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 si c’était si facile, tout le mondre le ferait ÷ andrea (octobre 2023)

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Sohan Ellroy
Sohan Ellroy
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MessageSujet: si c’était si facile, tout le mondre le ferait ÷ andrea (octobre 2023)   si c’était si facile, tout le mondre le ferait ÷ andrea (octobre 2023) EmptyVen 22 Déc - 10:46


Si c’était si facile, tout le mondre le ferait


- vendredi 27 octobre 2023, fin de journée -


Sohan avait profité de l’absence de clients pour passer un coup de serpillière dans sa librairie, et faire disparaître les empreintes de pattes du canidé qui avait sillonné les allées. Une averse était tombée sur Downfall en début d’après-midi. Le bitume blanchi par le soleil de Ceres Avenue était devenu noir. Le ciel s’était également obscurci et abaissé sur la ville, avant de libérer un lourd rideau de pluie. Maggy et Sunny s’étaient réfugiées dans la petite librairie lorsque l’orage avait éclaté. Ellroy avait offert un thé à la première – une cliente fidèle, amatrice de romans historiques – et une gamelle d’eau fraîche au second – un chien qui était devenu avec le temps le sien. Tous les trois s’étaient posés dans le petit coin salon de lecture aménagé dans la boutique, et Maggy et Sohan s’étaient alors lancés dans une grande discussion autour de l’histoire de l’Inde.

Les 42 mètres carrés du local avaient été organisés de façon à optimiser au maximum l’espace, et permettre à pas moins de 3 200 livres d’y trouver une place. Une partie de son stock initial avait été des dons, auxquels il avait joint sa collection personnelle. Concrètement, le local était aménagé de sorte à ce qu’une fois la porte passée, se trouvaient à droite un bureau et la caisse, et à gauche un espace de lecture où trônaient deux fauteuils, une table basse et un petit meuble sur lequel étaient mis à disposition une bouilloire, une boite à thé et une cafetière. Juste derrière le coin lecture, Sohan avait retapé une petite étagère où des livres pour enfants étaient entreposés. Des affiches colorées égayaient le rayon enfants et jeunesse. Le rayon le plus à gauche se poursuivait ensuite avec une section comics et bandes dessinées, puis celle des beaux livres d’illustrations. A côté de la caisse, le long du mur de droite, Sohan avait rangé les ouvrages de philosophie et de sciences humaines, puis un rayonnage sur les arts. Enfin, les deux rayons au centre du local concernaient plutôt les œuvres fictionnelles, du fantastique en passant par le polar, la romance et la science-fiction.
La petite librairie solidaire d’Oz accueillait aussi les habitant du quartier à l’occasion de « cafés philo » mensuels, de « soirées lecture à voix haute » devenues hebdomadaires - durant lesquelles Angela transportait rien que par la force de sa voix le petit auditoire dans différents mondes fictionnels -, et de « l’atelier contes pour enfants » - qu’il animait lui-même un mercredi après-midi sur deux, à l’heure du goûter.

Cela faisait maintenant dix-huit mois que la librairie existait. Les finances ne lui permettaient pas toujours de se dégager un salaire, mais les factures étaient réglées. Le Conseiller à la Culture, à l’Education et à la Jeunesse lui avait accordé une petite subvention annuelle au vu des projets d’éducation populaire organisés au sein de la petite boutique. Sohan avait été décrit par cet homme comme « un acteur essentiel du Skid Row, un nourrisseur d’idées et d’imagination ». Le natif avait été profondément touché par cette distinction. Ce soutien officiel l’aidait à oublier les créances officieuses contractualisées avec les Brawling Profits. Ellroy leur devait de l’argent, d’autant que l’augmentation du taux d’intérêt et la quasi-obligation de souscrire à la sécurité qu’ils offraient avaient creusé sa dette. Le mois dernier, il n’avait pu conserver que de quoi régler ses loyers et acheter à manger à Sunny. Ses placards vides avaient été remplis par India et Angela. Oz s’était engagé à les rembourser, sans avoir la moindre idée de quand cela serait réellement possible.

Le soleil perçait à nouveau à travers les nuages de plus en plus épars. D’ici une demi-heure, il fermerait sa boutique. Il était sensé passer la soirée avec Andrea, qu’il n’avait pas revue depuis bien trop longtemps. Cela faisait peut-être trois mois, si ce n’était plus. Tous deux habitant à Skid Row, ils s’étaient croisés les dernières semaines, mais ils n’étaient pas parvenus à se poser plus de cinq minutes ensemble, ailleurs que sur le trottoir où ils s’étaient vus. Andrea travaillait beaucoup, et avait sa vie à gérer. Sohan comprenait qu’elle n’ait pas le temps ou même l’énergie de le voir plus souvent. Cependant, il lui avait trouvé un air soucieux les dernières fois qu’il l’avait croisée. Oz avait alors pris l’initiative de lui dire de passer un soir dans la semaine à la librairie quand il l’avait vue lundi, à deux blocs de là, lui promettant un petit restaurant afin de passer un moment ensemble. Et on était déjà vendredi.


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Andrea Espinoza
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MessageSujet: Re: si c’était si facile, tout le mondre le ferait ÷ andrea (octobre 2023)   si c’était si facile, tout le mondre le ferait ÷ andrea (octobre 2023) EmptyVen 22 Déc - 18:57

Adossée contre le plan de travail de la cuisine de mes parents, les yeux pas encore vraiment ouverts, et pourtant pas tout à fait fermés, je finis de boire ma deuxième tasse de café, grommelant en voyant l’heure avancer sur l’horloge au dessus du frigo. “-On va être en retard les Razmokets !” Aussi bien les mioches que moi, d’ailleurs. Et si je suis pas super fan de l’idée d’être en retard au taff, je le suis encore moins à l’idée d’entendre ma mère m’arracher les oreilles parce que les gosses se sont pris un mot à cause de leurs profs. “-Tous en voiture !” que je lance une nouvelle fois, une annonce suivie par des bruits de pas pressés dans le couloir, puis les escaliers. Bennie a cet énorme sourire sur la tronche que je lui connais depuis…bah…toujours, à vrai dire, alors que Sofia fait la gueule, comme c’est le cas depuis presque deux ans à peu près. Vivement que l’adolescence soit enfin derrière elle, et qu’elle redevienne ma petite sœur, rigolote, et bout en train.

Tout le monde finit par grimper dans la caisse de Raoul, et une minute plus tard, on est sur la route, notre petit frère se chargeant de remplacer la musique par ses bavardages incessants. Je manque d’encore un peu de caféine pour être aussi joviale que d’habitude, même si je tente de plaquer un sourire enjoué sur mes lèvres, sans savoir s’il est convaincant ou pas. Je suis levée depuis moins d’une heure, la nuit a été longue au Fight Club, et il va me falloir encore un peu de temps pour émerger totalement, même si j’essaie de faire bonne figure devant les Minimoy, donnant le change, réagissant aux histoires que raconte Bennie. Sofia est la première à descendre de la voiture, et nous adresse à peine quelques mots, alors que le gamin se tourne vers moi dans une grimace. Je crois que de nous tous, il est celui qui comprend encore moins le changement de caractère de notre sœur.

Pour essayer de lui changer les idées, je monte le volume de la radio, et on chante sur cette chanson qui passe à cet instant, même si c’est plus du yaourt qu’autre chose de mon côté, parce que je la connais à peine. Ce qui, en soit, à pas l’air de bien déranger Bennie, qui se moque gentiment. Les abords de l’école sont pleins de mômes qui courent dans tous les sens -l’angoisse- et après avoir baissé le son, je plante un baiser sur ses cheveux profitant qu’il ait pas encore l’âge de me repousser : “-Bonne journée crevette.” Il me fait un grand sourire, et après avoir vérifié qu’il sait bien qui vient le chercher ce soir, il quitte la voiture et file en courant vers ses amis, avant que le petit groupe rejoigne l’enceinte de l’établissement scolaire. Sans penser au fait que ça peut être carrément étrange une adulte qui squatte devant une école, j’observe toute cette insouciance pendant quelques minutes, me nourrit des éclats de rire, des rumeurs de conversations, de cette belle innocence, en me faisant la remarque que l’époque où j’avais pas besoin de me poser un milliard de questions me manque un peu.

