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 [TERMINE] The less I have the more I gain, ft. India Phillmore

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Aaron D. Phillmore
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MessageSujet: [TERMINE] The less I have the more I gain, ft. India Phillmore   [TERMINE] The less I have the more I gain, ft. India Phillmore EmptyVen 28 Mai - 17:50


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Un dimanche de mai, en soirée, dans le Watts


Le poids de ces cartons, et autres sacs, était bien plus lourd qu’il ne l’aurait cru. Rien à voir avec la quantité de vêtements qu’ils renfermaient. C’était plutôt ce que leur déplacement représentait - le symbole d'un départ - qui lui était si pesant. Tout comme ces placards à présent vides qui marquaient son absence, mais aussi la fin de quelque chose qui avait réussi à survivre jusque-là, pas encore complètement mort bien qu'amoché. Un quelque chose qui avait eu besoin d’une excuse pour revenir, passer par-là et s’attarder.
India l’avait appelé en début de semaine afin de savoir quand elle pourrait passer récupérer ses dernières affaires. Elle venait d’emménager dans le Watts. Aaron s’était alors proposé de les lui amener. Il avait dû insister pour que sa fille accepte son aide en un soupir vaincu. Le vieux Phillmore souhaitait participer à cet instant, à cette séparation. Il voulait montrer à sa fille qu’il la soutenait dans cet élan d’indépendance, pris il y avait de cela déjà quelques années. Or, jusque-là, India avait toujours conservé sa chambre et marqué de touches personnelles ces murs qui avaient contenu l’essentiel de leur relation. Aaron n’était pas dupe. Là où les précédents mouvements de la jeune femme avaient été des aurevoirs, des tentatives de d'éloignement de l'aura paternelle, ce déménagement ressemblait à un adieu. Il n'y avait plus rien pour la retenir.

Claquant la portière du coffre, le Prayer eut un regard pour le soleil qui brûlait depuis quelques jours Downfall. Il ferma la voiture et remonta dans l’appartement pour y prendre une douche et se changer.
Malgré le calme auquel il s’astreignait, Aaron ressentait une angoisse percer ses pensées. Il n'arrivait pas à se débarrasser de cette impression d’avoir rangé dans ce coffre les derniers vestiges de la relation avec sa fille ; ces derniers morceaux d’elle qui singeaient sa présence lorsqu’il poussait la porte de sa chambre, cherchant l’odeur de son parfum et le réconfort de souvenirs. Puis il se rappela, non sans un rictus amusé, qu’il pouvait ouvrir cette porte uniquement parce qu’elle ne s’y cachait plus derrière, cette adolescente révoltée, lasse d’un père qui ne pouvait pas la comprendre, blasée d'avoir été trop régulièrement déçue.
Tandis qu’Aaron, prêt à partir, traversait le couloir, ses pas se figèrent devant le seuil de cette pièce qui fut la chambre d’India et qui se résumait à présent à un matelas nu et des placards vides. « Une chambre d’ami, un bureau ou une salle de sport » qu’elle lui avait suggéré d’un air détaché quand il lui avait dit qu’elle pouvait laisser des affaires là, chez eux, car il ne ferait rien de cet espace. Déposant une main – à laquelle il interdit tout tremblement – sur la poignée, Aaron ferma la porte, quelque peu mélancolique.

La Downfall dominicale était apathique. Le Watts semblait avoir la gueule de bois, ou accuser une sale descente. Quelques âmes s'y traînaient, molles et fatiguées, simples ombres projetées sur les murs colorés à la bombe. Les éclats de rire d'un groupe d'enfants brisèrent le silence morne de la rue. Leur insouciance les rendaient aveugles aux dérives de ces eaux profondes où les conduiraient les années. India aussi avait affiché ce sourire innocent, où le moindre éclat de réalité cachait un univers merveilleux où tout pouvait exister par la simple force de sa pensée. Aujourd'hui, elle avait trop grandi pour avoir encore envie de penser. Car cela faisait mal. Trop mal.

Il était presque 20h quand sa voiture s'immobilisa devant la nouvelle adresse de sa fille. Coinçant son téléphone portable entre son l'oreille et son épaule, Aaron signifia sa présence d'un simple « Je suis là » pourtant si complexe.

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India Phillmore
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MessageSujet: Re: [TERMINE] The less I have the more I gain, ft. India Phillmore   [TERMINE] The less I have the more I gain, ft. India Phillmore EmptySam 12 Juin - 15:06


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Son téléphone était posé sur la table basse. Ses yeux étaient rivés sur celui-ci, le cœur battant. Ses doigts trituraient sa peau. Elle craignait le message qui devait arriver. À plusieurs reprises, sa main se tendit vers l'appareil pour tout annuler mais la jeune femme arrêta son geste. À chaque fois. Alors quand la vibration retentit, elle se roula en boule et sanglota pour ce qu'elle pensait être une dernière fois. Il était temps pour elle d'avancer, de se trouver un appartement. Vivre sans avoir un réel domicile commençait à lui peser. Plusieurs fois, India pensa retourner à Palos Verdes, le temps d'une nuit ou deux mais sa fierté étouffante la ramenait à accepter de dormir sur un canapé. La jeune femme finit par trouver un appartement dans le quartier où elle appréciait vivre : le Watts.

Un petit appartement où il n'y avait pas de chambre et où la cuisine était minuscule. Bien moins spacieux que l'appartement de son père ou celui où elle avait vécu avec Lily, ce fut l'espace réservé à une penderie qui la fit céder. Dans un immeuble vétuste fait de brique, à l'avant-dernier étage, la jeune Phillmore s'était installée. L'entrée amenait directement à une petite cuisine qui était séparée par un comptoir du reste de l'appartement. Dans le prolongement, le canapé limitait l'espace du salon, et dans un coin qui n'était pas visible de l'entrée, le lit était posé contre le mur. Un lit qui convenait à une seule personne, deux tout au plus en étant serré. Le lit faisait face à cette fameuse penderie, pièce qui séparait la salle de bain du reste de l'appartement. Les couleurs étaient neutres, récemment fait et il manquait cruellement de nuances. Un appartement assez froid, impersonnel qui n'avait pas encore eu le temps d'être décoré. Les cartons étaient encore entreposés çà et là. India s'était rendu compte qu'elle ne possédait pas grand chose en dehors d'une quantité de vêtements, de livres et de produits de beauté. Une affiche était accrochée sur un des murs près du lit, image qui l'avait suivi depuis toujours, image rétro de sa passion pour la mode. Ses affaires pour Chacha l'avaient également suivi et c'était tout. Les meubles, certains appartenaient à l'appartement, d'autres avaient achetés pour combler le vide.

Une majorité des cartons avaient été récupérés le tout espacé sur une semaine, quand elle ne travaillait pas, ce qui limitait ses aller-retour. Les dernières affaires qu'elle possédait étaient chez son père et il avait dû insister pour les lui amener directement. Bien que l'idée ne l'enchantait guère, elle accepta à contrecœur. Leurs derniers échanges avaient été particulièrement tendus, là où elle pensait avoir été maligne, elle avait compris ses erreurs. La fougue de la jeunesse avait pris le dessus. India avait tant à apprendre encore. Il fut convenu qu'il les amènerait en fin de semaine, et cette fin de semaine arriva trop rapidement à son goût. Ce dimanche, elle gardait Nolan directement à son domicile pour la journée, sa mère venant le récupérer en début de soirée. Elle s'était arrangée pour qu'elle vienne le récupérer avant l'arrivée de son père qui lui avait dit venir sur les coups des vingt heures. Après une promenade dans le parc du centre-ville, les devoirs faits, les jeux étalés sur la table basse, l'enfant l'aida à sortir des livres des cartons tandis qu'elle s'occupait de ses robes. L'heure passait et elle commençait à s'inquiéter, car la mère de Nolan n'était toujours pas arrivée. Ce fut une dizaine de minutes avant 20h que la sonnette retentit et qu'elle embrassa son fils et la jeune femme, lui donnant une enveloppe pour récupérer son enfant.

À peine la porte fut fermée que son téléphone retentit, sans nom sur l'écran, mais dont le numéro était reconnaissable tant elle le connaissait par cœur. Il était là. India prit une profonde inspiration en se dirigeant vers l'une des fenêtres de l'appartement, voyant plus bas la berline garée, faisant tâche dans le quartier.

