’était pas très à l’aise avec les contacts physiques, mais savait accepter ceux qui étaient motivés par une réelle tendresse. Surtout quand elle venait d’une personne dont il savait qu’il n’avait rien à craindre. Andrea lui signifia également qu’elle trouvait son temps précieux, car agréable à partager, et que de fait, elle désirait pouvoir profiter de plus de temps avec lui. Or, se posait cette éternelle contrainte : comment en tirer de l’argent ? Les méninges de l’adolescente s’activèrent et elle posa à voix haute son problème. Elle voulait gagner un peu d’argent sans pour autant rater l’école et que Sohan ne vende son temps. Telle était la situation idéale à laquelle elle aspirait pour eux deux, mais qui leur était inatteignable pour le moment. Parce que dans cette équation, il fallait forcément qu’ils tirent avantage d’autre chose pour ne pas être lésés. Et elle lui proposa alors, encore pensive, de prendre à ceux qui avaient les moyens de l’être : les personnes des beaux-quartiers.
Ellroy toisa un instant la lycéenne, assez surpris de cette proposition. Lui-même s’était déjà livré à des actes de petite délinquance, principalement des vols, afin de subvenir à sa faim et ses consommations de stupéfiants. Ce n’était donc pas le passage à l’acte qui le dérangeait dans cette proposition, mais le fait de le faire avec Andrea. « A quoi tu penses ? » Sohan jeta aussitôt quelques regards anxieux autour d’eux, craignant de voir Raoul apparaître. Jamais il n’accepterait que sa sœur complote ainsi avec lui. Aussi, la voix à nouveau parasitée par le doute, Sohan chuchota : « Tu es sûre de toi ? » Il ne savait pas encore ce à quoi elle pensait exactement, mais il désirait la mettre en garde contre ce genre d’idée qui, une fois qu’elle aurait germé, leur paraîtrait certainement bien trop tentante car possible pour être abandonnée.


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MessageSujet: Re: [TERMINE] We were just kids x Sohan   [TERMINE] We were just kids x Sohan EmptyJeu 13 Avr - 23:04

Je réfléchis toujours beaucoup plus qu’en temps normal quand je suis avec Sohan. Ca équilibre avec les jours où j'utilise si peu mes neurones qu’ils pourraient mourir d’ennuyer dans mon cerveau à force de pas être utilisés. Je me moque un peu de moi-même, même si je suis pas une petite génie, je me rends surtout compte que la plupart des petits boulots que j’ai pu faire à droite ou à gauche m’ont jamais vraiment demandé la moindre réflexion, simplement des automatismes. Peut-être que c’est aussi parce qu’en général, personne me pose ce genre de questions à part Oz, ou qu’il est le seul que ça intéresse, de savoir si je m’en sors à l’école, si j’ai de bonnes notes, ou même si je vais réussir à décrocher ce foutu diplôme. Chacun sa merde, c’est un peu ce qui se dit, dans le coin. Enfin…maintenant qu’on a établi que c’est la mierda et que je vais sans doute pas tarder à être suspendue, on a plus ou moins fait le tour. Y’a pas grand-chose de plus à en dire sur l’école.

J’ai un petit ricanement quand Sohan me répond comme si c’était la chose la plus normale du monde que savoir nettoyer les toilettes d’autres personnes, c’est un savoir comme un autre. Pour seule réponse, je lui adresse un hochement de tête plein de conviction quand il me dit ça doit pas être très épanouissant, et c’est pas rien de le dire. Ca fait partie de ces tâches que je peux exécuter sans même y penser maintenant, comme si mon corps était lancé sur un programme où il peut se gérer tout seul, parce qu’il sait ce qu’il doit faire, et les produits à utiliser, alors que mes pensées peuvent vagabonder ailleurs, dans un endroit où je suis pas en train de récurer la saleté de personnes trop bien pour le faire elles-mêmes.

Je me suis déjà demandée si ça allait être ça, tout mon avenir, faire des ménages avec ma mère, encore et encore. Et…je dois bien dire que ça me tente pas trop. Je sais que ma mère a fait de son mieux, ils le font tous les jours avec mon père, mais…est-ce que ça fait de moi une fille ingrate de vouloir…mieux ? C’est compliqué d’en discuter, parce que je sais pas trop comment ma mère pourrait le prendre, j’ai pas envie qu’elle puisse s’imaginer que je dénigre ce qu’elle fait, ou quelque chose comme ça. Mais bon…quand je vois que Raoul marche dans les pas de notre père, peut-être que tout le monde s’attend à ce que je marche dans ceux de notre mère. L’idée me tente pas vraiment. Même si j’en parle à personne.

J’ai un regard à la dérobée vers Sohan, alors que je retiens pas une grimace à sa réponse. Il…lit ? Et juste ça ? C’est comme ça qu’il apprend des trucs sur le monde ? J’admets que je suis…perplexe. Peut-être parce qu’à la maison, on a plus de magazines de Mortadelo y Filemón ou de Mafalda que de traités de sciences politiques. “-Je lis pas beaucoup tu sais. Mais…peut-être que tu pourrais me conseiller un livre ou deux pour apprendre des trucs sur le monde, comme toi. Bon, je les lirai sûrement pas très vite, mais…c’est toujours ça qu’il y aura en plus dans mon cerveau. que je dis en haussant les épaules. Un peu plus de savoirs, et un peu moins de conneries…ça lui fera sans doute le plus grand bien. Même si je me garde bien de lui dire que c’est pas pour autant que je m’imagine faire de grandes études subitement, ou devenir beaucoup plus intelligente. La problématique reste toujours la même. Des poches bien pleines permettent de mieux s’en sortir dans la vie qu’un cerveau bien plein. C’est con, hein…

Voilà comment je me retrouve à cogiter sur cette troublante constatation. Tu m’étonnes que l’univers aille si mal. Je suis bien consciente que c’est pas nous qui allons révolutionner le monde et sa façon de tourner, mais…peut-être que pour notre monde à nous, on peut faire quelque chose. Je me mets donc à réfléchir à voix haute, persuadée qu’on pourrait trouver quelque chose pour améliorer un peu notre quotidien en amassant les précieux billets verts qui nous font tant défaut. A quoi je pense ? “-Je sais pas encore. Dans ma tête, c’est comme dans une marmite sur le feu là. Les idées bouillonnent encore trop pour que j’arrive à y voir clair.” Oh, et pour bouillonner, ça bouillonne vraiment beaucoup. Mes idées partent dans tous les sens, et j’ai presque la sensation qu’il faudrait que je les exprime toutes à voix haute pour leur donner naissance, et qu’elles prennent un peu plus de sens. Comme une façon de faire le tri.

Et au milieu de tout ça, j’en viens à me dire qu’on pourrait prendre à des gens à qui cette perte ferait pas une grosse différence. Des gens qui sont loin d’être dans le besoin, et qui ont plus d’argent qu’il leur en faut. Des gens des beaux quartiers, quoi. Je sais au fond de moi que c’est pas très bien d’envisager ça, et pourtant, je sais aussi qu’une part de moi est plus que décidée. J’entends l’hésitation dans la voix de Sohan avant de la lire sur son visage quand je tourne le regard vers lui, et je finis par m’arrêter une nouvelle fois sur le trottoir, posant la main sur son bras. “-Ca nous donnera un peu de sursis. Moins de ménages pour ma mère, plus de cours pour moi, et tu seras plus obligé de vendre ton temps pendant un moment. Alors oui, je suis sûre de moi. Enfin…en tout cas, j’essaie d’avoir la voix vraiment très assurée quand je dis ça, en essayant de pas penser à tout ce qui pourrait mal se passer si notre combine foire. Enfin…même si faudrait déjà la trouver, la combine en question.

On se remet en marche, alors que mes neurones continuent leur difficile exercice de réflexion. Y’a bien une idée qui me vient en tête, et je finis par tourner une nouvelle fois le nez vers Sohan, faisant une petite moue. “-Y’a bien quelque chose… que je commence alors qu’on tourne à l’angle d’un bâtiment, et que je me rapproche de lui, pour éviter que des oreilles indiscrètes puissent nous entendre. “-C’est une combine de Raoul à vrai dire. Il sait pas que je la connais, je l’ai entendu en parler avec un pote à lui, ils savaient pas que j’étais là… Est-ce que c’est considéré comme le fait d’espionner son frère, s’il remarque juste pas de lui-même que je suis là ? Je baisse encore un peu la voix, comme si j’étais en train de lui révéler le secret le mieux gardé du monde : “-Ils l’ont jamais fait, enfin je crois pas, mais je les ai entendu parler d’une combine en duo. L’un des deux tâche les vêtements d’un passant avec un mélange censé faire penser à de la crotte d’oiseau, dans son dos. L’autre qui arrive à ce moment-là fait remarquer à la personne sa tâche, et propose gentiment d’aider la personne à se nettoyer. Et pendant ce temps, le premier lui fait les poches !” C’était juste ça ? Pour le coup, je sais pas s’il en manquerait pas une partie…mais c’est pas comme si je pouvais demander à Raoul de me la répéter alors que je suis même pas censée la connaître. Je garde le silence quelques secondes, en profitant pour boire une gorgée de mon soda, avant de jeter un œil vers Sohan : “-Alors…t’en penses quoi ?” C’est dans ces moments-là que je me dis qu’un cerveau plus musclé aurait été un bon atout. Même si…Oz va peut-être trouver une façon d’améliorer le plan grâce à tous les savoirs sur le monde qu’il a appris dans ses livres !

