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 [TERMINE] Tu es libre de choisir mais prisonnier de tes choix - avec India Phillmore

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Aaron D. Phillmore
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MessageSujet: [TERMINE] Tu es libre de choisir mais prisonnier de tes choix - avec India Phillmore   [TERMINE] Tu es libre de choisir mais prisonnier de tes choix - avec India Phillmore EmptySam 17 Juin - 13:10


Tu es libre de choisir mais prisonnier

de tes choix


- Avril 2023, 10:05 am -


« Parloir Phillmore. » Le narcotrafiquant releva légèrement le menton de sorte à pouvoir apercevoir par-dessus son livre le surveillant qui venait de l’interpeller. Maitrisant l’expression de son visage afin que la surprise ne puisse s’y lire, Aaron referma l’ouvrage de philosophie qui l’avait occupé depuis le réveil et se leva, étirant des muscles endoloris par la sédentarité. « Une certaine Abigail Elkins. Mignonne à ce qu’on dit. » Cette fois-ci, le détenu ne put contenir sa confusion. Il n’avait connu qu’une seule Abigail, et celle-ci était morte depuis une bonne dizaine d’années maintenant.
Aaron s’avança vers les barreaux de sa cellule, et glissa ses poignets joints dans l’encart prévu au passage des menottes. « Arrête ça. Pas b’soin de te sortir en laisse », rétorqua le surveillant tout en ouvrant la porte de la cage.

Cela faisait maintenant presque six mois qu’il était incarcéré à la prison d’Etat de Pelican Bay, un lieu de détention de haute sécurité. Lors de leur dernier parloir téléphonique, Livia l’avait averti que sa date de jugement serait certainement fixée au cours du mois de septembre. Le dossier constitué par la DPD et le parquet souffrait d’une absence de preuves directes pour le condamner à la perpétuité. A vrai dire, elle doutait même qu’ils puissent le punir à hauteur de plus de trois ans. Son casier judiciaire était vierge – malgré des infractions commises quand il était encore mineur, et qu’il avait fait effacer -, et rien ne le reliait directement au trafic de stupéfiants organisé par le cartel downfallien des Prayers of Insanity, ni même aux assassinats que le-dit cartel avait pu ordonner. Comme beaucoup de narcotrafiquant, il allait tomber pour des délits financiers.

Quand il était arrivé à Pelican Bay, le Prayer avait suscité pas mal de curiosité de la part des autres détenus. Aaron n’avait rien dit de son affaire, mais il n’avait pas pu empêcher des hypothèses d’être élaborées. Jusqu’à présent, deux se faisaient concurrence : il était soit un trafiquant de drogues soit un assassin. Les deux étaient justes, et c’était peut-être pour cela qu’aucune arrivait à s’imposer comme plus crédible que l’autre. Néanmoins, son silence avait irrité les grands noms de la détention, tout comme son refus d’intégrer l’un des clans. Cinq jours après son arrivée, il s’était battu avec un certain Winchester, meurtrier multirécidiviste qui avait la « fâcheuse manie de cogner à mort les connards », comme il le revendiquait avec son accent suintant de ruralité. Aaron était rapidement parvenu à prendre le dessus, mais s’était fait arracher une partie de son tatouage sur le bras gauche par un lame de rasoir montée sur une brosse à dent. Il avait laissé le redneck pour mort, à la suite d’un coup de poing donné au visage. Mais Winchester s’en était sorti après deux semaines de coma, puis avait été transféré pour raison disciplinaire. Phillmore avait quant à lui fait un mois d’isolement.
Sa bonne conduite avec les surveillants et tous les personnels de la détention lui valut des conditions d’incarcération confortables. Il fut intégré à un bâtiment dit « de confiance », où seuls les détenus au bon comportement étaient admis et pouvaient bénéficier d’avantages, comme travailler. Aaron avait fini à la bibliothèque, où il aidait Cathy - une vieille femme qui refusait de partir à la retraite -, à tenir les rayons de livres. Il avait également pu maintenir une activité physique, que ce soit sur la cour de promenade où des poids étaient laissées aux détenus, ou en ayant accès deux fois par semaine au gymnase. Il s’était mis au handball. Son voisin de cellule – puisque l’encellulement était de rigueur dans les bâtiments de haute sécurité – l’avait initié à ce sport. Jake attendait d’être jugé pour terrorisme. Cet antifasciste afro-américain avait fait exploser le QG d’une branche de suprématistes blancs, détruisant une grande partie de l’immeuble où ils se réunissaient, et en tuant douze d’entre eux. Il ne regrettait rien, si ce n’était d’en avoir eu « que douze de ces merdes de fachos ». Les deux hommes avaient sympathisé, et Aaron s’était ouvert à des débats d’ordre politique et philosophique auxquels il ne s’était jamais risqué avant.

Franchissant pas moins d’une douzaine de sas, le narcotrafiquant se demandait qui pouvait bien se cacher derrière le nom d’Abigail Elkins. Il en avait une idée, mais se refusait à y croire, de crainte d’être déçu, et de ne pouvoir se remettre d’une telle désillusion. Le surveillant des parloirs lui annonça que la personne qui était venue le visiter était déjà là, assise au box 6. Ignorant les battements de son cœur qui s’étaient affolés, Aaron longea les premiers boxs. Il marqua une brève pause au moment de passer le cinquième. Puis, accusant un soupir, il fit un dernier pas et découvrit Abigail Elkins.

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MessageSujet: Re: [TERMINE] Tu es libre de choisir mais prisonnier de tes choix - avec India Phillmore   [TERMINE] Tu es libre de choisir mais prisonnier de tes choix - avec India Phillmore EmptyJeu 22 Juin - 13:10




Tu es libre de choisir mais prisonnier

de tes choix


Il avait fallu mettre de l'ordre dans ses affaires, faire la demande, attendre d'avoir une réponse, réponse qui avait mis du temps à être validée. Si elle avait fait la demande deux mois après l'arrestation de son père, elle n'avait reçu de réponse que deux mois plus tard. Tom lui avait fourni les papiers nécessaires, avait créé une identité de toute pièce, des précédents, des factures, des traces d'une vie dans divers lieux où des données informatiques pouvaient être déposées. Le nom choisi était Abigail Elkins, en souvenir de cette femme qui l'avait élevée quand son père était absent. Après discussion avec son meilleur ami, cette opportunité de sortir de Downfall sonnait comme une évidence pour découvrir ce qu'il y avait au-delà du Mur. Elle n'irait pas à l'autre bout des Etats-Unis, ni à l'autre bout du monde. Il fallait seulement douze heures pour traverser l'Etat de Californie et rejoindre la prison d'Etat de Pelican Bay. Elle avait décidé de faire de nombreux arrêts, de zigzaguer à travers l'état, en passant par Santa Barbara, s'arrêtant à la forêt nationale de Los Padres, remontant par les petites villes pour aller à San José et San Francisco, roulant sur le pont du Golden Gate, remontant toujours au Nord pour s'évader un peu plus dans ses immenses forêts, pour finir par arriver à quelques kilomètres de la prison. Elle avait croisé des communautés rurales, des citadins branchés et d'autres désabusés, des villes cosmopolites, d'autres intransigeantes envers tout étranger qui foulait leur rue. Le monde n'était pas si différent à l'extérieur de Downfall, la peur était moins présente, la crainte du manque se faisait moins sentir, l'embargo n'existait pas et si les crimes, les drogues et les violences étaient quotidiennes à l'extérieur, elle ne semblait pas atteindre tous les habitants. Certains n'avaient jamais été menacés d'une arme alors que beaucoup criaient leur droit d'en parler une, certains n'avaient jamais été agressés pour un objet qu'ils détenaient, certains coulaient une vie paisible, jamais trop riche, jamais trop pauvre, insouciant de ce qui les entourait, de ce qui pouvait exister au-delà de leur petite vie bien rangée. Ce qui aurait dû être des semaines, devint quelques mois. Trois mois en l'occurrence.

