[TERMINE] Ne me quitte pas - Sohan

Luka l’avait appelée dès qu’elle avait vu le nom de Sohan Ellroy sur le tableau des patients hospitalisés en soins intensifs. Elle était venue voir un patient et ses yeux tombèrent sur ce nom venu régulièrement au dispensaire. Il n’avait pas été difficile pour elle de ressentir l’émotion traverser le combiné de téléphone de l’autre côté du fil lorsqu’elle l’annonça à cette demi-sœur qu’il avait, seul membre de sa famille actuellement. India s’était figée sur place, coincée dans une torpeur face à une évidence qu’elle avait toujours niée. Et c’était avec un certain empressement que la brune s’était rendu à l’hôpital, faisant fi des heures de visites, s’arrêtant dans ses recherches pour se poser au chevet du comateux, pour chercher à comprendre sa présence en ces lieux. Une overdose lui avait appris sa mère de substitution, un mélange de cocaïne et d’une substance qui n’aurait jamais dû être dans son corps. Un mélange qui l’avait tué quelques instants. Forçant son masque à ne laisser rien entrevoir, elle la remercia et entra dans la chambre après en avoir vérifié les notes laissées au pied du lit, les scopes et perfusions qui apportaient les nutriments, les antagonistes et autres substitutions nécessaires pour le sortir de ce coma. Des seringues électriques et toute une armada de fils qui l’entourait. Le rythme des scopes, les gonflements du matelas anti-escarre, la valse des soignants autour de lui pour vérifier si tout allait bien, finissant par les laisser seuls au bout d’un moment.

India mit du temps à s’asseoir, le regardant de loin comme s’il lui était impossible de s’approcher, de peur de se blesser. Un souvenir douloureux ressurgit face à ce tableau. Sa main se posa sur son cœur qui s’accélérait, l’obligeant à regarder ailleurs, voyant cette porte encore ouverte. À la vue de tous, elle se sentait vulnérable. Doucement, elle la poussa et ses talons claquèrent sur le carrelage usé pour fermer les stores. Personne ne les verrait ainsi. Quelques pas à nouveau pour se rapprocher du lit, pour se poser au bord de la chaise. Elle n’avait pas été la première à son chevet. Il était là depuis deux jours. Sa main se posa sur la sienne, la serrant, sentant la fraîcheur de ses doigts. Sa gorge se serra et elle dut prendre une grande inspiration tremblante pour ne pas étouffer. Depuis qu’il lui avait annoncé plus d’un an en arrière son lien de filiation, ils s’étaient revus, avaient passé des journées et de nombreuses soirées ensemble, cherchant à se lier même si India cherchait toujours à se protéger, comme si révéler sa personnalité risquait de la blesser. Et comme pour tout, il lui fallait du temps. C’était avec pudeur qu’elle avait donnée quelques fragments de celle qu’elle était à son demi-frère, sans jamais trop en dire.

Son pouce caressa la peau fraîche de la main du comateux, cherchant à la réchauffer, hésitant à lever la voix. Ce coup de fil avait été un électrochoc. Une évidence. Aussi loin de la réalité, vivant dans la sienne, maîtrisant mal les conventions sociales et ses codes, copiant les autres pour ne pas être regardé bizarrement, Sohan était beaucoup de chose mais il était sa famille. Il était son frère. Ils avaient la même mère. Elle voyait les efforts qu’il faisait pour ne pas être sous l’emprise de drogues en sa présence. Il lui avait fallu cet instant pour comprendre ce qu’il était à ses yeux. Elle tira la chaise pour se rapprocher un peu plus, pour mieux entourer cette main, cherchant ses mots, ses yeux fixant ce lien qui les unissait à cet instant.

Ne me laisse pas, murmura-t-elle, s’il te plaît. Je sais que nous ne sommes pas très proches, pas comme tu l’aimerais … Enfin j’imagine. Je t’accorderai plus de temps, promis. Mais ne me quittes pas Sohan. S’il te plaît. Je ne sais pas ce qui t’a pris de tenter comme cela le diable mais tu n’as pas le droit de me laisser. Tu es ma famille et j’ai besoin de mon grand-frère. Parce que je ne me suis jamais sentie aussi seule de ma vie et que je réalise maintenant que je ne veux pas te perdre, toi aussi. Réveille-toi. S’il te plaît. Je sais que tu m’entends, réveille-toi. Et on se regardera ce que tu veux, on écoutera ce que tu veux, on parlera de tout ce que tu auras envie de parler. Réveille-toi, Oz. Je veux que tu fasses partie de ma vie. Je veux d’un « nous ».

Un murmure, une voix cassée par l’émotion qu’elle s’autorisait à cet instant et elle avait l’espoir de le voir se réveiller face à cette révélation émouvante. Mais rien. Ses yeux verts se levèrent pour regarder son visage, avec espoir. Ces théories qui racontaient que les comateux pouvaient entendre, les histoires qui se racontaient, délivrées par certains d’entre eux quand ils n’étaient pas dans un état végétatif. Elle y croyait à cet instant, elle avait besoin d’y croire. La jeune femme pressa à nouveau sa main et attendit, ravalant les larmes qui s’accumulèrent aux bords de ses yeux. Il ne fallait pas qu’elle abîme son maquillage, elle n’avait que le strict minimum sur elle. Elle passa la nuit ainsi, assise sur cette chaise, à attendre une réaction, un mouvement en dehors de sa poitrine qui se soulevait au rythme du respirateur. Elle refusa de partir, leur rappelant sa présence ici, son lien avec Luka Gilmore pour calmer le médecin de garde. C’était le lendemain dans la matinée après être allée se chercher un café et s’être dégourdie les jambes qu’il y eut des bonnes nouvelles. Il se réveillait. Elle se précipita pour le voir, pour qu’il la voit à son réveil. Les traits fatigués et une robe froissée par cette nuit qu’elle avait passée. Mais sa petite soeur était là.

Alors, pour une fois, elle obéit à l’ordre donné par le médecin. De lui laisser de l’espace, du temps, pour ne pas le brusquer. Elle s’était rendue à son chevet tous les jours dans les horaires de visite autorisée, n’échangeant que peu car elle n’avait pas les mots justes en dehors de quelques banalités. La jeune femme avait cherché à payer les frais liés à son hospitalisation, quitte à prendre sur l’argent gagné par Hermes mais il semblait qu’il ait déjà un ange gardien. Une Blackened Beauty que la jeune femme avait déjà rencontrée par le passé. C’était ce que les comptes disaient après avoir demandé à Tom de se renseigner. La secrétaire de l’association, la petite amie de Kenan Blake. Le monde était petit. Elle lui revaudrait cela.

C’était un après-midi comme un autre, après une matinée passée au dispensaire qu’elle alla à l’hôpital pour le voir, une petite heure, ne voulant pas trop le fatiguer. Elle arrangea sa chevelure brune dans le miroir fendu de l’ascenseur. Une robe trapèze bleu marine, midi, en mousseline, sans manche, avec un col en V, des escarpins à ses pieds et son sac Smythson of bond street au bras, la serveuse du Purgatory avançait vers la chambre de son demi-frère, la tête haute, droite, l’allure assurée, comme elle cherchait toujours à être. Ses pas l’arrêtèrent devant la porte ouverte où elle reconnut un visage familier. Et le sien se durcit à sa vue, sa mâchoire se contracta et ses poings se crispèrent sur le carton contenant deux cafés. Elsa. Elle allait lui dire quelque chose d’une voix qui n’aurait pas laissé place à la discussion mais l’autre brune semblait sur le départ. Elles se regardèrent en chiens de faïence tandis que la junkie s’en allait. India la suivit du regard, attendant de la voir totalement disparaître de son champ de vision pour se détendre et se retourner vers le trentenaire.