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Sohan Ellroy
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MessageSujet: Re: [TERMINE] We were just kids x Sohan   [TERMINE] We were just kids x Sohan EmptyVen 28 Avr - 13:09


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Sohan oubliait régulièrement que savoir lire était une compétence assez rare et précieuse ici-bas. Quand il parlait de lire, il ne s’agissait pas de péniblement déchiffrer des lettres, de les associer en syllabes, pour parvenir à créer par le son un mot ayant un sens, et de répéter plusieurs fois l’opération, au risque d’une incompréhension finale, tant l’effort fourni saturait la mémoire de travail. Il avait d’ailleurs lu des choses à ce propos, dans un ouvrage consacré à la psychologie cognitive et au fonctionnement des mémoires. Il y avait appris qu’il en existait plusieurs : la sémantique, l’épisodique, la procédurale, etc. Bref, toujours était-il que de savoir seulement déchiffrer des lettres privait du plaisir de lire. Quel dommage... Ellroy avait appris à lire par lui-même, d’une façon qui n’était pas vraiment celle de l’école. Assembler les lettres et les syllabes avait été intuitif, et sans savoir si sa méthode était vraiment la bonne, il avait aidé pas mal de gamins du quartier à faire quelque chose de ses amas de symboles qu’étaient les lettres.
Or, au-delà de savoir lire, il fallait aussi en avoir le temps et la disponibilité psychique. Ce à quoi Andrea lui répondit qu’elle n’était pas une grande lectrice, notamment parce qu’elle ne lisait « surement pas très vite ». Et qu’elle avait certainement mieux à faire. Elle lui demanda néanmoins des conseils sur un ou deux titres, dans l’objectif d’étendre sa connaissance du monde. Oz ne savait pas si elle voulait juste lui faire plaisir ou si elle avait sincèrement l’intention de se poser avec un livre. « Tu peux déjà regarder une encyclopédie. » Savait-elle au moins ce que c’était ? Il craignait qu’en lui expliquant quel genre d’ouvrage c’était, Espinoza se sente prise pour une idiote et se braque. Or, si elle ignorait ce que c’était, la laisser ainsi avec un mot qu’elle ne connaissait pas la renverrait à un manque de vocabulaire potentiellement vexant. Se grattant la joue, Ellroy tenta donc : « Dans ce genre de bouquin, t’as beaucoup d’informations sur la science, enfin les sciences plutôt, mais aussi sur les pays et la géopolitique, ou encore l’histoire. A la bibliothèque, il y en une qui date de 2009. Du coup, les savoirs qui y sont écrits sont actuels. Et puis, l’avantage de ce type de livre, c’est que tu peux juste lire les paragraphes ou les pages qui t’intéressent. Pas besoin de tout lire, ni de lire longtemps pour apprendre plein de choses. » Il ne pensait pas pouvoir mieux lui vendre une encyclopédie. Et c’était assez satisfait de son argumentaire qu’il but une nouvelle gorgée de soda.

Encore une fois, la problématique de l’argent s’imposa dans leur discussion. L’argent leur manquait, à eux et aux leurs. L’oppression de la précarité était un mal souvent sous-estimé par ceux qui avaient la chance de ne pas le connaître. Pourtant, au-delà des carences en termes d’alimentation, de santé et d’éducation, elle pouvait être la source d’une réelle souffrance psychique. L’argent était le principe de réalité par excellence, s’imposant toujours comme limite quand il manquait. Or, Oz trouvait triste qu’Andrea se soit déjà résignée à survivre de ménages. A 16 ans, on devrait avoir le droit de rêver à mieux, même s’il n’y avait aucune honte à faire des ménages bien entendu. A voir l’air légèrement contrarié qui froissait le visage de l’adolescente, Sohan présupposa qu’elle s’était déjà fait cette réflexion, et il ne jugea pas utile de la lui renvoyer en pleine gueule, d’autant qu’il n’avait pas d’alternative à lui soumettre. Elle, en revanche, s’était mise à imaginer comment rendre les prochains jours meilleurs, et les libérer de la pesanteur de la dèche.
Les traits de la jeune femme demeurèrent tendus, mais cette fois-ci par l’effort de la réflexion. Pour qu’ils puissent gagner de l’argent, il leur fallait trouver des personnes « prêtes » à le perdre. Comme les friqués de Palos Verdes et d’autres quartiers de la ville. Oz ne sut cacher sa surprise en observant Espinoza considérer avec tant de facilité cette possibilité. Il ne la jugeait pas pour autant, comprenant que ce n’était pas une tendance antisociale qui la poussait à y réfléchir, mais des facteurs extérieurs à sa psyché, des facteurs contextuels qui l’amenaient à ainsi voir les choses.

Après avoir vérifié que personne ne les regardait - car suspects - Sohan demanda à son amie à quoi elle pensait, et si elle était vraiment sûre de vouloir s’embarquer là-dedans. Et à en croire sa réponse, Andrea s’était déjà trop emballée pour considérer d’avorter ses réflexions, surtout qu’elle ne voyait que les avantages à ainsi agir : ce ne serait certes qu’un « sursis », mais qui leur profiterait, donc non, elle ne reviendrait pas en arrière. Surtout qu’une idée s’élaborait. Oz se pencha de sorte à rapprocher son oreille de la bouche de l’adolescente. Elle lui proposa d’utiliser une combine apprise aux dépens de Raoul ; combine qu’il n’avait a priori jamais testée. Il fallait être deux pour cette petite arnaque qui consistait à ce que l’un d’entre eux tâche discrètement les vêtements d’un passant, puis que l’autre vienne gentiment proposer son aide à la personne afin qu’elle se nettoie. Et c’est à ce moment-là que le premier complice fait les poches de l’arnaqué. Voilà quel était le plan. « Hmm… » Se grattant à présent le menton et la gorge, Ellroy tentait d’évaluer la faisabilité de cette combine. Ça semblait simple, vraiment simple dit comme ça, mais il savait qu’il faudrait à celui qui fera les poches une assez grande dextérité. Il agita alors ses doigts dans la poche ventrale de son sweat, comme pour en vérifier la souplesse. La fatigue et les drogues empâtaient un peu ses mouvements. Mais avec un coup de boost - des stimulants -, il pourrait gagner en tonus musculaire et limiter le risque de tremblement. « Pourquoi pas ! C’est assez original. Fallait y penser ! Tu te verrais plutôt dans quel rôle ? » Oz voulait lui laisser le choix, même s’il était conscient qu’Andrea pourrait plus aisément s’approcher ouvertement de leur victime sans susciter sa méfiance. Lui avait plus la gueule de ce qu’il était : un toxico. « Je dois avoir un peu d’acrylique chez moi. » Une fois, bien défoncée, Elsa avait voulu s’essayer à la « peinture automatique ». Mais finalement, elle s’était contentée – avec l’enthousiasme d’une enfant de deux ans - d’utiliser ses mains en mode tampon sur plusieurs grandes feuilles blanches, et un pan de mur. « Tu voudrais qu’on aille où ? Dans le centre-ville peut-être , non ? On serait trop suspects à Palos Verdes. Je sais ! Ou alors dans un endroit où il y a un peu de nature, genre le parc du centre-ville ou la plage. Y’a des oiseaux là-bas, dans le ciel. Sauf que le problème de la plage, c’est que c’est peut-être trop découvert… » Son flot de pensées s’interrompit brutalement, et ce fut avec deux grands yeux ronds - un peu ahuris - qu’il attendit l’avis de la petite Espinoza avant de poursuivre leurs manigances.


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MessageSujet: Re: [TERMINE] We were just kids x Sohan   [TERMINE] We were just kids x Sohan EmptyMer 10 Mai - 23:54

Je suis pas certaine que lire des livres pourra vraiment changer le cours de ma vie. Ca comblera peut-être quelques uns des savoirs que je loupe en allant pas en cours, mais je sais aussi que c’est pas vraiment comme ça que je vais m’offrir un avenir différent de celui qui semble déjà tout tracé pour moi, fait de ménages, et de petits boulots sans grand intérêt. Je sais qu’au moins, j’aurai un travail, et des entrées d’argent, mais…je peux pas m’empêcher de me demander si c’est vraiment suffisant, comme objectif de vie. Est-ce que ce serait mal, de vouloir autre chose, d'espérer un jour avoir mieux ? De pas avoir besoin de compter avec attention chaque dollar au cours du mois, pour savoir où j’en suis dans les finances ? Tout ça pour dire que je suis pas certaine que les livres vont révolutionner ma vie…mais je suis pas contre le fait d’essayer malgré tout. Et puis…je me dis que ce serait pas si mal, dans le fond. Ça pourrait peut-être me changer les idées, de lire un ou deux chapitres le soir avant de m’endormir. Et en plus de ça, si ça nous fait un nouveau sujet de conversation avec Sohan, c’est encore plus un truc à tenter.

C’est pour ça que je finis par lui demander ce qu’il pourrait me conseiller, parce que je sais que les livres c’est beaucoup plus son truc à lui, que le mien. Le nombre de bouquins que j’ai dû lire pour le plaisir, en dehors de ceux qu’il a fallu étudier en cours donc, doit se compter sur les doigts des mains. Pourtant, je dois bien avouer que sa première proposition me laisse…dubitative. Une encyclopédie…? C’est pas genre un gros dictionnaire, ça ? J’écoute avec attention les explications d’Oz, retenant comme je peux la petite grimace qui s’invite sur ma tronche. Quand je parlais de livre, je pensais plutôt à un bon roman. Une affaire policière à résoudre. Une aventure au quatre coins de la planète pour faire je sais pas trop quoi. Une histoire pour fil conducteur. Une encyclopédie, c’est quand même vachement…scolaire, non ? Mais bon…une fois encore, il est plus spécialiste sur le sujet que moi, alors…je mets pas trop longtemps à décider de lui faire confiance : “-Une encyclopédie…je vais essayer, d’accord. Je suis assez intéressée par la façon dont ils vivent, dans les autres pays du monde. Je commencerai peut-être par là…” que je me retrouve à expliquer, même si c’était pas forcément nécessaire.

Essayer les bouquins, et croiser les doigts donc. En attendant d’acquérir tout le savoir du monde -haha- il faut quand même continuer à faire entrer de l’argent, ce truc qui prend tellement de place dans nos vies, bien malgré nous. C’est comme ça qu’on se retrouve à devoir cogiter sur une possible arnaque à faire ensemble, histoire de renflouer un peu nos portefeuilles, et éloigner pendant quelque temps l’ombre de notre pauvreté. J’ai l’impression d’avoir les neurones qui surchauffent pendant ma réflexion -il faut dire qu’ils ont pas l’habitude- alors que je me creuse vraiment les méninges pour essayer de trouver un truc qu’on puisse faire ensemble. Assez rapidement, ce semblant de plan que j’avais entendu entre Raoul et son pote me revient en tête, et je l’expose à Sohan. Je prends pas la peine de me demander pourquoi ils l’ont jamais fait, enfin pas que je sache, si c’est parce qu’ils ont compris que quelque chose en particulier pouvait foirer, que finalement c’était trop risqué. Je prends pas le temps de me poser la question, à vrai dire.