J'arrive, répondit-elle sans un mot de plus, raccrochant juste après.

Elle enfila une paire de nu-pieds qui s'associait parfaitement avec une robe patineuse bohème chic courte, beige, au col en V et aux manches courtes. Légère et parfaite pour la chaleur qui commençait à doucement s'installer sur la ville. Elle avait coupé ses cheveux en un carré, libérant ainsi sa nuque. Ses joues s'étaient à nouveau creusées et sa robe cachait les kilos qu'elle avait à nouveau perdus par manque d'appétit. Elle attrapa ses clés, claqua la porte et descendit quelques minutes après Nolan et sa mère. Visage fermé, elle regarda de chaque côté de la rue avant de s'approcher de lui dans une démarche assurée. Une fois à sa hauteur, croisant son regard, tout en restant à distance, India lui demanda tout en observant les vitres de la berline :

C'est tout ce qu'il reste ?

Tout ce qui restait dans l'appartement qui avait été sa maison pendant toutes ses années. C'était à fendre le cœur mais rien ne se reflétait sur son visage. Elle se chargea de prendre un des cartons pour l'amener à l'intérieur, guidant son père sans un mot jusqu'au troisième étage de l'immeuble. Le nom sur la porte était celui de Carter, celui qu'elle avait choisi, clin d'œil à une marque de bijoux et autres produits de luxe qu'elle appréciait, ôtant le i pour ne pas faire trop flagrant. Une fois à l'intérieur, elle déposa le carton non loin de l'arbre à chat. L'animal avait rapidement disparu sous le lit à l'ouverture de la porte, entendant ses griffes racler sur le sol pour un départ précipité.

Alors qu'est-ce que tu en penses ? Demanda-t-elle par principe, pour briser ce silence pesant.


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MessageSujet: Re: [TERMINE] The less I have the more I gain, ft. India Phillmore   [TERMINE] The less I have the more I gain, ft. India Phillmore EmptyLun 21 Juin - 16:37


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Un dimanche de mai, en soirée, dans le Watts


L'appel s'acheva après ces cinq mots, balancés l'air de rien. Pourtant, Aaron avait senti la tension tendre et assécher la voix de sa fille. Ravalant un soupir blessé, il sortit de l'habitable de la voiture, referma la porte derrière lui et s'y adossa, les bras croisés contre le torse. Les « J'arrive » d'India avait toujours été suivi d'un temps d'attente relativement long. Or, cette fois-ci, elle fit rapidement son apparition. Les traits de son visage étaient figés en une expression neutre et dévitalisée. Saillants, ils lui donnaient un air dur et austère. Phillmore s'épargna toute réflexion autour de la raison de cette expression, car il en connaissait déjà les raisons. Elles étaient toujours les mêmes : elle lui en voulait de ne pas être le père qu'elle aurait aimé. Cette insatisfaction typiquement adolescente avait perduré malgré les années, tout comme les reproches, bien qu'elle avait appris à mieux les dissimuler. Aaron savait le passé immuable, à jamais inscrit dans la psyché, alors il s'était demandé comment il pouvait être un autre père, car il n'était pas l'homme qu'elle aurait aimé qu'il soit. Mais India avait décidé de renoncer à ce qu'ils auraient pu être, ensemble, différemment. Au moins, elle savait à quoi s'en tenir. Et puis, en prenant son indépendance, sa fille ne voulait plus rien lui devoir. Ne plus souffrir de ce regard qu'il pouvait poser sur elle, par lequel il la faisait exister là où elle se soustraire.

Une moue contrariée pinça les lèvres du narcotrafiquant lorsqu'il aperçut la silhouette émaciée d'India. Ravalant un soupir, il se décolla de la voiture et s'avança vers le coffre. La jeune femme s'était rapprochée tout en demeurant à une certaine distance. Son attitude farouche agaça son père qui n'en montra rien, claquant seulement un « Bonsoir » en réponse à sa question. Il se permit d'y ajouter un silence pesant avant de reprendre : « Oui. Je n'ai touché à rien. » India était passée, il y avait déjà de cela quelques semaines, faire ces cartons qu'il lui ramenait. Elle n'avait jamais aimé qu'il puisse manipuler ses affaires et prendre le risque de faire des plis disgracieux. Il avait fallu d'une crise d'hystérie alors que sa fille avait seize ans pour qu'il comprenne que ses mains étaient interdites de ses vêtements.
La jeune femme chargea ses bras un peu trop maigres d'un carton. Aaron craignit de la voir se rompre en deux sous le poids, mais India demeura droite et conserva sa démarche assurée et souple tandis qu'elle marchait devant lui, ouvrant le chemin jusqu'à ce chez elle.

L'appartement était de petite taille. La pièce à vivre contenait la cuisine, le séjour et le coin nuit. Dans un renfoncement se cachait une penderie, déjà bien gavée. « Ça ne va pas rentrer... Si ? » Il était prêt à ramener des cartons chez lui, chez eux, si besoin. « Tu as une cave ? » Voir sa gamine vouloir se contenter de si peu lui faisait violence. Mais ces quatre murs qu'elle pouvait se payer l'emplissait certainement d'un sentiment de fierté auquel elle n'était pas prête de renoncer. Alors il se tut, retint les réflexions qui abondaient pour finalement lâcher : « Je pense que tu sauras en faire quelque chose ».

Le petit appartement avait capturé en ses murs une chaleur moite quelque peu étouffante. A moins que ce ne fut l'ambiance tendu qu'il renfermait depuis qu'il y était rentré. « Je vais monter les cartons et sacs qui restent ». Sans attendre la moindre réaction, Aaron s'engagea dans le petit hall et dévala les escaliers.

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MessageSujet: Re: [TERMINE] The less I have the more I gain, ft. India Phillmore   [TERMINE] The less I have the more I gain, ft. India Phillmore EmptyLun 5 Juil - 21:04


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Son père l'attendait devant sa voiture, dans des vêtements qui semblaient lui aller. Il avait écouté les conseils de son enfant sur ce qu'elle considérait comme un impératif : s'habiller à sa taille. Il n'avait pas un problème avec les couleurs, c'était déjà ça, restant toujours dans le sobre. S'intéressant au contenu de la voiture, India s'arrêta à la salutation marquée d'un silence, son regard vert se posant sur lui, n'amenant pas une réponse. Un carton dans les bras, elle grimpa les marches et fit découvrir à son père, le logement qu'elle avait choisi, préférant investir ailleurs que dans quatre murs qu'elle louait. Il faisait pâle figure à côté de celui de Palos Verdes ou l'appartement qu'elle avait eu en colocation avec Lily mais il suffirait au besoin de la jeune femme. Pourtant, elle lui demanda ce qu'il en pensait comme si elle cherchait son approbation. Elle déposa le carton sur son lit entendant l'inquiétude qu'il avait en voyant la penderie. Ses yeux se ramenèrent sur celle-ci, déjà bien garnie. Elle eut un haussement d'épaules, restant à sa place, près du lit. Sans donner de réponse, il lui demanda en retour la présence d'une cave où elle pourrait ranger les derniers cartons qui auraient du mal à trouver leur place.

J'en ai une mais elle sent l'humidité.

Les remontées humides de cette ville près de l'eau rendaient la cave désagréable où il était risqué de laisser des objets de valeur comme ces vêtements. Le vieux Phillmore ne lui donna pas la réponse qu'elle attendait et elle eut une moue à ses mots suivi d'un hochement de tête. Elle saura en faire quelque chose. Quand la motivation serait au rendez-vous.

Je nous prépare à boire. Veux-tu une bière ? Ou tu m'accompagnes au vin ?

Cela lui évitera d'aller faire des allers-retours en compagnie du leader des Prayers of Insanity dans un quartier qu'il tenait. Elle attendit la réponse de son paternel pour s'occuper de sortir la boisson qu'il voudrait, ouvrant une bouteille de vin. Elle servit les verres et les déposa dans un premier temps sur le petit comptoir de la cuisine qui contenait essentiellement des placards vides. Hésitant, elle finit par changer de position pour amener le tout sur la table basse de la partie dédiée au salon, débarrassant au passage les dessins, crayons et autres objets qu'elle gardait pour Nolan. India le laissa amener le reste des cartons, se chargeant de regarder l'intérieur pour sortir les essentiels : certaines robes qui ne méritaient pas de moisir dans des cartons. Des robes qui valaient une jolie somme.

