[TERMINE] La main dans le sac x Skye

J’aime bien son enthousiasme face à l’idée d’apprendre un nouveau truc, et je me fais la remarque, un peu à retardement, qu’il va falloir que je me trouve un plateau d’échecs pour me remémorer tout ça avant d’essayer d’enseigner quoique ce soit à Skye. Étonnement, quand j’ai fait mes bagages à la va-vite pour quitter New York, et fuir mon père, j’ai pas pensé à mettre ça dans mes cartons. Et en même temps…j’ai pas cherché à embarquer plus de choses que ce que pouvait contenir ma voiture, qui a été mon moyen de locomotion de la grosse Pomme jusqu’à Downfall, mais aussi ma maison, pendant de longues semaines. Difficile de louer un appart quand on a pas de boulot. Je repense souvent à ce que je serais devenue si j’avais atterri ailleurs que devant l’immeuble de Charlie, quand j’ai débarqué à Van Nuys. Je sais bien que si j’en suis où j’en suis aujourd’hui et qu’on m’a pas planté dans une ruelle mal éclairée du quartier, ou tabassée à mort dans ma voiture, c’est parce que ma route a croisé la sienne. Charlie m’a offert un toit, un boulot au Naughty, son affection, et c’est bien plus que ce que j’attendais en arrivant ici.

En réalité, j’ai plus touché un plateau d’échecs depuis des années, et des années…mais je pense quand même réussir à me souvenir du mouvement des différentes pièces. Comme beaucoup de choses, cette activité fait partie de mon passé, des choses que j’ai laissées derrière moi. J’ai pas ramené grand-chose de New York. Pour différentes raisons, d’ailleurs. Des fois, parce que c’était simplement trop douloureux. J’ai souvent l’impression d’être devenue une autre personne, une que Diego reconnaîtrait pas forcément d’ailleurs. Ici, je suis devenue Bambi, avec une facilité un peu trop déconcertante. Sans doute parce que je peux cacher à peu près tout ce qui est dérangeant derrière un sale caractère évident, et un trente six tonnes débordant d’arrogance. Mais ça marche. Enfin…je crois. Par moments. J’évite de penser à tout ce qui a pu exister avant Downfall, le mauvais, mais parfois aussi le bon. C’est plus facile comme ça. Maintenant je suis ici de toutes façons, et c’est pas comme si on pouvait quitter le quartier expérimental d’un claquement de doigts. De toutes façons, c’est pas non plus comme si j’avais envie de le faire.

Enfin, la question de Skye m’a malgré tout plongée droit dans le passé, même si ressasser c’est pas trop mon truc. Je crois qu’à pas mal de monde, je leur aurai juste répondu de s’occuper de leurs culs avec leurs questions à la con, avant de vaquer à mes occupations. Sauf que la mini ninja a un côté attachant indéniable, et c’est comme ça que je me retrouve à lui parler des échecs, de la danse, de l’équitation, et finalement, de la relation que j’avais avec Diego. Je lui dis pourtant pas les trucs évidents. A quel point il était gentil, bon, altruiste au possible, le nombre de fois où il s’est fait disputer à cause des bêtises que moi j’ai fait, le chaos que c’est devenu quand il est mort, le fait que ça aurait dû être moi, plutôt que lui. Tout ça, je lui dis pas. Je l’ai jamais dit à personne, d’ailleurs, comme un secret trop précieux qu’il fallait garder à tout prix. Je reviens un peu à la réalité du moment quand je sens deux petits bras me serrer maladroitement…ou plutôt, timidement. C’est marrant, j’aurai pas imaginé que mettre Skye et timide dans la même phrase, c’était possible. Si j’ai tendance à me raidir instinctivement face aux contacts physiques, cette fois-ci échappe à cette règle, alors que je mets une éternité à réussir à réagir…tout ça pour au final tapoter légèrement sa tête du plat de la main. Tu parles d’un câlin.