Si je suis sûre ? Oui, je le suis. Je veux dire…je le suis ? Au fond de moi, je sais bien qu’arnaquer quelqu’un, qu’il ai ou pas de l’argent, c’est une mauvaise chose. Je sais qu’il existe une sorte de ligne, entre les bonnes actions et les mauvaises, et que faire ça, ça nous fera franchir cette frontière définitivement. Y’aura pas de retour en arrière possible. Je sais que c’est quelque chose de mal. Qu’on pourrait avoir de graves ennuis si on se fait choper, si quelqu’un nous attrape en pleine arnaque, si on nous dénonce. Mais…je sais aussi que ces dollars nous seront précieux au quotidien. Qu’ils allègeront une partie de ce poids sur les épaules de mes parents, et sur celles de Sohan. Et pour le coup…je crois que pour l’heure, ça me suffit comme moyen de me rassurer.

Ça n'empêche que pour mener à bien l’idée de Raoul, ou essayer, il faut être deux, sinon le plan tombe à l’eau. Et si Ellroy me dit pour une raison ou une autre qu’il le sent pas, on laissera simplement tomber. J’ai l’impression d’être suspendue à sa réaction le temps de sa réflexion, et finalement, mes sourcils se haussent quand je me rends compte qu’il semble partant. Que ce soit original entre pas dans mes préoccupations, seul le fait que ce soit rentable l’est vraiment. Et qu’on se fasse pas choper, évidemment. Je m’en voudrais beaucoup trop si un truc foirait, et que Sohan en faisait les frais à cause de ma bêtise. Sauf que…si on étudie bien notre truc, y’a pas de raison que ça fonctionne pas…hein ? Et puis…faut qu’on s’arrange pour planquer mon vélo pas trop loin, comme ça, au cas où ça tourne mal, on grimpe dessus et on se sauve en vitesse. Ça pourrait marcher…non ?

L’entendre me demander dans quel rôle je me verrais le plus me fait tout drôle, parce que ça rend le truc un million de fois plus réaliste. Je me verrais mieux dans le rôle de quel arnaqueur ? Celui qui fait la causette à la victime, ou celui qui lui fait les poches en douce ? J’ai pas assez de recul, peut-être tout simplement pas assez de maturité pour me rendre compte avec quelle facilité presque inquiétante j’arrive à éteindre ce soupçon de culpabilité qui commence à grimper en moi, à l’étouffer sous le poids de ces responsabilités que nos parents ont fait peser sur nos épaules, sans même en avoir conscience. Lo que se necesita...même si pour ça, ça veut dire débarrasser quelques personnes des billets qui garnissent leur porte-monnaie. “-Te vexe pas, mais…je pense qu’une ado, ça attire peut-être moins l’attention qu’une jeune adulte. Et puis…regarde moi cette bouille toute mignonne…personne se méfiera si je dis que j’ai perdu mon chemin et que j’ai besoin d’aide pour me repérer.” Je papillonne de manière ridicule au moment de lui dire ça, lui décochant un sourire qui m’aide surtout à faire redescendre la pointe d’inquiétude qui grimpe subitement. J’ai la tchatche, et avec un sourire on peut tout faire…pas vrai ?

La paume subitement moite, je m’essuie sur mon jean qui a connu une meilleure jeunesse, avant de froncer un peu les sourcils devant ce qu’ajoute Sohan. “-De l’acrylique ? Bah…tant que ça peut faire penser à une crotte d’oiseau, c’est tout ce qui compte.” Il faut que ça fasse illusion auprès de notre victime, on pourrait même dire que c’est l’élément déclencheur de tout. Si on foire ça, l’arnaque prendra jamais. Je relève le nez vers mon ami quand il reprend la parole, haussant les sourcils face à ce débit de mots qu’il prononce, et aux idées qu’il déroule. Si c’était pas un bon plan, Sohan me l’aurait dit, et il aurait pas pensé à des endroits où agir. Le voir s’emballer à pour effet de me conforter dans le fait que ce qu’on fait est pas si grave, qu’il peut pas y avoir tant de conséquences négatives. “-Le parc, ça c’est une super idée. Mais…faudrait un endroit où on pourra décamper en vitesse si les choses tournent mal…avec plusieurs possibilités pour prendre la fuite. Un endroit sans trop de passage, mais où en même temps ce sera pas trop louche de tomber sur une ado paumée, et où on risque pas d’avoir des témoins.” Je vais éviter de lui dire que ça aussi, je l’ai entendu de Raoul, même si je me doute que Sohan sait que mon frère trempe dans des trucs pas toujours très réglo.

C’est ma première vraie arnaque de ce genre. Et c’est bizarre de se sentir en même temps si emballée, et stressée. C’est la première fois que je dois vraiment essayer de réfléchir à tous les détails, à tout ce qui pourrait coincer, et tout anticiper…ou au moins tenter. Je mâchouille distraitement l’intérieur de ma lèvre tout en réfléchissant, me plongeant dans un silence qui s’étire un peu. Jusqu’à ce que… “-Sohan…” que je commence prudemment, relevant le nez vers mon ami, sans pouvoir retenir une grimace. Quand il se tourne à son tour, j’ai encore du mal à trouver mes mots, à exprimer clairement ce que j’ai en tête : “-Tu…enfin…tu sais que ça comporte des risques, pas vrai ? Et que…enfin…” Bien sûr qu’il doit s’en douter, il est pas idiot, c’est pas ce que je voulais dire. Ce que je voudrais dire, c’est que même si j’ai eu cette idée, que je l’ai entraîné, et poussé dans cette voie, j’espère qu’il m’en voudra pas si on se fait choper. C’est aussi simple, et aussi ridicule que ça…j’ai besoin d’entendre mon ami me dire qu’il le restera si on se fait attraper. Sauf que je sais que c’est égoïste, et un peu puéril aussi. Alors je préfère attaquer par un autre angle : “-On fera bien attention, d’accord ? Et si on sent que ça peut partir en vrilles, on arrête avant la casse, et on réfléchira à autre chose.”

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MessageSujet: Re: [TERMINE] We were just kids x Sohan   [TERMINE] We were just kids x Sohan EmptySam 20 Mai - 14:07


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« La pauvreté met le crime au rabais ». Il avait lu cette citation quelque part, et elle l’avait marqué par son évidence. Le crime était souvent le moyen de se faire de l’argent rapide, et comme un adage populaire disait : « L’argent n’a pas d’odeur ». Tentait-il d’ainsi rationaliser, voire de légitimer, ce qu’ils allaient faire ? Car, certes, même s’ils ne planifiaient pas le braquage de l’année, leur entreprise ferait cependant des victimes. Des victimes qu’ils voulaient « mauvaises » - c’est-à-dire à laquelle ils ne pouvaient pas vraiment s’identifier -, comme ça, ils n’auraient pas à déployer la moindre culpabilité après les avoir volées. D’un, parce qu’ils ne leur feraient aucun mal : ils n’useraient d’aucune violence physique, ni psychologique. Et de deux, parce que les dollars qu’ils leur subtiliseraient ne leur manqueraient pas vraiment. Mais pouvaient-ils être certains de cela ? Que cet argent ne leur manquerait pas ?

Les mains parcourues d’une certaine agitation, Sohan cessa de se gratter le sommet du crâne pour s’en prendre à la peau de sa gorge. Il s’était légèrement redressé après avoir découvert le plan de son amie. Il projeta son regard au loin - en quête d’un horizon bouché par des immeubles délabrés - et s’offrit quelques secondes de réflexion. Il avait jugé la combine originale, et cela avait son importance : il était toujours plus difficile d’escroquer quelqu’un quand le procédé de l’arnaque était connu. Les gens se méfiaient bien plus rapidement et pouvaient alors interrompre la tromperie en montrant qu’ils n’étaient pas dupes. Aussi, le fait que cette combine soit originale était une vraie qualité, voire garantie de leur chance de réussir.

Il leur fallait donc établir à présent un plan d’action concret, dans le réel. Oz demanda à Espinoza dans quel rôle elle se voyait opérer. Elle prit un bref temps de réflexion avant de lui répondre qu’elle ferait un appât plus convaincant que lui. Andrea se mit alors à marcher de façon étrange, et placarda sur son visage un immense sourire innocent. Comme le diraient certains : on lui donnerait le bon Dieu sans confession. Ellroy se fendit à son tour d’un sourire, et poursuivit l’élaboration de leur plan.
Autre point qui méritait leur attention : le fameux caca d’oiseau. Il fallait que cela soit convaincant, sinon l’arnaque ne prendrait pas. Sohan avait spontanément pensé à de la peinture acrylique, pour son épaisseur et sa texture. D’ailleurs, il pourrait y rajouter du sel, ou plutôt de la terre pour rendre le mélange plus granuleux. Les fulgurances de sa créativité faillirent lui arracher une exclamation impressionnée.