Enfin, pas le temps de s’apitoyer sur le temps qui passe, les galères d’adultes, les mauvaises décisions et toutes ces conneries, je suis attendue. Le parking du Diner est quasi vide, si on excepte la bagnole de Steeve, et celle d’Oleg, à côté de laquelle je me gare. J’ai tout pile le temps d’enfiler mon tablier, de m’attacher les cheveux et d’acheter un café avant que ce soit l’heure de pointer. Et le reste de la journée se déroule comme presque toutes les autres, à vrai dire. On fait l’ouverture du resto en petit comité, nos collègues se pointant petit à petit, puis quelques clients à qui la pluie fait pas peur, arrive ensuite le rush de midi, et rebelote. Pas vraiment de surprise au programme, juste la répétition de la veille, de la semaine d’avant, du mois dernier. Et en même temps, la dernière fois qu’il s’est passé un truc qui sortait de l’ordinaire, un type s’est fait planté sur le parking du resto, avec tout ce qui s’est passé ensuite. Donc ouais…parfois, la routine, c’est pas si mal. Tout tient dans ce mot, parfois.

Je suis pas mécontente quand arrive l’heure de dépointer, et après avoir récupéré un nouveau café à emporter, je retrouve la bagnole, et je repars sans m’attarder. Je prends le temps d’envoyer un message à Sofia pour m’assurer qu’elle et le petit sont bien rentrés, et m’installe dans la voiture. Ce soir, j’ai des choses à faire. Des choses agréables, qui impliquent aucun boulot, job, gang, rien d’autre qu’un vieil ami avec qui j’ai pas passé assez de temps ces derniers mois. C’était pas par manque d’envie, clairement pas. Plutôt un manque d’occasion. Et voilà que celle de réparer tout ça, est là, juste à portée de main. Alors je compte vraiment pas la louper. Je me gare pas loin de la librairie de Sohan, prends le temps de détacher mes cheveux qui attendaient que ça, et après avoir récupéré un carton dans le coffre, je me dirige vers la petite boutique, à quelques mètres de là.

J’ai pas encore passé les portes de la librairie que je devine qu’il y a pas foule dedans. En même temps, vu ce qu’il a flotté tout à l’heure, et le temps qui semble encore mitigé, j’imagine sans peine que les gens préfèrent rester chez eux. Je mets qu’une poignée de secondes à passer les portes, mon regard fouillant déjà les lieux à la recherche du propriétaire…alors qu’un sourire trouve presque automatiquement mes lèvres quand je le trouve : “-Ce n’est que moi !” que je balance en posant mon carton sur le bureau, avant de me rapprocher pour passer un bras autour de ses épaules, et déposer un baiser sur sa joue : “-Salut So !” que j’ajoute, enchaînant en lui demandant comment il va. On s’est croisés plus tôt cette semaine, mais pas assez pour prendre le temps d’avoir une vraie réponse à cette question.

Je pointe du pouce le carton dans mon dos par-dessus mon épaule, reprenant après sa réponse : “-Je t’ai ramené les livres que Bennie a fini de lire, et…” je fouille les poches de ma veste, puis de mon jean, avant d’en tirer un bout de papier d’un air triomphal, que je déplie pour le brandir entre nous : “-J’ai quelques autres emplettes à faire !” Le petit lit à la vitesse de la lumière…ou c’est peut-être juste moi qui lit hyper lentement, ce qui est possible aussi. Puisque les livres seront certainement pas relus, et qu’ils sont dans le même état que celui dans lequel ils ont été acheté, autant qu’ils retrouvent les étagères de la librairie de Sohan, plutôt qu’ils prennent la poussière chez nous.

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Sohan Ellroy
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MessageSujet: Re: si c’était si facile, tout le mondre le ferait ÷ andrea (octobre 2023)   si c’était si facile, tout le mondre le ferait ÷ andrea (octobre 2023) EmptyVen 12 Jan - 14:52


Si c’était si facile, tout le mondre le ferait


- vendredi 27 octobre 2023, fin de journée -


Après s’être figé un instant face à la vitrine qui donnait sur la rue, absorbé par ses pensées, Ellroy se baissa, saisit la hanse du seau et le souleva. Il hésita un instant à le déverser dans la rue avant de finalement opter pour une autre solution, qui éviterait aux passants de marcher dans cette eau sale. Vu ce qu’il venait de pleuvoir, et l’état des trottoirs à Skid Row, cela ne ferait pourtant pas une grande différence. Mais savoir qu’il contribuait à ce qu’il réprouvait lui posait un dilemme éthique plutôt facile à régler : il s’abstiendrait donc, et réagirait comme un grand homme invitait à la faire, en étant le changement qu’on voulait voir dans le monde.
Déposant le seau prêt de la caisse pour ne pas oublier de le remonter chez lui après avoir fermé la boutique, Sohan se glissa derrière le comptoir et entreprit de compter sa caisse. Sachant qu’il y avait laissé 26,50 dollars pour pouvoir faire de la monnaie, la journée lui avait rapporté… Une cliente passa la porte ; son entrée fut annoncée par le mouvement du carillon accroché dans la trajectoire du battant. Relevant le nez de sa caisse, le libraire salua la nouvelle venue : « Bonjour… Oh, Andy ! » Les mains prises par un billet de 5 dollars à gauche et quelques cents à droite, Sohan eut deux-trois secondes de latence, incapable d’organiser son mouvement pour aider son amie dont les bras étaient chargés d’un carton. Espinoza se débrouilla donc seule et déposa son chargement sur le comptoir, avant de s’approcher du propriétaire des lieux et de l’enlacer rapidement. Sohan aperçut alors derrière l’épaule de son amie que Sunny en avait profité pour rentrer. Si l’animal était hors de sa vue, il avait laissé derrière lui des traces de son passage furtif. Mais il n’eut pas le temps de héler la bête pour la sermonner, car Andrea lui demandait comment il allait. « Bien. Tout va plutôt bien par ici. Et toi ? Je suis content de te voir ! »

La jeune femme attira ensuite son attention sur le carton qu’elle avait transporté jusqu’ici. Il contenait les dernières lectures de Bennie, le petit frère d’Espinoza. S’avançant machinalement vers les ouvrages entreposés, Ellroy prit le bout de papier tendu et en lut les inscriptions. « Hum, le second titre, Harry Potter et le Prisonnier d’Azkaban, je ne l’ai plus. Il est parti la semaine dernière. Dès que je remets la main dessus, je le mets de côté pour Monsieur Bennie. Sinon, s’il est trop pressé, il le trouvera certainement à la bibliothèque du centre-ville. Et pour le reste… » Oz relut les titres écrits sur le post-it, puis, silencieux, se glissa jusqu’au rayon « Littérature Jeunesse ». « Ah, il a du être mal rangé, je suis certain de l’avoir… Ah ! Le voilà ! » Le natif profita d’être dans le rayon pour attraper les autres livres recherchés par le jeune Bennie, et y ajouta une oeuvre jeunesse aux illustrations colorées. « Il risque de dire que c’est pour les petits mais l’histoire est vraiment jolie et fait réfléchir sur la famille, en quoi elle est une force mais aussi une faiblesse. Vous pourriez même le lire ensemble. » Non pas qu’Andy devait se limiter à ce type de littérature enfantine au regard de sa maitrise de la lecture. Sohan pensait que le message de fond de ce livre pourrait également la toucher, et être l’occasion de discuter avec son frère autour de ce vaste concept qu’est la famille. « Il va bien le p’tit Bennie d’ailleurs ? Et le reste des Espinoza ? J’ai croisé Sofia il y a deux ou trois jours, dans la rue. Je ne pense pas qu’elle m’ait reconnu… ou alors elle m’a ignoré ? Elle était avec deux copines. C’était peut-être trop la honte de me saluer… ? J’crois que c’est un truc de jeunes ça, non, d’éviter les adultes gênants ? » Oz était connu dans le quartier, et ce, depuis sa plus tendre enfance. Et bien que sa réputation se soit améliorée depuis son sevrage, il y avait bien deux ans, il savait qu’il restait un type « gentil mais chelou ». Aussi, il n’en tenait pas rigueur à l’adolescente de l’avoir ignoré. Et c’était même avec un sourire amusé qu’il en parlait à sa sœur.
Revenant vers le comptoir, Oz y déposa les six livres, vida le carton des ouvrages lus, et y entreposa les nouveaux. « Tu es libre ce soir ? »