India avait eu du mal à baisser ses barrières, méfiantes au possible de ces individualités croisées qui venaient volontiers s'arrêter sur son chemin pour discuter, échanger. D'autres la regardaient eux aussi méfiants, comprenant qu'il y avait quelque chose qui dénotait. Certes, elle avait un retard vestimentaire, malgré le grand soin qu'elle portait à sa garde-robe, et elle avait pu découvrir avec horreur de ce retard, prenant bien note de ce qu'il lui fallait. Non, elle ne sera pas tendance en 2023 car il était hors de questions qu'elle porte des pantalons cargo, des vestes de motard ou des jupes longues en jeans. À la limite un naked top avec le bon pantalon. Non, aimer la mode était une chose, savoir se respecter était plus important. Elle faisait bien trop sérieuse à côté de certains. Se serait mentir aussi de ne pas dire qu'elle avait passé de longues heures dans des magasins pour acheter ce qu'elle ne pourrait trouver que dans quelques années à Downfall sans passer par des importateurs qui avaient des contacts à l'extérieur. Elle avait découvert avec plaisir des séances de cinéma, des balades en forêt - baskets aux pieds qu'elle finirait par brûler à son retour - des visites de musée, des matchs de basket-ball, divers spectacles. Une vie de divertissement qui semblait manquer à cette ville.

Elle finit par arriver dans une ville non loin de la prison, avait fait une demande pour pouvoir visiter son père, profitait d'un instant de sérénité avec une vue sur l'océan, les pieds dans l'eau. Elle avait fini par sympathiser avec quelques personnes qui logeaient dans le même hôtel qu'elle. India avait apprécié chaque instant, renouant avec une part d'elle-même. L'insouciance. Ses barrières avaient fini par céder, en bien. Pour un temps.

Le jour de la visite, elle avait revêtu une combinaison longue vert foncé, ceinturée à la taille, avec des manches papillons, des escarpins aux pieds accompagné d'un sac récemment acheté. Elle passa les contrôles, attendit quelques instants les vérifications, s'assurant qu'il n'y avait rien de dangereux dans ses affaires avant de la faire passer par différents sas, accompagnée par un des gardiens. Il se garda de lui parler bien qu'il ait eu plusieurs regards dans sa direction. La curiosité était toujours là. Est-ce que son père avait eu des visites depuis son arrivée ? Qui, serait la première question qu'elle aurait posée, toujours aussi possessive. Il l'amena jusqu'à un box, le numéro 6. India le remercia et continua d'observer les lieux comme depuis son arrivée. Des caméra partout, des sécurités digitales, avec des clés et autres. Ce n'était pas pour rien qu'elle portait le nom de prison de haute sécurité. Elle chercha à trouver la bonne position face à ce mur de plexiglas, s'asseyant, croisant les jambes, posant son sac sur elle pour finir par le laisser sur la chaise, cherchant à trouver une position pour ses mains entre croisés, posées sur ses cuisses. Rien à faire. Elle était nerveuse et ce ne fut pas la longue expiration qui lui enleva cette sensation. Nerveuse de ne pas savoir comment réagir face à son père derrière les barreaux. S'humectant les lèvres après s'être assuré que son maquillage n'était pas parti alors qu'elle arborait un teint légèrement halé qui nécessitait moins d'artifice.

Son souffle se coupa alors la vue de son père, dans cette tenue, une combinaison bleue-grise. Il n'était pas menotté, il se tenait debout, bien portant, en tout cas, il en avait l'air. Elle arrangea une mèche de cheveux derrière son oreille alors qu'elle avait gardé ses cheveux mi-long détaché. Elle s'essaya à un sourire, peut-être un peu trop crispé pour être naturelle face à lui, sentant une vague d'émotion la frapper de plein fouet. Elle voulait le prendre dans ses bras, le serrer, lui dire tout ce qu'elle avait sur le cœur. Mais il y avait une barrière physique aujourd'hui qui l'en empêchait. Elle attendit qu'il s'asseye pour lui dire simplement.

Je suis en retard.

Sa voix avait eu un trémolo. Elle aurait pu venir des semaines plus tôt, mais elle ne l'avait pas fait. Prenant une inspiration, elle rajouta :

Tu as su éviter l'orange, je croirais presque que tu es chanceux.



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MessageSujet: Re: [TERMINE] Tu es libre de choisir mais prisonnier de tes choix - avec India Phillmore   [TERMINE] Tu es libre de choisir mais prisonnier de tes choix - avec India Phillmore EmptyMer 12 Juil - 20:33


Tu es libre de choisir mais prisonnier

de tes choix


- Avril 2023, 10:05 am -


Il s’était interdit d’y penser, à cet instant ; à cet instant qui lui était finalement donné. Demeurant interdit quelques secondes, le corps paralysé, Aaron sentit sa psyché se projeter hors de lui et se jeter contre la vitrine de plexiglas. Il réalisa alors qu’il ne pourrait pas la serrer dans ses bras, ni même la toucher. Mais il avait la chance de pouvoir la voir, et il saurait s’en satisfaire.
Assise, le dos raide et le visage tiré, India lui faisait face. Elle manqua son sourire, les lèvres tordues par l’émotion qui la gagnait. Or, comme à l’accoutumée, elle se maintint dans une contenance pudique et fière. D’un ton qui aurait pu être plus détaché, sa fille sembla s’excuser de paraître aussi tardivement ici. Elle enchaîna ensuite avec une platitude sur la combinaison que portait son père ; platitude qui recherchait certainement à poindre comme un trait d’humour, or l’absence de toute expression espiègle sur son visage ankylosait d’une certaine étrangeté ces premières secondes de retrouvaille.
Aaron s’avança jusqu’à la chaise en plastique elle-aussi grise, la sortit de dessous le petit comptoir et s’y assit. Un sourire ému s’était emparé de ses lèvres ; sourire dont il ne se départit pas au moment de lui adresser ses premiers mots : « Tu es là. Et, il vaut mieux tard que jamais. » Le Prayer n’avait pas eu l’opportunité de voir sa fille une dernière fois avant d’être envoyé à Pelican Bay. Il n’avait même pas pu l’appeler, le narcotrafiquant ayant refusé le bénéfice de son seul appel autorisé pendant sa garde à vue, car il ne voulait surtout pas mêler India à quoique ce soit, de crainte que la police ou la justice ne remonte jusqu’à elle, et questionne pourquoi un homme comme lui avait voulu la joindre.

Exactement six trous à travers le plexiglas leur permettaient de communiquer. Ils étaient trop petits pour pouvoir y glisser le moindre doigt. Même un stylo n’y passait pas. Une sensation d’oppression gagna le Prayer, qui eut l’impression de ne plus pouvoir respirer que par ce maigre filet d’air qu’il leur était donné de partager. « Tu as bonne mine » lâcha-t-il, le souffle court. Il était soulagé de la voir aussi bien se porter ; soulagé d’observer qu’elle saurait parfaitement lui survivre. « Merci d’avoir fait toute cette route. J’espère que tu as pu en profiter. » Il prenait les rênes de cette discussion, son malaise lui offrant une multitude de phrases, remarques et questions banales à prononcer. Mais il n’était pas totalement dupe pour autant. Il savait qu’ils finiraient par abandonner ces artifices conversationnels. Du moins, l’espérait-il. Or, étaient-ils vraiment prêts à prendre ce risque ? Celui de regarder ces abysses par-dessus lesquelles ils avaient cependant réussi à jeter un pont.