Leur emballement était communicatif. Andrea discuta du dernier point qu’il avait amené, à savoir le lieu où commettre leur méfait. Il proposa le centre-ville, conscient que leur aura de précarité les rendrait trop suspects à Palos Verdes. Cependant, au-delà de ne pas trop dénoter dans le décor où ils opèreraient, il leur fallait aussi des oiseaux à désigner à tort comme coupables. La jeune femme choisit donc l’option du parc, la validant en l’estampillant comme « super idée ». Mais elle ajouta que leur terrain devrait leur offrir la possibilité de pouvoir fuir facilement en cas d’échec de leur manœuvre. Il fallait aussi limiter le nombre de témoins. S’attrapant le menton d’un geste caricatural, Sohan plissa les yeux, tant sous l’effet de la concentration que des rayons du soleil qui inondaient ses pupilles dilatées. « Je pense que selon l’heure à laquelle on… on agit, on pourra contrôler cette variable. On est dimanche, c’est ça ? En général, vers 10 heures, le parc est encore peu fréquenté. Il y a des joggers et des petits vieux. Passé 13 heures, on commencera à avoir des familles et des jeunes. La fréquentation va augmenter jusqu’à 18 heures. Puis les gens rentreront chez eux. » Tout cela était spéculatif ; il n’avait pas mené d’étude de terrain pour alimenter ces hypothèses. Mais cela lui semblait tout de même cohérent. Il avait pu passer des journées à lire au parc, et c’était le souvenir qu’il gardait de l’affluence. Oz sonda quand même son amie du regard, afin de vérifier si ce qu’il spéculait lui paraissait à elle aussi plutôt logique. Or, Espinoza lui planta un silence.
Loin de s’en formaliser, Sohan lui laissa le temps de réfléchir à ce qui animait ses pensées et but une dernière gorgée de son soda. Il jeta la canette vide dans une poubelle et enfonça à nouveau ses mains dans la poche ventrale de son sweat. L’adolescente l’interpella alors par son prénom, d’une voix qui avait perdu de son aplomb. Son regard n’était plus soutenu non plus par la même détermination qu’il avait eu quelques secondes auparavant. Andrea tenait à lui rappeler que ce qu’ils allaient faire n’était pas sans risque. Oz hocha la tête, conscient que, oui, en cas d’échec, il y aurait sûrement des conséquences. De mauvaises conséquences. Aussi, il se rangeait à son avis : ils devraient faire attention aux moindres détails, et ne pas insister si jamais leur plan semblait voué à foirer. « On repèrera bien par où fuir en cas de problème. » Le principal risque que voyait Sohan était celui d’être retenu par l’escroqué ayant découvert le pot-aux-roses. Il pourrait alors vouloir se venger par la violence, appeler la police ou la sécurité du parc. « Je te propose qu’on aille au parc pour faire le repérage, tant du meilleur endroit où opérer – avec au moins deux solutions de repli -, que des rondes du gardien, leur fréquence et durée. » Aurait-il du éprouver une forme de culpabilité à ainsi organiser avec finesse leur crime ? Rien de tel n’émergeait en lui. Mais, après tout, ils n’avaient encore rien fait de mal.


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MessageSujet: Re: [TERMINE] We were just kids x Sohan   [TERMINE] We were just kids x Sohan EmptyMar 29 Aoû - 21:52

J’avais pas vraiment prévu de faire une percée dans la cour des grands aujourd’hui. Parce qu’après tout…c’est bien ce qu’on s’apprête à faire, non ? On était tranquillement en train de marcher côte à côte dans les rues de notre quartier, à parler de ces gens qui ont eu l’opportunité de le quitter et qui maintenant nous prennent de haut, à évoquer mes perspectives d’avenir presque nulles, et voilà qu’un battement de cils plus tard, on est en train de préparer un crime. Enfin crime…on est peut-être plutôt sur du délit, là. Je sais qu’il y a une différence entre les deux. Papa le répète souvent à Raoul quand il s’énerve, en lui reprochant de travailler pour tel ou tel gang, et à chaque fois il juge utile de lui rappeler que le temps passé derrière les barreaux est clairement pas le même qu’il s’agisse d’un crime ou d’un délit. Enfin…c’est ce que j’ai compris, en tout cas. Je crois que Raoul s’en fiche, et pourtant, je sais que même si je dis à mon père qu’il parle à un mur, il continuera de lui faire la morale. Je crois pas pour autant que ce seront les paroles de notre père qui tiendront Raoul éloigné de la taule. Il trempe dans trop de trucs louches, depuis trop longtemps. Et franchement, c’est triste à dire, mais…la prison peut parfois apparaître comme la moins pire des options. Quand ça se joue entre une cellule ou une balle dans le buffet, le choix est vite fait.

Mais là, on s’égare. Sohan et moi, on ira pas en prison pour si peu si on se fait choper. Enfin…j’imagine ? Je me demande ce qu’on risque vraiment si une de nos victimes remarque notre combine, et nous balance aux flics, ou si on fait prendre la main dans le sac…au sens propre du terme. Putain, on aura un casier judiciaire ! Je me demande si Oz en a déjà un. Non pas que ça changerait quelque chose à cette idée qui a germé entre nous, et qu’on a l’air bien décidés à mener à bien, l’un comme l’autre. Et à en croire nos échanges, on pourrait croire qu’on a pensé à tout, qu’on s’est penchés sur le moindre petit détail, et qu’on est pas juste en train de balancer quelques idées que l’autre attrape au vol pour rebondir dessus. Et puis après tout…pourquoi ça marcherait pas ? Comment font les autres, quand ils montent leurs arnaques ? Moi, je trouve que notre échange d’idées se passe super bien, et qu’on avance vers un truc qui pourrait marcher.

Je suis peut être un peu étonnée que cette histoire de faux caca d’oiseau obtienne aussi vite son accord, et si Sohan propose d’utiliser de l’acrylique alors que je suis pas trop certaine de savoir ce que c’est, je suis sûre que son idée va marcher parce qu’il connait pleins de trucs qui me sont totalement inconnus. Bon…on a ciblé nos victimes : des gens des beaux quartiers, du genre de ceux qui ont de la thune à plus savoir quoi en faire. Enfin…en théorie. On a notre approche : la pauvre gamine paumée qui s’aperçoit de la vilaine tâche de merde de pigeon qui s’avérera être de la peinture. Maintenant…reste à trouver où. Et quand Sohan propose le parc, je me dis que c’est presque une évidence. Bah ouais…à priori, y’aura pas mal de piafs là-bas, non ? Et puis…un parc, c’est grand. Ça nous laissera pas mal d’espace pour nous barrer en courant si besoin, et le fait qu’il y ai plusieurs entrées, et donc sorties, est un avantage non négligeable. Et alors que je déroule mes incertitudes à voix haute, et fais la liste de tous les paramètres qu’il faudrait qu’on puisse maîtriser pour contrôler la situation, So reprend la parole pour faire une mini exposé sur les fréquentations du parc selon lui. La vache ! Il est super balèze, comment il sait tout ça ?

Et alors qu’il finit d’expliquer les allées et venues des gens selon lui, je me retrouve soudainement presque muette, à réfléchir à tout ça. Putain…crime ou délit ? Parce que finalement, ça fait quand même une différence. Si encore ça me concernait que moi…mais j’ai entraîné Sohan dans cette folie, et je veux surtout pas que ça lui retombe dessus. En plus de ça, j’imagine bien que les sanctions sont pas vraiment les mêmes pour un mineur ou un majeur, et qu’un débilos aurait tôt fait de dire que je me suis laissée embobiner par le plus âgé de nous deux, que je savais pas ce que je faisais ou des autres conneries comme ça. Alors ouais…ça me semble primordial de vérifier que Sohan a bien conscience de tout ce qu’implique notre plan…et que notre amitié restera intacte, qu’importe l’issue de notre arnaque. Sauf qu’à l’entendre…ouais, y’a pas de doute…Oz a bien compris ce qui pourrait découler de tout ça, et il a l’air de l’accepter. Mieux, il a déjà une longueur d’avance sur moi concernant le plan, qu’il tarde pas à m’expliquer. Pour toute réponse, je hoche la tête et lui adresse un semblant de sourire. Si on se montre hyper prudents, ça pourra qu’aller bien…pas vrai ?

Alors, on se met en route vers le parc, alors qu’on reste silencieux tous les deux un bon moment. Je peux pas m’empêcher de réfléchir à tout ce qu’on s’est dit, à ce plan qu’on a élaboré, aux points qu’il faut encore affiner. Je cherche tout ce qui pourrait aller de travers, et si les quelques soucis que je relève devraient me pousser à changer d’avis, c’est tout l’inverse qui se produit. Quand on est à quelques mètres du parc, je ralentis le pas, et finis par m’arrêter complètement. “-On devrait y aller chacun de notre côté à partir de maintenant. Faudrait éviter qu’on nous voit ensemble. Je vais passer par l’autre entrée…on a qu’à dire qu’on se donne rendez-vous ici dans…une heure trente ? Et on pourra discuter de ce qu’on a vu.” que je propose, haussant légèrement les sourcils dans une mimique interrogative. Une heure trente, c’est assez de temps pour faire du repérage ? J’espère vraiment. “-Fais bien attention à toi So, d’accord ?” Même si en soit, on est surtout censés faire de l’observation, je peux pas retenir les mots. Je veux vraiment pas qu’il lui arrive des bricoles à cause de moi.

Un dernier coup d'œil préoccupé, un petit signe de tête, et je m’en vais de mon côté, le laissant s’éloigner du sien. J’ai l’impression que je me sentais plus courageuse quand je marchais avec lui, et pourtant, j’essaie vraiment de faire bonne figure, et de garder une mine détachée alors que j’attache le vélo à une clôture juste à côté du parc. Y’a pas vraiment de risque concernant le fait qu’on pourrait me le piquer. Dans les beaux quartiers, les gens s’abaissent pas à ça. Et puis…comme on passera pas à l’action aujourd’hui, parce que j’imagine que So a pas de cette fameuse acrylique sur lui, je pourrais récupérer tranquillement le vélo au lieu de devoir me sauver en le laissant derrière et d’être obligée de venir le récupérer plus tard. Les quelques mètres qui me séparent de ma destination affolent un peu mon palpitant…avant que je me calme presque aussi vite toute seule. Je sais pourquoi on fait ça. C’est pas le passe-temps de deux jeunes qui s’ennuyaient et qui savaient pas comment tuer le temps, nan…on fait ça parce que c’est une nécessité. Parce que Sohan a besoin de ces dollars, et ma famille aussi. Parce qu’on galère tous les jours, et que bordel, c’est vraiment pas juste.