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Andrea Espinoza
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MessageSujet: Re: si c’était si facile, tout le mondre le ferait ÷ andrea (octobre 2023)   si c’était si facile, tout le mondre le ferait ÷ andrea (octobre 2023) EmptyVen 19 Jan - 22:00

Pfiou, je suis bien contente qu’il se soit arrêté de pleuvoir au moins un moment, histoire de pouvoir arriver jusqu’à la librairie de Sohan sans devoir me risquer au difficile -et impossible- exercice de passer entre les gouttes. Et puis, inutile de dire que je me serai pas risquée à sortir le carton rempli de livres de la voiture avec cette pluie, pas envie de me faire accuser de crime si les cieux capricieux avaient déversé leur larmes sur la couverture de l’un ou l’autre de ces bouquins. Je sais que pour certains, les livres, c’est ultra sacré. Bennie est un peu de ceux-là, à limite se laver les mains avant de lire un bouquin, s’assurer que y’a aucune miette sur la table, à pas ouvrir le livre trop franchement pour pas qu’il marque. C’est un truc que je trouve mignon, mais dont je serai bien incapable. Enfin, faut dire que je lis pas autant que lui, et que j’ai tendance à balancer le livre dans mon sac comme ça, ou à corner la page quand j’ai pas de quoi la marquer autrement, alors je suis pas vraiment une référence. Enfin, tout ça pour dire qu’il s’est enfin arrêté de pleuvoir, même si, vu la tronche du ciel, je suis pas certaine que ça durera bien longtemps.

Occupé à compter sa caisse quand j’arrive, Sohan me gratifie d’un salut quand il découvre ma tronche, et j’avance jusqu’à lui, déposant le carton de livres. Mon sourire est sincère quand il me répond aller bien, encore davantage quand mon amie d’enfance me souffle qu’il est content de me voir. “-Ça me fait plaisir aussi. J’ai l’impression que beaucoup trop de temps s’est écoulé depuis la dernière fois qu’on s’est vus !” Vraiment vus, j’aurai pu préciser. Vus en tête à tête, pour partager plus que quelques minutes sur un bout de trottoir. Et je sais aussi que c’est en grande partie de ma faute.  Je laisse mon regard traîner quelques secondes sur le comptoir, avant de finir par répondre : “-Et je vais bien aussi, merci. La routine !” que j’ajoute toujours avec ce même sourire, lui adressant un clin d'œil par la même occasion. Cette fichue routine, j’aurai pu dire, mais j’ai aucune envie de me lancer là-dedans, alors je préfère embrayer sur autre chose assez rapidement.

Voilà comment j’en viens à expliquer que le carton fraîchement posé contient les livres que le gamin a lu et qui peuvent retrouver les rayonnages de la librairie pour faire un autre heureux, et que le Minimoy m’a filé une liste de bouquins qu’il espère pouvoir lire un de ces quatre. Je récupère rapidement  le bout de papier, qui change bien vite de main pour passer de la mienne à celle de Sohan : “-Euh…t’es sûr que tu veux pas finir ce que t’étais en train de faire d’abord ?!” que je demande, mon regard faisant l’aller-retour entre mon ami et la caisse qu’il était en train de compter. Ah ben…apparemment non, il est déjà lancé. Ça m'arrache un léger sourire en coin, alors que je suis en train de hocher la tête, et de souffler que je préviendrais Bennie. Je crois que pour éviter qu’il boude, je vais lui proposer d’aller faire un tour à la bibliothèque, comme le suggère Sohan.

Je cale mes fesses contre le bureau, et le regarde déambuler entre les rayons, aussi à l’aise qu’un poisson dans l’eau, et sans vraiment m’en rendre compte, le coin de mes lèvres s’étire de nouveau dans un sourire. Ça fait vraiment plaisir de le voir au milieu de tous ces livres, dans sa petite libraire, dans son élément. Je me sens pourtant me crisper légèrement face à la suggestion de mon ami, celle qui consiste à lire un livre avec mon petit frère sur la famille. Je sais qu’il pense pas à mal, il me viendrait d’ailleurs jamais à l’esprit d’imaginer Sohan souhaiter faire de la peine à qui que ce soit. Pourtant, je me retiens de lui dire que je suis déjà un peu trop bien au courant, que la famille peut aussi bien être une force qu’une faiblesse. Je sais que je serai prête à faire n’importe quoi pour les membres de ma famille. Et quand je dis n’importe quoi, je pense surtout à des trucs ni catholiques, ni très légaux. D’ailleurs, ma collaboration avec l’ex plus grand cartel de la ville en est la preuve même. Pourtant, je ravale ces mots-là, et me contente de répondre : “-Il suffira que je dise à Bennie que c’est une recommandation toute personnelle de ta part, et il sautera sur le bouquin.” Et pour ce qui est de le lire avec lui…ouais, j’imagine que ça peut se faire aussi. Ça doit être un chouette bouquin, pour qu’Oz’ le propose au petit.

Tandis qu’il continue à récupérer les livres de la liste, mon regard se porte vers la rue, de l’autre côté des vitres, et ces gros nuages gris dans le ciel. La tia dirait qu’elle sent la pluie dans ses vieux os, et je pense qu’Elena se tromperait pas vraiment sur le sujet. J’ai pas le temps de jouer les Miss météo bien longtemps que la voix du libraire me fait revenir à la boutique, où je me tourne vers lui, ne retenant pas une grimace quand il parle de mon adorable adolescente de soeur : “-Bennie va relativement bien ! Il sera bientôt plus grand que moi, ce qui, je te l’accorde, est pas si exceptionnel non plus !” que je dis dans un sourire, avant de reprendre : “-Mama va bien aussi. Enfin…elle est fatiguée et son dos lui fait mal même si tu la connais…elle préfère dire que tout va bien.” Si elle croit berner quelqu’un avec ses cernes violette et son sourire épuisé. Je parle pas de mon père, parce que…même moi, j’ai parfois du mal à savoir comment il va. Je le vois très rarement, pour pas dire presque jamais. Il bosse la nuit, le jour, s’octroie quelques précieuses et sacrées heures de sommeil qu’on respecte tous scrupuleusement, même si la plupart du temps, il boit un peu trop pour s’endormir vite et oublier toutes les merdes qu’il a dû faire pour son petit gang à la con. Alors ouais…on va éviter de parler de mon père.

Ce qui nous laisse plus que Sofia, puisque Raoul est un sujet tabou. Je repense à ce que Sohan m’a dit quelques instants plus tôt, et qui me fait légèrement secouer la tête alors que je laisse échapper un soupir : “-Désolée pour l’attitude de ma sœur. Je suis pas certaine que ce soit vraiment rassurant, mais…je suis sûre que si elle me croise dans la rue, elle m’ignorera aussi. Elle est dans cette phase insupportable où elle préfère se murer dans le silence plutôt que communiquer avec nous pour nous dire ce qu’elle a sur le cœur, et elle pense qu’on est tous nuls, qu’on comprend rien à rien, ou qu’on a jamais été adolescents…” que je dis dans une nouvelle grimace, alors de lever les épaules. Je sais pas ce qui arrive à ma sœur, et la vérité, c’est que j’ai parfois du mal à reconnaître la gamine pleine de vie et toujours souriante qu’elle était encore quelques années en arrière. Je sais pas ce qui s’est passé. Je sais pas pourquoi elle a tant changé. Je sais pas pourquoi elle veut plus me parler. Et même si ma mère dit que je lui en ai fait voir de toutes les couleurs quand j’étais ado moi aussi, et que ça passera à Sofia, la abuela m’a déjà dit des tas de fois que c'est pas pareil. Même si, pour être honnête, je sais pas vraiment ce que ça peut vouloir dire.