A la suite de sa tentative d’assassinat en avril 2022, il y avait un an, presque jour pour jour, ils s’étaient retrouvés, réunis par l’horreur de la perte. Sa fille semblait avoir réalisé qu’acter une séparation n’était pas la même chose que de subir une disparition. Alors elle s’était saisie de l’excuse de la santé altérée de son père pour le visiter régulièrement, reprenant les pansements réalisés par un médecin dont elle décriait l’incompétence. Il avait fallu quelques rencontres à Aaron pour comprendre ce qu’il se jouait dans ce « prendre soin de lui », dans ce contact à l’envie réparatrice. Il put alors saisir la portée métaphorique de cette relation au début centrée sur un intérêt avancé comme presqu’exclusivement médical : ils soignaient leur lien. Chacune de ces rencontres était l’occasion de parler de tout et de rien entre deux silences pudiques. Pour ne rien dire d’eux, ils parlaient de Downfall, de ce qu’il s’y tramait. Sa fille semblait d’ailleurs bien informée. Mais Aaron ne questionna pas pour autant ses sources, sachant India peu encline à rapporter des informations infondées. En revanche, sur le comment les avait-elle obtenues, cela n’était jamais précisé. Olivia avait assuré pendant un temps les accompagnements de la jeune femme jusqu’à la Zone 33, puis père et fille s’étaient vus dans l’appartement que possédait le narcotrafiquant à Florence. Peu de temps avant qu’il ne se fasse interpeller, ils avaient partagé une soirée dans leur ancien appartement de Palos Verdes, après qu’Aaron ait tiré d’un carton certainement fait Abigail deux albums photos. Il avait proposé à sa fille de les découvrir ensemble. La plupart des clichés avait été pris par la gouvernante, et mettait en scène une India de quelques jours jusqu’à jeune adolescente. Gatling apparaissait sur quelques photographies, plus ou moins souriante selon les situations. Les Phillmore, quant à eux, ne partageaient que deux clichés. Exhiber ainsi leur parenté était un risque qu’il n’avait jamais voulu prendre. Aussi ces deux photos avaient forcément été prises à son insu. Sur l’une d’entre elles, père et fille étaient sur la plage et avançaient vers l’océan, une India de six ou sept ans sur ses épaules. Ils étaient de dos, leur silhouette découpée par la lumière d’un soleil couchant. La seconde photo les mettait en scène dans une cuisine, affairés à faire des crêpes. Aaron était en train d’en faire sauter une, sous le regard enthousiaste d’une jeune fille de dix-onze ans. Le narcotrafiquant se rappelait de ce « goûter-dîner », promis un dimanche soir d’hiver. Ils s’étaient ensuite calés devant un film que sa gamine adorait, mais dont le nom continuait de lui échapper.
A présent, il faisait face à une jeune femme de vingt ans révolus. Ses traits s’étaient durcis, son regard creusé, mais le temps n’était pas parvenu à modifier quoique ce soit à cette moue boudeuse enfantine ou blasée adolescente qu’elle lui lâchait presque à chacune de ses phrases. « Est-ce que tout va bien pour toi ? » poursuivit-il, un peu perdu dans ses pensées, ne voyant soudainement plus que l’enfant qu’avait été sa fille.



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LE TRUAND
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MessageSujet: Re: [TERMINE] Tu es libre de choisir mais prisonnier de tes choix - avec India Phillmore   [TERMINE] Tu es libre de choisir mais prisonnier de tes choix - avec India Phillmore EmptyMer 26 Juil - 19:03




Tu es libre de choisir mais prisonnier

de tes choix


Les Phillmore n'étaient pas les meilleurs pour se lancer dans des retrouvailles pleines d'émotions où les cris et la joie étaient débordants au point d'en devenir indigestes. Non, il y avait une pudeur maladroite, mais des sentiments sincères. Ils avaient eu le temps de se retrouver, de trouver leur place dans ce fragile lien familial. Et s'ils en étaient sortis, à tâtons, avançant pour reculer un peu après, se protégeant à travers des conversations tournant autour du quartier expérimental, de banalités, ils avaient pu reconstruire ce lien qu'elle lui avait refusé par peur de souffrir. Elle avait récupéré les albums qu'il avait trouvé dans un carton à Palos Verdes lors d'une des dernières soirées qu'ils avaient passée ensemble, les avait longuement regardé, se souvenant de certains souvenir, touchée par l'innocence qu'elle dégageait et par la béatitude qu'elle avait en regardant son père. Mais aujourd'hui, le retrouvant derrière un plexiglas, la béatitude avait disparu pour un sourire qu'elle aurait voulu moins crispé. Se contenant, elle se laissa à un trait d'humour qui tomba à plat.

Mais son père, sourire ému sur les lèvres, lui assura que la finalité était plus importante que le retard. Cette phrase la laissa un court instant en apnée et le sourire de la jeune femme se décrispa comme s'il avait touché du doigt ce qu'il fallait pour enlever cette pesanteur. Cela n'effacera pas tout, loin de là. Hochant simplement de la tête, elle ne trouva rien à dire, cherchant des sujets de conversations assez simples, ennuyant ceux derrière les caméras. Le vieux Phillmore pointa du doigt une vérité. India avait une bonne mine. Elle était sortie petit à petit de cette maigreur qu'elle frôlait parfois dangereusement. Elle mangeait, avait repris du poil de la bête et les heures passées à se dorer au soleil ou à se promener avait effacé les dernières traces presque maladives d'une conséquence à son contrôle. Elle le remercia à mi-voix. Aaron termina d'achever les barrières montées pour ce moment en la remerciant. Elle, qui avait gardé son regard sur lui, le baissa sur ce qui les séparait. Avait-elle profité ? Son teint parlait pour elle. Ses yeux verts allèrent, un très bref instant, sur l'une des caméras avant de dire avant de reprendre contenance, gardant encore un peu cette parure de pudeur sur elle.

D'où la raison de ce temps que j'ai mis à venir, outre le fait que passer le Mur était particulièrement long.

Venir ici, c'était s'exposer, donnant un lien avec le baron de la drogue. Aaron Phillmore n'avait pas encore été jugé mais il était certain que plus la partie adverse mettait du temps, plus cela leur assurait qu'ils n'avaient pas les preuves incriminantes pouvant l'amener à la perpétuité. Pourtant, presque tout le monde le savait coupable et ce ne serait pas surprenant s'il était surveillé ici, mais aussi quand il sortirait. L'avocate du gang avait préparé le terrain pour le défendre. Avocate qui avait pris les rênes d'un groupe en déclin qui cherchait à se reconstruire, dans le Big Nowhere. Hermes était au courant. Pour en revenir à nos moutons, que feraient-ils de cette parfaite inconnue, inconnue des fichiers de la police ? Chercheront-ils à creuser ? Penseront-ils qu'il les choisissait jeune alors qu'elle pourrait avoir l'âge de sa fille ? Ou parviendraient-ils à trouver des similitudes dans leur air alors qu'elle ressemblait plus à sa mère ? Ne bougeant que peu sur sa chaise, India le laissa relancer le fils de la conversation. Une question à laquelle elle répondait toujours par la positive sans pour autant être sincère. Par fierté de ne pas se montrer blessée, fragile. Mais aujourd'hui, c'était différent.