Son père finit par revenir, amenant avec lui le dernier carton. Le malaise pouvait reprendre. Elle le remercia après lui avoir signalé où déposer ledit carton. India se trouvait dans la cuisine, s'occupant de remplir la gamelle de l'animal dont le simple bruit des croquettes suffisait à faire ramener Chacha en furie pour manger, si ce n'est gober sa nourriture. Mais la bête ne sortait pas de sous le lit. Un temps serait nécessaire pour voir le bout de ses moustaches. Le silence s'installa dans la pièce.

Que dire ? Devait-elle parler de l'intervention armée qui était tombée sur Fallenwalk ? De l'échange houleux qu'il y avait eu au Tribunal entre la Mairie et Downfall ? Ou de ce triste événement dans le quartier des Sirènes qui avaient eu de nombreuses victimes et blessés en début d'années ? Rien de trop personnel. Les boissons les attendaient sur la table basse, à côté d'un paquet de chips ouverts mais pourtant la jeune femme resta plantée de l'autre côté du comptoir. La brune se rendit compte des distances plus que physiques qu'elle mettait avec lui alors qu'une part d'elle aurait aimé retrouvé le confort des bras de son père, parce que les derniers mois avaient été rudes pour la jeune fille qu'elle était et resterait malgré ses grands airs. Se pinçant les lèvres elle passa à côté du vieux Phillmore pour aller s'installer sur le canapé, pliant ses jambes de sortes que ses pieds ne touchent pas le sol mais gardant une posture droite et correcte, l'un de ses bras se posant sur le siège du meuble pour faire face à son géniteur. Elle eut le temps d'attraper au passage son verre.

Nous n'avons pas eu l'occasion de faire cela dans l'autre appartement, ce sera l'occasion, dit-elle en tendant son verre vers lui, pour trinquer de ce changement, changement qui serait définitif, qui marquerait un terme à leur cohabitation.

Il eut dans sa voix, malgré tout, une émotion qu'elle ne maîtrisa pas, l'obligeant à avoir un sourire pincé comme si elle était prise sur le vif d'être triste alors qu'elle avait cherché à s'en éloigner pendant toutes ces années.


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MessageSujet: Re: [TERMINE] The less I have the more I gain, ft. India Phillmore   [TERMINE] The less I have the more I gain, ft. India Phillmore EmptyDim 11 Juil - 19:20


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Un dimanche de mai, en soirée, dans le Watts


Sa voix résonna dans la petite cage d'escalier, acceptant la bière proposée. Aaron dévala les escaliers, sortit du petit immeuble, et fut accueilli par le souffle humide et chaud de l'été qui s'installait. Il balaya les environs d'un regard attentif, cherchant des points de repères qui pourraient lui donner des indications quant à l'ambiance générale du quartier choisi par sa fille. La rue était calme, et à l'exception de deux épiceries en rez-de-chaussée, tous les immeubles semblaient renfermer des logements. Les fenêtres ouvertes laissaient sortir les bruits des vies qui s'étaient établies dans les différentes habitations. Aaron perçut la voix sans profondeur d'une émission sportive diffusée sur un radio à laquelle répondait des grognements agacés et vieillis par l'âge. Il entendit aussi le ton enjoué d'enfants qui s'emparaient par la force de leurs jouets d'un château fort, causant le désarroi du seigneur qui y siégeait et luttait de vaines contrariétés. Un appel maternel interrompit la querelle qui s'amorçait pour annoncer que le repas était prêt. Puis le bruit des roues d'un skate-board sur le macadam défoncé attira son attention, et ses yeux butèrent sur deux adolescents qui se dirigeaient vers le parc, deux blocs plus loin, où une soirée « et des meufs » les attendaient. Aaron se sentait étranger à cette vie qui s'écoulait plus ou moins paisiblement, contrainte d'avancer par la mécanique implacable et forcée du temps. Saisi par une sensation de trouble, il se demanda depuis combien de temps il avait perdu le contact avec cette réalité ? Celle qui existait peu importe son autorité, au mépris de sa volonté. A travers les années, le narcotrafiquant s'était habitué à paraître aux endroits où il était attendu, où sa place était définie, où son existence était reconnue, où sa toute-puissance s'étendait sans point de butée, dans un empire solidement sécurisé et protégé. Être ainsi confronté à l'indifférence avait quelque chose d'inquiétant, et de menaçant.

Ses bras se chargèrent de cartons pour deux autres aller-retours. Aaron avait conscience qu'il gagnait du temps, cherchant en lui la patience nécessaire pour accepter le ressentiment avec lequel sa fille s'acharnait à le considérer. La colère qui avait tendu certaines de ses pensées ne parvenait plus à s'affaisser dans une lassitude froide et détachée. Il se sentait contrarié, et voulait percer ce nouvel abcès qui avait gangrené leur dernière blessure. Pourquoi leur relation ne pouvait-elle être réparée ? Pourquoi était-elle constamment à vif ? Infectée de non-dits et de rancœur qu'aucun mot ne pouvait apaiser ? Aaron ne supportait plus cette apathie avec laquelle India le maintenait à distance et méprisait tout ce qu'ils avaient vécu. Il ne supportait plus ce dédain avec lequel elle refusait sa paternité et leur filiation. Alors s'ils devaient se dire au revoir aujourd'hui, il la contraindrait à rompre ce silence derrière lequel elle aimait tant se cacher et par lequel elle parait chacune de ses approches.
Le Prayer revint dans le petit appartement et y déposa le dernier carton. India s'était courbée pour remplir la gamelle du chat. Lorsqu'elle se redressa, la jeune femme lui adressa un regard pensif, et lui offrit l'un de ses habituels silences. Aaron se laissa aller à un soupir agacé, et rompit le contact visuel entre eux. Il prit place dans le séjour, où il fut rapidement rejoint par sa fille. Celle-ci tendit son verre vers lui, et l'invita à trinquer à ce déménagement qui symbolisait tant de choses inachevées. Phillmore perçut l'émotion érailler légèrement l’inflexion de sa voix, et eut une moue peinée.

Aucun toast ne fut porté, seul le tintement du verre se fit entendre, sonnant le glas de leur foyer. Aaron but une gorgée de sa bière, et refusant qu'un énième silence vienne marquer l'agonie de leur relation, il demanda, d'un ton plus abrupt qu'il ne l'aurait souhaité : « Est-ce que tout va bien India ? Tu as encore perdu du poids... » Leur corps avait toujours trahi l'état d'esprit dans lequel ils étaient, faute de pouvoir trouver le chemin des mots pour se libérer des tensions qui contractaient les traits de leur visage, et leurs muscles. Ils avaient du apprendre à s'observer pour se comprendre, sauf que ce langage exhibait et trahissait régulièrement ce qu'ils ne voulaient pas que l'autre voit.

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MessageSujet: Re: [TERMINE] The less I have the more I gain, ft. India Phillmore   [TERMINE] The less I have the more I gain, ft. India Phillmore EmptyVen 16 Juil - 11:17


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Ce trémolo dans la voix, prise en flagrant délit d’une émotion qu’elle se refusait d’avoir, India sut qu’ils avaient tous deux compris qu’elle n’était pas indifférente à ce changement. Elle tendit son verre vers lui, pour trinquer malgré tout. Sans un mot. Le tintement résonna dans ce silence. La jeune femme but une gorgée pour faire passer ce moment. Il n’y avait aucune joie à rompre le lien mais elle ne voyait aucune autre solution que celle-ci. Elle ramena son verre sur ses cuisses, son regard chercha l’animal qui continuait de boulotter sa nourriture. Décidément. Que fallait-il dire ? Tandis qu’elle cherchait un sujet à aborder pour éviter celui qu’elle repoussait à chaque fois, le vieux Phillmore rompit ce silence, troisième membre de leur famille. La question tomba. L’inquiétude d’un père en découvrant son enfant. Le constat était flagrant et malgré l’absence d’échange entre eux, il remarquait sa perte de poids. Encore. Ses yeux verts se posèrent sur lui, avant qu’un sourire amer n’apparaissent sur son visage émacié. Ils glissèrent sur ses mains, ses bras fins, cette robe qui masquait les côtes presque apparentes d’une jeune fille qui se montrait bien incapable d’attraper le taureau par les cornes, d’affronter ce qui lui faisait face. Elle préférait se renfermer, tomber dans un état léthargique où elle était bien incapable d’agir. India avait pendant des années, fonctionné ainsi, faisant le yoyo selon les périodes qu’elle vivait. La plus marquante avait été cette agression. Et alors qu’elle pensait s’être sortie de là, trouvant son corps déformé par sa psyché face à un miroir, prête à utiliser le terme de grosse alors que son bonheur était à son paroxysme, elle ne faisait que replonger dans cette boucle infernale. Sans savoir comment sortir de là, sans savoir si elle voulait vraiment en sortir.