Sohan est revenu de ce côté-ci de la librairie, et je l’observe vider le carton, et le remplir à nouveau, pour le plus grand plaisir de Bennie : “-Merci pour le Minimoy. Il sera content. Combien je te dois ?” que je demande, sortant quelques billets de la poche de mon jean, alors que je regarde la couverture des livres, dont les titres me disent pas grand-chose. Enfin si, Harry Potter, évidemment que ça me parle. J’ai emprunté le premier au petit quand il l’a terminé, et je compte bien en faire autant avec les suivants. Pas que je sois subitement devenue une grande passionnée de tout ça, mais ça nous fera un sujet de conversation avec le minimoy, et je sais que Ruben adore aussi cette saga, alors je me dis que ça lui fera plaisir qu’on puisse en discuter de temps en temps. Je relève le nez vers Oz quand il me demande si je suis libre ce soir, ce à quoi je réponds par un hochement de tête, embrayant déjà sur sa question : “-On passe chercher à manger quelque part, et on va se poser chez moi ? Depuis le temps que je dis que je dois te faire visiter mon nouvel appart…” que j’ajoute dans une énième grimace qui me donne l’impression d’être la pire amie qui soit. Finalement, peut-être qu’on la tient enfin, cette occasion.

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Sohan Ellroy
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MessageSujet: Re: si c’était si facile, tout le mondre le ferait ÷ andrea (octobre 2023)   si c’était si facile, tout le mondre le ferait ÷ andrea (octobre 2023) EmptySam 27 Jan - 15:37


Si c’était si facile, tout le mondre le ferait


- vendredi 27 octobre 2023, fin de journée -


Jetant les quelques pièces et rares billets qu’il tenait en mains dans la petite boite en métal qui lui servait de caisse, Sohan saisit la liste de livres dressée par les Espinoza et en parcourut les titres. Il se faufila ensuite dans sa librairie afin de préparer la commande du jeune Bennie. Le tome 3 de la saga Harry Potter manquant, il prit la liberté d’ajouter un livre non mentionné. Le natif avait aimé la douceur avec laquelle les aquarelles illustraient un segment de vie d’une famille d’animaux anthropomorphisés. Les différents âges et tempéraments des personnages avaient été symbolisés par des choix de plusieurs espèces. Le personnage principal était un jeune chat, pré-adolescent, qui observait, parfois avec familiarité, d’autres fois avec étrangeté, les membres de sa famille.
Lui tournant le dos, puis revenant vers le comptoir en feuilletant le fameux livre, Ellroy ne vit pas le bref malaise qui avait crispé son amie. Il savait que les choses n’étaient pas toujours simples chez les Espinoza. Comme dans toute famille d’ailleurs. Or, la précarité – quand ce n’était pas la misère – avait tendance à rendre tout plus compliqué. L’amour se heurtait à un principe de réalité qui, brutal, rigidifiait les démonstrations d’affection, les amenuisait, car l’épuisement en réduisait les élans. Et quand les parents, les adultes, les « grands », n’avaient plus que le temps et l’énergie de sourire, ça n’échappait pas aux enfants... Est-ce qu’on pouvait en extrapoler l’hypothèse que le bien-être familial était corrélé à l’état des finances de la famille ?

Gardant cette question pour lui, Sohan préféra prendre des nouvelles des Espinoza, à commencer par le jeune et brillant lecteur Bennie. Selon sa grande sœur, il allait relativement bien. Relativement à quoi ? Le libraire fronça légèrement les sourcils, mais se retint d’appuyer son regard. Il lui poserait la question peut-être plus tard, ou une prochaine fois. Aussi, il se contenta de savoir que l’enfant grandissait, bientôt homme. Mais pour cela, il lui faudrait dépasser sa sœur. Oz sourit à son tour, amusé. Andy sut conserver un ton assez léger au moment de parler de sa mère et de ses problèmes de dos dont elle ne voulait pas se faire plaindre. Le sourire du trentenaire se fana, dessinant une moue désolée. La jeune femme passa sous silence les situations de son père et de Raoul ; Sohan respecta son omerta. Vint donc le tour de Sofia, la cadette, dont il avait croisé la route quelques jours auparavant, et qui l’avait complètement ignoré. Andrea excusa l’attitude de sa sœur, et compatit, se figurant que Sofia serait capable de l’ignorer elle aussi si elles étaient amenées à fouler le même trottoir. En pleine adolescence, la jeune fille refusait tout contact avec le monde, certainement trop sensible à l’impuissance dans laquelle l’autre était et la mettait. « A sa décharge, la première fois que tu commences à comprendre comment fonctionnent vraiment les choses, ça a tendance à laisser sans voix. Qu’est-ce que tu peux bien négocier avec l’injustice ? Du coup, pourquoi parler à tous ces adultes qui vivent avec, se soumettent, plus qu’ils ne se rebellent pour changer et améliorer les choses ? » Les questions qu’il avait soulevées n’appelaient pas forcément de réponses, mais Ellroy jeta néanmoins un regard à son amie afin d’observer sa réaction.

Il s’affaira ensuite à vider le carton pour y ranger les six nouveaux livres qu’acquérait Bennie. Andrea voulut le payer, mais Sohan refusa et se désintéressa totalement des billets sortis. Il demanda plutôt à sa cliente par procuration si elle était disposée et disponible pour passer la soirée avec lui. La jeune femme lui répondit en détaillant le plan qu’elle souhaitait lui soumettre. Un sourire plus léger sur les lèvres, le libraire acquiesça : « Vendu ! » Refermant la boite métallique pour la ranger dans son sac à dos, Oz siffla Sunny. L’animal se fit désirer, et accepta de sortir du recoin où il s’était tapi au second sifflement. Sohan lui adressa un regard réprobateur avant de lui ouvrir la porte, et de le suivre, armé de sa serpillière et de son seau. « Je pose ça chez moi et j’arrive. » Habitué à leur petite routine qui voulait qu’ils partent en promenade, Sunny ne comprit pas que son maître l’appelle tandis qu’il poussait la porte d’entrée du petit immeuble. D’un pas lent, il revint vers Sohan et le suivit jusqu’à l’appartement où il fut enfermé.
Le trentenaire retrouva ensuite Andy devant la boutique dont il ferma l’entrée et baissa le rideau en métal. « Tu veux manger quoi ? On m’a parlé d’un libanais, à deux blocks, apparemment très bon. Il s’est installé il y a peu. Avant, il était au Civic Center mais le prix du loyer était trop… bref. Il fait à emporter à ce qu’on m’a dit. » Talonnant son amie jusqu’à sa voiture, il lui proposa de porter le carton de livres. « T’habites où maintenant du coup ? » demanda-t-il. L’information lui avait été certainement donnée quand ils s’étaient croisés mais refusait de lui revenir en mémoire.


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Andrea Espinoza
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MessageSujet: Re: si c’était si facile, tout le mondre le ferait ÷ andrea (octobre 2023)   si c’était si facile, tout le mondre le ferait ÷ andrea (octobre 2023) EmptyDim 4 Fév - 20:56

J’observe Sohan à la dérobée alors qu’il déambule entre les rayonnages pour s’emparer de livres et d’autres, certains demandés par Bennie, d’autres sélectionnés tout personnellement par mon ami à l’encontre de mon petit frère, qui dévore les livres comme d’autres -moi, en l’occurrence- dévorent des tablettes de chocolat. J’adorerai avoir sa curiosité, me passionner comme lui le fait pour les histoires qui passent entre ses mains. Enfin, je m’en plains pas trop non plus. Depuis une certaine conversation vieille de plus de dix ans, j’ai lu pas mal de livres. J’ai essayé différents genres, m’en remettant aux conseils avisés d’Oz pour ça, mais ma préférence va aux thrillers, même si je reste une lectrice plus que modérée, avec la petite douzaine de livres que je dois lire dans l’année. Des thrillers, ouais…c’est presque ironique. A croire que la noirceur qu’on peut croiser dans les rues de Downfall est pas déjà suffisante comme ça.

Mes yeux curieux quittent la silhouette du libraire pour se poser sur cet endroit que je connais pourtant déjà très bien. C’est plus fort que moi, comme une espèce d’instinct pour essayer de traquer les petits détails qui auraient pu changer depuis mon dernier passage. Si changements il y a eu, ils sont trop ténus pour que je puisse les relever. J’ai de toutes façons pas le temps de zieuter plus en détail que Sohan m’interpelle pour prendre des nouvelles des autres Espinoza, et je tarde pas à expliquer que tout le monde va bien. C’est plus facile, plus simple, plus aisé que de rentrer dans les détails qui tordent le bide. Alors oui, Bennie va bien. Mama aussi. Et même cette petite chipie de Sofia, qu’on a tous du mal à reconnaître ces derniers temps.