Je t’ai amené à boire et à manger, lui dit-elle en se rapprochant de Sohan. Et je t’ai même pris un carnet et d’autres trucs pour t'occuper.

La brune déposa sur la tablette de la chambre un sac en plastique d’où se dégageait une bonne odeur ainsi que les deux cafés dans un porte-gobelet en carton. Puis elle laissa son sac à main où elle sortit un carnet de dessin vierge, des crayons, stylos et autres qui lui permettraient de communiquer, pour dessiner et écrire tout ce qui lui passerait par la tête. Sa voix n’était pas revenue les jours précédents alors elle avait pris les devants pour qu’il ne se retrouve pas en difficulté.

Comment te sens-tu aujourd’hui ? Tu as passé une bonne nuit ?   

Une infirmière, Darlene, l’avait pris en affection. Elle lui avait balancé, un soir, tandis qu’elle changeait une poche de perfusion, qu’il lui rappelait son oncle. « Un type adorable, bien trop gentil pour ne pas devenir fou dans ce monde ». Lui aussi se défonçait aux opioïdes et avait fini par être admis dans un équivalent downfallien d’hôpital psychiatrique et de centre d’hébergement. Darlene avait alors perdu son sourire pour une moue fatiguée et fataliste. Réduit au silence car fraîchement désintubé, Oz avait baissé les yeux, désolé. « J’imagine que tu fais ce que tu peux Sohan » avait-elle soufflé, prête à aller voir son prochain patient, avant de se raviser et d’ajouter, d’un ton plus doux : « Des gens comptent sur toi. Ils ont besoin de toi. Ne les laisse pas seuls ». La culpabilité écrasa le trentenaire alité qui se voûta, le menton contre le buste, accusant le coup. Il pensa à Elsa, à Pixie et Kenan, à India. Aucun d’entre eux n’était prêt à renoncer à son existence. Tous l’avaient démontré en venant le visiter très régulièrement, comme pour vérifier encore et encore sa présence en ce bas monde ; présence qui avait failli s’effacer. Sohan s’en voulait de leur causer tant d’inquiétudes.
Bien considéré, il avait eu une épiphanie. Il avait réussi à rendre palpable son existence et à injecter un semblant de sens dans le chaos qui régnait. Il était parce que des personnes tenaient à ce qu’il soit. Son narcissisme se nourrissait de cet attachement pour justifier sa nécessaire survie. Et puis, il était si agréable d’aimer et de l’être en retour.

Malgré toute la pudeur avec laquelle India se raidissait à chacune de leur rencontre, Sohan était parvenu à deviner à travers ses attitudes toujours si bien maîtrisées un attachement sincère. Même si au début, elle avait hésité à le rejeter, pour ce qu’il représentait de son histoire, India l'avait finalement accepté, rationalisant : refuser de voir les choses ne les rendait pas moins réelles. Alors elle avait fait un pas vers lui, tolérant sa présence, mue par l’envie de voir ce que ça pourrait donner, elle et lui, eux. Ils avaient partagé des moments plutôt anodins, mais qui n’avaient rien de familiers au début, jusqu’à ce qu’une certaine routine se crée et les sécurise dans les prémisses de cette relation fraternelle tardivement engagée.
Sohan avait été tout de même surpris d’apprendre que sa sœur l’avait longtemps veillé, alors qu’il était encore dans le coma. Elle avait même été là à son réveil, donnant alors le ton de ce nouvel épisode de vie qui s’entamait : elle en ferait partie. Et India ponctua ainsi chaque journée de ses visites, échangeant sommairement avec le trentenaire qui, libéré de l’ombilic en plastique, ne parvenait que trop douloureusement à parler et donc s'exprimait par l'écriture. Darlene lui avait donné un bloc-notes pour communiquer avec ses différents interlocuteurs. Cet objet transitionnel, entre le monde et lui, avait alors été envahi par toutes les réflexions qui l’animaient et dont il voulait, d’une certaine façon, témoigner.

Elsa lui racontait les détails d’un dossier sur lequel elle bossait avec Alicia, la juriste des Blackened Beauty qui, justement, l’attendait, lorsque India parut dans l’espace de sa chambre. Un malaise s’installa, et Reed amorça son départ, lui promettant de lui raconter la suite demain ou après-demain. Sohan lui adressa un sourire et la salua d’une main un peu molle. India ne parvint à se détendre qu’une fois l’autre jeune femme partie, comme si sa présence compromettait la sienne. Oz hésita à commenter l’instant qui venait de péniblement s’écouler mais fut interrompu par une offre de boisson et nourriture qu’il ne pouvait pas refuser. Se redressant dans le lit, il fixa les mains de sa demi-sœur qui s’agitait pour lui révéler un carnet de dessin, et de quoi en encrer et colorer les moindres espaces vide. « Merci beaucoup ». Profondément touché par l’attention de la petite Phillmore, il détourna le regard, pour ravaler son émotion – technique qu’elle lui avait appris sans le vouloir -. Il fut néanmoins contraint d’à nouveau regarder dans sa direction pour saisir un café. India s’enquit de son état. Reniflant l’arôme du café par la petite ouverture sur le couvercle, Sohan répondit d’une voix encore un peu éraillée par l’intubation : « Tout va bien. On s’occupe bien de moi. » Ses nuits étaient assez chaotiques, le sommeil se faisant rare ou fragile. Lors de ces moments d'insomnie, il lisait ou bien écrivait et dessinait. « Et toi, est-ce que ça va ? » India avait un visage marqué par une certaine austérité, et il était difficile de deviner son humeur. « Encore merci pour tout ça. Ça devrait me tenir jusqu'à la fin de mon séjour ici ; le médecin m'a dit que je devrai être sorti d'ici deux ou trois jours ». Même s'il n'en disait rien, Sohan appréhendait ce retour dans le monde qui s'étendait au-delà des deux rideaux et des murs qui le contenait depuis bientôt une semaine.

La présence d'Elsa en cette pièce l'avait agacée. Elle ferait mieux de retourner dans les toilettes du lycée là où était sa place. India était d'une nature possessive quand elle ouvrait les yeux sur ses proches et Sohan allait le découvrir. Elle déposa les deux cafés et le sachet de nourriture sur la tablette pour sortir de son sac à main les derniers achats qu'elle avait fait pour son frère, histoire qu'il puisse s'occuper et s'exprimer. Surtout que la télévision marchait une fois sur deux et les chaînes étaient limités. Il s'exprima sous le regard surpris de la jeune femme qui lui adressa un sourire. Elle se devrait de se montrer plus aimable, moins sur la défensive. Baisser sa garde semblait être une montagne à franchir. Et son comportement risquait de jurer avec celui qu'il commençait à connaître.