Oui, je vais bien, lui dit-elle le plus simplement du monde avant de prendre une inspiration pour retrouver la simplicité de certains échanges qu'ils avaient pu avoir. J'ai pris des photos et j'ai demandé si je pouvais t'en laisser, vu ta bonne conduite, ils te les passeront quand je partirai, tu me diras celles que tu veux.

Et tandis qu'elle attrapait son sac à main pour fouiller dedans, après le désordre que les gardiens avaient mis dedans, elle lui parla de ce qui la faisait vibrer, le regard pétillant.

Et est-ce que je t'ai parlé de la mode qu'il y a ici ? Erk, les jeans tellement troués et toutes ces couleurs métalliques qui marchaient sûrement à une autre époque, mais là, non. Juste, non. J'ai cru croiser une femme qui avait été attaqué par son chien pour le premier tant son jeans était troué et pour l'autre un homme qui venait de sortir de sa soucoupe volante d'un mauvais film de serie B. (sortant une petite enveloppe kraft, elle en sortit les photos, les regardant un bref instant pour les coller contre la paroi transparente.) Ah tiens, regarde, ça, c'est le Golden Gate, j'ai eu de la chance avec ce beau temps, là, c'est la vue des montagnes de Los Padres, c'était déstabilisant d'avoir d'un côté l'océan et de l'autre cette vue , oh et tiens là, c'est un … c'est à Santa Barbara, c'est la cour intérieure d'une église gérée par des franciscains…

Et elle continuait ainsi sur une quinzaine de photos où un œil avisé pourrait voir tous les défauts de cadre, de luminosité. India était novice dans le domaine de la photographie. Elle avait mis de côté les photos floues. La jeune femme lui montrait les différents endroits qu'elle avait pu visiter, y allant de son petit commentaire, laissant entrevoir cette insouciance, cette naïveté face à un monde qu'elle découvrait. Elle avait mis dans le lot une photo d'elle, prise par un vacancier qui l'avait vu batailler à se prendre en photo, offrant à la jeune Phillmore, une photo prise dans le parc du Golden Gate, un grand sourire, libre, les traits légers, dans une robe printanière. Heureusement que la photo montrait pas ses pieds, dans d'horribles baskets qui lui permirent de marcher des kilomètres, une erreur vestimentaire qu'elle préférait omettre. Une fébrilité dans la voix que le voyage et la découverte avaient donné, la rendant bavarde comme à cette époque où elle s'émerveillait devant peu. Terminant la visite guidée, elle se retrouvait à court de mots, laissant échapper un soupir, un petit sourire en coin, déposant les photos les unes à côté des autres pour lui laisser le loisir de les observer. Pinçant ses lèvres, comme si c'était une erreur de l'admettre, de fragiliser cette armure qu'elle portait habituellement, elle lui avoua :

J'ai voulu te contacter, mais ... on me l'a déconseillé. Il avait raison, mais ce n'était pas évident. J'ai suivi l'affaire dans les journaux, seulement les informations étaient limitées.

Elle avait cherché à avoir des yeux et des oreilles qui pourraient répondre à ses questions, mais n'avaient pu apprendre grand-chose. Le jugement n'avait pas encore été fixé et cela ne saurait tarder, du moins, l'espérait-elle. Peut-être à la fin de l'année, peut-être avant, mais rien n'était sûre. Arrangeant une mèche qu'elle ne parvenait pas à garder derrière son oreille, rebelle à son contrôle, India lui demanda à mi-voix :

Comment cela se passe de ton côté ?


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MessageSujet: Re: [TERMINE] Tu es libre de choisir mais prisonnier de tes choix - avec India Phillmore   [TERMINE] Tu es libre de choisir mais prisonnier de tes choix - avec India Phillmore EmptyDim 30 Juil - 12:03


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- Avril 2023, 10:05 am -


Aaron se sentait glisser dans un état second, engourdi et de plus en plus imperméable à la réalité. Peu à peu, il parvint à oublier cette vitre de plexiglas qui les séparait, et la sensation d’étouffer se dissipa. Redessinant à la force de sa volonté et de son enthousiasme les contours de sa perception, le narcotrafiquant fut gagné par un sentiment d’intimité et de proximité. Il avait l’impression qu’India venait de le retrouver dans un café, où quelques autres clients s’étaient installés pour parler de leur quotidien de misère. Certains s’exprimaient d’une voix plus forte que d’autres, avec une émotivité parfois à vif. Phillmore fit alors en sorte de restreindre encore un peu plus cet espace qu’il lui était donné de partager avec sa fille. N’observant qu’elle d’un regard attentif, il effaça ce que sa perception périphérique raclait encore de cette réalité dont il ne voulait plus souffrir des conditions. Il avait le droit de se réfugier dans un bref épisode de déni. Il en avait besoin. Effleurer la réflexion selon laquelle sa fille paraissait dans cet endroit où la lie de l’humanité se côtoyait entre quatre murs était trop insupportable. C’était d’ailleurs bien pour cette raison qu’il ne s’était jamais permis d’espérer qu’India vienne le trouver ici. Comment aurait-il pu vouloir et donc accepter, au simple nom de sa petite personne, qu’elle franchisse tous ces sas de sécurité, si près de toutes ces âmes noircies par les ténèbres dans lesquelles elles s’étaient jetées ; qu’elle parcourt ses longs couloirs où seuls l’hubris et la violence rodaient, coupant les fils de leurs pantins pour les observer se désarticuler et choir. Comment aurait-il pu exiger cela d’elle, alors qu’il était le seul coupable à avoir sa place ici-bas ?

Et pourtant, India était bien là, assise face à lui, avec cet air pincé qu’elle arborait systématiquement avec lui, du moins les premières minutes. Ignorant l’étreinte de la culpabilité, Aaron maintint sur son visage ce sourire ému. Peu importait le temps pris pour venir le visiter, l’important était que sa fille était là, et bien en vie. Le soleil avait hâlé ce teint blafard et parfois même maladif avec lequel elle survivait péniblement dans l’ex-quartier expérimental. Downfall était un mouroir. Cette ville accélérait la fanaison des vies, se repaissant de la vitalité de l’innocence des âmes condamnées à y naître. Ainsi, Aaron espérait que sa fille avait profité de cette sortie au-delà du Mur pour y découvrir autre chose que ce que son existence lui avait jusque-là permis de connaître. Ce à quoi la jeune femme lui répondit avoir immortalisé des clichés de cette autre vie possible. Elle désirait d’ailleurs lui en offrir certaines, ayant eu l’accord de l’administration pénitentiaire.

Tandis qu’India fouillait dans son sac à la recherche des fameux instantanés, Aaron avança sa chaise et s’approcha au maximum de la vitre de plexiglas. La petite brune lui parla d’un sujet qui lui tenait à cœur : la mode. Un bref rire silencieux gagna le narcotrafiquant qui se contenta d’écouter, amusé, sa fille s’offusquait de voir que des gens libres d’acheter ce qu’ils voulaient pouvaient se vêtir avec tant de mauvais goût. Puis, l’enveloppe contenant les photographies trouvées, elle lui présenta les différents clichés, y allant à chaque fois de commentaires, généralement enthousiastes, bien que cinglants pour certains.
Phillmore découvrit avec elle l’ensemble des lieux visités et immortalisés. Il réalisa ne rien connaître du monde qui l’entourait, et trouvait le microcosme downfallien bien sinistre en comparaison. Il n’y subsistait aucune trace de nature ou de culture. Downfall n’était qu’un huis-clos d’hommes façonnés par les hommes sans inscription dans le grand projet de l’humanité.
Quand apparut India posant devant le Golden Gate, Aaron avança sa main. Ses doigts butèrent contre la vitre en un bruit mat. Il laissa néanmoins la pulpe de son index et de son majeur effleurer malgré le plexiglas le cliché. La jeune femme acheva, avec cette photographie, le récit de son petit périple. Elle étala les clichés sur le bout de table, laissant son père tout le loisir de pouvoir les regarder encore. « Je suis heureux que tu aies vu tout ça » se contenta-t-il de dire, toujours troublé par l’émotion. Il était tellement fier d’elle, et de sa capacité à enfin savourer ce que la vie lui donnait. Mais se serait-elle permis pareil voyage sans la détention de son père ? Cette incarcération à l’autre bout de l’Etat était un mal pour un bien, tant pour elle que pour lui.