Impossible de deviner ce qui se passe dans l’esprit de l’adolescente, qui s’est retranchée y’a trop longtemps déjà dans une petite bulle où elle laisse entrer personne. J’ai essayé de lui demander ce qui se passait, deux ou trois fois, mais sa réaction m’a fait passer l’envie de réitérer, parce que j’ai l’impression qu’à chaque fois que je tente d’aborder le sujet, elle se renferme encore un peu plus, et nous échappe davantage. Enfin, ça justifie pas pour autant qu’elle ait traité Sohan comme elle l’a fait, et ça m’embête pour Oz, qui est une crème. J’excuse l’attitude de l’ado, tente d’apporter quelques explications maladroites à son comportement, rien qui me convint moi-même alors que j’hausse les épaules de dépit. Je m’attendais pas nécessairement à ce que Sohan rebondisse sur mes propos, mais je le quitte pourtant pas du regard quand il me répond, alors que mes yeux se plissent légèrement.

Est-ce que ce serait donc que ça ? Est-ce que tout se justifierait par le fait que Sofia se rend compte de ce monde qui l’entoure ? Est-ce qu’on se serait finalement foiré toutes ces dernières années, quand on essayait surtout de la protéger de ce monde qui l’entoure, et dont elle aura tôt fait de s’apercevoir de la dureté une fois adulte ? J’entrouve les lèvres, prête à lui rétorquer tout ce qui se bouscule dans ma tête, que c’est tout aussi injuste de pas réussir à la préserver de ce chaos ambiant, que c’est pas juste qu’elle puisse pas continuer à être une gosse innocente, éloignée des problèmes d’argent, de santé, de sécurité, sauf que…rien sort de ma bouche, rien d’autre qu’un long soupir, alors que je secoue légèrement la tête de droite à gauche, et me mure à mon tour dans le silence. Et c’est à se demander où ma sœur a pu choper son attitude…

Sohan revient vers le bureau et moi, et remplit le petit carton des livres qui passeront bientôt entre les mains avides de Bennie. Je vois d’ici son sourire quand il verra tout ça, et c’est vrai, ça réchauffe mon coeur, comme à chaque fois que j’y pense. Les billets que je tends au jeune homme restent dans ma main alors qu’il les refuse, ce qui m’arrache une petite moue ennuyée, qui disparaît pourtant rapidement quand le libraire me propose qu’on passe la soirée ensemble, ce que j’accepte aussitôt. Un petit hochement de tête accueille les paroles de Sohan, qui après deux sifflements s’éloigne de moi et quitte la pièce.

J’attends qu’il soit hors de ma vue, me dresse sur la pointe des pieds penchée en avant pour vérifier qu’il est bien parti, et glisse deux billets de dix dollars dans l’un des tiroirs du bureau, avant de quitter la librairie en emportant le petit carton avec moi. Je sais pas si c’est suffisant, vingt dollars, parce que je me rends pas vraiment compte de la valeur d’un livre, mais je pouvais pas partir sans rien laisser du tout. J’ai envie que cet endroit fonctionne, sans doute au moins autant que Sohan, et c’est ma minuscule ridicule petite pierre à l’édifice.

En tout cas, j’ai pas à attendre longtemps le retour de mon ami, et je le regarde baisser le rideau de sa librairie, avant de lui tendre le carton quand il me propose de le porter. “-Merci. Libanais ? Ouais, ça me va bien ! Ça change de ce que je mange habituellement !” que je réponds, en glissant un sourire à son adresse, alors qu’on se dirige vers ma voiture, garée un peu plus loin. Mon regard glisse vers Sohan quand il m’interroge sur ma nouvelle adresse, et je retiens pas une nouvelle mimique ironique : “-Une magnifique villa à Palos Verdes. Une petite pépite, avec piscine, jacuzzi et une immense terrasse !” que je lâche, avant de lui ouvrir le coffre pour qu’il y glisse le carton. Je laisse filer un léger silence, pourtant sans doute bien incapable de leurrer qui que ce soit. “-On habite pas très loin d’ici en vrai, on est restées dans le Skid. Un petit appart en rez de chaussée. Il est plutôt chouette, tu verras !” que je lâche, alors que je prends place derrière le volant. Le Skid, encore et toujours. C’est pas vraiment comme si on avait les moyens d’aller ailleurs, et puis, nos familles sont ici, les garçons aussi, alors…je suis même pas certaine qu’on se soit vraiment posé la question de changer de quartier.

Je me laisse guider par Sohan pour rejoindre le restaurant libanais, et on se gare à quelques mètres de là, avant de se planter devant le menu pour voir ce qu’il y a de bon à manger à l’intérieur. Je suis pas une spécialiste, loin de là même, et je me fie essentiellement aux indications et recommandations de mon ami pour ma commande : un mezzé et des fatayers, qui m’ont mis l’eau à la bouche presque aussitôt. Il se passe pas longtemps avant qu’on retrouve la voiture chargés de nos sachets remplis, puis une dizaine de minutes plus tard, l’appart, qui est plongé dans le noir. J’ouvre la porte, et m’efface pour laisser passer le jeune homme, un geste que je ponctue d’un : “-Entre ! Bienvenue chez moi !” alors que la porte se referme dans notre dos.

Je pose les sachets sur la table basse, et lui propose une rapide visite des lieux, lui détaillant l’espace de vie, qui regroupe le salon, la salle à manger qu’on a pas, et la cuisine. C’est petit, mais c’est chez nous, et ça nous suffit bien. Je lui montre ma chambre, désigne d’un geste du menton la porte close de celle d’Hailey, et lui montre même la petite cour à l’arrière de l’appart, Bigoudi entrant aussitôt pour se jeter sur son pot de croquettes. “-Installe-toi, je vais chercher des assiettes et des couverts !” que je lance en me dirigeant vers le lavabo pour m’y laver les mains, et récupérer ce qu’il nous faut. Deux minutes de plus, et je suis assise sur le canapé à mon tour après avoir mis un léger fond sonore, rien de trop fort évidemment, pour pas ennuyer les voisins. “-On est loin de la villa de rêve, et c'est pas hyper grand, mais je le trouve sympa cette appart.” que je lâche, comme une conclusion à cette visite guidée, alors que je me laisse tomber sur le canapé sans aucune délicatesse.

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Sohan Ellroy
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MessageSujet: Re: si c’était si facile, tout le mondre le ferait ÷ andrea (octobre 2023)   si c’était si facile, tout le mondre le ferait ÷ andrea (octobre 2023) EmptyDim 11 Fév - 11:26


Si c’était si facile, tout le mondre le ferait


- vendredi 27 octobre 2023, fin de journée -


Sunny tenta, d’un regard chargé de supplique, de négocier la promenade habituelle - et escomptée - mais exceptionnellement refusée. Bien trop apte à se laisser séduire par ce genre de détresse surjouée, Sohan accusa un bref soupir et encouragea l’animal à aller manger quelques croquettes dans le coin cuisine. Il avait rempli la gamelle plus qu’il ne l’aurait dû, comme pour réparer, ou du moins atténuer, son acte de trahison. Lorsqu’il donna un tour de clef à la porte de l’appartement, le canidé jappa une fois avant de gémir. Cependant, en écho aux quelques pas qu’Ellroy fit pour reprendre les escaliers, il entendit les griffes de Sunny s’éloigner, certainement en direction de la gamelle bien servie. Un sourire soulagé gagna le trentenaire qui dévala les escaliers, rata une marche mais réussit, par un petit saut, à atterrir plutôt dignement sur ses deux pieds au niveau du pallier du hall, en rez-de-chaussée.
Puis, sa silhouette élancée recrachée sur le trottoir, Sohan abaissa le rideau métallique qui protégeait la vitrine de sa boutique. Andrea l’attendait, les bras chargés du carton de livres. Encore accroupi pour donner un dernier tour de clef à la serrure du rideau, il lui demanda ce qu’elle voulait manger comme type de cuisine, mais ne lui laissa pas le temps de répondre, faisant aussitôt une suggestion qui convint à son amie. Ils iraient donc au libanais récemment installé à Skid Row se prendre quelques mezzés à déguster chez Andy. Prenant le carton des bras de la jeune hispanique, Oz interrogea alors la localisation de leur seconde et dernière destination : l’appartement où vivait Espinoza. Une surprise crédule marqua le visage du libraire quand il apprit que son amie avait trouvé une villa à Palos Verdes. Cependant, son enthousiasme céda rapidement, dès qu’il eut saisi le sarcasme qui animait la jeune femme. Il profita donc du bref silence concédé par l’amertume pour glisser, en guise de soutien : « C’est tellement surfait ». Finalement, Andrea lui annonça qu’ils ne quitteraient pas le quartier, puisqu’elle créchait toujours dans le Skid elle-aussi. Le « on » interpella le natif qui se rappela néanmoins qu’Andy s’était installée en colocation avec une amie. Elle le lui avait dit, la dernière ou avant-dernière fois qu’ils s’étaient croisés. Et si sa mémoire était fiable, il s’agissait de Hailey Riva. Une gamine du Skid elle-aussi. Sohan appréciait l’hispanique, mais un malaise s’était glissé dans leur relation alors qu’ils étaient encore trop jeunes. « J’ai hâte de voir ça » répondit-il sobrement, avec un intérêt toutefois réel.