Elle alla voir les quelques notes laissées au pied du lit, pour en vérifier les informations dessus. Rien à se mettre réellement sous la dent, les prises de sang et autres devaient être dans la salle de soin. India revint vers lui pour tirer la chaise et se rapprocher du lit. Elle attrapa le second café dont elle ouvrait l'opercule pour en laisser échapper la fumée. Sohan lui répondit d’une voix éraillée qu'il allait bien. Les soins apportés étaient bons malgré tout. Elle reposa le café pour arranger sa robe et croiser les jambes, ses yeux surveillant les perfusions. La question fut posée en retour et il était préférable de ne rien dire. Comment une déception sentimentale pouvait autant heurter quelqu'un ? Il fallait être rationnel, pragmatique. Elle avait fait ce qu'il fallait.

Bien sûr, tout va bien, je travaille beaucoup en ce moment mais c'est nécessaire.

Elle se tuait à la tâche pour ne pas penser, pour ne pas se retrouver seule dans son appartement sans rien. Heureusement que Chacha était là pour égayer ses journées quand elle était d'humeur câline ou taquine. Sohan la remercia à nouveau pour les présents. Elle lui fit un signe de tête à ses mots. Au moins, il pourrait sortir rapidement de là.

C'est rien, Sohan. Ne t'en fais pas, il faut bien que tu t'occupes, les journées et les nuits finissent par être longues ici. Je peux te ramener des livres si tu le souhaites. D'ailleurs, est-ce que tu te sens de rentrer chez toi ? Et est-ce que tu voudras que je reste avec toi les premiers jours ?

Si son logement avait été plus grand, elle lui aurait proposé de venir passer quelque temps chez elle. India attrapa son café pour en tremper le bout des lèvres. Encore trop chaud.
  

S’ils étaient parvenus à trouver une certaine routine dans le cadre contenant de leur appartement, ainsi s’exposer dans un lieu public créait chez chacun malaise et maladresse. India refusait de se départir de cet air froid et fier, voire arrogant, grâce auquel elle maintenait tout distance. Sa voix se dépliait d’un ton maitrisé et rigide. Pourtant, Sohan arrivait à percevoir toute l’affection qu’elle acceptait de lui concéder à travers les divers achats qu’elle avait fait pour lui. Alors il sut se contenter de cette attitude austère et orgueilleuse, articulant – encore péniblement – des remerciements, non sans se laisser aller à un sourire.

India se sentit obligée d’inspecter rapidement les perfusions et autres appareillages médicaux avant de s’asseoir à son chevet. Encore une marque de son intérêt pour sa santé, et donc pour lui. Ellroy faillit lui repréciser que l’équipe médicale s’occupait bien de lui, mais saisi par une impression de déjà-vu, il s’abstint. Si sa santé, sur le plan somatique, n’inquiétait plus vraiment les médecins, sa santé mentale les préoccupaient déjà plus. Ils lui avaient expliqué qu’ils allaient l’accompagner dans un processus de sevrage avec substitutif. Un addictologue était venu le rencontrer. Sohan s’était alors exprimé avec honnêteté sur ses consommations, et notamment son addiction aux opiacés ; addiction qu’il trainait depuis plusieurs années. Ses prises de cocaïne, kétamine ou d’amphétamine étaient presque anecdotiques en comparaison. Puis la discussion avait dévié, plutôt naturellement, sur la façon dont Oz se sentait exister. Surpris dans un premier temps que ce sujet intéresse le médecin, le trentenaire s’était livré sur cette sensation d’engourdissement qu’il avait besoin de créer artificiellement pour ne pas être heurté par la réalité et tout ce qu’elle contenait. L’addictologue sembla comprendre ce qu’il vivait et lui posa des questions très précises au sujet d’hallucinations, d’impressions de mort de l’ego, d’angoisses existentielles et annihilantes. A l'occasion d’un silence, Sohan comprit alors le fond de leur discussion qui ne recherchait pas tant une élaboration philosophique de l’existence que l'établissement d’un diagnostic. Il avait demandé à pouvoir lire les notes de l’addictologue qui, après une hésitation, lui tendit son cahier. « Symptômes d’une psychose compensée, mais patient à risque de décompensation. Vigilance ++ sur le sevrage, car fragilité psychique et précarité socio-économique ». Oz n’afficha aucune émotion et rendit le cahier au médecin. L’entretien s’acheva ainsi, et ce fut l’infirmière Darlene qui l’informa qu’il serait traité par méthadone.

L’odeur du café remplit le simulacre de chambre. India voulut le rassurer et lui dit que tout allait bien pour elle aussi, si ce n’était une charge importante de travail. Sauf qu’elle mentait. Il ne savait pas pourquoi cette impression s’était imposée à lui de façon si tenace, mais il en était convaincu. Déposant le gobelet de café sur la tablette de son lit pour saisir un cahier et en feuilleter les pages blanches, Sohan hésitait. Devaient-ils avoir cette conversation ? Parce que sa sœur nierait. Et au plus il insisterait, au plus elle se braquerait. Leur relation pourrait-elle le supporter ? Ellroy ne s’était jamais permis d’être contrariant avec India.
Quand il lui annonça sortir d’ici deux ou trois jours, la jeune femme lui proposa de rester chez lui quelques jours, afin de favoriser la transition entre les deux environnements. Cela lui permettrait aussi de vérifier s’il respectait bien son traitement. « Oui, ça pourrait être bien. J’ai des choses à… à jeter pour remettre ma vie en ordre. Je pense que ta présence pourrait m’aider. » Sohan ne savait pas encore si ses promesses étaient sincères ou creuses. La question de sa consommation - de son arrêt ou de sa poursuite - se poserait quand il serait sorti. Cette chambre d’hôpital était un hors espace-temps qui ne l’autorisait à aucune projection.

« India, pourquoi tu as agi comme ça avec Elsa ? » La question lui avait échappé, sans qu’il ne se rende compte que ses pensées étaient revenues sur cet évènement. Oz ressentait pressamment le besoin de mieux comprendre sa petite sœur. Peut-être parce que, suite à cette overdose, ils allaient s’engager dans une autre épaisseur relationnelle, plus intime et plus sincère. En tout cas, c’était ce qu’il voulait. Alors, il osa ajouter : « Et pourquoi tu mens ? Pourquoi tu dis que tout va bien alors que ce n’est pas vrai ? »

Il était tout naturel de se proposer pour rester auprès de lui afin que son retour à domicile après son overdose se passe au mieux. Pour éviter qu’il ait être trop longtemps en contact avec cette amie indésirable qu’était Elsa, qui le ferait replonger trop facilement dans ce genre d’habitude qui finirait par le tuer. Un moyen comme un autre d’avoir un certain contrôle sur lui, pour s’assurer de la bonne compliance aux soins et traitements proposés en sortie. Seulement, il était facile de dire qu’elle serait là, alors qu’elle se savait assez prise entre les soirées au Purgatory, le baby-sitting, le dispensaire et Hermes. Son temps libre ne consistait qu’à dormir pour enchaîner une autre journée. Et alors qu’India lui faisait cette proposition, elle pensait pouvoir demander un soir ou deux à son employeur pour pouvoir les passer au côté de Sohan. En comptant ses heures de travail, elle savait son loyer payé et les nombreuses factures seraient assurés, le reste était du bonus sur lequel elle pourrait s’asseoir. Cette veste en daim pourrait attendre le mois prochain. Son demi-frère réagit positivement à cette proposition, affirmant devoir mettre de l’ordre dans sa vie. Une résolution qu’il n’avait jamais eue lors de leurs nombreux entretiens au dispensaire. Mais jamais il n’avait frôlé la mort d’aussi prêt.