Perdant de sa vigueur, India s’excusa – à sa façon – de ne pas être entrée en contact avant avec lui. Des personnes le lui avaient déconseillé. Enfin, une personne. Aaron ne releva pas pour autant. Elle évoqua ensuite s’être confrontée, avec frustration, à un manque d’informations concernant son affaire, pour finalement lui demander comment lui avait traversé les six derniers mois. D’une voix étonnamment sereine, il reprit la parole : « La privation de liberté est lourde à supporter mais je l’accepte, donc ça aide à composer avec. J’évite de me faire remarquer : je n’ai plus envie de régner sur ce qui m’entoure. Je ne gère que des livres à présent, les mardis, jeudis et dimanches. J’ai pu intégrer, il y a deux mois, le quartier dit « de confiance », ce qui me permet de passer pas mal de temps en dehors de la cellule. » Lâchant sa fille du regard pour observer les clichés posés devant lui, il ajouta : « J’arrête. » Il faisait écho à la discussion qu’ils avaient eu un an auparavant, concernant son éventuelle abdication ; abdication aujourd’hui actée grâce à son interpellation. Être arrêté avait été la seule façon pour lui de se désengager du narcobanditisme.



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MessageSujet: Re: [TERMINE] Tu es libre de choisir mais prisonnier de tes choix - avec India Phillmore   [TERMINE] Tu es libre de choisir mais prisonnier de tes choix - avec India Phillmore EmptyLun 11 Sep - 13:00




Tu es libre de choisir mais prisonnier

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Revoir les clichés la replongeait dans une brève nostalgie, car les souvenirs étaient encore frais dans sa mémoire. Et pourtant, il y avait un pincement au cœur, parfois une vive douleur à la poitrine à l'idée que ce sera la dernière occasion d'explorer le monde avant de retourner s'enfermer dans le quartier expérimental. Il y avait tant de vie, tant de lieux à découvrir. Ses longues balades dont son corps avait souffert par le manque d'exercice, mais où la vue faisait rapidement oublier le chemin douloureux l'y amenant. Les monuments visités, leur histoire qui s'ancrait dans l'Histoire. Et la population. Elle avait réussi à mettre de côté sa méfiance face à ces personnes venues discuter avec elle, sans la moindre mauvaise intention. C'était étrange et se dire qu'elle allait devoir à nouveau calculer, manipuler et contrôler, cette idée pesait sur ses épaules.

Elle laissa échapper ce sentiment par ce simple soupir après l'exposé fait à son père devant chacune des photos présentées. India avait remarqué le mouvement qu'il eut en voyant la photo prise d'elle non loin du Golden Gate, dans les jardins, mais elle n'en tint pas compte, finissant son exposé, déposant devant lui l'ensemble des photos pour donner à cet homme enfermé un peu de couleur, un peu de rêve. Elle ne comptait pas qu'il prenne celle où elle était, au risque de faire poser trop de question sur leur lien, mais c'était un moyen de lui montrer qu'elle allait bien, au-delà des mots, un message silencieux qu'il pourrait ne pas décoder. Aaron conclut simplement qu'il était heureux pour elle d'avoir vu du pays et sa fille eut un sourire, son regard sur portant sur l'une des photos. Ses lèvres se pincèrent pour finir par lui dire qu'elle avait voulu le contacter mais Tom lui avait déconseillé de le faire, s'obligeant à se renseigner comme elle pouvait pour obtenir certaines informations. Par cet aveu, elle profita de cette ouverture pour lui demander comment il allait, ignorant s'il était concevable de poser la question, ignorant tout de l'univers carcéral, laissant seulement son imagination penser au pire. Mais il n'était pas couvert de blessures, il semblait se maintenir en forme, n'avait ni maigri, ni grossi et n'était pas arrivé en boitant. Ce n'était pas des vacances, loin de là, mais il avait sûrement gardé le respect des autres hommes enfermés ici. S'il était devenu le leader d'un cartel, Aaron Phillmore avait plus d'un tour dans son sac pour s'assurer sa sécurité.

Ce dernier expliqua se montrer discret, préférant la tranquillité d'une bibliothèque où il avait accès quelques jours par semaine, rendant son enfermement un peu plus supportable. Il ne voulait plus diriger, gérer autrui. Et l'idée qu'il se plaise dans ce lieu de tranquillité où le silence était propice à toute introspection, elle pensait à son frère qui possédait sa petite boutique dans le quartier de Skid Row. India y était allée plus d'une fois, l'aidant au mieux en cherchant à composer avec ce temps qu'il lui manquait pour faire tout ce qu'elle aimerait. Bien que tous les opposés, ce simple fait pourrait rapprocher deux des hommes de sa vie. Mais elle se garda de le dire, pour ne pas donner d'informations la concernant. Son père admit avoir été exemplaire, confirmant ainsi ce que l'équipe administrative lui avait signalé en lui accordant le transfert des photos, lui permettant ainsi d'avoir du temps hors de sa cellule. La jeune Phillmore hocha de la tête avec un sourire à ses mots, soutenant ainsi sa démarche. Et il lâcha une bombe qui manqua de la faire défaillir. J'arrête, avait-il dit. J'arrête.

Tu t'arrêtes, répéta-t-elle comme si elle avait besoin de l'entendre à nouveau.

Si cela ne voulait rien dire pour les interlocuteurs qui suivaient l'échange, pour la jeune femme, c'était une nouvelle à laquelle elle ne croyait plus. Cela renvoyait à l'un de leurs échanges après avoir été attaqué par les Rats. Blessé, groggy par les calmants, il lui avait avoué avoir envie d'arrêter, mais où cette décision était, un an auparavant, impossible. Ainsi, elle comprenait mieux pourquoi, alors au courant, il n'avait pas cherché à fuir. Il avait accepté cette arrestation sans résister, protégeant ainsi par la même occasion ses hommes. Elle aurait voulu à cet instant l'étreindre, le serrer fort dans ses bras pour sentir sa force, sa chaleur, ressentir les émotions qui la traversaient lorsqu'elle se sentait en sécurité dans ses bras, mais le plexiglas la figeait dans un état de frustration. Baissant simplement le regard, elle se pinça à nouveau les lèvres, comme un signe d'aveux.

Je l'avais compris, murmura-t-elle, tu n'as rien fait lorsqu'ils sont venus.

Peut-être les journaux avaient informé la population de cette reddition sans violence. Les Prayers of Insanity n'avaient pas cherché à répliquer. Tom avait su ce qui s'était passé bien avant le reste du monde. Relevant la tête, posant sa main sur le plexiglas qui les séparait elle conclut avec un sourire.

Il était temps.