Pour étouffer le fait que je sois vraiment pas douée pour ça, je finis par la lancer sur le sujet d’Emily, un sujet qui a l’air d’enthousiasmer presque aussitôt la magicienne en herbe. Je prends une mine suspicieuse quand elle parle d’une Em cool, souriante, même si pour le reste, ça me surprend pas vraiment. Je sais pas trop pourquoi, mais je me doutais qu’elle était du genre grande sœur protectrice. “-Elle a l’air d’être une chouette grande sœur, elle aussi.” Possible que j’ai un petit sourire en coin à l’évocation de tous ces nez -et ces culs- qu’Emily a dû botter, et j’imagine comme la liste doit être longue. “-Mais…fais moi plaisir, prends la en photo la prochaine fois qu'elle sourit, parce que je suis persuadée que c’est un mythe !” que j’ajoute dans un sourire plus prononcé, sans y croire pour autant. Je sais qu’Em est capable de sourire, et même de plaisanter, j’y ai d’ailleurs eu droit plusieurs fois. En revanche, le sourire est vite remplacé par une petite moue, et une grimace alors que je lève les épaules au reste de sa phrase : “-Il est très bien comme il est ton petit nez.” Même si c’est jamais aussi simple, et qu’il suffit pas de juste quelques mots pour venir à bout d’un complexe physique.

Je finis par quitter mon petit bout de bureau, et récupérer l’un des bacs laissés de côté tout à l’heure, même si toute mon attention, elle, est encore focalisée sur Skye. J’ai un léger arrêt quand elle me confie les débuts de sa relation avec Emily, alors que j’ai un petit hochement de tête : “-Ca se voit que vous êtes proches. Que vous tenez l’une à l’autre. C’est bien d’avoir des gens sur qui compter, et qui comptent pour nous. Pour l’instant je fais encore partie des personnes avec qui elle est un peu grincheuse, mais…je suis sûre que ça finira par s’arranger.” Et je dis ça dans un petit sourire, plus amusé qu’autre chose. Je sais qu’Em est pas méchante…enfin, c’est ce que je devine, en tout cas. Elle veut juste pas qu’on la fasse chier, à elle, ou aux personnes à qui elle tient. C’est légitime. Et c’est clairement pas moi qui vais trouver à y redire. Je suis la première à sortir les griffes quand on vient me soûler d’un peu trop près.

J’ai malgré tout un léger moment de flottement en repensant aux paroles de la blondinette, avant de plisser légèrement le regard. “-Que dirais-tu…de m’apprendre quelques signes, en échange de mes quelques connaissances aux échecs ? Ça pourrait m’être utile ici, par exemple, pour communiquer avec une personne malentendante, autrement qu’en devant écrire sur un papier.” Je range le bac à l’endroit qui était prévu pour, avant de rajouter, sur le ton de la plaisanterie, sans être tout à fait sérieuse : “-Ou alors, tu pourrais travailler ici de temps en temps…comme mon assistante, pour ce genre de situations…ou même pour d’autres. Tu sais déjà où tout est rangé en plus !” Et mon sourire s’élargit un peu plus, alors que je range les derniers bacs qui traînaient encore là. Ah, voilà…maintenant ça a quand même un peu plus de gueule, même s’il reste encore pas mal de trucs à ranger ici et là. “-Tu m’as bien aidée en tout cas. Merci du coup de main.” Même si pour le coup, elle est surtout ici parce qu’elle a emprunté quelque chose qui était pas à elle, mais ça…on va faire comme si j’avais déjà oublié.

C’est marrant, mais…j’aurai jamais prédit que Skye empruntant par inadvertance mon stéthoscope mènerait à une telle conversation. Je pensais pas qu’on allait finir par discuter de Diego, de la relation fraternelle qu’on avait, de ce qu’on faisait dans notre enfance pour nous occuper. A mon arrivée ici, à Downfall, j’ai pris l’habitude de mettre ma vie d’avant -comme j’aime l’appeler- sous scellés, et d’en parler le moins possible. Qu’en de rares occasions, quoi. Comme si le fait d’en parler trop, trop souvent, ça pouvait que raviver les sentiments liés à ma fuite, et donc être un moment pas super à vivre. Autant dire que quand Diego est mort, j’ai fait la même chose. J’ai gardé secrètement et jalousement pleins de choses au sujet de mon grand-frère, sans trop savoir pourquoi. Enfin si, je savais au moins un peu. Parler de lui faisait un mal de chien, c’était comme mettre du sel sur une plaie béante, alors j’évitais de le faire au maximum. Ça a pas vraiment contribué à diminuer la peine, mais bon…j’ai jamais été très douée pour analyser ce que je ressentais, ou comprendre certaines de mes réactions.