Une demi-heure leur fut suffisante pour aller au petit traiteur et restaurant libanais, choisir plusieurs mezzés – végétariens pour Oz -, régler la commande et reprendre la route avec pour direction l’appartement d’Andrea. Une fois dans le petit immeuble, la jeune femme le laissa pénétrer en premier dans le logement aménagé avec soin. Sohan resta un moment figé, observant la multitude de détails qui s’offraient à sa vue. L’abondance de couleurs donnait de la vitalité au logement. « Wow, c’est très… chaleureux » déclara-t-il, contemplatif.
Il fit le tour du propriétaire avec son hôte. Une minute suffit à nommer chaque espace et désigner les portes qui resteraient fermées. Or, les iris du natif ne cessaient de s’accrocher aux divers objets et bibelots qui occupaient l’espace. Il resta donc une autre minute, planté au milieu du séjour, à regarder ce qu’il l’entourait. S’affairant côté cuisine, Espinoza l’invita à prendre place dans le coin salon. Sohan sortit de sa torpeur et choisit de s’assoir dans le fauteuil en cuir. L’assise étant basse, il s’y enfonça avec surprise mais confort. Andrea revint vers lui, et lui tendit une assiette et des couverts. Elle fit une nouvelle remarque sur son logement, ambivalente, car consciente de l’écart qu’il existait entre l’envie et la réalité. « C’est l’essentiel, non ? Je le trouve aussi très sympa cet appart. Vous en avez fait quelque chose de vraiment cool ! Ça se passe bien avec le voisinage ? » Car c’était le genre de détails qui pouvait gâcher un appartement.

Le trentenaire se pencha en avant, étirant un bras en direction de la table basse, afin de récupérer les barquettes de mezzés qui l’intéressait. Ellroy proposa cependant à son amie de gouter à tout ce qu’il avait pris. Il commença par les falafels qu’il affectionnait tout particulièrement. D’ailleurs, la bouche pleine, il s’extasia aussitôt : « Ches falafels chont juste divins ! Ch’est bon che que tu manches toi auchi ? » Conscient de son absence de manière, Sohan porta une main désolée à sa bouche et déglutit ce qui occupait sa cavité buccale. « Tu bosses toujours au Pop’s ? Avec Hailey ? » demanda-t-il ensuite, puisqu’ils parlaient bouffe. Bigoudi les avait rejoints, forcément intéressée par ce qui n’était pas dans sa gamelle.


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Andrea Espinoza
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MessageSujet: Re: si c’était si facile, tout le mondre le ferait ÷ andrea (octobre 2023)   si c’était si facile, tout le mondre le ferait ÷ andrea (octobre 2023) EmptyMar 19 Mar - 22:20

Surfait ? Je sais pas si ça l’est, ou pas. Je sais juste que les gens qui ont de la thune du jour au lendemain, alors qu’ils ont galéré toute leur vie, ils finissent tous par se barrer de notre petit quartier pourri pour en rejoindre un autre, où l’herbe est plus verte, et où il suffit d’un coup d'œil à la taille de leur baraque pour deviner le nombre de billets qu’on trouvera dans l’un des portefeuilles de ces proprios. Au fond ? J’aime le Skid, et comme j’ai connu que ça, toute ma vie, je m’y sens chez moi. Je connais ses rues, ses habitants, ses petits commerces, les endroits où il vaut mieux éviter de traîner une fois la nuit tombée. Je sais pas comment ça serait si j’habitais dans un autre quartier, je suis pas certaine que je le saurai un jour, et ça me va bien comme ça.

Au final, on met pas bien longtemps à passer commande dans ce petit resto libanais que je connaissais pas, et le trajet jusqu’à l’appart me fait saliver plus que de raison à cause des odeurs qui s’échappent des sachets. Je le dis pas à Sohan pour éviter qu’il me prenne pour une morfale -à croire qu’il le sait pas déjà- mais j’ai été à deux doigts de m’arrêter sur le côté pour taper dans l’une des barquettes quand mon bide a gargouillé pour la seconde fois. Heureusement, il m’arrive parfois de réussir à faire preuve d’un minimum de savoir-vivre, et de prendre mon mal en patience. Mais ça, c’est seulement parce qu’on est vraiment pas loin de chez moi.

Et en effet, quelques minutes plus tard, on se gare, et on sort de la voiture marchant les quelques mètres qui nous séparent de l’appart. Il y a pas âme qui vive à l’intérieur, pas avant que j’ouvre la porte de la cour à Bigoudi, qui s’engouffre dans les lieux et se rue sur sa gamelle, à croire qu’il a au moins autant faim que moi. La visite que j’offre à Sohan est plutôt sommaire, et pourtant, il a tout ce qu’il y a à avoir sous les yeux. C’est l’avantage de cet appart aux allures de loft, une fois que t’as vu la grande pièce de vie, et les chambres, t’as fait le tour du proprio. La remarque du libraire m’arrache un sourire en coin, alors que je lui réponds aussitôt : “-Tu trouves ? Merci, ça me fait plaisir !” Et y’a qu’à se fier à mon sourire qui s’est agrandi pour savoir que je suis sincère.

Je laisse Sohan à sa découverte de l’appart et file côté cuisine, à quelques pas de là quoi, pour récupérer des couverts et des assiettes pour manger. J’ai toujours une dalle monstre, et bien envie de goûter à ce qui nous attend. Je l’entends prendre place dans mon dos, et quand je me retourne, je le découvre installé dans ce vieux fauteuil que j’ai ramené de mon ancien appart, alors que de mon côté, je m’assois dans le canapé, à quelques pas de lui, la table basse occupée par nos repas.

Déjà occupée à déballer les plats, je relève pourtant le nez vers mon ami quand il rebondit sur mes paroles, alors que je me sens de nouveau sourire à son compliment. “-Merci So’. Sens toi libre de venir quand tu veux, tu sais que la porte t’est toujours ouverte.” que je m’entends dire une nouvelle fois, avant de hocher la tête en ce qui concerne la suite : “-Ouais, ils sont sympas. On est pas très nombreux au final dans l’immeuble. Y’a Hyacinthe, la voisine d’en face. Une petite mamie très gentille. Elle nous laisse souvent des petits mots sur la porte, et on passe la voir de temps en temps. Sa famille lui rend pas souvent visite, et même si elle le dit pas, ils lui manquent. Au-dessus de nous, y’a Marta…qui a très chaud aux fesses, si tu vois ce que je veux dire. Elle est hyper intrusive, et se tape l’incruste de temps en temps, mais elle est marrante. Elle aime parler, elle a d’ailleurs pas la langue dans sa poche, et si elle nous a vu arriver ensemble, elle se pointera sans doute “inopinément”” que je dis en faisant des guillemets pour appuyer mes propos : “...au cours de la soirée pour savoir qui est ce jeune homme sous mon toit. Et en face de chez Marta, y’a une famille, avec deux gosses. Ce sont des petits fripons qui planquent nos fringues quand on les laisse dans la laverie, mais bon…à part ça, ils sont pas méchants.” que j’énumère, avant de sourire une nouvelle fois, laissant même échapper un léger rire : “-Ouais, enfin…j’aurai pu juste te dire que oui, ça se passe bien avec les voisins.” J’ai peut-être utilisé un peu trop de mots pour un truc qui tenait en une poignée d’entre eux.