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MessageSujet: Re: [TERMINE] Tu es libre de choisir mais prisonnier de tes choix - avec India Phillmore   [TERMINE] Tu es libre de choisir mais prisonnier de tes choix - avec India Phillmore EmptyMar 3 Oct - 10:39


Tu es libre de choisir mais prisonnier

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- Avril 2023, 10:05 am -


Oubliant les murs qui le contenait au nom de sa criminalité, Aaron observait les photographies que sa fille avait étalées sur le bout de table disponible, à la perpendiculaire de la vitre de plexiglas. L’impression qu’il leur était donnée de vivre un instant partagé d’une rare spontanéité et facilité avait, durant quelques secondes, troublé la pensée du narcotrafiquant. Puis il s’en était accommodé, appréciant cette sincérité avec laquelle ils paraissaient l’un face à l’autre. Aucun d’eux n’était dupe à présent, ni n’avait pas possibilité de pouvoir encore prétendre l’être. Les choses étaient telles qu’elles le devaient, dans une forme de rectitude avec un principe de réalité enfin souverain. Si faire vivre une telle expérience - certes brève - d’enfermement à sa fille faisait ressentir une vive culpabilité au Prayer, il n’éprouvait aucune honte à devoir y demeurer. Ici était sa place. Il le savait, et l’acceptait avec honnêteté. Au-delà du sens moral et éthique d’une sanction par l’enfermement au vu des actes reprochés et commis, il s’agissait par cette privation de liberté de cesser ce qu’il n’aurait pas forcément su interrompre par lui-même. Il acceptait donc cette contention et isolement de son influence comme l’opportunité d’enfin la faire taire. Son empire était réputé « démantelé », et lui, « arrêté ». Stoppé dans l’entreprise criminelle qu’il menait en qualité de leader, Aaron avait saisi cette occasion pour mettre un terme à ce qui n’avait, pour lui, plus aucun sens.
Son acceptation de la détention avait surpris. Son avocate s’était d’ailleurs, d’une certaine façon, agacée de la complaisance avec laquelle Phillmore avait accueilli son placement en détention provisoire. Cela faisait déjà plusieurs mois qu’Aaron avait fait le deuil de son invulnérabilité, de son impunité. Il avait réalisé avoir été un homme chanceux au vu de la carrière choisie et poursuivie : il avait échappé à la mort, et ne passerait pas plus de cinq ans en détention, au vu du maigre dossier à sa charge constitué jusque-là par le Procureur. Il ne ferait certainement que deux ans d’emprisonnement ferme et pourrait sortir sous le régime de la liberté conditionnelle.
Finalement, cette arrestation lui avait donné une chance de se désengager de la trajectoire prise il y avait déjà vingt ans, et d’en emprunter une autre. En officialisant son retrait des affaires du cartel à son bras droit, Aaron avait fait un premier pas dans cette nouvelle direction dont il fantasmait l’apaisement mais en ignorait la réalisation. Qui pourrait-il être, maintenant dévêtu de ses responsabilités de narcotrafiquant ?

Face à lui, India s’était raidie. Elle reprit la déclaration de son père, dans une sorte d’écho. Il perçut ses muscles légèrement se contracter, près à se rapprocher de lui, et l’imita. Or la vitre les astreignit à demeurer là où ils étaient, chacun de leur côté. Un bref soupir secoua le narcotrafiquant. Il relâcha la tension qui avait gagné son corps et se vouta.
Sa fille lui avoua s’être doutée de sa démarche : elle avait compris qu’il s’était laissé arrêter. Au cours des semaines qui avaient suivi, le cartel n’avait pas répliqué. Il en allait nécessairement d’un ordre de son leader. Et en effet, avant d’être transféré à Pelican Bay à l’issue de ses auditions devant la justice et de ses interrogatoires par la polie, Livia était venue à sa rencontre, en qualité d’avocate, mais aussi de bras droit. Aaron lui avait alors demandé d’accepter son retrait des affaires, et de dire aux membres du cartel qu’il ne souhaitait pas être vengé. De plus, il lui annonça lui laisser la succession au poste maintenant vacant de leader, tout en lui garantissant son soutien dans ces changements à venir. Et si Aldana avait jugé que cette décision ne s’opérait pas de la manière la plus opportune dans la temporalité du clan, India estimait, quant à elle, qu’elle arrivait un peu trop tardivement, dans la temporalité de sa vie de père. Cependant, à en croire le sourire qu’elle arborait, elle se satisfaisait que cette décision advienne enfin.
Aaron plaqua à son tour la main contre le plexiglas, couvrant entièrement celle de sa fille. Il eut l’impression de ressentir la chaleur de sa peau, et se refusa à rationaliser ce qui relevait d’une simple illusion. D’une voix basse, fragilisée par le regret, il ajouta : « Je suis désolé d’avoir autant tardé. »

Après un bref silence nécessaire, Phillmore reprit la parole, désirant exposer à sa fille les suites de cette arrestation, et l’y préparer. « Une date de jugement devrait être fixée à l’automne 2023. A priori, je serai reconnu coupable dans des dossiers d’ordre plutôt financier et économique, notamment de blanchiment, mais d’une somme assez modique. Les charges criminelles pesant contre moi ne devraient pas être caractérisées et donc retenues. J’espère pouvoir sortir en liberté conditionnelle d’ici l’été 2024, voire un peu avant. » Il espérait que ces éléments rassureraient sa fille quant aux procédures auxquelles il serait soumis dans les prochains mois. Livia semblait convaincue qu’il ne pourrait pas tomber pour trafic de drogue, ni pour assassinats. La DPD n’avait trouvé aucune preuve directe le reliant au cartel, si ce n’était un investissement financier dans l’immobilier d’une somme d’argent sale. Il écoperait tout de même d’un emprisonnement ferme, et se devait donc, dans l’attente de sa sortie, s’assurer qu’India ne manque ni ne manquerait de rien. « As-tu besoin de quoique ce soit ? »



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MessageSujet: Re: [TERMINE] Tu es libre de choisir mais prisonnier de tes choix - avec India Phillmore   [TERMINE] Tu es libre de choisir mais prisonnier de tes choix - avec India Phillmore EmptyMer 18 Oct - 13:14




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Ainsi le narcotrafiquant avait décidé de s'arrêter. Peu de mots pour une décision importante. Une nouvelle qu'elle dut répéter pour s'assurer qu'elle n'avait pas mal entendu, mais son père ne rectifia pas l'information. Il arrêtait, tirait un trait sur celui qu'il avait été dans l'espoir de se trouver dans cette démarche. C'était une décision mûrement réfléchie, mais la jeune femme aurait aimé qu'il prenne cette décision avant la prison, avant cette arrestation, avant la chute. Aurait-il pu y échapper ? Certainement pas. La prison avait été une excuse, une raison peut-être, pour laisser ce monde derrière lui. Ainsi, il sortirait libre de tout. Le serait-il seulement ? Que deviendra-t-il après cela ? Des questions qu'elle aurait aimées lui poser, mais la jeune Phillmore ne souhaitait pas que des oreilles indiscrètes puissent entendre cette confidence.

Pour le soutenir dans cette démarche, sans mots, India posa simplement sa main sur le plexiglas, frustrée de ne pas pouvoir avoir plus. Le réflexe de penser à une "prochaine visite" fut immédiatement interrompu par l'impossibilité d'une autre visite. Son père posa à son tour sa main pour répondre à son geste.

Tu l'as fait, c'est le principal, lui dit-elle en regardant cette main si près de la sienne et pourtant si loin.