Encore… Souffla-t-elle avec un reniflement faussement amusé.

Encore. Comme s’il avait remarqué les autres fois. Comme s’il y faisait attention. Comme elle avait remarqué sa prise de muscles sur les dernières années, changeant littéralement de carrure, de visage. Il n’était plus le même. Et pourtant, il était toujours lui. Il était toujours son père. La jeune femme eut un mouvement de tête, alors que celle-ci s’appuyait sur son bras posé sur le siège du canapé. Non.

Et ? Demanda-t-elle sans en dire plus, avec un haussement d’épaule, là pour banaliser ce changement.

Ce simple mot était chargé d’une forte intensité. Il ne leur était pas inconnu. Alors que tout montrait qu’elle n’allait pas bien, de ses mouvements, son corps, India tenait encore debout grâce à une fierté démesurée. Un mental qu’elle croyait d’acier mais elle n’était en rien un robot, chose qu’elle devrait essayer de se rappeler. Et peut-être était-ce l’agacement, ou autre chose, elle finit par ajouter, aussi détachée que possible :

Je vais bien. Je me trouvais un peu trop grosse, j’ai éliminé ce qu’il y avait en trop pour que je me sente à nouveau bien.

Et elle avait perdu définitivement une partie d’elle dans ce processus. À présent seule, dans cet appartement, elle aurait tout donné pour retrouver le confort de cet appartement avec sa colocataire, la routine qu’elles avaient, la confiance qui s’était installée avec le temps, malgré leur différence. Elle aurait tout donné pour être à nouveau la petite India Phillmore, âgée d’une dizaine d’année qui montrait déjà un caractère fort, et était pourtant encore ampli d’une grande naïveté, qui voyait le monde autrement, plus simplement, qui n’avait d’yeux que pour son père, cet homme absent mais pourtant ce héros, celui qui chassait les monstres sous son lit, celui qui venait déposer un baiser sur son front chaque soir alors même qu’il rentrait tard et que la petite fille attendait, les yeux fermés, pour recevoir cette affection qu’il lui donnait, sourire aux lèvres, de savoir qu’il était rentré.


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MessageSujet: Re: [TERMINE] The less I have the more I gain, ft. India Phillmore   [TERMINE] The less I have the more I gain, ft. India Phillmore EmptyJeu 22 Juil - 14:19


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Un dimanche de mai, en soirée, dans le Watts


Non, il ne parvenait plus à feindre cette indifférence par laquelle il avait cru pouvoir préserver sa fille. Car il comprenait aujourd'hui qu'il n'avait su, par ce moyen, uniquement se protéger lui-même, abandonnant India aux affres d'un inaccessible, d'un insaisissable qui constellait aujourd'hui leur relation. La jeune femme s'était construite dans le mimétisme, reproduisant cette attitude insondable qu'elle méprenait pour de la force. Aaron se libéra d'un soupir à la lassitude appuyée. Il ne pouvait pas lui en vouloir : elle était ce qu'il avait fait d'elle. Pourtant, il aurait voulu qu'elle soit meilleure que lui.
Ainsi, la faute lui revenait, et en pleine gueule. Ce dédain qu'elle affichait, non sans orgueil, n'était qu'une parade qui cherchait à aveugler une psyché guettée par la mélancolie. L'impossible renoncement, telle était leur malédiction. Ils refusaient de pouvoir être pris à défaut, exhibant une invulnérabilité que leur charisme arrogant falsifiait avec tant d'aisance. Or, ils étaient faibles ; faibles de penser que le monde se soumettrait à leur volonté, parce que il ne saurait en être autrement. Cette fierté maladive tentait de distordre une réalité pourtant inflexible, indomptable, inexorable. D'où l'impasse où ils se retrouvaient aujourd'hui, confrontés à un reflet trop familier qui leur renvoyait la difformité de leur psyché, son absurdité, sa désolation.

Alors Aaron s'attaqua à cette illusion par laquelle India se présentait à lui, déterminé à en dissiper les mirages. Son regard glissa sur le corps de la jeune femme, butant sur ses articulations noueuses et osseuses. Il remonta ensuite vers ce visage émacié qu'aucune émotion ne se décidait à froisser. D'un reniflement sec, India feignit de s'amuser de la remarque de son père. Or, le Prayer perçut tout l'ennui qui la tendait. Persévérant dans ce rôle de l'imperturbable, sa fille lui demanda d'expliciter son propos d'un « Et ? » qui secoua brutalement la psyché de son père et la fendit. Un souffle de colère balaya sa conscience, érodant toute réserve et pudeur.
Assourdi par cette ire offensée, Aaron entendit à peine les mots qui suivirent. Impatient, il s'exclama avant qu'India ne puisse terminer : « A quoi tu joues ? Je ne comprends pas. Je... » Le Prayer se leva d'un coup, le corps tendu par l'irritation. Il fit quelques pas dans le petit séjour encombré de trop de cartons, avant s'éloigner pour rejoindre une fenêtre et y perdre son regard. Tant que sa fille jouerait ce rôle, il ne désirait plus la regarder. Il ne supportait plus la violence de cette mascarade évidée de toute spontanéité. « Arrêtons ces silences India. Arrêtons ces mensonges et autres artifices. Je vois bien quand tu perds du poids. Et je vois bien quand ça ne va pas. » Il avait appuyé sur ce « Et », refusant la banalisation par laquelle sa fille désirait écarter le sujet.

Les yeux braqués sur la vue minable qu'offrait la fenêtre, Aaron tenta de tempérer le ton de sa voix et d'en limiter la dureté. « Je ne veux plus de tout ça ». Non, il n'accepterait plus ces silences écorchés vifs, assourdissants par les non-dits qu'ils condensaient. Non, il n'assumerait plus ces fausses discussions par lesquelles ils s'efforçaient de ne rien dire. Non, il n'endosserait plus ce rôle qu'elle voulait tant lui faire porter, par des jeux inconscients qui les aliénaient à cette relation stérilisée. « Parle moi » ordonna t-il. Qu'elle lui dise ce qui l'attristait. Quelle lui dise ce qui l'effrayait. Qu'elle lui dise ce qui la contrariait. Qu'elle lui dise ce qu'elle voulait.

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MessageSujet: Re: [TERMINE] The less I have the more I gain, ft. India Phillmore   [TERMINE] The less I have the more I gain, ft. India Phillmore EmptyJeu 29 Juil - 12:45


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L’ironie de ses paroles n’eut pas le temps d’atteindre les oreilles de son père que ce dernier la coupa dans son élan pour lui demander ce qu’il lui passait par la tête. India termina sa phrase froidement alors qu’il se levait brusquement. La tension était perceptible dans son attitude. La jeune femme le suivit du regard alors qu’il se dirigeait vers l’une des fenêtres, poursuivant son discours. Elle se tendit à ses paroles, ses yeux verts se fixèrent sur la porte d’entrée à présent fermée, les mâchoires tendues. Le vieux Phillmore lui ordonnait d’arrêter d’être ce qu’elle avait construit depuis quelques années. Une image de lui, un reflet pourtant inégalable du père. Une pâle copie qui l’obligeait à aller toujours plus loin, dépassant toujours plus les limites de l’acceptable. Il touchait pourtant juste quand il lui disait voir son état. La mal-être dans lequel India baignait en ce moment, effacé par tous les artifices qu’il lui était possible de mettre. Tout cela était vrai. Mais cela le concernait-il ?