Au final, les plats sont sortis des sachets, ouverts, et l’odeur envahit davantage l’appart, me mettant encore plus l’eau à la bouche. Sohan me propose de goûter ce qu’il a commandé, et j’avoue que pendant une seconde, je me sens un peu bête quand je lui propose d’en faire autant avant de tilter qu’il a pris des trucs végé. Je lui adresse une petite grimace désolée, et l’espace d’un instant, on pourrait entendre une mouche voler tellement on est occupés avec nos plats respectifs. Et quand Sohan laisse échapper à quel point il aime ce qu’il mange, je m’empresse de lui adresser un vif hochement de tête, alors qu’après avoir montré mon assiette, je lève les deux pouces, façon silencieuse de lui dire que libanais, c’était vraiment une bonne idée.

J’ai à peine vidé ma bouche que j’enchaîne sur une autre bouchée, avant de me figer légèrement à la question de Sohan, me dépêchant presque de mâcher pour pouvoir lui répondre plus vite. C’est à cet instant que je me rends compte que j’ai rien pris à boire, et je me retrouve de nouveau sur mes pieds, bondissant presque du canapé alors que j’ai même pas encore avalé. “-Désolée, je devais avoir tellement faim que je t’ai même pas proposé à boire !” que je lâche d’un ton navré, avant de faire l’inventaire de ce qu’on a dans le frigo. Je suis de retour moins d’une minute plus tard, posant la boisson du libraire à côté de ses plats, alors que je bois une longue gorgée de ma bière en me rasseyant. Ah bah voilà, on est bien là.

Je me sens lorgner sur mon assiette encore bien remplie, et pourtant, tandis que je m’installe en tailleur, je prends le temps de répondre au jeune homme : “-Encore et toujours, oui. Je crois que j’ai atteint mon record au même endroit. Chez Pop’s, chez la tia les jeudis, et au fight club certains soirs. Je commence à avoir une petite routine maintenant.” que j’ajoute dans un léger sourire, sans doute à peine visible, en haussant les épaules. Est-ce que ladite routine me plaît ? Ca, c’est encore un autre sujet, et c’était pas vraiment la question de Sohan non plus. “-Mon…mon manager, tu sais, Steeve, je crois qu’il aimerait bien me donner un peu plus de responsabilités, je crois qu’il a la tête sous l’eau depuis trop longtemps…” que j’ajoute sans trop savoir pourquoi, le formulant à voix haute pour la première fois depuis que je m’en suis aperçu, quelques semaines plus tôt. Hé bah si ça vaut pas une nouvelle gorgée de bière ça…

Je m'exécute donc, faisant nettement baisser le niveau de la bouteille, avant de chasser doucement du bout du pied un Bigoudi aventureux qui tourne avec un peu trop d’intérêt autour de la table basse. Vu toutes les épices que contiennent nos plats, je suis même pas sûre que tout ça serait vraiment bon pour lui. “-Et toi, la librairie ? Ça marche comme tu veux ? Tu es content ?” que je demande à mon tour, posant l’assiette sur mes genoux repliés pour reprendre le repas.

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Sohan Ellroy
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MessageSujet: Re: si c’était si facile, tout le mondre le ferait ÷ andrea (octobre 2023)   si c’était si facile, tout le mondre le ferait ÷ andrea (octobre 2023) EmptySam 30 Mar - 14:18


Si c’était si facile, tout le mondre le ferait


- vendredi 27 octobre 2023, fin de journée -


Oui, vivre à Palos Verdes paraissait réellement surfait au natif. Certains auraient pu l’accuser d’être de mauvaise foi, en dédaignant ainsi le luxe sous couvert de vœux d’humilité, voire de pauvreté. Or, Sohan était sincère dans son souhait de vivre simplement, sans trop de possession, et dans le rejet des artifices. Il avait toujours douté que cela puisse lui apporter le moindre bonheur. A l’inverse, il considérait même le risque de s’aliéner à des objets comme bien trop élevé et dangereux. Il ne rejetait donc pas l’envie de luxe sous le prétexte qu’il n’y aurait jamais accès, mais bien parce qu’il n’en voyait pas la finalité. Il savait se contenter de ce qu’il avait, et ce peu de choses faisait de lui un être d’autant plus libre. Il n’avait pas besoin d’avoir pour être. Cette déconstruction du modèle libéral et individualiste lui était aisée, sa mère lui ayant toujours tenu un discours qui tournait en ridicule les gens fortunés. Elle se satisfaisait d’être une marginale, dans une société capitaliste qu’elle avait en aversion, et qui ne la supportait pas en retour. Ta valeur, elle est là lui avait-elle dit, un jour d’épiphanie, où en bonne mère elle avait touché de son index le front de son fils, avant de pointer son cœur. Donc on s’en fout de ce que tu portes comme vêtement, ou de la marque de céréales que tu manges. Tu veux être le paquet de céréales ? avait-elle ajouté, avec verve. Sur le coup, le petit garçon de sept ou huit ans qu’il était n’avait pas vraiment compris la leçon que tentait de lui enseigner sa mère. Mais cet échange lui était resté en tête, et s’était finalement révélé porteur de sens quand il avait saisi l’avertissement donné : il devait refuser toute équivalence narcissique avec l’objet qu’il pouvait consommer. Donc oui, une villa à Palos Verdes, c’était surfait. Andrea n’en avait pas besoin pour singer une quelconque valeur – à l’exception de la valeur financière de son existence - ; elle valait bien mieux que ce genre de rêve.

Leur repas à emporter dans des sacs en plastique, ils arrivèrent jusqu’à l’appartement de la jeune femme. Le logement était aménagé avec soin et goût. Andrea et Hailey s’étaient créé un petit cocon coloré qui débordait de vie et provquait la bonne humeur. On s’y sentait d’emblée à l’aise. Sohan observa pendant quelques minutes les multiples détails qui s’offraient à ses yeux, avant de rejoindre le coin séjour, et de s’installer dans le fauteuil en cuir après avoir été invité à le faire.
Touchée par les compliments de son ami, Andy lui annonça que la porte de son appartement lui serait toujours ouverte. Elle lui parla des voisins : de la sympathique et âgée Hyacinthe, de la fiévreuse et envahissante Marta, et des deux gamins espiègles. S’excusant de ce long portrait des habitants de l’immeuble, la jeune femme conclut sommairement sa prise de parole en disant que tout se passait bien avec les voisins, répondant ainsi à la question posée initialement. « J’ai toujours aimé les histoires, ces fragments de vie et d’existence qui permettent d’imaginer comment sont les gens qu’on ne connait pas. Et franchement, ça donne envie de les rencontrer ! » la rassura Ellroy, sincère dans sa curiosité stimulée par son amie.

Leur estomac réclamant de manger, ils sortirent les différentes barquettes des sacs et commencèrent à manger. Un silence respectueux de ce qui leur était donné à savourer s’imposa pendant quelques secondes. Voulant s’assurer que son amie prenait autant de plaisir gustatif que lui, Oz souligna se régaler. Ce à quoi Andy souscrit de deux pouces levés.
Son appétit devenant plus raisonnable en voyant qu’il aurait assez à manger, Sohan ralentit la cadence de ses bouchées et relança la discussion. Face à lui, la jeune femme se figea un bref instant avant de bondir du canapé pour se précipiter dans l’espace cuisine. Elle s’excusa de ne lui avoir rien proposé à boire, et lui énuméra ce que le frigo contenait. Il porta son choix sur un jus d’orange, et ils purent trinquer, un sourire complice sur les lèvres, à cette soirée qui s’annonçait satisfaisante.
Puis Espinoza répondit à la question qu’il lui avait adressé une minute plus tôt. Elle confirma toujours travailler Chez Pop’s, et avoir complété ses heures de travail chez la tia et au Fight Club. Fronçant légèrement les sourcils, Oz répéta : « Au Fight Club ? » Sa pensée butait, incapable d’imaginer Andrea sur le ring. « Tu… tu te bats ? » L’incompréhension froissa son visage. Et l’évocation d’un manager dénommé Steeve en rajouta à sa confusion. « Steeve… ? Attends… je suis un peu perdu. » Face à lui, la jeune femme déforma sa moue pour boire une gorgée de bière. Quelque chose clochait. Ellroy avait besoin qu’Andrea explicite un peu plus ses propos pour saisir ce qui lui échappait.