Le prisonnier lui expliqua après un silence ce qui se passerait pour la suite. La date d'un jugement fixé à l'automne de cette année et parce qu'il n'y avait aucun chef d'accusation en tant que criminel, il ne pourrait être jugé que pour l'aspect financier d'un dossier en carton. Toutes les raisons étaient bonnes pour le punir et le manque de preuve était suffisant. Pourtant, il y avait eu des taupes parmi eux, des membres des forces de l'ordre étaient certains de sa culpabilité quant au narcobanditisme. Mais le savoir et le prouver était autre chose. L'homme de l'ombre sortant dans la lumière avait fait le nécessaire pour se protéger. Les Downfalliens savaient qui il était, son rôle, mais rien ne pouvait le prouver en dehors des "on-dit". Une réussite quand d'autres pleuraient les morts liés à la consommation de drogues, aux conflits qui avaient atteints ceux qui n'avaient rien demandé et le vieux Phillmore se lavait de tout cela, ne se considérant pas comme responsable de la consommation d'une clientèle avide de ces rêves en cachet. Et si India lui en voulait pour avoir toujours entretenu cette addiction en la vendant, elle était soulagée d'entendre qu'il pourrait sortir probablement l'année suivante. À condition que son avocate puisse assurer sa défense comme il se doit. Tout en prenant la tête de ce qui reste des Prayers of Insanity.

Eté 2024, répéta-elle hochant de la tête, récupérant sa main qu'elle ramena sur ses cuisses.

Elle espérait que le procureur ne cherchait pas à creuser dans le dossier de son père pour y trouver la moindre petite bavure qui pourrait l'inculper pour diverses raisons. Mais elle avait eu quelques renseignements sur l'avocate et seconde des Prayers, la rassurant sur la qualité du dossier qu'elle montait pour le défendre. Son père finit par lui demander si elle avait besoin de quelque chose. La jeune femme se pinça les lèvres avant de faire un signe négatif de la tête.

Rien que tu ne puisses faire de ce côté. Sors de là, c'est tout ce que je te demande… Je vais me laisser le temps avant d'y retourner, revoir les quelques connaissances que je me suis faites, me refaire une ou deux balades avant de rentrer. J'ai plein de choses que je n'ai pas pu faire.

Une sensation de regret. Ce n'était pas qu'une sensation. Il y avait une vie à l'extérieur qu'elle avait pu toucher du doigt et l'idée de rentrer à Downfall lui comprimait les tripes. C'était donc à reculons qu'elle envisageait son retour. Mais elle avait cette fidélité envers Tom, Eleonore et son demi-frère ainsi que d'autres personnes qui comptaient assez pour faire partie de sa vie pour sentir le devoir d'y retourner. Peut-être que les choses changeraient. India avait levé les yeux en l'air, pensive, se parlant plus à elle-même que s'adressant à son père, se confiant sur ses projets, sur ses craintes qu'elle n'osait vraiment verbaliser.

Je pense déménager en rentrant. L'idée de revenir dans mon 20m² ... Je ne sais pas si c'est d'avoir vu une autre vie ici, mais je n'ai pas envie d'y retourner. Et pour Chacha aussi, ça lui ferait du bien d'avoir plus d'espace… Enfin... Je ne devrais pas en parler quand tu as bien moins ici. Désolée…

Elle n'était pas de ceux qui s'excusaient habituellement. Réalisant l'absurdité de ce dont elle se plaignait alors que son père était enfermé dans un espace plus petit. India eut une moue contrite.

Et toi, tu as besoin de quelque chose ? S'ils te l'autorisent ?


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MessageSujet: Re: [TERMINE] Tu es libre de choisir mais prisonnier de tes choix - avec India Phillmore   [TERMINE] Tu es libre de choisir mais prisonnier de tes choix - avec India Phillmore EmptyJeu 2 Nov - 12:16


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- Avril 2023, 10:05 am -


Attendre autant de temps pour pouvoir dire à sa fille qu’il se retirait de l’empire qu’il avait jusque-là porté avait été d’une rare pénibilité. Car il savait là lui faire une promesse qu’elle n’osait plus espérer, et qu’il n’oserait pas rompre. Aaron avait demandé à Livia de rester discrète sur le sujet quand elle avait à faire à India : il voulait être celui qui lui annoncerait. Et si cet aveu d’abdication l’avait envahi de culpabilité au moment d’y confronter son amie et bras droit alors soudainement abandonnée, cette fois-ci, avec sa fille, il le libérait d’un poids. Conscient que ce retrait ne pouvait être aussi net qu’il était brutal, le Prayer savait qu’il aurait encore quelques « détails » à gérer, le temps que la passation de pouvoir se fasse. Des « dossiers » qui, aux yeux de la Loi, seraient de nature à l’incriminer. Une somme assez importante d’argent devait encore être blanchie, et le parc immobilier détenu par le cartel régularisé.

Quand il concéda à sa fille qu’il n’avait que trop tardé à prendre cette décision, cette dernière se contenta de souligner qu’elle se satisfaisait qu’il eût su la prendre. Un sourire gagna les traits du narcotrafiquant. Ses doigts voulurent se refermer sur la main de la jeune femme, mais ne le purent. Une brève moue contraria l’expression détendue du Prayer. Il enchaîna alors sur les suites probables de son dossier, s’offrant ainsi le luxe de penser à sa sortie, et à ce moment où il pourrait prendre India dans ses bras. L’été 2024, soit dans plus d’un an. Un sentiment ambivalent crispa les pensées de l’écroué. Sur l’échelle de sa vie, cette détention ne représenterait que peu de temps. Mais cette temporalité n’était pas celle de sa psyché. Celle-ci éprouvait les mois à venir comme dignes de l’enfermer dans une autre vie, mise entre parenthèses, dans un instant suspendu, où les gestes se répèteraient, pris dans une boucle aliénante. Telle était le réel châtiment de la détention : ce figement de l’être. Pourtant, de l’autre côté de ces murs, la vie de sa fille continuerait, sans lui. Alors Aaron lui demanda s’il pouvait l’aider d’une quelconque façon durant cet intervalle.

India refusa tout soutien, du moins tant qu’il serait de ce côté-là du Mur et des murs. Elle l’enjoignit à seulement faire en sorte de sortir au plus vite, ce qui, dans le sous-texte, exigeait de lui qu’il maintint un comportement exemplaire. Un rictus amusé gagna le narcotrafiquant. Au plus les années s’écoulaient, au plus les rôles s’inversaient. Sa fille se permettait d’adopter avec lui l’injonctif, et d’ainsi l’assigner et l’assujettir à ce qu’elle estimait qu’il devait faire. India poursuivit en indiquant qu’elle ne rentrerait pas tout de suite à Downfall : elle voulait encore profiter de ce que le pays avait à lui offrir. Elle se retira alors dans un bref silence pensif. Son visage s’était terni. Aaron se tut également, et attendit que sa fille reprenne la parole. Celle-ci finit par s’extraire de ses réflexions et l’informa qu’elle pensait déménager. Elle posa alors des mots sur les maux qui l’avaient gagnée : elle n’avait pas envie de retourner chez elle, tant dans cet appartement qu’à Downfall. Elle invoqua l’exiguïté de ces endroits, trop oppressants pour pouvoir s’y épanouir. Il n’y avait pas que Chacha qui avait besoin de plus d’espace. Mais encore une fois, le père Phillmore demeura silencieux, ne voyant pas l’intérêt d’amorcer une telle discussion tant qu’un plexiglas les empêcherait de trouver un réel réconfort dans une étreinte. De plus, India voulait garder la face. Il n’avait pas le droit de questionner ses décisions et d’en faire vaciller les tenants et aboutissants.
Prise d’une sincère culpabilité, la jeune femme s’excusa auprès de son père d’oser se plaindre du sentiment d’exiguïté qui restreignait son existence, alors que lui vivait confiné. Conservant un sourire doux, Aaron secoua légèrement la tête. « Ne t’excuse pas ; il n’y a pas de mal. Je paye aujourd’hui les conséquences de mes actes. Je n’ai jamais ignoré le risque de la détention et de l’enferment ainsi que du confinement qu’elle impose. Ce dont tu viens de me parler n’a rien à voir, nous ne parlons pas ni ne vivons la même chose. Tes ressentis sont légitimes. » Communiquer de façon explicite et bienveillante n’était pas une compétence qu’il maitrisait vraiment. Or, sa rencontre avec Cathy - la bibliothécaire du centre pénitentiaire, dont l’âge aurait pu être celui de sa mère - lui avait appris à inclure dans son raisonnement une nécessaire empathie. Aaron s’était laissé surprendre à parler avec elle de sa fille, alors désignée comme une nièce. Il était revenu sur certaines des discussions qui les avaient meurtris. Cathy s’était désolée d’entendre qu’ils se parlaient si mal, à se cacher derrière des silences et la froideur des mots, alors que par le langage, ils avaient bien mieux à s’offrir.