Le dos tourné, la jeune Phillmore laissa le silence répondre à ces mots, sentant sa gorge sèche et sa bouche devenir pâteuse. Elle en profita pour prendre une gorgée de vin, n’enlevant en rien l’aigreur qui s’installait en elle. Il ne voulait plus de tout cela. Le ton était donné. A présent, il ordonnait à ce qu’elle lui parle. Elle eut un nouveau reniflement alors qu’elle déposait le verre sur la table basse.

C’est à mon tour de ne pas comprendre, soupira-t-elle feignant l’ennui.

Sa main se posa sur le coussin où son père s’était appuyé un peu plus tôt, le tapotant pour lui redonner sa forme initiale, le replaçant comme il fallait. Elle eut un mouvement de tête pour accompagner les paroles qui suivirent, toujours calme.

Tu ne veux plus de tout ça, très bien. Ça fait de toi le père de l’année, une nouvelle fois. De quoi veux-tu parler ?

Rien ne le concernait. Il avait perdu le droit de savoir au fur et à mesure que leur relation se délitait. Parce qu’il s’était montré toujours inaccessible, insondable, insaisissable et qu’elle avait cherché à tendre vers ce qu’elle pensait être une forme de perfection. Pourtant India avait eu l’occasion de briser ce mur qu’elle avait forgé autour d’elle pour lui ressembler. Il avait pu voir à travers la brèche, voir l’enfant qu’elle était toujours, aussi perdue en colère et fragile. Mais elle l’avait cimenté, renforcée pour ne plus être montré cela. Pourtant, une partie d’elle n’était pas fermée au dialogue, une partie d’elle l’avait empêché de lui dire de partir, une partie d’elle savait que si elle mettait un terme à cette relation, elle serait définitivement seule. Le reste ne comptait pas. Comment renouer le dialogue quand celui-ci c’était perdu en cours de route ?


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MessageSujet: Re: [TERMINE] The less I have the more I gain, ft. India Phillmore   [TERMINE] The less I have the more I gain, ft. India Phillmore EmptyDim 8 Aoû - 10:32


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Un dimanche de mai, en soirée, dans le Watts


Et l'imperturbable ne cilla pas. De guerre lasse, India prétendit, après un silence, ne pas comprendre où son père voulait en venir. Aaron serra les mâchoires, le regard toujours perdu dans ce qui s'offrait à lui du Watts, les bras croisés contre la poitrine. Celle-ci se gonflait sous l'effet des profondes inspirations qui remplissaient ses poumons. Le Prayer ravala difficilement cette envie de violence que lui inspirait le dédain avec lequel sa fille persévérait à le considérer. Elle était prête à parer les coups, autant sur la défensive que dans la défiance. Elle ne reconnaissait plus son autorité, ayant certainement compris à force de le singer, que son charisme n'était qu'une illusion. Cette ascendance était une sorte de pouvoir qu'il ne pouvait exercer qu'à condition qu'on le lui reconnaisse. Car, autrement, il ne s'agissait que des ébats d'un orgueil exalté par un appétit narcissique. India s'était soustraite à toute complaisance à son égard, et elle percevait alors toute la vanité qui animait son père. Donc, quand il lui ordonna de parler, elle s'autorisa un cynisme flegmatique. Elle lui renvoya son injonction, l'obligeant à parler de nouveau s'il espérait pouvoir obtenir d'elle ce dialogue qu'il exigeait, espérait. Aaron comprit alors que les mots qu'ils utilisaient depuis déjà trop d'années étaient évidés de toute affection, ce qui en dénaturait parfois même le sens. Ainsi, leurs mots ne parvenaient plus à donner consistance à leurs échanges ; des échanges toujours plus lisses, avec toujours moins d'aspérité. La jeune femme attendait donc de lui qu'il change les règles du jeu, en en montrant une première manœuvre, avant d'éventuellement l'imiter.

Aaron se fit l'écho des soupirs qui secouaient sa fille. L'inflammation de sa psyché se calmait sous l'effet d'une tempérance qu'il retrouvait peu à peu. Il conserva néanmoins l'impulsivité contrariée qui l'agitait toujours, refusant tout principe de retenue par lequel le silence devenait roi. Car cette réserve s'apparentait à de la lâcheté. Il était facile de se dissimuler dans le mutisme, dans l'omission, dans le secret. Parler revenait toujours à prendre un risque. Celui d'être contredit. Ou encore celui de ne pas être entendu. Étaient-ils prêts ? Ils s'étaient cassés quelques dents, or les dents ne repoussaient pas.

« J'aurai voulu... » Non. Il ne pouvait pas rejeter la faute sur elle et ainsi l'accuser de ses propres erreurs. Nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude. Cette relation endommagée était de son fait, parce qu'il en avait négligé bien des aspects. Alors, Aaron se reprit : « Sois meilleure que moi, ma fille ». Il lui avouait toute sa finitude, là où il attendait d'elle une promesse de grandeur. Car, malgré le rôle qu'il jouait encore sur l'échiquier downfallien, Aaron appartenait au passé. Il n'irait qu'en déclinant. Et bientôt, il ne serait plus. Seulement un héritage. Avant de sombrer dans l'oubli. India pouvait, quant à elle, connaître de nouvelles opportunités. Elle pouvait agir en ce monde autant en construction et évolution qu'elle. Il comprenait sa colère et son insolence vis-à-vis de lui mais si sa fille ne parvenait pas à se satisfaire de la situation dans laquelle elle était, elle se devait d'être le changement qu'elle voulait voir. Aaron tentait également de changer certains aspects de ce personnage qu'il s'était créé, de ce narcotrafiquant sans foi ni loi qui n'obéissait qu'à une avidité qui jamais ne serait rassasiée. Il espérait, un jour, savoir renoncer, et accueillir le manque sans pour autant se sentir amputé narcissiquement. Car cet appétit dévorant qui le mouvait était une forme de violence à laquelle seule la violence pouvait répondre.

Phillmore finit par poser son regard sur sa fille pour la considérer dans un mélange d'attachement et de regret. Il n'avait qu'elle. Elle était la seule chose qui n'avait jamais vraiment compté. Il eut alors une pensée pour Louis. Pour ce fils qu'il n'avait pas désiré, et qu'il n'était pas en droit d'aimer. Lily l'avait averti : elle ne voulait pas de sa présence à leurs côtés. Il n'aurait aucun rôle à jouer auprès de cet enfant. Aaron aurait du en ressentir du soulagement. Mais il en éprouvait une sorte d'amertume. D'inachevé.

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MessageSujet: Re: [TERMINE] The less I have the more I gain, ft. India Phillmore   [TERMINE] The less I have the more I gain, ft. India Phillmore EmptyMar 24 Aoû - 17:54


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Comment garder une relation quand le lien semblait rompu ? Elle craignait de finir seule mais se sentait incapable de lui tendre la main tant elle avait cherché à se protéger du monde qui l’entourait par crainte de souffrir. Il était préférable de penser que rien ne pouvait l’impacter. Alors que c’était tout l’inverse. Surtout lorsque cela concernait son père. Elle se pensa plus maligne en lui retournant la question, l’invitant à montrer le chemin qu’il voulait prendre. Parler. Il voulait parler mais ils n’avaient rien à se dire. Plus depuis longtemps. Ils étaient incapables de faire preuve de ce qu’elle pensait être une faiblesse : s’ouvrir à l’autre car elle croyait qu’il pourrait profiter de cette ouverture pour frapper. Le voyait-elle encore comme son père ou l’avait-elle masqué par son statut de chef des Prayers ?

Ce dernier soupira avant de commencer une phrase qu’il stoppa dans son élan. Il aurait voulu quelque chose qu’il ne pouvait lui dire. À la place, il lui sortit une banalité qui fit pousser un soupir d’exaspération à sa fille. Elle comprenait ce qu’il voulait dire par là, elle comprenait le poids de ses quelques mots, le regard qu’il avait sur lui-même, mais il n’était toujours pas foutu de montrer l’exemple. Quarante ans passés, il n’apprenait toujours rien. C’était particulièrement présomptueux de la part d’une jeune femme de son âge de penser cela. Mais India se pensait supérieure en tout. Elle croisa le regard de son père où elle crut y lire une forme de regret quand le sien était traversé par une once de colère.