Ce sera quoi le traitement ? Méthadone ? Demanda-t-elle, au souvenir de ce traitement qu’il avait déjà reçu sans jamais l’avoir pris.

Il faudra qu’elle garde de la naloxone pas loin en cas de surdosage, mais elle s’assurera qu’il n’en arrive pas à ce stade. Plongée dans ses pensées, India ne s’attendit pas aux paroles qui suivirent, la figeant sur place face à cette question concernant Elsa. Sohan n’était pas le genre à investiguer sur le comportement de sa sœur et elle garda le silence ce qui lui permit de poser d’autres questions qui la désarmèrent. Il lui semblait plus facile de lire en elle. Cette chaise devenait tout d'un coup plus inconfortable, la lumière blanchâtre désagréable tout comme l'odeur de javel utilisée pour désinfecter l'hôpital. La jeune femme posa ses yeux verts sur lui, les mêmes que leur mère, pour l’observer, pour juger quelle réponse serait la plus appropriée. Une inspiration. Une contraction de la mâchoire. Un énième mensonge pour nier ce qu’il venait de voir ? Non, il ne méritait pas ça. Alors, la brune soupira, ses épaules tombant légèrement.

Parce que c’est plus simple, Sohan. Pour tout le monde, finit-elle par partir dire l’air grave.

Et elle replongea dans ce silence presque réconfortant, sentant qu’elle s’enfermait ainsi pour ne rien dévoiler. Seulement agir ainsi alors qu'ils essayaient de construire cette relation fraternelle n'allait pas aider. Alors, elle employa un argument qui suffirait, du moins, le pensait-elle.

Ce n'est ni le lieu ni le moment. Tu as fait une overdose, tu as failli y passer. J’ai failli te perdre. Est-ce que ce je dois m’étaler sur mes états d’âme alors qu’il y a plus important ?

Devait-elle s'enfermer dans ce mutisme qu'elle connaissait pour ne pas se dévoiler ? Ni le lieu ni le moment, avait-elle dit. Ces ridicules émotions qui la bouffaient. Et se rajouter à cela, le manque de voir son père, malgré la colère, malgré la culpabilité étouffée par une fierté d'admettre qu'il y avait ce vide en elle impossible de combler. Elle lui laissa le temps de réflexion et de réaction pour ajouter après.

Quant à Elsa, je la connais depuis le lycée, assez pour savoir que ce n’est pas une fille qui t’aidera à avancer. Je considère que c’est en partie sa faute si tu es là aujourd’hui, qu’importe sa responsabilité sur cette prise-là en particulier, elle l’était pour les autres.

La jeune femme savait que c’était faux, que Sohan était le seul responsable de ses choix. Mais il était plus facile d’accuser cette fille plutôt que de voir la vérité. Elle ne laissa pas son regard se perdre ailleurs, le fixant, sentant bien que ces mots étaient durs, tous ceux qu'elle avait prononcé jusqu'à présent. Elle n'était pas à l'aise dans cet environnement et il n'était pas évident pour elle de baisser sa garde ici.

T'as eu pas mal de visites, de ce que j'ai pu voir, lança-t-elle comme pour essayer de passer à autre chose.

Une tension gagna son corps et perça sa psyché alors qu’il envisageait de se débarrasser de « ces choses » qui polluaient son existence. Parce que ce n’était pas si simple. Pourtant, Sohan ne voulait laisser aucun espace d’expression à cette addiction qu’il banalisait avec tant d’ardeur. Ses conduites addictives n’avaient rien de normal, même si elles pouvaient avoir une certaine fonction au regard de ses difficultés à composer avec ce foutu principe de réalité. Même si, certes, il ne pouvait pas supporter cette confrontation au réel, et se réfugiait alors dans un engourdissement psychique capable de dissoudre l’espace et le temps, quitte à précariser les contours de son existence. Néanmoins, il avait envie d’y croire à ce sevrage. Sohan voulait y croire pour sa sœur. Pour Pixie. Pour ces personnes qui accordaient tant d’importance à ce qu’il négligeait faute de s’y sentir suffisamment à l’aise : toujours cette foutue existence. Alors il accepta ce mensonge, celui de croire qu’avec India près de lui, ce serait plus simple. Ou au moins, plus évident. Il ne pouvait pas sortir d’ici et aussitôt consommer à nouveau, parce qu’elle serait là pour le voir. Et Ellroy ne voulait plus jamais la décevoir. Ce fut donc d’une voix légèrement plus fébrile qu’il répondit à la question de sa sœur : « Oui, méthadone. Le… » Il se tut, pris d’un doute. Devait-il lui parler de ce qu’il avait lu dans les notes de l’addictologue ? Mais Sohan préféra changer de sujet, un peu brutalement, comme toujours.

Il s’agissait à présent d’Elsa, et aussi de ce mensonge qu’India tenait tant à préserver. Pourquoi vouloir maintenir cette illusion selon laquelle tout allait bien, seulement parce qu’on le disait ? Comme si elle ne possédait aucune épaisseur. Or, la jeune femme lui rappela sèchement que ce n’était définitivement ni le lieu ni l’endroit pour aborder ses états d’âme. Le regard empreint d’orgueil, India l’enjoignit à cesser tout de suite ce qu’il entreprenait. S’il persévérait, Sohan savait qu’il prenait le risque de la courroucer ; et ni elle ni lui ne voulaient en arriver là. Ils avaient réussi à ériger les fondations d’une relation fraternelle. Mais elles étaient encore trop fragiles pour soutenir le poids de certaines vérités. Oz devrait encore se contenter du reflet qu’India pouvait maitriser dans cette glace sans tain à travers laquelle il souhaitait tant passer. Alors, docile, il ravala les mots qui déformaient ses lèvres, balbutiant silencieusement quelques secondes avant de parvenir à fermer les mâchoires, et ainsi s’astreindre à respecter ce tabou que sa demi-sœur lui imposait. Cette discussion était scellée.
La jeune femme profita de son silence pour donner son positionnement quant à un autre point qu’il avait tenu à aborder : Elsa. Sa réponse fut – comme souvent – sans appel. Sohan se figea un instant, percuté par la violence de cette certitude qui n’était qu’un pur jugement de valeur infondé. India le fixait, ne lui laissant guère l’espace de penser. Il savait ce qu’elle voulait l’entendre dire. Or, il ne le dirait pas, par respect de cette amie qui était ce qu’elle était, certes, mais qui ne méritait pas pour autant d’être accusée à tort. Son interlocutrice sut qu’elle était allée trop loin, qu'elle déformait le vrai problème. Alors elle adopta une autre de ces grandes techniques : le changement de sujet. India ne s’encombra même plus de transition.