Quoiqu’il en soit, Skye fait maintenant partie des rares Blackened Beauties a qui j’ai parlé de mon aîné. En même temps…c’est pas trop difficile de lui parler, à Skye. Même des trucs pas très agréables, en l'occurrence. Alors…même si je devine à son petit câlin maladroit que ma Poker face de nana détachée de tout a dû sacrément se prendre un coup dans la tronche, et qu’elle a sans doute pu lire en moi plus que ce que j’avais imaginé, ça me dérange pas vraiment. J’ai comme ce sentiment que même si on lui fait des confidences, elle serait pas du genre à s’en servir contre la personne, ou à aller raconter ça à n’importe qui. Bon, à Emily, peut-être…et encore, je vois pas trop pourquoi le sujet serait abordé. Les deux sont proches, c’est un fait, mais j’ai quand même du mal à imaginer pourquoi ma relation avec mon grand-frère pourrait devenir une conversation intéressante.

Enfin, en attendant, on en vient à parler de sa sœur à elle, avec qui j’ai eu quelques fois l’occasion d’échanger. Ça a tourné principalement autour de ses appareils auditifs, et de ses problèmes d’audition, et ça a pas toujours été hyper chaleureux, mais je m’en suis pas offusquée. Au contraire, le caractère d’Emily me fait sourire, même si je me garde bien d’en faire la moindre remarque. J’ai un mimique amusée à la réplique de la mini ninja, quand après lui avoir demandé de prendre en photo la Blackened Beauty qui s’occupe de notre sécurité en train de sourire, Skye m’informe qu’une telle photo existe déjà. “-Sérieux ? Si un jour t’as envie de me la montrer, hésite surtout pas !” En gros…je veux bien voir ça, parce que de mon côté, j’ai surtout droit à Emily ronchon, reine des regards noirs. Bon…pour sa défense…peut-être que je la cherche un peu aussi, mais ça, je vais éviter de le préciser. J’ai quand même l’épaule qui se lève à la réponse de la blondinette, alors que je rétorque aussitôt : “-Oh, je m’en fais pas tu sais. Je sais qu’elle est pas méchante.” Même si elle aime bien se donner une allure féroce qui en effraie plus d’un. Et quand on voit certains énergumènes qui se baladent dans notre quartier, je comprends qu’elle fasse ça.

Et puis…je me dis que ça doit pas être facile tous les jours d’être dans les baskets d’Em, en rapport avec ses problèmes d’audition, notamment. Communiquer avec les autres, ça doit pas être une partie de plaisir, et si la blondinette face à moi à l’air d’y arriver plutôt bien, je me dis que la plupart des personnes doivent même pas se donner la peine d’essayer. C’est peut-être comme ça qu’elles ont réussi à devenir si proches avec Skye, parce qu’elles arrivent à communiquer ensemble, d’une façon ou d’une autre. Je sais pas trop d’où me vient l’idée qu’on puisse échanger nos connaissances, moi les restes que je peux encore avoir concernant les échecs, elle sur la langue des signes qu’elle parle avec Emily. À l'hôpital, j’aurai sans doute eu plus de possibilités de me trouver face à un patient sourd ou malentendant, mais comme je m’en suis barrée comme une malpropre, ça pourrait m’être utile ici. Déjà, rien que pour communiquer avec Emily. Et puis, parce que je me doute aussi qu’elle n’est pas la seule malentendante de Downfall. Et puis…Skye pourrait aussi filer un coup de main, si elle en a envie, évidemment. J’ai toujours été plutôt solitaire, mais je suis certaine que je saurais m'accommoder de la présence de la magicienne à mes côtés. “-Hm…hé bah…si y’a du sang, tu pourras toujours sortir du cabinet, pour éviter d’avoir mal au ventre, comme tu dis. Mais je sais pas trop si j’aurais beaucoup de patients comme ça. Je me dis que ce sera surtout des personnes malades, qui oseront pas forcément aller chez le médecin, ou à l’hôpital, qui ont pas d’assurance santé,...enfin, j’y verrais plus clair après quelques semaines de fonctionnement.” Et j’hausse une épaule, parce que si ça se trouve, mes prévisions sont complètement fausses, et j’aurais un public totalement différent de ce que je pense. “-En tout cas, tu es la bienvenue, quand tu veux. Enfin…quand je suis là, hein ?” que j’ajoute dans un petit sourire, en lui adressant un clin d'œil, pour éviter que lui vienne l’idée de fureter ici quand j’y suis pas.