Mais je le suis … Lâcha-t-elle doucereuse. Si c’est cela qui t’inquiète, je le suis. Je ne t’ai pas attendu pour. Tu as choisi la facilité quand tu en as eu l’opportunité, l’argent facile quand tu aurais pu choisir la légalité pour vivre, tu as choisi de profiter du malheur des autres pour t’enrichir et croire que tu pouvais être heureux avec ça. Ce n’est pas difficile d’être meilleur que toi.

Acerbe, elle l’était. Insupportable aussi mais elle ne pouvait plus reculer quand bien même une partie d’elle regrettait d’en arriver là. C’était ainsi. Et une idée germa dans son esprit. Elle devait être meilleure que lui, même si elle était incapable de parler. Il entendrait ce qui l’habite, pointerait du doigt une faiblesse par ce qu'elle pensait être une stratégie mais c'était un mensonge qu'elle se donnait. Il ne saurait pas tout. Il ne saurait la raison de sa perte de poids.

Tu sais … Dit-elle en prenant une pause, peut-être pour se laisser quelques secondes de plus pour trouver les mots. Tu es fini, papa. Ce n’est plus qu’une question d’années, peut-être de mois mais tu es fini. J’ai appris pour la descente des flics de Fallenwalk, les infos arrivent vite. Ils n’en ont pas fini avec vous et leur échec les a d’autant plus motivés à éliminer ton cartel. Tu es fini. Les habitants ne veulent pas de vous, ils sont fatigués d’être au milieu d’éternelles guerres de territoire.

Les habitants finiront par être des dommages collatéraux. La ville cherchait à se reconstruire, à se donner une certaine image pour que le reste du monde l’accepte. Mais Downfall avait toujours été unique en son genre. Est-ce qu’elle pourrait survivre sans la criminalité qui la faisait vivre ou était-elle arrivée à son paroxysme et ne pouvait plus accepter que des bandits y fassent la loi ? Il y avait d’autres moyens, d’autres méthodes. Des jeux politiques en dessous qui pourraient donner à la ville une chance d’exister sans eux. Droite, elle lui faisait face masquant les émotions qui la traversaient.

Tu finiras par te faire arrêter. L’année dernière n’a été que le commencement de ton déclin… Je ne survivrais pas à ça… Alors je préfère mettre mes distances avec toi dès maintenant. Je préfère me dire que nous ne sommes déjà plus rien l’un pour l’autre parce que je finirai par te perdre tôt ou tard.

Et c’était un hurlement silencieux que son corps lançait. Elle souffrait à l’idée qu’il disparaisse de sa vie, de cette ville. Une peine de mort ? Une prison à vie ? Sûrement la seconde solution. India lui confessait la distance qu’elle mettait avec lui, les raisons qui l’amenaient à agir ainsi. Mais elle souffrait de ce choix, quand bien même leur relation ne tenait qu’à un fil. Ils n’avaient qu’eux. Sohan avait gagné sa place mais son père était tout malgré tout.

Est-ce que c’est ce que tu voulais entendre ? Te voilà rassuré ?

Parce qu’elle ne pouvait pas rester sur une émotion qu’elle ne pourrait maîtriser.




What a Face What a Face What a Face What a Face

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MessageSujet: Re: [TERMINE] The less I have the more I gain, ft. India Phillmore   [TERMINE] The less I have the more I gain, ft. India Phillmore EmptyDim 29 Aoû - 18:34


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Un dimanche de mai, en soirée, dans le Watts

Quelques secondes auparavant, alors que son regard courrait sur les façades défranchies du Watts, ses pensées s'étaient arrêtées sur une question : étaient-ils prêts ? Étaient-ils prêts à se défaire des simulacres qu'autorisait le silence pour révéler les chemins de leur psyché ? Étaient-ils prêts à s'exposer, toute résistance abattue, au regard de l'autre et d'en accepter le jugement ? Cette question était restée suspendue, sans réponse, tandis qu'il se hasardait avec des mots dont il ne maîtrisait plus rien. Aaron l'enjoignit à dépasser l'homme qu'il était, à transcender son existence bientôt achevée. Sauf qu'India souffla un vent de colère sur ce fébrile espoir, préférant déraciner que récolter ce qu'il avait semer. Le regard de la jeune femme se durcit en croisant celui du narcotrafiquant. Il y lut une rancœur qu'il avait, par confort, sous-estimé. Plissant légèrement les yeux d'un froncement de sourcil inquiet, Aaron se résigna au silence, percevant clairement dans le regard de sa fille les idées s'orchestrer au rythme d'une ire qu'il méritait.

La réponse à cette question demeurée jusque-là suspendue s'imposa alors ; c'était un non. Non il n'était pas prêt. Pas plus qu'elle l'était. Parce qu'ils s'étaient enlisés dans un jeu de dupes où l'omerta régnait par ses silences et ses non-dits, ne ployant que sous l'effet d'explosions émotionnelles au souffle trop violent pour être contenu par les murs de cette forteresse de lâcheté. Il n'était pas prêt à l'entendre étaler ses reproches par lesquels elle l'avilissait, le méprisait.
Sauf que, pendant qu'elle parlait de lui, elle ne disait rien d'elle. India multiplia un tutoiement accusateur. Elle impliqua des « ils » acteurs et témoins de cet empire qui n'était qu'un château de cartes. Or elle demeurait incapable d'utiliser ce « je » qui la contraignait à dévoiler son jeu.
Le souffle court, Aaron accusa les coups, avec une arrogance de parade qui refusa de s'effacer. Le regard ferme, il attendait qu'elle se taise, que sa bouche se flétrisse par tant d'amertume, qu'elle se dessèche par tant de maux.

Raidie par l'orgueil, India poursuivit, inflexible, agressive, incisive. Le Prayer acceptait une partie des torts qu'elle lui crachait au visage. Il en convenait même, presque soulagé : en effet, il n'était pas difficile d'être meilleur que lui. L'évidence le heurta sans qu'il n'en montre rien. Néanmoins, demeurait une sorte d'insatisfaction. Peut-être que, naïvement, il avait pensé qu'en se montrant plus digne que lui, elle aurait trouvé le bonheur. Mais force était de constater que non ; India n'était que ressentiment. Les illusions s'étaient dissipées, et l'aveuglement levé : elle le voyait tel qu'il était. Et elle lui en voulait de n'être que ça. Elle lui en voulait d'être un homme dont elle percevait à présent toute la finitude, un homme sur le déclin, un homme défait, un homme défaillant. Un père défaillant sur qui elle ne pouvait plus compter.
Une masse obstrua soudainement la gorge du narcotrafiquant qui voulut reculer d'un pas. Son dos frappa le cadre de la fenêtre, empêchant tout mouvement de retrait. Enfin, elle dévoilait son « je ». Enfin elle lui disait ce qui pesait sur son estomac au point de lui en couper l'appétit : India se préparait à le perdre, entamant un processus de deuil afin de parvenir à renoncer à lui avant que le principe de réalité ne le soustrait à son existence. Car il lui était impossible d'imaginer perdre le contrôle. Le rejeter, c'était renoncer parce qu'elle le voulait.

Aaron déglutit difficilement un maigre filet de salive. Était-ce qu'il avait désiré entendre ? Était-il rassuré ? Non. Il était... « Je suis désolé » Il avait été trop égocentrique pour apercevoir les terres dévastées qui s'étiraient autour de lui. Jessica, Lily, India. La culpabilité percuta alors son ego, faisant vaciller ce qu'il essayait depuis trop longtemps de tenir comme acceptable. Après moi, le déluge. Il se sentait si lâche. « Tu as raison. Ce n'est pas difficile d'être meilleure... Mais cela ne te semble pas te rendre heureuse pour autant... » Phillmore ne savait pas trop pourquoi il lui balançait ça, d'une voix aussi morne, presque indifférente. Mais son regard brillait d'une mélancolie vive et coupable. Être meilleure que lui n'était peut-être pas une fin en soi.