Voilà…plus que quelques pas, et je serai arrivée au niveau de l’entrée du parc. Je repère dans l’une des poubelles latérales un magazine plié, qui a l’air d’avoir été posé sur le rebord plutôt que jeté. Pour une fois que les manières des gens friqués vont m’être utiles…Je récupère le magazine, vérifie quand même que y’a pas de substances suspectes ou de trucs chelous dessus, et finalement, je vais m’asseoir sur un banc à quelques mètres de là. J’ouvre le magazine, et feignant d’être concentrée sur cet article qui date de presque deux ans, je scrute en réalité au-dessus des pages glacées, observant les faits et gestes de la poignée de personnes rassemblées là. Des petits vieux et des tarés qui courent…exactement comme l’avait prédit Sohan. Cette pensée m’arrache un léger sourire, que je m’empresse d’effacer aussitôt. Pas sûre que la lecture de cette revue économiste puisse arracher un sourire à qui que ce soit.

Mon attention est renouvelée quand je vois le gardien déboucher à l’angle d’une allée fleurie, et tandis que je prends mon temps pour tourner la page, et lever légèrement le magazine devant mon visage pour me planquer derrière, je regarde l’heure sur ma montre, et me concentre pour la retenir. D’autres minutes s’enchaînent, deux autres joggeurs procédant à leur séance de torture quotidienne me passent devant, et près de vingt-cinq minutes plus tard, c’est un autre gardien qui tourne au coin des fleurs, les mains dans les poches de sa veste, et un air jovial sur la tronche. Est-ce que c’est un autre gardien parce que le premier a fini sa journée, ou est-ce qu’ils sont deux ? Merde…je vais devoir squatter ce banc encore un peu de temps, juste pour en être sûre.

J’avais jamais vraiment fait de planque avant aujourd’hui…parce que concrètement…c’est exactement ce qu’on est en train de faire, non ? Et ben contre toute attente, c’est pas si ennuyeux. Le temps passe même plutôt vite quand il s’agit de se faire discrète, et d’observer les gens. Il se passe un petit plus d’une demi-heure -trente trois minutes pour être exacte- quand gardien n°1 réapparaît à son tour. Deux gardiens, donc…je pensais qu’un seul aurait été suffisant pour surveiller ce parc qui est pas si grand que ça. Enfin…non pas que je sois une spécialiste en surface de parc, mais bon. Une fois que le surveillant est passé devant moi, je plie mon magazine emprunté, et lui emboîte le pas, plusieurs mètres derrière. Et pendant qu’on avance, j’observe la configuration des lieux. Une longue allée de gros arbres borde l’un des côtés du parc, côté clôture, et si je ralentis la marche pour mieux les observer, j’en arrive à la conclusion qu’il est impossible de s’assurer une sortie en escaladant les branches, pas sans avoir pratiqué avant. Autant éviter d’écoper d’une fracture en plus d’une garde à vue. De l’autre côté, il y a surtout de l’herbe, quelques bandes fleuries, et un arbre, par-ci, un banc par-là.

Tout comme le gardien, je marche d’un pas léger, comme si j’appréciais une simple balade, et que j’étais pas en train d’élaborer un truc qui m’est tout à fait nouveau. Une nouvelle fois, je ralentis le pas quand je remarque deux coffrets l’un à côté de l’autre, celui de gauche plus petit que celui de droite, qui arrive lui-même peut-être à soixante ou soixante dix centimètres du grillage. Je suis sûre qu’on pourrait passer facilement par là si on devait se sauver, on dirait presque que quelqu’un à mit ce presque escalier là intentionnellement. Évidemment, je soumettrai ma découverte à Sohan, mais je pense qu’on a potentiellement une première sortie de secours, au besoin. En pensant à Sohan, je jette un coup d'œil à ma montre, et me rends compte qu’il me reste encore quelques minutes d’observation avant de devoir le rejoindre pour faire un premier état des lieux de nos découvertes. Alors, l’air de rien, je continue cette petite balade de repérage, m’imprégnant des lieux, de leur disposition, de ce qui compose ce parc. Et peu à peu, pas après pas, alors que je retourne auprès de So, j’arrive à me convaincre que cet endroit est un bon début pour éprouver notre plan, et voir si l’arnaque à la fiente de pigeon à de l’avenir ou pas.

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Sohan Ellroy
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MessageSujet: Re: [TERMINE] We were just kids x Sohan   [TERMINE] We were just kids x Sohan EmptySam 2 Sep - 18:17


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Sohan était plutôt satisfait de ce qui, en cinq minutes de discussion, avait pu être élaboré : ils avaient une idée originale - et qui, de fait, lui paraissait géniale -, et chacun un rôle parfaitement adapté à leurs compétences. Tout cela lui parut bien facile, mais il savait que la prudence devait rester un élément majeur de leur plan. Il leur restait donc à bien repérer les lieux afin d’avoir une analyse plus fine du terrain et des options de fuite qu’il offrait. En fonction, ils pourraient confirmer ou non la faisabilité de leur petite entreprise. Ainsi, ils prirent le chemin de White Point Park, en centre-ville.

Un dimanche, à 10 heures du matin, même bien tassées, Downfall dormait encore. Les quelques boutiques du centre-ville devant lesquelles ils passèrent étaient fermées. Sur leur chemin, trois cafés avaient étiré leur terrasse sur le trottoir, proposant aux rares clients de savourer leur café sous les rayons d’un soleil printanier généreux. Plusieurs personnes étaient attablées, pour la moitié seule, avec un journal ou un livre. Ellroy s’imagina un instant pouvoir ainsi commencer sa journée, et il ressentit une forme de béatitude. Lui aussi, un jour, il pourrait profiter de dimanche matin frais et léger, sans samedi soir comme ceux qu’il connaissait pour entacher son innocence.

Espinoza et Ellroy marchèrent en silence, chacun replié dans ses pensées. Sohan divaguait, au point de ne plus observer la moindre des réflexions qui pouvaient traverser son esprit. Il avançait mécaniquement dans l’environnement, sans y accorder d’attention, l’esprit ailleurs, parti un peu trop loin. Néanmoins, quand le parc s’imposa à sa vue de ses grands arbres, le jeune homme revint à la réalité du moment. Andrea n’était plus à côté de lui. Il s’immobilisa et regarda autour de lui. Ses yeux la trouvèrent deux mètres derrière lui, à l’arrêt, en train de lui parler. Elle lui annonçait qu’elle allait passer par l’autre entrée, et qu’ils se retrouveraient dans une heure et demie afin d’échanger sur leurs observations. Sohan la fixa avec une pointe d’incompréhension : pourquoi se séparer ? Ah oui, le repérage, l’arnaque au caca d’oiseau. Son attention souffrait de plus de latences qu’il ne l’aurait cru, mais il n’en dit rien à l’adolescente et leva un pouce confiant quand elle lui demanda de faire attention à lui. Il réussit même à se parer d’un sourire. Cela sembla suffisant pour qu’Andy parte inspecter les lieux de son côté en le laissant seul pour gérer cette mission. La silhouette de la jeune femme s’éloigna puis disparut à l’angle.

Oz franchit donc seul le portail nord de White Point Park. Comme il l’avait prédit, les bancs étaient occupés par quelques personnes âgées, devant lesquelles passaient en petites foulées des coureurs. Trois personnes s’étaient réunies sur l’une des pelouses, accompagnées de leur chien. Les canidés jouaient entre eux, en attendant que leur maître reprenne la promenade entamée. L’ambiance du parc était sereine et agréable. En faire le cadre de leur petite entreprise l’envahit de culpabilité. Il était rare de trouver à Downfall des endroits si paisibles. Pourtant, Sohan savait qu’il était déconseillé de fréquenter ce parc – comme tous les autres dans l’ex-quartier expérimental – une fois la nuit tombée. Ne s’attardant pas sur cette pensée qui faisaient d’eux des individus inconvenants même au grand jour, le jeune homme fit le tour du parc.
Il commença par longer les bords clôturés du parc, repérant en plus des entrées ouest, sud et est, une paire de coffrets - contenant certainement le matériel des paysagistes –. Toute sortie en dehors de ces cinq points impliquerait d’escalader les arbres pour passer la clôture. Non loin de l’entrée sud, un arbre s’y prêtait plus particulièrement, mais Ellroy ne savait pas si Andy possédait, parmi ses multiples capacités, l’aptitude à monter aux arbres. Il avait cependant noté l’endroit sur le cahier qu’il utilisait pour dessiner le plan des lieux. Il l’avait trouvé, avec deux stylos, au fond de son sac. Quelques pages accueillaient des calculs où s’additionnaient les factures, et d’autres ses maigres rentrées d’argent. Sur les autres pages, des dessins, à l’encre noire, assez étranges, car aux traits déstructurés et parfois furieux.

Revenu à l’entrée nord, Sohan descendit à présente l’une des allées principales. Il crut deviner Andrea, assise sur un banc, ses cheveux dépassant du magazine qu’elle feignait de lire. Spontanément, il leva la main pour la saluer mais suspendit son geste, réalisant qu’ils devaient agir comme s’ils ne se connaissaient pas. Sa main finit alors sur son crâne, et en retira la capuche, dévoilant à la lumière les traits fatigués de son visage. Il poursuivit, l’air de rien, son chemin.

D’allée en allée, le temps s’écoula. Ellroy avait repéré la petite conciergerie près de l’entrée ouest où devait se poser le gardien entre deux rondes. Il l’avait bien évidemment notée sur son plan. Il était resté un moment près de la petite cabane en bois, allongé dans l’herbe. Pour l’avoir fait, le tour du parc par les côtés prenait quinze à vingt minutes, selon le rythme de marche. Sillonner les allées centrales et principales demandait vingt à vingt-cinq minutes. S’il enchainait les rondes, le gardien passait à un point donné toutes les trente minutes. Mais il devait bien faire des pauses.