Il faut quand même bien admettre que Skye m’a aidée, et c’est donc tout à fait naturellement que je la remercie pour le temps qu’elle a bien voulu passer ici avec moi, alors qu’elle aurait pu faire un de ses trucs de ninja, de la magie, ou que sais-je encore. Son large sourire en dessine un sur mon visage, quoique plus retenu, et après une brève seconde d’hésitation, je finis par grimacer : “-Désolée de t’avoir crier dessus tout à l’heure.” Je suis pas une pro des excuses, je l’ai jamais été, mais je sais reconnaître quand j’ai des raisons d’en présenter. Là, en l’occurrence, j’aurais pu me montrer un peu plus diplomate, au lieu d’exploser comme je l’ai fait. Heureusement, j’ai pas l’impression qu’elle m’en tienne rigueur. “-Tiens…je te rends ta Lilly.” que j’ajoute après m’être emparée de la poupée, qui se trouvait toujours là où je l’avais posée en entrant dans le cabinet de consultation.

D’ailleurs, en parlant de la poupée démoniaque, Skye tarde pas à me demander s’il me manque des trucs ici, et qu’en cas de réponse positive, son acolyte de chiffon pourra sans doute m’aider. Je retiens un regard un brin dubitatif, me contentant d’un bref hochement de tête, alors que Lilly change de main. “-Je manque principalement de médicaments pour l’instant. Et il faudra un jour ou l’autre que j’équipe cet endroit de matériel plus poussé. Pour le reste…je crois que c’est en faisant tourner cet endroit que je vais pouvoir identifier réellement les manques, savoir si tout est rangé au bon endroit, et tout ça…pour l’instant, c’est que de la théorie.” Mais ça pourrait être judicieux de faire une liste des choses qui vont manquer, et que je pourrais changer, et je doute pas que y’en aura quelques-unes. “-Si je vois qu’il manque un truc important, j’hésiterai pas à vous en faire part…à condition que ni l’une ni l’autre de vous ne fasse de bêtises pour obtenir la chose en question. D’accord ?” que je demande d’un air entendu, parce que je crois qu’on a pas forcément la même définition de “trouver quelque chose”, Skye et moi, et que je veux pas qu’elle se mette dans la merde par ma faute. Et puis…je me dis aussi que malgré ma démission de l’hôpital, y’a peut-être des chances pour que Riley m’aide à équiper cet endroit de trucs ou d’autres, lui qui a toujours accès à l’hosto et ses ressources. Avec toute cette aide, je vais peut-être réussir à faire quelque chose de cet endroit, finalement.

Autant dire que j’avais pas prévu que ma journée se déroulerait comme ça, ni même que j’aurai de la compagnie pour m’aider à aménager mon tout nouveau cabinet médical. Je m’attendais à faire ça toute seule, un peu comme si c’était une étape à passer pour rendre cet endroit fonctionnel, pour atteindre cet objectif que je m’étais fixé, et que je suis plutôt satisfaite d’avoir atteint. Je crois que j’aurai sans doute été gagnée par une vague de nostalgie, de la tristesse sans doute également. J’aurai immanquablement fini par griller clope sur clope, je serai même sans doute allée emprunter une bouteille de whisky au bar, et je me serai enfoncée dans une abîme de pensées pas très jolies, et sans doute assez destructrices. Alors ouais…c’était plutôt une bonne chose d’avoir la mini ninja avec moi aujourd’hui. Ça a rendu les choses plus faciles.

Et autant dire que si j’avais pas imaginé partager ma journée avec Skye, je sais pas trop comment j’en arrive non plus à lui proposer de venir passer un peu de temps ici, à m’aider avec certains patients, à partager nos connaissances avec l’autre, mais…l’idée est pas si déconnante. Et je suis même plutôt enthousiaste pour une éventuelle collaboration entre nous. J’ai le regard qui se plisse aux réticences que la blondinette tarde pas à partager avec moi, alors que je me sens hocher la tête. Ouais, c’est vrai que la vue du sang, y’a pas mal de personnes qui courent pas après. Perso, ça me fait pas grand-chose…enfin ouais, logique, vu que le doc c’est moi. Mais ce que je veux dire, c’est que même avant que je commence mes études, ça me faisait déjà rien. Enfin ouais, j’entends parfaitement le fait que le domaine médical, et tout ce qu’il implique, c’est pas fait pour tout le monde. “-J’ai des masques ! Mais je comprends…et c’est vrai que le sang, ça peut être impressionnant. C’est pas pour autant que tu es bizarre.” que je précise, en lui adressant un petit clin d'œil. Chacun ses domaines de prédilection.