India lui demanda à son tour si lui avait besoin de quelque chose. « Non. Enfin, si. J’aimerai que tu acceptes de donner de tes nouvelles à Livia pour qu’elle me les transmette lors de nos parloirs. Je ferai de même. Sinon, ne t’inquiète pas pour moi. J’ai des mandats réguliers qui me permettent de cantiner de quoi cuisiner. Et que je te disais, j’ai la chance de pouvoir passer pas mal de temps hors de cellule, à la bibliothèque, en promenade ou au gymnase. D’ailleurs, je me suis mis au handball, et il paraitrait que je ne suis pas mauvais. » Il eut un bref rire. Et puisqu’il leur restait moins de dix minutes de parloir-visite à partager, Aaron voulait qu’ils se quittent avec le sourire et l’illusion que la vie pourrait continuer les quatorze prochains mois dans une certaine sérénité.



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MessageSujet: Re: [TERMINE] Tu es libre de choisir mais prisonnier de tes choix - avec India Phillmore   [TERMINE] Tu es libre de choisir mais prisonnier de tes choix - avec India Phillmore EmptySam 25 Nov - 16:31




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Si près et si loin à la fois. Le contact physique était impossible et ce dernier ne sera possible que l'été de l'année suivante. À condition que le prisonnier se tienne à l'écart de tout ennui, qu'il ait ce comportement exemplaire qui pourrait peut-être faire diminuer sa peine. Chose qui serait impossible au vu du peu d'années qu'il allait prendre. La justice l'en empêchera. Le vieux Phillmore s'intéressa à ses besoins, mais la jeune femme balaya toute forme d'aide, se projetant dans les semaines à venir qu'elle s'accorderait avant son retour dans l'ex quartier expérimental. Un retour dans lequel elle se dirigeait à reculons. Tout indiquait qu'elle appréciait cette vie loin des sentiments de danger, du masque qu'elle portait à chaque rencontre. Tout indiquait qu'elle ne voulait pas rentrer mais sa fidélité l'y poussait. Pourra-t-elle seulement garder des souvenirs de cette période où elle avait touché du doigt la liberté, la légèreté, l'insouciance d'une vie simple ? Cela faisait écho à la jeune fille souriante, joueuse et naïve qu'elle avait été alors petite lycéenne voulant briller à côté des bimbos du lycée, voulant être aimée, admirée, désirée. Au point d'en être détestable. L'enfant avait bien grandi depuis.

India réalisa que trop tard qu'elle se plaignait de la promiscuité de son appartement, de la taille d'un studio, alors qu'il était enfermé entre quatre murs. Mais son père chercha à la rassurer, ayant conscience que ses actes auraient fini par l'amener un jour ou l'autre dans ce lieu. Et face à ces paroles, la jeune Phillmore se posa la question des activités qu'elle menait à côté, celle d'Hermes. Pourrait-elle finir ainsi ? Avec Tom, ils ne faisaient rien de mal, si ce n'est jouer avec les flux d'informations qui faisaient vivre ce monde, profitant de ces dernières pour s'enrichir. Cela n'avait tué personne, si ? Si. Mais elle ne se sentait pas responsable des actes de ceux qui avaient agi en connaissance. Elle eut un maigre sourire et hocha de la tête alors qu'il parlait de la légitimité de ses ressentis, préférant lui demander si elle pouvait lui amener quelque chose. Les gardes lui avaient autorisé à lui laisser des photos qu'il pourrait garder dans sa cellule. Et la réponse surprit à moitié la brune. Donner des nouvelles via son avocate, au courant de son existence, personne de confiance comme l'avait été Edward, comme l'avait été quelques rares Prayers. India hocha de la tête à sa demande, promesse silencieuse qu'elle passera par la mexicaine pour obtenir et donner des nouvelles. Il avait le nécessaire, et même certains avantages que d'autres au comportement moins exemplaires ne connaîtraient certainement jamais. L'accès à la bibliothèque, à la cantine ou à un sport collectif comme le handball. Aura-t-il le respect de ses paires ? Parviendra-t-il à gagner sans réveiller la colère de l'un d'eux qui voudra le suriner par esprit de vengeance ? L'idée qu'il baignait dans une telle ambiance lui faisait froid dans le dos. Et pourtant, Downfall n'était pas une prison à grande échelle ? N'étaient-ils pas tous prisonniers ?

Fais attention à toi, lui demanda-t-elle dans un murmure.

Et si la conversation touchait à sa fin, elle lui demanda de choisir les photos qu'il souhaitait garder pour lui offrir une fenêtre vers un monde meilleur, fait de couleur, de beaux paysages loin du gris, du bétonné. Quelques paroles furent encore échangées, pudiques et pourtant un aveu sincère de leur lien. Elle aurait donné n'importe quoi pour quelques minutes en plus sans ce plexiglas pour les séparer, pour une étreinte où ils pourraient savoir qu'ils s'aimaient l'un l'autre, malgré les années passées à prendre de la distance pour des raisons qui n'avaient plus lieu d'être. Elle aurait voulu lui dire qu'il lui manquait plus qu'elle ne l'imaginait, que la distance était douloureuse. Mais aucun son ne sortit de sa bouche. Elle sortit de la pièce, jetant un dernier regard vers son géniteur qui la suivait du regard. Un dernier sourire et les porte se fermèrent. India laissa les photos choisies par l'ancien Prayer et les laissa au garde, ayant noté un simple mot à l'arrière de l'une d'elle. "Tendrement, India". Le message était important. Elle espérait qu'il les lui donne. Elle le remercia chaleureusement et sortit de la prison le coeur lourd, prenant la 101 en direction de Crescent-City où un hôtel l'attendait, où elle devait rejoindre un groupe de son âge qui allait faire la fête sur la plage. Une soirée qu'elle passera à refaire le monde autour d'un feu de bois, de quelques bières et d'une musique rythmée. C'était avec nostalgie qu'elle pensait au geek avec qui l'exercice était assez naturel. Elle ressentit la même chose que pour son père. Son meilleur ami lui manquait également. Les jours qui suivront, elle se laissera tentée par un des artistes de la bande pour un tatouage. Un petit chat à sa cheville gauche, discret, mais un lien fort avec l'animal que son père lui avait offert pour ses dix-sept ans. Et sur le chemin du retour, au gré d'une rencontre farfelu à l'aller, elle avait cédé à l'appel d'une nouvelle coupe de cheveux, revenant à une coupe carré, s'offrant le plaisir d'une mèche rouge caché, un souvenir de ce qu'elle avait vécu. Pour lui rappeler que ce n'était pas un rêve, qu'elle était allée à l'extérieur de la ville et qu'elle y avait vu une vie possible, un avenir loin de ce tombeau qu'était Downfall.


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