Un couple de vieux passa devant lui. La dame dit à son mari qu’ils devaient presser le pas s’il voulait passer au boucher avant qu’il ne ferme sa boutique à midi trente. Elle lui rappela qu’il était midi passé, et qu’ils devaient donc se hâter. Oz bondit sur ses pieds, se remémorant le rendez-vous donné par Andy. Le couple sursauta et l’observa avec inquiétude puis avec un mélange de pitié et de mépris.
D’un pas pressé, il rejoignit l’entrée nord et s’apprêtait à en passer le petit portail ouvert quand une voix l’interpella d’un « Jeune homme ! ». Sohan se retourna et vit qu’un gardien le talonnait, certainement depuis quelques dizaines de mètres, car il semblait légèrement essoufflé. Ainsi, d’une voix basse et marquée par l’effort fait, il s’approcha de lui en lui disant qu’il n’avait pas pu s’empêcher de le repérer. Merde. Oz se retint de jeter des regards angoissés autour de lui et conserva son air naturellement sidéré. Le gardien parut troublé par l’attitude de son interlocuteur, mais poursuivit, toujours avec autant de bienveillance dans le regard. Il lui expliqua avoi un neveu qui avait, lui aussi, connu des temps difficiles. « La rue, la drogue, les problèmes, la vie » énuméra-t-il, sensiblement peiné. L’homme avait enfoui sa main dans la poche intérieure de sa veste. Allait-il en sortir des menottes ? Une arme de poing ? Sohan recula d’un pas, et ne put cette fois-ci se retenir de repérer les issues possibles. Le gardien perçut son agitation et leva sa main libre en signe d’apaisement. Il le rassura, lui disant qu’il ne lui voulait aucun problème, et sortit de sa poche deux billets de 10 dollars qu’il lui tendit. « Mangez quelque chose de chaud ».



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Andrea Espinoza
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MessageSujet: Re: [TERMINE] We were just kids x Sohan   [TERMINE] We were just kids x Sohan EmptyJeu 21 Sep - 20:42

Pendant le court trajet qui me sépare de notre point de rendez-vous, je tente de rassembler mes observations concernant le parc que je viens de visiter, essayant de me représenter mentalement un plan des lieux, quelques trucs que je crois avoir repéré, et qui pourraient nous aider dans notre entreprise. Pendant quelques secondes, j’envisage de faire un compte-rendu à Raoul, lui demander des conseils, me disant que puisque l’idée première vient de lui, il a déjà dû songer à tout ce qui pouvait potentiellement foirer, et à divers points d’attention qui nous ont peut-être échappés, à Sohan et moi. Sauf que, si je m’y risque, je sais d’avance comment ça va se finir. Il va essayer de me faire changer d’avis par tous les moyens, et je suis même sûre qu’il pourrait me balancer à nos parents, dans l’espoir que ma mère m’enferme dans notre chambre jusqu’à ce que je change d’avis, et renonce à cette idée.

Je crois que je ressens une pointe de fierté mal placée me titiller quand j’imagine un adulte m'empêcher d'aller au bout de tout ça, et l’envie tenace de me dire que je peux réussir, moi aussi, toute seule ou presque, me pousse à me passer de tout conseil d’une tierce personne. Marcher dans les pas des grands, j’en suis capable. Je le sais. Même si en vrai, ça aurait pas été plus mal que je suive un autre exemple que celui des arnaques en tout genre. Sauf que les exemples réglos, c’est pas vraiment ce que j’ai eu, autour de moi, et qu’il paraît qu’on a tendance à reproduire ce qu’on a sous les yeux. Inconsciemment, je crois que je me suis toujours dit que la limite à pas franchir, c’était les gangs. Même si mon père et Raoul en font partie, au moins à distance. C’est un monde qui m’a toujours fait peur, et qui m’attire pas du tout. A seize ans, et même si j’ai pas beaucoup de rêves, les miens concernent d’autres choses que des cartels et des organisations criminelles.

J’arrive à notre point de rendez-vous avant Sohan. Bien avant lui, même. Tellement avant que je finis par me demander s’il s’est pas passé un truc de son côté. Oh bordel…je me passe la main sur le visage, alors que j’essaie de réfléchir à ce que je dois faire maintenant. Le gardien a quand même pas pu l’arrêter, pas vrai ? Je veux dire…on faisait rien d’illégal ! On se baladait juste, et…on observait. C’est pas interdit ça, si ? Sauf que si ça l’est pas, où est passé So ? Et si on se fait arrêter par un gardien de parc, est-ce qu’il appelle la police, pour qu’elle nous emmène en garde à vue ? Et qu’est-ce qui aurait pu tourner mal pour que les choses prennent cette tournure ? Oh merde…tout ça c’est ma faute ! C’était mon idée !

Trop occupée à paniquer, je remarque pas tout de suite que mon ami se trouve en fait à quelques pas de moi, pas avant qu’il arrive à ma hauteur. “-Sohan, bon sang !” Je manque de lui tomber dans les bras, cache pas le soulagement qui m’envahit à sa vue, et me contente de poser mes mains sur ses épaules. Une personne avisée dirait sans doute que si j’ai déjà flippé autant alors qu’il s’est rien passé, c’est peut-être mal engagé pour la suite. Sauf que…c’est normal, de stresser un peu. On parle quand même de quelque chose qui pourrait potentiellement mal tourner, et nous causer des problèmes. C’est pas déconnant de se dire que c’est un espèce de rituel de passage vers la vie adulte, ce qui ajoute un peu de pression au truc. Enfin…en plus de la pression d’échapper à la police quoi. “-Bon…tu vas bien et t’as rien, c’est l’essentiel.” que j’ajoute, en lui laissant un peu plus d’air.

Dans un léger soupir, je finis par lâcher ses épaules, avant de me reculer d’un pas. “-Alors, comment ça c’est passé de ton côté ? Tu as pu voir des choses intéressantes ? J’ai comme l’impression qu’on a trouvé le bon endroit, mais tu as peut-être pas eu ce ressenti de ton côté ?” que je lui demande, l'entraînant un peu à l’écart. Je me disais qu’on allait juste échanger sur le sujet, expliquer ce qu’on a vu, et en tirer les conclusions pour mener au mieux notre mission. Je m’attendais pas à ce qu’il me sorte un plan, avec des annotations s’il vous plait, et mes sourcils se haussent aussitôt. Je suis vachement impressionnée par tout ce qu’il a fait pendant cette heure et demie, alors que concrètement, de mon côté, je me suis surtout contentée d’observer, et de marcher un peu. A croire qu’il a le délicat travail d’observation dans la peau. Plus que moi. “-Viens, on peut s’installer sur ce banc-là, et tout revoir.”

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Sohan Ellroy
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MessageSujet: Re: [TERMINE] We were just kids x Sohan   [TERMINE] We were just kids x Sohan EmptySam 14 Oct - 15:30


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Ils s’étaient donc rendus à White Point Park vérifier la réalisabilité de leur petite association de malfaiteurs. Fatiguées de la semaine, les ombres de Downfall sommeillaient, chassées des rues par un doux soleil dominical. C’était donc une autre ville qui s’offrait à eux, à ces gamins des rues qui avaient envie de rêver en plus grand que ce qu’on voulait bien leur autoriser. Tandis qu’ils atteignaient le parc, Sohan se fit l’amère réflexion qu’ils n’étaient que les produits (mal) finis de la fabrique des monstres qu’était l’ex-quartier expérimental. Leur rêve n’était qu’envie, un aveu pas vraiment assumé de cupidité, car ils osaient en appeler à une sorte de justice flinguée pour excuser leur exaction à venir, soutenant leur argumentaire de l’idée - viscérale quand la misère affame les esprits - qu’en ce bas monde, si on voulait quelque chose, il fallait le prendre. Une grimace étirant légèrement ses lèvres abimées par la déshydratation, Oz choisit d’ignorer les pensées qui continuaient d’affluer dans sa psyché, et se coupa de lui-même, tout en latences.
Puis, parvenus à l’entrée nord de White Point Park, Espinoza le ramena à ce qui devait les préoccuper, et lui énonça comment ils allaient procéder. Ils se donnaient une heure et demi pour repérer les lieux, et plus particulièrement les points de sortie utilisables en cas de fuite, ainsi que le circuit de ronde des gardiens – et le rythme auquel il était emprunté.

Andrea partie, le goût amer de la culpabilité lui revint en bouche. White Point Parc s’offrait à lui comme un Eden dans le purgatoire downfallien. Et eux étaient deux âmes qui s’en étaient échappées, et qui, en pensant se donner les moyens de le fuir, allaient souiller ce à quoi pourtant ils aspiraient. Luttant pour ne pas se laisser aspirer à nouveau par ses pensées, Sohan fit le tour du parc.
Tandis que ses pieds foulaient les différents sentiers, ses doigts en traçaient la cartographie d’une main rigide. Au bout d’une quarantaine de minutes, il s’octroya une pause, et s’assit dans l’herbe, près de la petite conciergerie, afin d’observer les allées et venues des gardiens. Son cahier toujours à la main, il se mit à dessiner arbres, chiens et visages au gré de ce qui s’offrait à son regard.
Puis, il fut l’heure de retrouver sa complice, une circonstance extérieure à ses pensées lui ayant rappelé qu’il n’était pas venu croquer White Point Parc mais y sévir. Oz traversa une partie du parc d’un pas pressé, et profita du trajet pour rassembler ses observations et en faire un résumé concis et clair. L’exercice fut peu probant. Les coffres étaient-ils à l’ouest ou à l’est du parc… ?
La voix d’un homme le sortit de ses pensées. C’était le gardien. Pris d’une légère panique, Sohan fourra avec précipitation son cahier dans la poche ventrale de son sweat. Le quinquagénaire s’avançait vers lui, apparemment déterminé à lui parler. Conservant tout le calme dont il pouvait faire preuve - alors que la fatigue mettait ses nerfs à vif -, Ellroy demeura immobile, figé, et attendit que le gardien parcoure les derniers mètres qui les séparaient. Et là, sans qu’il ne comprenne ni comment ni pourquoi, Oz vit deux billets de 10 dollars apparaître devant lui, tendus par la main de l’homme qui l’enjoignait à utiliser cet argent pour manger quelque chose de chaud. « M-mm-merci » bégaya-t-il, confus. Ses doigts saisirent néanmoins les billets donnés. Le gardien posa une main solidaire sur l’épaule du natif - qui accusa un sursaut – et repartit en réempruntant le même chemin, un air désolé sur son visage marqué par l’âge.