« Oui. Pixie et Kenan ont été très présents. » Elsa aussi, mais Sohan doutait qu’il était pertinent d’y revenir. « J’ai pu rencontré la fille qui m’a sauvé aussi. Elle s’appelle Harper. Elle est gentille. » Oz avait apprécié les échanges qu’ils avaient eu, aussi brefs fut-il. Il aimait faire de nouvelles rencontres, et celle-ci devrait avoir l’assentiment d’India. En revanche, il était certain que Kenny, Sam ou encore Angela n’auraient pas son approbation. De toute façon, il était inutile de les évoquer puisqu’ils n’étaient pas venus le visiter.

Un sourire niais sur le visage, Sohan sentit ses pensées s’enliser à nouveau dans cette boucle, cette chaîne de mots qui le préoccupait. Gêné, il fuit le regard de sa demi-sœur et tenta de masquer son trouble en buvant une gorgée de café. Il planta ainsi un silence qui n’avait rien de naturel. « Je… » hésita-t-il, avant de se forcer à cracher ce qui l’obsédait à présent : « Quand j’ai rencontré l’addictologue, il a pris des notes. J’ai demandé à les lire, et il a écrit que je suis à risque de décompensation, et que j’ai une psychose compensée pour le moment… Il pense que je suis malade. Mais tout va bien. » Une chape de honte s’abattit sur lui, plombant son être d’un fardeau existentiel pénible tant il lui parut lourd.

Sohan lui confirma le traitement qu'il allait prendre pour entamer son sevrage, traitement qui avait déjà dû débuter depuis son admission à l'hôpital. La jeune femme hocha de la tête, se forçant à ne pas s'intéresser aux doses administrées et à ce qui avait pu être dit par les soignants. Elle irait se renseigner auprès des médecins qui l'ont pris en charge, dans l'espoir qu'elle en reconnaisse un qui réponde à ses questions. Inutile que son demi-frère soit au courant de ses démarches pour s'assurer que tout était en ordre.

Ce dernier alla de questions en questions qui déstabilisèrent India, ne s'attendant pas à ce qu'il touche du doigt une plaie béante recouverte par un fin tissu. Mais la jeune Phillmore mit rapidement un terme à cela, en lui rappelant que ce n'était pas le moment. Sohan n'eut d'autres choix que d'accepter, ne parvenant pas à répondre. Face à cette scène, un instant de culpabilité la traversa. Probable que l'éventuel besoin de s'éloigner de sa personne et de cette routine hospitalière qu'il vivait depuis plusieurs jours l'avait poussé à poser ces questions. Et la brune enfonçait le clou, retournant la culpabilité, en accusant une de ses amies, à raison, de l'avoir entraîné dans cette spirale infernale. Dure et intraitable, elle savait encore une fois avoir été, peut-être, trop loin dans ses propos sur lequel elle ne reviendrait pas. Alors à défaut de s'excuser, elle détourna la conversation, sans virtuosité, sur les visites qu'il avait eues.

Pixie et Kenan, elle se souvenait vaguement des histoires rencontrés sur ces personnes qu'il connaissait de son enfance. En faisant les liens et en passant quelques coups de fils, elle avait découvert qu'elle les avait déjà rencontré. Quant à Harper, celle qui l'avait sauvé. Elle n'en connaissait qu'une, une ancienne Unbroken qui se faisait mousser pour avoir une influence dans cette ville avec l'ami de son père. Elles ne pouvaient s'entendre simplement parce qu'à une époque, India était importante dans le monde du lycée et que cette fille avait tendance à se plaindre de tout, des bonnes comme des mauvaises choses. Elle était en colère et même si aujourd'hui, ayant pris connaissance des implications de la blonde, les deux jeunes femmes semblaient s'agacer mutuellement. Mais il était possible qu'il y ait d'autres Harper qui connaisse les soins de secours. Devrait-elle se présenter à ces visiteurs pour lui montrer son lien de filiation ? Dans un élan de possessivité, elle aurait fait la démarche mais elle ne pourrait l'éloigner de tous les gens qu'elle regardait avec désintérêt. Elle ne pouvait l'obliger à faire comme elle. Et c'est à cet instant qu'elle constata qu'elle n'avait pas grand monde autour d'elle, les éloignant tous d'une manière ou d'une autre.

Voyant qu'il n'y avait pas de réaction de la part de sa petite sœur, Sohan poursuivit avec un malaise visible sur le visage. Cela ramena la jeune femme à la réalité qui l'observa fuir son regard, attendant qu'il parvienne à lui dire ce qu'il avait sur la conscience. Il avait rencontré l'addictologue de l'hôpital et avait pu lire ses notes. Des mots durs qui le renvoyait à cette réalité qu'il voulait fuir. Risque de décompensation et psychose compensée. Malade. Des coups de poing qui n'étonnaient guère la brune, cette dernière hochant simplement de la tête. India sentit le profond malaise qui habitait son demi-frère. Fronçant les sourcils, elle ne trouvait pas les mots qui pourraient être rassurant, sans avoir à lui mentir. Elle n'était pourtant pas des plus tendres. Elle se pinça les lèvres et s'approcha du bord de sa chaise pour attraper l'une de ses mains libres, la pressant pour montrer son affection.

Bien sûr que tout va bien, Sohan. Si je devais m'arrêter à un diagnostic, j'aurais des troubles alimentaires et toutes ces conneries. On a tous quelque chose. Tu es autant malade que le reste de Downfall. Vivre ici, survivre, nécessite de trouver tous les moyens disponibles pour échapper à cela. (Elle fit un signe de la main pour représenter le reste du monde) Ne t'arrête pas à un mot posé sur un bout de papier. Ce n'est pas cela qui te définit. Tu es ... Tu es bien plus qu'une personne atteinte d'une psychose. Oui, tu risques probablement de décompenser mais il n'y a rien de plus délicat qu'un sevrage. Seulement tu m'auras, tu auras tes amis près de toi pour te soutenir et faire en sorte que ce moment soit le plus loin possible. N'y pense pas, expérimente aussi longtemps que tu peux, avec les bons et les mauvais moments. Cette réalité n'est pas si mal en vrai quand on s'y intéresse sans filtre ...

Sous la couche de merde. Il avait un jour défendu avoir besoin d'un filtre pour colorer sa réalité. Ce filtre venait d'atteindre ses limites. Elle tira un sourire qui se voulait rassurant, cherchant à effacer la dureté de ses traits. Ne lui avait-elle pas promis de faire tout ce qu'il voudra, de faire un effort pour renforcer le lien délicat qu'ils construisaient ? India lui laissera le temps d'accuser ses mots avant de lui proposer :

Tu veux qu'on se regarde quelque chose à la télé ? Ce que tu as envie, j'ai l'impression que cela fait une éternité que je ne l'ai pas allumée.