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MessageSujet: Re: [TERMINE] The less I have the more I gain, ft. India Phillmore   [TERMINE] The less I have the more I gain, ft. India Phillmore EmptyLun 6 Sep - 13:48


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Derrière ce visage imperturbable qu'elle avait forgé avec les années, dans l'espoir d'arriver à atteindre, peut-être sans jamais égaler, son père, la douleur l'envahissait, l'émotion lui serrait la poitrine. Il était fini. Et le silence qu'il lui donnait en guise de réponse, lui permit de terminer ce qu'elle avait à dire, sans être coupée. Elle crut lire dans son regard ce qui devait être un orgueil méprisant face à ces paroles concernant le cartel. Elle ne voyait en cela qu'une réaction de défense, d'un animal blessé que l'on prenait plaisir à attaquer encore et encore. India en avait presque fini de lui quand elle lui dévoila qu'elle se préparait à le perdre. Elle avait déjà entamé un autre deuil, se rajoutait alors celui de son père, mort sans l'être. Sa mâchoire se serra pour ne rien laisser passer, rendant plus dur son regard qui ne lâchait pas son père. Elle déglutit, sentant comme des couteaux lui traverser la gorge pour laisser place à un sarcasme qui n'avait de place que pour la protéger.

Aura-t-il besoin d'accuser le coup ? Comprenait-il la douleur que sa fille vivait ? Il s'excusa, acculé par ses propos. Le regard de la jeune femme laissa passer l'agacement qui s'installait en elle, prenant une profonde inspiration. Mais cela ne suffisait pas. Elle attrapa le verre de vin qui l'aiderait à faire passer l'amertume qui l'étranglait.

C'est un peu tard pour cela, dit-elle d'une voix rauque en reposant le verre de vin.

Ses excuses pourraient l'aider à s'ôter un poids mais India l'en empêchait par cette remarque. Aaron poursuivit avec indifférence, affirmant qu'elle avait raison, que ce n'était pas difficile d'être meilleure que lui. Seulement la fin réveilla une colère qui lui fit froncer les sourcils. Elle ne semblait pas heureuse. Heureuse, elle l'était encore il y a quelques mois, dans cette maison avec l'homme qu'elle aimait. Elle en oubliait presque le reste. D'un égocentrisme débordant de tous les pores, il pensait être le centre de vie de sa fille. Tout du moins, elle traduisait ainsi ses paroles. Mais elle avait mis des œillères sans être capable d'entendre qu'il parlait de chercher à être meilleure que lui.

Et alors ?! Qu'est-ce que mon bonheur ou son absence peut te faire ? Vociféra-t-elle s'arrêtant brusquement, se rendant compte qu'elle ne s'était pas contenu.

Elle eut un mouvement de tête, dans sa posture droite pour remettre de l'ordre dans ses idées, le visage fermé, les mâchoires serrées. Un verre de vin ne suffira pas pour la détendre. Elle arrangea ce qu'elle pensait être une mauvaise pliure sur sa robe pour poursuivre sans poser un regard sur son père.

J'étais parfaitement heureuse, avant, lâcha-t-elle d'une voix dure, la tête légèrement tournée vers lui, le regard fixant un point avant de finir par se poser sur lui. En fait, j'avais ... J'ai une vie qui ne te concerne pas, où tu n'en fais pas partie, tu n'existes pas. Tu es l'oncle avec qui j'ai vaguement grandi, qui n'a pas de nom, qui n'est qu'un flou pour les autres. Je suis Jodie, la serveuse un peu trop prétentieuse, la voisine au cœur de glace, la demoiselle qui ne dévoile pas. Je ne suis plus India, la fille de l'homme le plus recherché de Downfall. Des flics viennent me voir, certains que j'ai des informations sur toi et tes hommes, parce que tes hommes ne sont pas capables de se taire après quelques verres. Imagine s'ils savaient notre lien, tu sais qu'ils sont prêts à tout pour t'arrêter parce qu'il y a plus de détraqués dans leur service que tu ne le crois, imagine deux secondes qu'ils sont derrière la porte à attendre un signal… Est-ce que ça me rendrait heureuse ? Non. Est-ce que te voir continuer ton commerce me rendrait heureuse ? Non, plus. Est-ce que j'aimerais m'éloigner à vie de toi ? Oui. Mais est-ce que ça me rendrait heureuse ? Non, toujours pas. Et est-ce que ça me rend heureuse de chercher à tout prix à ne pas te ressembler ? Oui. Et non.

India avait laissé de côté son mutisme pour des paroles dont elle ne connaissait pas la conclusion, regrettant finalement cette logorrhée pour conclure.

Mon bonheur n'a pas d'importance ici.


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MessageSujet: Re: [TERMINE] The less I have the more I gain, ft. India Phillmore   [TERMINE] The less I have the more I gain, ft. India Phillmore EmptyLun 13 Sep - 18:50


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Un dimanche de mai, en soirée, dans le Watts

Un frisson parcourut le dos du Prayer. Acculé, il ignorait que dire ou que faire. Aucun mot ne semblait calmer la fureur avec laquelle India avait accédé à sa demande. Car c'était bien lui qui avait voulu qu'elle parle d'elle, et elle s'y appliquait. Encore une fois, Aaron eut l'illustration de sa lâcheté dans ce besoin que la peur faisait naître en lui : il aurait aimé que cet instant s'arrête, que cette discussion ne se soit pas engagée. Il n'était pas prêt à entendre tout ce que sa fille avait à lui dire. D'autant qu'il comprenait les cheminements qu'avaient pris sa pensée pour en arriver à formuler cette détresse, cette souffrance qu'elle lui crachait à présent au visage. Des chemins sur lesquels sa culpabilité pouvait aussi sillonner à présent. Il aurait préféré rien entendre ni savoir, et ne pas pénétrer le silence derrière lequel elle savait si bien se replier.  

India ne voulait pas de ses excuses ni de ses regrets. Le mal était fait, et rien y changerait, surtout pas la condescendance de son père. La jeune femme semblait si convaincue de son égoïsme que la contrition qu'il affichait passait encore pour de la veulerie, pour un moyen intéressé de préserver son orgueil des reproches et de la rancœur de sa fille. Donc non, elle ne se tairait pas. Elle ne lui offrirait pas un silencieux coutumier, presque confortable, où leur jeu de miroirs ne permettait toutefois aucun reflet et aucune réflexion.

En tant que père, Aaron n'espérait qu'une chose, avec la plus grande sincérité : savoir India heureuse. Cette idée heurta profondément l'héritière Phillmore. L'ire grandit dans son regard, crispant les traits de son visage émacié. D'un ton sec et sans appel, elle lui demanda en quoi son bonheur le concernait. Le Prayer fronça les sourcils à son tour. Cette fois-ci, il ne comprenait pas son attaque. Ne pouvait-il espérer son bien ? Lui, l'homme responsable de sa venue en ce bas monde. Responsable de sa douleur dès l'instant où il avait permis à cette conscience d'exister, et de ressentir. Mais la colère furieuse de sa fille lui ordonna implicitement le silence. India peinait à contenir les maux qui l'agitaient. Comme secouée de spasmes, elle s'apprêtait à dégueuler un filet acide de bile. Car quelque chose lui était resté sur l'estomac. Quelque chose qu'elle ne parvenait pas à digérer...
Peut-être était-ce la fragilité de bonheur, et sa clause nécessaire mais non absolue qu'était le mensonge. India Phillmore ne pouvait être heureuse. Elle avait été privée de ce privilège du fait de son ascendance. Alors elle avait créé Jodie, et simulé une existence qui ne cessait pourtant de subir les interférences de sa réelle identité. Donc non, elle ne pouvait se satisfaire de cette filiation, ni la rejeter, car cela ne rendrait pas son existence plus heureuse. Pourtant, elle disait avoir effleuré le bonheur. Avant. Qu'est-ce qui avait changé ?