Et c’était avec un air quant à lui hébété que Sohan finit de parcourir le trajet jusqu’à l’entrée nord. Andrea était déjà là, et paraissait agitée, envahie par ses pensées. Au point de ne le vit que lorsqu’il s’imposa à sa vision. L’adolescente ressentit même le besoin de le toucher, comme pour vérifier sa présence, bien réelle et tangible. Elle semblait elle-aussi avoir été traversée par un instant de panique. « T-tout va bien ? » demanda Ellroy, sans se faire entendre puisque Espinoza s’était également mise à parler, estimant que, pour lui, tout semblait aller bien.
Il fallut une poignée de secondes à la jeune femme pour se ressaisir. Et en revenir à qui les avait conduits ici : leur arnaque et l’évaluation de sa réalisation à White Point Parc. Andrea jugeait l’endroit idéal à leur petite manigance, mais elle voulait savoir ce qu’il en pensait. Toujours abasourdi par sa rencontre avec le gardien, Sohan se contenta de sortir le cahier froissé de la poche de son sweat. L’adolescente fut impressionnée, et Oz aurait pu s’en gargariser s’il ne s’était pas empêtré dans la culpabilité. Face à son mutisme, l’adolescente lui proposa d’aller s’installer sur un banc et de partager leurs observations.

Leur fessier posé, il était temps de poursuivre leur plan. La carte qu’il avait réalisée allait leur être d’une grande aide. Il en dessinerait une copie à Andrea. Ainsi, luttant contre lui-même pour sortir de son mutisme, Oz finit par dire d’une voix mal assurée : « Le tour du parc par les côtés prend 15 à 20 minutes en marchant. Passer par les allées centrales prend plus de temps : 20 à 25 minutes je dirai, toujours à un rythme de marche… La concier-conciergerie est là, à côté de l’entrée ouest. Je n’ai pas été assez attentif pour voir à quel rythme se font les rondes du gar-gar-gardien. Mais au mieux, il passe à un point donné toutes les 30 minutes je dirai, au vu de la cartographie des lieux. » Il bégayait, parasité par un malaise grandissant. « Mais… mais je ne pense pas qu’on devrait faire ça ici. Il ne le mérite pas. Ils ne le méritent pas. Tous ces gens. Ni le gardien… Il m’a… » Incapable de poursuivre sa phrase, Oz sortit les deux billets de 10 dollars de sa poche et les montra à Andrea, une expression coupable et profondément désolée froissant son visage.


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MessageSujet: Re: [TERMINE] We were just kids x Sohan   [TERMINE] We were just kids x Sohan EmptySam 21 Oct - 12:59

Si Raoul avait été là, il m’aurait dit de faire confiance à mon instinct, d’écouter mon ressenti. Lui qui a les magouilles dans le sang, il a toujours fait comme ça, accordé à la petite voix dans sa tête toute son importance, l’écoutant avec attention quand elle lui murmurait que ça puait l’embrouille, qu’il fallait se barrer, ou juste renoncer. Moi, cette histoire d’instinct, ou de petite voix intérieure, j’y connais pas grand-chose. Je crois que je saurai même pas faire la différence entre elle, et juste la peur. Là, par exemple, à voir que Sohan met du temps à revenir, je sais pas laquelle des deux a pris le pas sur l’autre. J’ai beau essayé de réfléchir à la situation, essayer d’analyser les faits, mon imagination se charge très rapidement de rendre les choses beaucoup plus dramatiques qu’elles pourraient l’être.

Au lieu de m’imaginer que So a tout simplement pas vu l’heure tourner, qu’il a pris un peu plus de temps pour profiter du parc, qu’il a peut-être rencontré un ami à lui avec qui il discute, ou que sais-je d’autre, je pense directement au pire. Gardien. Police. Prison. C’est bien, je suis jamais dans l’excès. C’est cette réaction-là que Raoul aurait pointé du doigt, pour me faire comprendre que je suis peut-être pas aussi prête que je m’imagine l’être, et que si je réagis aussi vivement, c’est que mon instinct essaie de me faire passer un message. Lequel ? J’en sais absolument rien.

Et alors que j’étais déjà en train de me demander comment on sort un ami de prison quand on a pas le moindre dollar en poche, Sohan apparaît dans mon champ de vision, m’arrachant à cette panique qui était en train de gagner du terrain. Il est entier, ne semble pas blessé, et n’a pas le souffle court de celui qui s’est tapé un sprint pour échapper à un poursuivant. Pour la faire courte, il va bien. Et bon sang, ce que ça me soulage. Je prends pas vraiment le temps ni la peine de lui expliquer que j’ai flippé comme une andouille, même si je cache pas non plus que je suis rassurée et contente de le voir apparaître soudainement devant moi.

Relâchant ses épaules dont je m’étais apparemment emparé dans cet excès de soulagement, je le noie sous une avalanche de questions, avant de l'entraîner vers un banc pour faire un debrief de notre petite séance d’observation, et mettre au point un vrai plan. Le carnet qu’il m’a donné entre les mains, j’observe les traits qui représentent le parc, les points d’entrée, nos possibles sorties…tout ce que j’ai pas pensé à faire une seule seconde. Le petit cahier en main, je lève de temps en temps le nez vers Sohan quand il me fait part de ce qu’il a vu, alors que j’hoche la tête pour marquer mon approbation. “-C’est ça ! Le gardien a mis trente minutes pour repasser devant le banc où j’étais installée. Mais…je me demande s’ils étaient pas deux…” que je dis de manière pensive, avant de relever le nez plus vivement vers Sohan, quand l’hésitation s’invite dans sa voix, et ses propos.

Les sourcils haussés par l’incompréhension, je l’écoute m’expliquer qu’il pense que c’est pas une bonne idée, que les gens du parc méritent pas qu’on les dépouille, et je me demande ce qui a bien pu se passer pendant qu’on était séparés, pour qu’il change d’avis comme ça. Est-ce que quelqu’un a vu ce qu’il dessinait, en a tiré les conclusions qu’il s’apprêtait à faire quelque chose de louche, et il l’aurait dissuadé ? Comment, en l’espace d’une heure et demi, l’avis de Sohan a pu changer à ce point ? Mes sourcils désormais froncés quittent le visage de mon ami pour se poser sur ce qu’il exhibe désormais entre nous, deux billets sortis de la poche de son sweat. Je réfléchis vite, aussi vite que possible jusqu’à demander : “-C’est le gardien qui t’a donné ça ?” C’est bien ce qu’il a voulu dire avec son discours décousu par l’hésitation, non ?

Pendant ce qui me fait l’impression d’être la plus longue minute qui soit, mon regard passe du visage de Sohan, à ces deux billets dans sa main. Je vois bien que l’idée d’aller au bout de notre plan le ronge, et le met mal. Et finalement, c’est un soupir qui quitte mes lèvres, alors que j’hausse une épaule : “-C’est pas grave So. Te stresse pas pour ça, on le fera pas dans le parc si tu le sens pas.” que je dis en posant dans un même geste le carnet à côté de moi, et ma tête sur son épaule. Je sais pas trop ce qu’il faut dire pour apaiser les gens, alors la plupart du temps, pour pas dire tout le temps, je parle avec mes gestes plutôt qu’avec des mots. Je reste comme ça quelques secondes, avant de me redresser, posant un sourire qui se veut détendu quand je me tourne de nouveau vers Sohan, alors que je lui donne un léger coup d’épaule : “-Vingt dollars, c’est pas si mal !” Et on reste là un petit moment, à juste regarder les gens passer, assis l’un à côté de l’autre.

Ca m’ennuie un peu, qu’on ai pas pu aller au bout de notre plan, et pourtant, je sais aussi que j’ai pas envie de forcer Sohan à faire quelque chose qu’il a clairement pas envie de faire. J’ai beau pas avoir beaucoup d’expérience en la matière, je suis quasiment certaine que dans un plan comme ça, si l’un des deux à des doutes, ça fera capoter la magouille. Suffit d’avoir un regain de culpabilité au pire moment, et boum ! On se fait choper la main dans le sac. De toutes façons, il suffit de voir l’expression sur le visage de Sohan pour savoir que j’ai pas du tout envie de le pousser à faire quelque chose qu’il a pas envie de faire, ni à le culpabiliser. “-T’es un gentil garçon.” que je dis d’une voix légère, alors que le coin de mes lèvres se lève dans un sourire. Ca remplit pas le ventre, mais ça réchauffe le coeur, et c’est sans doute tout aussi bien. “-Tu veux qu’on retourne traîner dans le parc ? Il est plutôt chouette, et je sais pas toi, mais j’ai pas vraiment l’occasion d’y venir habituellement !”

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Sohan Ellroy
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MessageSujet: Re: [TERMINE] We were just kids x Sohan   [TERMINE] We were just kids x Sohan EmptyJeu 2 Nov - 13:29


we were just kids


Le manque de sommeil commençait à menacer le peu de raison qu’il lui restait. Oz était gagné par une hypersensibilité dont il peinait à calmer les élans. Un raisonnement paralogique s’était peu à peu établi dans son esprit, lui faisant porter une culpabilité oppressante. Trop oppressante. Il se sentait comme le loup dans la bergerie, le malin dans le jardin d’Eden. Il était un imposteur, à jouer les martyrs d’une société dans laquelle il était prêt à passer du côté des bourreaux. Non, ce n’était pas acceptable.
Fébrile - et gagné par l’angoisse -, Sohan avait du mal à rester assis. Il pouvait décharger une part de son agitation dans des gestes de main, plus ou moins indicatifs, tandis que sa jambe droite tressautait et que sa voix bégayait, dérapait et butait. A côté de lui, Andrea semblait avoir perçu son trouble. Elle l’observait, le visage froissé par l’incompréhension. Elle l’interrogea sur la provenance de l’argent qu’il avait ramené de son tour du parc, et demanda – en appui sur les quelques mots qu’il avait péniblement articulé - s’il s’agissait d’un don du gardien. Oz lui fourra alors avec précipitation les deux billets de vingt dollars qu’il tenait dans la main, comme si cet argent s’était mis à lui brûler la peau. « Oui-oui, je ne lui ai pas volé ! » s’exclama-t-il, se sentant accusé et coupable en même temps. Le jeune homme se mit alors à jeter des regards anxieux autour de lui, cherchant à voir qui allait leur tomber dessus.