Et à sa réponse, la jeune femme se redressa pour chercher la télécommande, tourner la chaise, se mettant à hauteur du brun, décalant la table pour qu'il puisse manger et boire à sa convenance. India lui tendit la télécommande pour le laisser choisir ce qu'il aurait envie de voir, n'étant pas très à jour sur les nouveautés télévisuelles qui arrivaient à passer le Mur. Croisant les jambes, se remettant à son aise bien que la chaise soit inconfortable, elle but une gorgée de café. Elle n'écouterait qu'à peine ce qui se disait à l'écran, plongé dans ses pensées. Un long moment passa, où ils échangèrent sur des banalités en lien avec cette boite à image. Le café était à moitié vide et elle avait l'impression que le son de la télévision, des rires préenregistrés pourraient couvrir les confidences, elle se laissa aller dans un murmure, les bras croisés, ses yeux verts fixant l'écran :

Tu avais raison quand tu disais que je n'allais pas bien, c'est vrai mais l'accepter, c'est lui donner une consistance. C'est faire preuve d'une faiblesse que je ne dois montrer à personne. Je ne pensais pas que cela ferait aussi mal d'avoir le cœur en miette, de m'être accrochée à une personne si ardemment, en éloignant le reste, en éloignant ceux qui ... J'en paye le prix et il n'y a pas de retour en arrière possible. Mais tout va bien, je ne suis pas la fille de mon père pour rien.

Sourire amer sur les lèvres. Sans s'être étalée, India lui avait parlé de sa rupture sentimentale, de cette scission douloureuse qu'elle avait finalisée avec son père, de ses amis qu'elle avait éloigné par manque de confiance, n'en gardant qu'une poignée et regardant de haut les autres. Tout cela était douloureux et le sentiment de solitude omniprésent la prenait à la gorge et elle l'enfermait jour après jour. Elle omettait de ne parler pas de sa fierté, de sa méfiance maladive et de tous ces traits de personnalité qui la forgeait. Elle était loin, la jeune fille naïve et innocente.  

Sohan avait lu quelques de livres de psychiatrie, de psychologie et de psychanalyse, bien qu’ils furent difficiles à trouver de ce côté du mur. Toutes ces sciences traitaient de la condition humaine, selon un dualisme qu’il trouvait trop manichéen. Il y avait le fonctionnement « normal » et celui « pathologique ». A priori, son cursus pointait plutôt sur la seconde catégorie. Oz avait conscience que son contact avec la réalité pouvait être un peu trop ténu à certains moments, et qu’il reconstruisait des fragments de sens par-dessus ces tâches aveugles qu’il ne pouvait voir. Il projetait quelque chose de son monde interne pour se figurer le monde externe, mais avec des artifices et autres ajouts hallucinatoires qui lui permettaient d’accepter plus aisément un inexorable être-là. Ici et maintenant, dans un continuum espace-temps qui n’était certainement que chaos. Ce qu’on tenait pour vérité n’était que des représentations de chose, une interprétation, et n’avait pour seul fondement que d’exister comme objet de perception puis de pensée. Ellroy avait intégré tous ces concepts de métapsychologie pour mettre en mots son fonctionnement mental et psychique. Il avait été surpris de constater que peu de personnes utilisaient les mêmes types de mécanisme que lui pour mettre en sens les perceptions du réel. Pourtant, il lui semblait être plus souvent dans le vrai que la plupart des gens. Car il avait fait le deuil d’une vérité, visible et partageable par tous. Il avait renoncé à cette idée étrange que l’autre pouvait le comprendre et qu'il pouvait comprendre l'autre. Grandir auprès de sa mère avait été riche d’enseignements. Elle n’avait jamais pu faire cas de la réalité dans laquelle vivait son enfant ; car si elle l’avait entr’aperçue, elle aurait fait autrement. Non, on ne voyait les choses que par son prisme, avec d’inévitables angle-morts, et une impossibilité fondamentale à pouvoir ressentir et comprendre ce que vivait l’autre.

Sohan avait renoncé à donner une allure interrogative à ses derniers mots. Tout allait bien. Parce qu’il ne pouvait ni ne pourrait supporter qu’il en soit autrement. Il avait d’ailleurs toujours été d'une humeur assez égale. De rares effondrements avaient menacé sa psyché, et il avait alors trouvé le moyen d’éviter une chute vertigineuse dans les abysses de la mélancolie par la consommation de stupéfiants. Peu importait la chute, l’engourdissement des produits l’empêchait d’en ressentir la moindre douleur. Malgré un corps brisé, il pouvait se relever, aucune souffrance ne meurtrissant cette chair qu’il ne sentait plus. Or, maintenant que sa psyché révélait ses arêtes, Sohan redoutait sa prochaine chute, car il savait que cette fois-ci il aurait mal. Et qu’il n’était pas certain de pouvoir supporter cette douleur. C’était là sa façon de conceptualiser ce « risque de décompensation », comme une levée des illusions qui matelassaient son esprit.

Ses yeux étaient fuyants et fixaient depuis quelques longues secondes le bas du lit, et plus précisément la forme que dessinaient ses pieds recouverts d’un drap. India lui prit une main, et Oz parvint de justesse à retenir le spasme qui lui dictait de la retirer. D’autant qu’il y avait quelque chose d’agréable à ce contact. La chaleur de la main de sa sœur l’enveloppait, et le contenait, rendant les contours de son corps et du monde acceptables. La jeune femme voulut le rassurer, tentant certainement malgré elle de le duper. On avait peut-être tous quelque chose, car la condition humaine était d’être à jamais manquant et insatisfait, et ce manque s’organisait en symptômes. Mais tous n’avaient pas des symptômes aussi graves que les siens. India en avait conscience, et considéra d'ailleurs avec sérieux le risque de décompensation en raison du sevrage qui attendait son demi-frère. Néanmoins, elle lui rappela qu’il aurait des amis et même de la famille pour l’aider à traverser cette épreuve. Déglutissant douloureusement un maigre filer de salive, Oz se tut. Il savait qu’on ne pouvait pas aider quelqu’un qui ne souhaitait pas l’être. Et c’était bien ce qu’il craignait en cas de décompensation : de ne pas réussir à reconnaître qu’il allait mal et qu’il avait besoin d’aide. Il en avait connu des personnes qui avaient refusé les mains tendues car dans le déni de leurs difficultés et souffrances. Leur mère par exemple. Sohan braqua finalement un regard apeuré dans celui de sa demi-sœur et demeura silencieux, acquiesçant seulement.

India trouva une nouvelle diversion et lui proposa de regarder la télévision. Elle s’installa à côté de lui, de sorte à faire face au petit écran noir suspendu en hauteur. Oz passa plusieurs chaines – dont plus de la moitié était réduite à de la neige faute de signal – avant de s’arrêter sur une sitcom familiale.
Une discussion mal aisée s’engagea entre eux, chacun commentant les images qui étaient diffusées. Les rires pré-enregistrés perturbaient Sohan qui ne comprenait pas cette tentative d’induction, voire de contrainte à l’émotion. Le spectateur ne pouvait-il pas choisir quand rire ? La jeune Phillmore coupa le fil de ses pensées en déposant, l’air de rien, une rare confidence. Un aveu d’impuissance. Ellroy tourna la tête pour l’observer. Elle fixait l’écran, imperturbable. Le trentenaire laisse défiler quelques secondes avant de tenter une réponse : « Reconnaître être sensible n’est pas une faiblesse. C’est de la lucidité, de l'honnêteté. On peut prétendre n’être attaché à rien, mais c’est un mensonge. On a besoin de pouvoir s’inscrire quelque part pour se sentir exister. Je n’ai pas l’impression d’exister quand je me vois dans un miroir. Par contre, je l’ai quand quelqu’un me parle. Peut-être que si on ne parle plus à personne, on a l’impression de ne plus exister et du coup, de ne pas pouvoir souffrir. Mais c’est un leurre On n’existe pas seul. Les autres nous font exister, et c’est normal d’avoir besoin des autres, même s’ils nous font souffrir parfois. » Sohan hésita à poursuivre, et céda une nouvelle fois à la tentation d’aller plus loin dans leur relation : « Est-ce que tu penses vraiment que ton père va bien ? Et est-ce que tu dois porter le même fardeau que lui ? » Il ne s’était encore jamais aventuré sur ce terrain-là, une omerta ayant été imposée au sujet du père Phillmore. Pourtant, Oz crut voir une ouverture dans cette dernière phrase qu’India avait prononcée.