Puis India imposa un constat que son père refusa d'accepter. Il secoua la tête, de gauche à droite, répugnant à adhérer à ce que sa fille tenait pour une vérité fondamentale de son existence. Il laissa alors un silence s'inviter ; un silence durant lequel il se décolla de la fenêtre pour revenir dans le coin séjour et s’asseoir dans le canapé, face à la jeune femme. Il posa ses coudes sur ses cuisses, la tête avancée vers India. Il voulait comprendre pourquoi elle pensait que son bonheur importait si peu. Était-ce un constat que la force des choses lui avait enseigné ? Certes, l'univers s'orchestrait sans faire cas de ses émotions, dans une indifférence violente. Mais s'agissait-il uniquement de cela ? « Qu'est-ce qui a de l'importance alors, ici ? Et qu'est-ce qui en avait avant pour que tu ressentes ce bonheur ? » Aaron ne pouvait accepter la désolation à laquelle sa fille souhaitait se condamner. Alors il devait comprendre ses raisons d'être, ces choses qui l'ancraient à cet ici malgré tout. Le Prayer avança une main en direction de la jeune femme, étirant son bras afin d'atteindre les doigts qu'elle avait refermés en un poing. « Que veux-tu que je fasse, pour toi, India ? » Il ne pouvait accepter cette impuissance à laquelle sa fille voulait l'abandonner.

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MessageSujet: Re: [TERMINE] The less I have the more I gain, ft. India Phillmore   [TERMINE] The less I have the more I gain, ft. India Phillmore EmptyDim 19 Sep - 12:58


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Ne pouvaient-ils pas se taire ? Retrouver le silence de leur relation au lieu de briser ces murs qu'ils avaient élevés ? Son père semblait avoir compris qu'il ne fallait pas intervenir face à cette ire qui se déversait sur lui et la jeune femme ne parvenait pas à trouver le moyen d'arrêter. Elle finirait par trop en dire. Et il n'avait pas à savoir que l'origine de son bonheur était partie au-delà du mur. Il les avait vues ensemble à la soirée caritative. Ses dernières paroles étaient amères, mais concluaient parfaitement son point de vue. India n'était pas heureuse, encore enfermée dans sa peine qu'elle avait pourtant décidé de mettre de côté pour s'enfermer dans son travail. Mais celle-ci ne pouvait être contrôlée comme elle aimerait. Quand est-ce que tout cela s'arrêterait ? Cette boule au ventre ?

Le silence reprit ses droits sur la pièce. Un léger mouvement sous le lit rappelait l'existence d'un animal dans l'appartement. Le vieux Phillmore se décolla du mur pour venir s'asseoir sur le canapé, face à lui. La jeune femme le suivit du regard sans bouger, sans changer sa posture devenue à présent raide. Il reprit la parole comme s'il se sentait concerné par le mal-être de sa fille. Comme si cela avait une quelconque importance. Elle s'enferma dans son silence, incapable de lui répondre. Incapable de savoir ce qui la retenait ici à présent. India ne laissait de la place à personne dans sa vie, s'enfermant dans une solitude qu'elle pensait avoir besoin pour ne pas être trahie, blessée par les autres, pour ne pas ressentir ce qu'elle avait ressenti. Les quelques amis se comptaient sur les doigts d'une main. Ses yeux verts se posèrent sur le mur en face d'elle, la mâchoire encore serrée, douloureuse. Elle restait pour lui malgré leur relation fissurée, elle restait pour Hermes, elle restait parce qu'elle ne pensait sa place ailleurs qu'ici même si elle n'était pas heureuse. Et face à ce silence Aaron reprit, après avoir amené lentement sa main à se poser sur la sienne, la sienne fermée en un poing où ses ongles s'enfonçaient dans sa chair.

Cette main, presque immense à côté de la sienne se refermait sur elle, chaude, enveloppante, rassurante. Tout ce que la jeune femme avait besoin à cet instant. Ses doigts fins bougèrent lentement pour s'ouvrir légèrement et s'agripper du bout des phalanges, pour se lier à lui, quelques instants, donnant une légère pression à cette timide et discrète étreinte. India comprenait qu'à cet instant, elle avait besoin d'un père, de la chaleur de ses bras, de ce réconfort que seul un proche pouvait apporter. Elle pensait voir en lui un animal blessé mais ce n'était que le reflet de son miroir. Elle était cet animal, elle se défendait, refusant de voir la vérité en face. Et ses pensées lui fit monter les larmes aux yeux, sans qu'elles n'échappent à son contrôle. Ses yeux se rabattirent sur ce contact qu'il avait instauré depuis son arrivée. Elle en avait la gorge nouée par l'émotion qui s'abattait sur elle. Cette douce pression qu'elle avait donné se termina.

Pars, dit-elle d'une voix rauque, tendue, presque un murmure, le visage crispé pour contenir ce qu'elle pouvait.

Tout ce qu'elle ne voulait pas.


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HERMES
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Aaron D. Phillmore
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MessageSujet: Re: [TERMINE] The less I have the more I gain, ft. India Phillmore   [TERMINE] The less I have the more I gain, ft. India Phillmore EmptySam 9 Oct - 12:48


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Un dimanche de mai, en soirée, dans le Watts

Il s'était rapproché d'elle, dans l'espoir de parvenir à combler autrement ces silences intempestifs. Silences pourtant confortables, car coutumiers, habituels, presque ritualisés. Aaron sentit sa respiration trembler alors qu'elle s'échappait en un filet fébrile de son corps. Assis face à sa fille, il continuait de la dominer, malgré son échine courbée. Raidie par une émotion qu'elle tentait péniblement de contenir, India le fixait, préférant observer les pensées qu'il pourrait trahir plutôt que de contempler les siennes.
Aaron hasarda alors une main vers la sienne, mue par le besoin de la toucher, dans un contact primaire qui rendrait cette rencontre délitée par les mots plus tangible. Avec douceur et prudence, ses doigts se refermèrent sur son poing. Il pouvait sentir toute la tension qui l'habitait, comprenant alors toute la détresse que sa question avait pu susciter chez sa fille. Exister. Se sentir exister. Grâce au regard de l'autre. Nécessairement par la présence de l'autre. Voilà ce qui importait. Il ressentit alors toute la solitude de la jeune femme. Aimer, c'était prendre le risque de souffrir. Mais personne ne saurait exister sans aimer. Telle était la condition et la condamnation de toute existence : cette peine. La peine d'une psyché manquante, jamais entière, toujours dépendante. Aaron s'en voulait d'imposer à sa fille un tel amour tributaire de tant de douleur. Car il réalisait qu'il n'était pas simple de l'aimer, lui, ce qu'il était et ce qu'il n'était pas.

Son cœur s'emballa lorsqu'il perçut le mouvement des doigts de la jeune femme contre la peau de sa main, avant qu'ils enlacent pudiquement les siens. Il fixa cet aveu de tendresse, la gorge serrée. Le temps perdit toute consistance. Aaron revit cette même main, quinze ans auparavant, se nicher contre la sienne, la peau bariolée de coups de feutre maladroits, tandis que s'agitait dans l'autre un dessin d'eux deux, brandit comme un étendard. Cette main tremblante et accrochée à la sienne, dix ans auparavant, alors que l'autre essuyait des sanglots drainés par une journée compliquée au collège. Cette main fuyante, cinq ans auparavant, qui se refusait à la sienne tandis que de l'autre elle attrapait un manteau pour sortir. Cette main qui a présent se faisait molle, ayant abandonné le combat, trop éprouvée par cette lutte harassante qu'était leur relation. Puis la voix d'India tonna, péremptoire. Il fallait qu'il parte ; c'était la seule chose qu'il pouvait faire pour elle. Un nouveau frisson parcourut le corps de l'homme. Un frisson de peur. Aaron ne put réprimer le besoin d'enserrer une dernière fois sa main, certainement un peu trop fort.

« Sache que je ne pourrai jamais accepter l'idée que tu ne sois pas heureuse India. » Le Prayer s'était levé, surplombant sa fille. Son ton s'était également durci, presque autoritaire Il ne la laisserait pas à cette désolation qu'elle lorgnait comme un soulagement. Être seule ne lui apporterait aucun réconfort. Sa souffrance n'en serait pas moins vive. Mais seule la vie lui permettrait de le comprendre. Aucun des mots qu'il pourrait utiliser vaudrait pour un conseil avisé. Au mieux, il paraîtrait moralisateur, pétri d'une sagesse qu'elle refuserait de lui accorder. Alors il se tut, garda encore une fois le silence, avant de disparaître derrière le battant de la porte de l'appartement de la jeune femme.

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