Bon, il faisait une crise d’angoisse. Il devait se calmer. Sinon il allait attirer l’attention. Et si quelqu’un voyait son calepin où le parc y était cartographié à coup de style bille noir, ils risquaient d’être dénoncés… Il n’aurait jamais dû embarquer Andrea dans un tel plan. A moins qu’il l’eût suivie ? Bref, peu importait, car toujours était-il qu’il n’aurait pas dû entreprendre un tel plan avec elle. Que son cas, à lui, fut désespéré était une chose. Mais il ne pouvait pas gâcher l’avenir de cette gamine en l’accompagnant dans la commission de crime ! Il se devait de la protéger, pas de l’entraîner vers le bas. C’étaient avec des livres qu’il pouvait l’aider, pas comme ça !
Le souffle de plus en plus court, Ellroy posa ses mains - libérés de cet argent qu’il ne méritait pas – sur le banc, la paume contre le bois éprouvé, et serra le rebord avec ses doigts. Ses phalanges blanchirent rapidement, tandis que son cœur s’emballait, et réservait son afflux sanguin à tout organe nécessaire à sa fuite. D’un œil extérieur, Sohan s’était figé, le visage blanc et creusé, le regard fixe. Comme s’il accusait une latence. L’affolement qui dispersait ses pensées ne se retranscrivait plus dans son corps, bien que celui-ci, à bien y regarder, s’était raidi.

Puis le contact de la tête d’Espinoza contre son épaule le ramena à l’instant présent, où rien ne s’était passé. Sohan entendit sa voix lui dire de ne pas stresser, qu’ils ne mettraient pas en œuvre leur plan s’il ne se sentait plus de le faire. Et elle se tut, comme pour lui laisser le temps de se rassembler. La proximité du corps de l’adolescente parvint à l’apaiser. Oz réalisa que le cauchemar dans lequel il avait chuté n’avait été que pensées. Là, dans l’instant qu’il partageait avec son amie, aucun mal n’avait encore été fait. Certes, il pouvait encore se reprocher d’avoir commis un crime par la pensée, mais l’absence de concrétisation dans le réel devait lui permettre de s’épargner une certaine charge de culpabilité. Après tout, ils avaient seulement parcouru le parc, sans interférer avec la vie de qui que ce soit. Il y avait éventuellement ce gardien, qu’Ellroy avait peiné malgré lui, et qui lui avait alors donné vingt dollars pour manger. Mais c’était un don, pas un vol. Ni une sorte d’escroquerie dans laquelle il aurait mendié cet argent en attisant la pitié d’une cible. Mais était-il vraiment un « gentil garçon » comme venait de lui dire Andrea ?

Quelques dizaines de seconde s’étirèrent. Mutique, Oz reprenait le dessus sur les pensées qui l’avaient envahi et submergé. Il se sentait stupide et épuisé. Pourtant, il parvint à esquisser un léger sourire quand la jeune femme lui proposa de traîner dans le parc, cette fois-ci pour en profiter en tant que flâneurs. Elle n’avait pas souvent l’occasion d’y venir, et semblait juger qu’y passer un bout de son dimanche serait une « chouette » sortie. Sohan acquiesça. « Excuse-moi, je suis un peu à cran. Je-je n’ai pas compris pourquoi cet homme a voulu me donner de l’argent. C’était trop étrange, trop paradoxal comme situation… Et je me suis un peu perdu dans ma tête... Je pense que j’ai besoin de dormir un peu avant qu’on se lance là-dedans. Mais je veux bien continuer à traîner avec toi. Je n’arriverai pas à dormir de toute façon. Et il fait vraiment beau aujourd’hui, ce serait bête de ne pas profiter de ce soleil. On s’achète de quoi se faire un pique-nique ? »



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Andrea Espinoza
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MessageSujet: Re: [TERMINE] We were just kids x Sohan   [TERMINE] We were just kids x Sohan EmptyMer 8 Nov - 22:17

Et dire que ma carrière de criminelle était à ça de démarrer, et que ma vie aurait pu basculer du mauvais côté de la ligne. Comme quoi, il suffit parfois d’un rien. En vrai ? Je sais pas vraiment si y’ a un bon, ou un mauvais côté. Je sais qu’ici, tout le monde galère plus ou moins, et qu’on tâtonne pour trouver des solutions pour s’en sortir au mieux, et ouais, parfois, ces solutions sont pas vraiment ce qui se fait de plus légal, ou impliquent que des personnes innocentes en paient les conséquences. Je le sais pas encore, qu’ici sans doute encore plus qu’ailleurs, on finit pourtant tous par la perdre, cette petite étincelle d’innocence en nous. Mon heure était juste pas arrivée.

Il me faut quelques instants pour comprendre le discours décousu de Sohan, et réussir à lire entre les lignes, ou sur son visage angoissé. Je me retrouve avec deux billets dans les mains sans même comprendre pourquoi il me les donne, alors que mes sourcils se froncent encore davantage à ses paroles. “-Je…bah oui, je me doute bien…je voulais pas…” Insinuer qu’il avait volé cet argent. Jamais j’aurai pu penser ça. Je sais même pas comment il peut s’imaginer que j’ai eu cette pensée, ce que j’ai laissé transparaître pour qu’il en vienne à cette conclusion. L’argent disparaît dans ma poche, plus pour l’enlever de sous ses yeux, et chasser cette espèce de vague de culpabilité que j’ai l’impression de deviner en lui, même si je sais pas vraiment de quoi Sohan se sent coupable, puisque c’est le gardien qui lui a donné de son plein gré cet argent. J’ai compris depuis quelques temps déjà que même si on dit pas tout à voix haute, c’est pas pour autant qu’il se passe pas des tas de trucs dans la tête des gens, et j’imagine que c’est ce qu’il doit se passer à cet instant précis, où ses pensées m’échappent totalement.

J’ai jamais trop su comment on console quelqu’un qui est triste, comment on remonte le moral de quelqu’un qui est déprimé, comment on fait sourire quelqu’un qui serait en train de pleurer. J’ai jamais appris. Dans ma famille, on utilise pas les mots. Les paroles, ça prend trop de temps, d’énergie aussi, et quand on court après chaque minute dans l’espoir de récolter un ou deux dollars, on gaspille pas de temps inutilement. C’est dit sans jugement de valeur, je sais que mes parents ont fait au mieux, c’est pour ça que ça m’a toujours convenu que ma mère me prenne juste dans ses bras pour m’apaiser, et qu’on passe à autre chose, presque aussi vite. C’est comme ça, et c’est tout. Mais ça fait que du coup, suivant l’exemple que j’ai eu, je pose ma tête sur l’épaule de Sohan en gardant le silence, pour lui apporter ce bref réconfort dont il semble avoir à cet instant précis, même si j’ignore ce qui lui provoque cet élan de stress.

Force est de constater que c’est pas aujourd’hui que je vais aider ma famille, en ramenant quelques billets à la maison. C’est pas grave. C’est pas la première fois que j’arrive pas à aller au bout, que je me foire, avant la fin. Et je sais aussi que ce sera pas la dernière. Je voudrais pouvoir trouver une façon de les aider sans que ça puisse nuire à quelqu'un d’autre, mais j’ai pas encore eu l’idée révolutionnaire qui me permettra de le faire. Je vais devoir continuer d’accepter que je suis juste une bouche de plus à nourrir, même si l’idée me coûte de l’admettre. C’est mon fardeau, et j’aurai jamais dû chercher à entraîner quelqu’un dans mes histoires. Et encore moins Sohan. Il est trop gentil pour ça.

Finalement, notre emploi du temps vient de s’alléger d’un coup. Plus d’arnaque, plus de mauvais coups, juste des tas d’heures à tuer avant de rentrer à la maison affronter les mêmes visages fatigués, usés jusqu’à la corde. Cette simple pensée m’arrache un léger soupir, alors que je laisse mon regard errer autour de nous, se poser sur les gens qui passent, les voitures, les arbres. Maintenant qu’on est là, ce serait con de pas en profiter, le coin me semble plutôt sympa. Du coup, ça me semble être une bonne idée de proposer à Sohan d’y passer un peu de temps, juste…comme ça. Loin des obligations, et des trucs chiants, à juste traîner entre amis.

Je vois un tout petit minuscule sourire sur son visage à cette idée, et je me dis, peut-être un peu naïvement, que finalement, il a l’air plus détendu que tout à l’heure. Le pouvoir de la tête sur l’épaule ça ! Et si c’est pas ça, qu’on me laisse croire à mes bêtises. “-Hé ! T’excuse pas, c’est pas grave tu sais.” Et ça l’est vraiment pas. Personne n’est en prison, blessé, ou en train de mourir dans d’atroces souffrances. C’est pas si mal, pour une après-midi de gosses du Skid. Je suis contente de l’entendre dire qu’il a envie qu’on passe encore un peu de temps ensemble, et je souris plus largement à cette idée qui m’enchante. Tout comme celle de faire un pique-nique, d’ailleurs. Après tout, on a vingt dollars à dépenser, et honnêtement obtenus en plus de ça ! “-J’en dis que c’est une bonne idée. Bouge pas, je vais chercher mon vélo !” Et puis après tout, c’est l’argent de Sohan que j’ai dans la poche, alors l’idée qu’on le dépense ensemble me convient parfaitement. Une fois de retour avec le vélo, je l’enfourche, lui montrant les pegs accrochés au niveau de la roue arrière : “-Mets tes pieds ici, je nous roule !” Et c’est comme ça qu’on file vers une supérette pour acheter de quoi faire un pique nique, et profiter de cette belle après-midi, où je me contente encore un peu d’être juste une gosse, et de croire, l’espace de quelques instants, que plonger le nez dans une encyclopédie me permettra peut-être d’échapper à cet avenir vers lequel je me précipite, fait de petits boulots merdiques, d’aspirateur et de torchons à poussières, et de fins de mois difficiles.

Spoiler:

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