La jeune femme avait cherché à se montrer rassurante quant à la suite, sans être réellement convaincue elle-même par ses paroles. Cela ne serait pas de tout repos et elle devra adapter son temps pour le consacrer à son demi-frère. Elle-même n'y croyait pas. Sohan écouta silencieusement les paroles de sa jeune sœur, déposant son regard sur elle, en proie à une peur qu'elle ne comprenait pas. India donna seulement une pression de la main en guise de soutien et trouva un moyen de lui changer les idées, à défaut de trouver un sujet de conversation. La télévision, outil qui n'avait d'intérêt qu'à effacer le silence, ne possédait que quelques chaînes.

Sohan trouva une sitcom aux rires préenregistrés qui racontaient la vie d'une famille américaine moyenne dont l'humour ne parvenait pas à faire sourire la brune. Elle regardait la série, atterrée, se plaisant à commenter ce qu'elle voyait pour en critiquer la stupidité. Ainsi, ils pouvaient oublier pendant un temps cette situation, cet hôpital pour n'être qu'une famille. Tête légèrement penchée vers lui, ses yeux ne lâchant pas l'écran addictif, India se laissa à une confidence, celle de son état qu'elle masquait. À force de s'éloigner des gens par peur d'être blessée, elle se rendait compte de sa solitude dans laquelle elle s'était enfermée. Par facilité. Elle n'avait pas bronché, d'un ton égal. Un rire s'échappait de la télévision, comme pour se moquer de sa situation et elle laissa finalement un de ses rires silencieux, ce soufflement de nez qui montrait qu'elle se moquait d'elle-même alors que son visage restait impassible. Sohan laissa quelques secondes avant de prendre la parole.

De la lucidité, de l'honnêteté. Il avait raison quant au fait de mentir lorsqu'on prétendait ne rien ressentir. Ce n'était qu'une image, l'assurance que personne ne pourrait l'atteindre. Il était drôle de sentir à cet instant toute la sagesse que son demi-frère avait acquise en lisant des livres. Ou était-ce dans ses échappées sous psychédéliques ? Même si elle se sentait seule, elle était toujours active avec ces deux emplois, elle se retrouvait à parler à beaucoup de monde, jouant les serveuses pleines d'assurances au gestionnaire de l'information. Nous avions besoin des autres pour exister, aussi douloureux cela pouvait être parfois, tel était sa conclusion. Elle pourrait ainsi se passer d'histoire sentimentale ou familiale déchirante tout en gardant le lien avec des clients ? Ce serait une solution. Exister à travers eux. La jeune femme savait que ce n'était pas une solution. Elle rejetait l'idée de faire un pas vers son père. Pour lui dire quoi après tout ? Pour constater avec douleur, ce trou béant, ce canyon qui les séparait sans qu'ils ne puissent se rapprocher car aucun pont n'était construit ? Et sans s'attendre à la suite, il lui posa une question concernant son père. Allait-il bien ? Non, c'était certain, pas avec un empire comme le sien a gérer.

Je crois que cette série est la meilleure de tous les temps, ironisa-t-elle en guise de réponse, attrapant son café à moitié vide pour en boire une grande gorgée.

C'était tout ce qu'elle pouvait dire pour l'instant. Parler de son père réveillait en elle de vives émotions qu'elle cherchait à noyer avec ce café. India avait déversé son fiel sur son père, quelques mois auparavant, lui imposant que ce qu'elle voulait était de le voir partir, seul chose qu'il y avait à faire. Son regard se posa sur sa main, cette main qu'il avait tenue, cette même main qu'elle avait posé sur son demi-frère. Le souvenir de cette dernière pression avant de partir. Une fois la porte fermée, elle s'était effondrée sur le canapé, se mettant en boule pour laisser libre cours à sa peine. Aaron Phillmore était un homme sur le déclin qui finirait par perdre la vie à avoir joué trop dangereusement. La jeune femme n'était pas prête à cela et ni un frère, ni une autre personne ne pourrait soulager cette absence. Encore fallait-il qu'elle accepte de mettre à terre son orgueil pour le reconnaître.

Il a choisi la vie qu'il voulait mener, finit-elle par dire simplement en continuant de regarder sa main. Et je ne peux, ni ne veux, ni ne dois en faire partie.

Pouvoir, vouloir, devoir. Tout y était. Elle refusait cette vie qu'il avait choisie. Cette vie qui lui avait offert, par la même occasion, un confort qu'ils n'auraient pu avoir autrement. Les sacrifices qu'il avait faits, elle les voyait mais ne les acceptait pas. Il ne serait jamais en sécurité même gardée par les meilleurs des Prayers. Il finirait par se faire arrêter. Il finirait par payer pour les choix qu'il avait faits. Et cette éventualité l'effrayait. Et avec tout cela, la jeune Phillmore avait sciemment évité de répondre à sa seconde question.

Tu voudras que je ramène Chacha chez toi, le temps que nous serons en colocation ? Elle t'aime bien, je crois.

Evitait-elle à nouveau de faire face à ce triste constat en réfléchissant à l'organisation de son retour ? Sohan avait eu l'occasion de rencontrer sa chatte qui avait joué les farouches quelque temps avant de se frotter contre ses jambes en quémandant des croquettes.

La télévision remplissait les silences qui ponctuaient régulièrement leur discussion. Celle-ci était redevenue stérile, aseptisée de toute émotion. Un pas en avant, puis un autre en arrière. India voulait demeurer insaisissable, et oscillait entre intimité et supercherie. Néanmoins, elle faisait cet effort d’initier des confidences qu’elle semblait regretter à chaque fois qu’elle se les était permises. Son corps se tenait, les traits de son visage se durcissait, et son regard s’assombrissait, comme si elle revêtait une armure afin de redevenir impénétrable, insondable. Sohan ne comprenait pas ce besoin viscéral de ne jamais rien dévoiler de ses humeurs et émotions. En quoi étaient-elles une faiblesse ? Au contraire, elles étaient les conséquences de notre rapport au monde, celui-ci ne pouvant laisser personne indifférent. Elles étaient l’effet de ce principe de réalité qui s’imposait, sans que nous n’en contrôlions grand-chose, et souvent de façon contrariante, car créant de l’impuissance et de la frustration. Mais c’était dans cet écart que naissait le sentiment de joie, quand il se comblait temporairement, grâce aux possibles de l’existence.
Oz tenta alors une réponse, replaçant tout l’intérêt des émotions et de les éprouver pour pouvoir se sentir exister. Elles étaient une condition pour s’inscrire dans le monde ; elles étaient révélatrices du rapport qu’entretenait notre psyché avec la réalité. Et dans cette réalité, il y avait des personnes, plus ou moins significatives. Certaines auxquelles nous nous attachions ; d’autres que nous ignorions. Nous ne pouvions supporter seul le face à face avec la réalité. Autrement, pourquoi étions-nous nés si dépendants ? Un nourrisson ne pouvait pas survivre seul, sans cet autre pour l’aider à apprendre à exister, en donnant du sens à ses émotions. Vouloir nier cette dépendance primaire qui perdurait ensuite sous d’autres formes était une illusion à laquelle beaucoup aspirait. Or, la condition humaine était faite ainsi. Et il n’y avait rien de mieux à faire que de l’accepter.