Si j’ai quelques facilités en ce qui concerne les soins, je suis un peu moins à l’aise quand il s’agit de trouver les bons mots pour réconforter, remonter le moral, et tout ça. C’est pas faute d’essayer, mais…je sais pas, les mots viennent pas, et je me sens ridicule. Un peu comme maintenant, quoi. “-On peut y aller doucement, tu sais. Et si t’es plus à l’aise sans patient, je ferai la liste des différents cas que j’ai, et on s’en tiendra à ce petit apprentissage de la langue des signes que tu accepteras de partager avec moi.” Je lui adresse un léger sourire, un peu incertain, me grattant l’arrière de la tête, avant de reprendre, un peu plus confiante : “-T’en fais pas, l’idée c’est surtout pas que tu sois mal à l’aise, ou que tu fasses un truc que t’as pas envie de faire.” Et je dis pas juste ça parce que je veux pas qu’Em me tombe sur la gueule. Nan, faut vraiment que Skye ai envie d’être ici, pas qu’elle vienne la boule au ventre, quelle que soit la raison de sa présence dans le cabinet d’ailleurs.

Enfin…faut bien admettre qu’on a bien bossé, que la pièce a désormais une tronche bien plus présentable, et je dois la remercier pour ça. Ca aurait pu bien moins se passer suite à mon petit coup de gueule, et y’a que maintenant qu’un peu de temps a passé que je me rends compte que j’ai peut-être réagi un peu trop vivement, entièrement guidée par mes émotions. Possible que tout ce qui touche Diego soit encore bien trop compliqué…ou à vif. Des fois c’est facile à gérer, d’autres pas du tout. Aujourd’hui, disons qu’on était plutôt dans le deuxième cas de figure. “-Hm…j’ai juste eu peur de perdre mon stéthoscope. C’était pas très rationnel comme réaction. J’éviterai de recommencer.” C’est comme ça que je finis donc par rendre à Skye sa poupée, alors qu’elle vérifie aussitôt que je lui ai pas arraché un bras ou une jambe en douce. Ça me tire un léger sourire en coin, même si je me passe de tout commentaire à voix haute.

J’ai un instant de réflexion quand la frangine me demande ce qui manquerait à cet endroit, et faut vraiment que je me creuse les méninges un petit instant pour réfléchir à ce que ça pourrait être. Je sais que y’a forcément quelque chose, même si je sais pas encore quoi. Et comme je tarde pas à le dire à Skye, je crois que j’aurai pas tout de suite la réponse à cette question. Il va d’abord falloir que j’accueille mes premiers patients, et que je sois confrontée à mes premiers manques. Je me sens quand même un peu obligée de préciser, suite à la proposition de la blondinette de m’aider à trouver ce qui manque, qu’il serait préférable qu’elle et Lilly fassent rien qui puisse leur attirer des ennuis, ou potentiellement les mettre en danger. J’ai une expression un peu dubitative quand je la vois me servir ce sourire de sainte à qui on donnerait le bon dieu sans confession, et qui parvient également à m’arracher un petit sourire en coin, à des années lumière du sien. “-Un grand sourire et un s’il te plait…ça me semble être un bon plan !” Et j’espère vraiment qu’elle s’en tiendra à ça, j’ai pas envie qu’elle se retrouve un jour allongée sur ma table d’auscultation parce qu’elle aurait été “trouver” quelque chose chez la mauvaise personne.

Maintenant que les cartons sont vides, et puisqu’il y a personne à soigner pour l’instant, je crois que notre temps dans le cabinet est arrivé à son terme. On a plus grand-chose à faire ici, et je récupère ma veste sur le dossier de mon siège de bureau, relevant la tête aux paroles de la ninja. “-C’est gentil de votre part…à…toutes les deux, de vouloir aider l’association, ou vos amies. Faites juste attention à votre manière de faire pour aider. Toutes les personnes que vous croiserez verront pas forcément votre façon de faire d’un très bon œil, et ici, c’est vraiment facile de s’attirer des ennuis…Enfin…je veux pas te faire la morale ou quoi que ce soit…j’ai juste pas envie que tu sois blessée, ou quelque chose comme ça.” J’hausse une épaule, récupère mon sac à main, alors que je montre la porte du cabinet de la main à Skye : “-Il faut que je me sauve, j’ai quelques autres affaires à aller chercher. Je t’offre un truc à boire, pour te remercier ?” Ouais, je sais, j’ai déjà dit merci. Et oui, j’ai dit aussi “désolée”, ce qui est pas du tout dans mes habitudes. Mais je sais pas pourquoi, je l’aime bien Skye. Alors ouais, possible que j’ai envie qu’une éventuelle collaboration entre nous aboutisse.