La jeune femme s’intéressa ensuite à la librairie de son ami. Les traits du visage du trentenaire se détendirent tandis qu’il dressa un rapide bilan de sa petite boutique : « Oui, ça marche plutôt bien. Bon, je ne me dégage pas toujours – très rarement aurait été plus honnête - un salaire, mais j’arrive à payer le plus gros des factures. De toute façon, je ne fais pas ça pour l’agent ! La librairie m’offre l’opportunité de rencontrer plein de gens, d’avoir des discussions passionnantes avec eux : on parle des livres, mais pas seulement. Avec une amie, on a monté des ateliers de lecture à voix haute : elle lit des histoires. On a une douzaine d’habitués maintenant. Et j’anime aussi des lectures de contes pour les enfants, de 3 à 11 ans, le mercredi en fin d’après-midi. En ce moment, j’ai deux bons lecteurs qui préparent leur lecture et lisent le conte choisi aux autres enfants. Ça marche plutôt bien ça aussi ! Si Bennie en a envie, il sera le bienvenu. »


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Andrea Espinoza
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MessageSujet: Re: si c’était si facile, tout le mondre le ferait ÷ andrea (octobre 2023)   si c’était si facile, tout le mondre le ferait ÷ andrea (octobre 2023) EmptyDim 5 Mai - 0:16

Quitter la maison familiale, quelques années plus tôt, m’avait semblé être le saint Graal, l’obtention de la sacro-sainte liberté réclamée à grands cris par la quasi majorité des ados et jeunes adultes du monde. Au fond, cette liberté, je l’ai toujours eu. Pas parce que mes parents étaient laxistes, ou s’en foutait, mais plutôt parce qu’avec leurs boulots respectifs, ils avaient pas forcément autant de temps à nous accorder que ce qu’ils auraient voulu. Est-ce qu’on en a profité, avec Raoul, pour faire quelques conneries ? Ha ha ha. Évidemment que oui. On était que des gosses après tout. Et finalement, ce qui était censé être la concrétisation de profonds désirs adolescents, avoir mon propre chez moi, être indépendante, m’assumer seule, a aussi été une nécessité, pour pas peser trop lourd sur le portefeuille de mes parents.

C’est qu’en emménageant dans mon premier appartement que j’ai pris conscience que cette nouvelle vie s’accompagnait de paramètres que j’avais pas pris en compte. J’avais bien sûr pensé à l’organisation même liée au fait de vivre seule, à savoir faire tout ce qui devait être fait par moi-même, au fait qu’il faudrait que je surveille avec attention mes dépenses, surtout si je voulais pouvoir continuer à filer un peu de thunes à mes parents, à ce propriétaire à qui j’allais devoir rendre des comptes, en plus de lui donner un loyer mensuel. Nan, le paramètre que j’avais pas pris en compte, c’est les voisins. Je me suis pas vraiment liée à ceux de mon ancien appart, je rentrais, je sortais, je les saluais vaguement de loin, et voilà. Puis j’ai emménagé avec Hailey, et son côté ultra-sociable fait qu’on parle désormais à tous ceux qui vivent dans le bâtiment avec nous. Et oui, pour répondre à la question de Sohan, ça se passe plutôt bien, parce qu’ils sont tous sympas, avec leurs profils différents.

Je tarde pas à m’excuser de l’avoir saoulée en parlant autant alors que j’aurai pu juste lui dire les choses de quelques mots, mais Oz a pas l’air de m’en tenir rigueur. Je crois même, à la réponse qu’il me donne, qu’il a apprécié tous ces détails que j’ai pu lui fournir, comme si ça pouvait l’aider à mieux se les représenter, à visualiser plus facilement notre quotidien entre ces murs. Je me retiens de lui dire que je suis contente de pas l’avoir bassiné avec tout ça, et lui adresse à la place un sourire reconnaissant. “-On verra si tu diras pareil quand Marta aura débarqué dans le salon !” que je dis dans un clin d'œil amusé, parce qu’elle est à l’opposé du caractère de Sohan : exubérante, bruyante, extravertie au possible. Mais attachante, on peut pas dire le contraire.

Maintenant que la bête dans mon estomac est soulagée d’avoir été nourrie, je me rends compte que j’ai failli à tous mes devoirs d’hôte, ayant oublié de proposer à boire à mon ami, alors qu’on s’est jetés tous les deux sur nos plats respectifs. Je répare cette erreur en quelques instants, revenant auprès de Sohan pour lui dresser un bref portrait de mes journées actuelles : le Diner, le salon de beauté de la tia, et même le fight club, dans lequel je travaille également depuis peu. Bien que chargées, et c’est le moins qu’on puisse dire, mes semaines commencent enfin à être un minimum…stables. Je cours parfois un peu à droite et à gauche, mais ça c’est juste un détail. J’ai jamais trop été du genre à tenir en place de toutes façons.

Sauf que toute occupée que je suis à faire part de mon nouveau quotidien à Sohan, et à manger ce délicieux repas, que je remarque pas tout de suite que je l’ai perdu en lui donnant autant d’infos. J’ai un mouvement d’arrêt et les sourcils qui se haussent haut quand il me demande si je me bats, alors que je me sens secouer presque immédiatement la tête rapidement : “-Oula non ! La plupart des combattants ont des bras qui font la taille de ma cuisse ! Je me ferai casser la gueule en deux secondes ! Je me suis fait embaucher comme serveuse !” que j’explique, sans lui préciser que je connais les gérantes de la salle, et que ça m’a aidé à avoir un job là-bas.

Je me rends compte que ce qui me semble être normal pour moi, parce que c’est mon quotidien, l’est pas forcément autant pour So, qui lit pas dans mes pensées. Et c’est pas plus mal pour lui. “-Excuse-moi, c’est tellement le quotidien que j’oublie que tu es pas dans ma tête pour suivre le cheminement de mes pensées. Steeve, c’est le manager de Pop’s. Celui qui m’a embauché.” que j’explique, avant de boire une gorgée de bière, que je repose sur la table basse. “-Y’a quelques temps, il a été obligé de partir en plein rush pour une urgence familiale…et il m’a confié le Diner. Et depuis ce soir-là…bah…il me donne plus de responsabilités. Me confie des tâches qu’il gardait précieusement pour lui jusque-là. Mais…il le fait, sans me dire pourquoi, tu vois. Sans en discuter, ni rien…enfin, voilà.” que j’ajoute maladroitement en haussant les épaules, sans rien ajouter de plus. Et oui, ça me travaille. Parce qu’à part le salon d’Elena, et justement parce que c’est Elena, je me suis jamais investie nulle part…et il est possible que ça me fasse flipper.

Assez flipper d’ailleurs pour que je recentre la conversation sur Sohan, et m’intéresse à sa petite librairie, celle où je l’ai rejoint pas plus tard que tout à l’heure. Je m’arrête totalement de manger pendant qu’il parle, et me sens hausser les sourcils, puis sourire doucement quand je perçois l’entrain dans ses paroles. Les gens qui parlent d’un truc qu’ils aiment, qui leur tient à cœur, ils ont toujours cette petite étincelle dans le regard qui fait chaud dans la poitrine. Alors, je pense pas à l’interrompre une seule seconde, et l’écoute avec toute l’attention dont je peux faire preuve, oubliant jusqu’à mon repas. Bien sûr qu’il fait pas ça pour l’argent ! C’est ce qui rend ça encore plus beau.

Je suis toujours en train de lui sourire quand Sohan fait preuve de cette indéfectible gentillesse que je lui connais, et propose que Bennie assiste à ces ateliers lecture qu’il a mis en place. “-Je proposerai au petit monstre, mais je suis quasiment sûre qu’il sera plus que partant.” Il a une passion pour les livres que je m’explique pas, mais qui est mignonne. Je reste silencieuse un instant, celui qu’il me faut pour prendre une bouchée et l’apprécier à sa juste valeur, avant de reprendre : “-C’est chouette ce que tu fais. Pour le quartier, et les gosses. Ça fait du bien au Skid, quelqu’un qui s’intéresse vraiment à ses habitants, et oeuvre pour améliorer le coin.” Et parce qu’une fois encore, tous les parents peuvent pas toujours être présents pour lire des histoires à leurs enfants, je trouve ça merveilleux qu’Oz puisse le proposer.

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si c’était si facile, tout le mondre le ferait ÷ andrea (octobre 2023)
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