L’allusion qu’avait faite India au père Phillmore était une avancée considérable dans leur relation. Non sans appréhension, Ellroy avait alors questionné le parallèle qu’elle faisait, entre le fait qu’à l’instar de son père, elle savait prétendre que tout allait bien. Devait-elle elle-aussi s’adonner à ce jeu de dupes, au nom d’un orgueil héréditaire pathologique ? Apparemment.
India lui ordonna de concentrer leurs pensées sur l’émission de télévision qui les accompagnait, manœuvrant une nouvelle diversion. Oz porta son regard sur le petit écran. La famille était sortie faire des courses dans un supermarché, ce qui suscitait de nouveaux rires préenregistrés. Le trentenaire fronça les sourcils, saisi par une sensation d’incompréhension. Il finit par hausser les épaules, incapable de se positionner sur la qualité de cette série. Sa sœur lui était apparue assez aigre au moment de lâcher cette remarque pour ensuite planter un silence assez lourd. Elle semblait essayer de ravaler quelque chose avec cette longue gorgée de café. Mais cette fois encore, Oz se tut, respectant la temporalité de son interlocutrice. Ils n’avaient jamais eu une discussion aussi intense depuis qu’il lui avait annoncé qu’ils avaient la même mère, ce qui faisaient d’eux des frère et sœur.

Finalement, India reprit la parole, singeant toujours avec autant de maitrise cet air de rien. Péremptoire, elle condamna toute implication dans la vie de son père. Elle rejetait tout ce qu’il avait construit, par choix d’après elle. Les lèvres du trentenaire se pincèrent. Le sujet était trop délicat pour qu’il s’y aventure plus. Il ne savait rien de la relation qu’entretenaient père et fille. Il craignait que ses remarques ou questions portent le poids d’un jugement naïf que sa demi-sœur ne saurait supporter. Et puis, ce n’était peut-être pas le bon moment non plus. Elle avait déjà fait beaucoup d’effort pour dévoiler de pudiques parcelles de sa psyché.

Chacha fit brutalement irruption dans leur discussion. Sohan esquissa un sourire : l’idée de faire une colocation avec India l’envahissait d’une douce euphorie. Presque spontanément, il saisit sa main et répondit, d’une voix chargée d’entrain : « Bien sûr. Je lui laisserai mon lit. » Il tenta un trait d’humour, tout en sachant pertinemment que si l’animal élisait sa chambre comme son territoire et en chassait tout individu qui y pénétrait, il se soumettrait à sa volonté. C’était certainement pour cela que les chats l’aimaient bien. Parce qu’ils sentaient son intrinsèque faiblesse et leur incommensurable pouvoir sur lui.

Un médecin prit soudainement place dans leur réalité. Sohan réalisa sa présence au moment où l’homme demanda d’une voix un peu trainante : « C’est vous qui êtes de la famille ? » Le médecin posa un regard contrarié sur India en réalisant son âge. Elle lui paraissait bien trop jeune pour assumer une telle responsabilité. Ravalant un soupir, il poursuivit : « Monsieur… Ellroy sortira dans deux jours, soit samedi matin. Vous serez là ? » Il expliquerait à ce moment-là comment s’organiseraient les soins en ambulatoire pour ce patient, et il tenait à ce que quelqu’un d’autre que le principal concerné l’entende.

L’amertume de ses mots amena un silence au sein de cette famille recomposée, coupé par les rires préenregistrés du petit écran. Malgré le café, sa gorge était sèche, sa bouche pâteuse. India prit une lente inspiration pour enlever cette sensation qui l’habitait et pour laquelle aucune description ne pourrait suffire tant elle était floue. Nouvelle gorgée de café avant de poursuivre sur un autre sujet, énième détournement de conversation pour ne pas enfoncer d’un doigt couvert de saleté une plaie béante. Son chat avait apprécié la présence de Sohan lorsqu’il était passé chez elle, trouvant le confort de ses jambes comme coussin, marquant son territoire à sa manière à coup de frottement. Évidemment, l’animal avait cherché à gratter des croquettes et la jeune femme pourrait parier à coup sûr qu’il avait cédé lorsqu’elle avait le dos tourné. Vrai pot de colle, elle jouait les divas pour finir par se terrer sous le lit au moindre bruit suspect, son gras ballottant de gauche à droite dans sa course.

La réaction de son frère la toucha. Main dans la main, India laissa un sourire franc et sincère sur ses lèvres, laissant finalement un rire léger s’échapper de ses lèvres.

Cela ne peut que se terminer de cette manière avec elle, répondit-elle en pressant sa main dans la sienne. Je te ferai un peu de place sur le canapé, promis.

La chatte de six ans dormait rarement sans sa maîtresse, ou esclave humaine, venant se blottir contre elle dès qu’elle allait se coucher qu’importe l’heure. Il était probable qu’elle reste avec elle sur le canapé, ignorant comment l’animal réagirait entre dormir sur un canapé ou un lit. Ce serait un moment de découverte. Osera-t-elle lui faire une infidélité pour dormir avec son frère ?

Ce moment fut coupé par l’arrivée d’un médecin qui lui adressa la parole, faisant effacer le sourire de la jeune femme. Elle posa son regard émeraude sur lui, captant sa réaction alors qu’il poussait un soupir à sa vue. India répondit par la positive à sa première question, attendant d’entendre la raison de sa présence. Ce n’était que des commodités d’organisation pour sa sortie. Ne lâchant pas la main de son frère, elle affirma sa présence pour le samedi à venir. Des passages à l’hôpital seraient nécessaires pour un bon suivi avec les équipes. Lui faisant comprendre qu’elle maîtrisait le jargon médical, pour lui ôter ce ton pédant, il leur expliqua comment son retour au domicile s’organiserait. Bien que la jeune femme connaissait les pathologies et avait pu croiser nombreux de ceux qui étaient en sevrages au dispensaire, le domicile et son quotidien étaient autre chose. Au fond, malgré la confiance qu’elle dégageait, elle appréhendait ce retour. Une fois les explications terminées, le médecin les laissa à nouveau seuls, retrouvant la sitcom qui continuait à déverser son humour dérangeant avec un nouvel épisode. Ils purent réfléchir aux choix des restaurants où ils commanderaient, India ne s’étant toujours pas découvert de talent de cuisinière en vivant seule, tout comme les activités qu’ils pourraient faire, insistant sur ce que lui aimerait faire, s’il aimerait voir des amis à lui, sortir avec sa petite sœur pour chaperonner sa soirée.