Rencontre avec un ninja

Encore une journée surchargée qui passe, comme toutes les précédentes depuis plusieurs mois pour toi. Mais entre la chute des Prayers qui continue d’entraîner des conséquences tant de mois après, le procès contre Gallagher que tu essayes tant bien que mal de préparer au mieux même s'il promet d'être digne d'un marathon lui aussi, et toutes les autres affaires moins médiatisés - si on peut parler de médias dans cette ville - mais tout aussi nombreuses et chronophages… Oh oui, parfois, tu ne sais plus vraiment où donner de la tête tant tout semble urgent et prioritaire. Et le fait de ne toujours pas avoir de Procureur Général pour remplacer le siège vacant de Woodrow et donner une vraie orientation à la Justice dans cette ville n'aide absolument pas, il faut être sincère.

Quoi qu'il en soit, encore avec une pile de dossiers dans les bras, tu finis par ressortir de la salle d'audiences avec un léger soupir. Un nouveau procès de passer, et se terminant par une victoire pour toi. Si tu avais le temps, tu pourrais presque en être heureuse mais là… Même si tu n'as pas le moindre rendez-vous de prévu jusqu'à demain, ni de procès auquel plaider et qu'il te reste encore quelques heures de travail - dans les heures décentes car on sait tous que tu travailles même quand ce n'est plus l'heure ! - tu comptes bien profiter de ce temps pour essayer de t'occuper d'un maximum de dossiers qui t'attendent, eux aussi en pile, sur ton bureau. Tu te diriges donc d'un pas décidé vers ton bureau, deux étages au-dessus, échangeant à peine quelques mots avec tes rares collègues que tu croises dans les couloirs. En même temps, eux aussi sont surchargés de travail, alors entre le fait que tu ne sois pas la plus sociale de toute et cette charge de dossiers à traiter, tu ne doutes pas un instant qu'ils ont, comme toi, autre chose à faire que de se lancer dans de grandes conversations.

Une fois face à la porte de ton bureau, tu te livres à ton habituel petit tour d'équilibriste. Celui de réussir à caler tant bien que mal les dossiers que tu avais en main pour te permettre de sortir les clés de ton bureau de ta poche. Et d'en profiter également pour ouvrir la porte devant toi. Remettant déjà les clés dans ta poche tout en écartant le panneau en bois d'un coup de hanche, habituée là encore à ce genre de manœuvre quasi quotidienne de ta part. Mais quand ton regard se relève sur la pièce, ton cœur rate un battement, voire plusieurs.

- Nom de…

Laisses-tu échapper en rattrapant de justesse tes dossiers que tu as failli faire tomber dans le sursaut que tu viens d'avoir. Enfin, un sursaut, tu as plus l'impression d'être passée à deux doigts de la crise cardiaque vu la frayeur que tu viens d'avoir en découvrant la silhouette de quelqu'un dans ton bureau. Tu n'as pourtant pas rêvé, tu viens bien tout juste d'ouvrir la porte que tu avais, comme toujours, fermé à clé en quittant la pièce plus tôt dans la journée. Alors comment diable est arrivée cette… Cette jeune femme blonde que tu ne connais absolument pas ? Tu t'accordes pourtant encore une seconde ou deux pour laisser à ton cœur le temps de se remettre de ses émotions et reprendre un rythme normal, avant de toi-même reprendre la parole.

- Je peux savoir qui vous êtes ? Et qu'est-ce que vous faites dans mon bureau ?

Lui demandes-tu directement et d'un ton presque indigné de la trouver là. Ce qui est un peu le cas à vrai dire ! Et tu as même hésité une fraction de seconde à faire appel à la sécurité des lieux pour faire sortir immédiatement cette inconnue de ton bureau. A-t-elle au moins conscience d'où elle vient d'entrer clairement par effraction ? Et qu'est-ce qu'elle te veut au juste ? Voler un de tes dossiers ? Oh, cela n'était déjà pas totalement impossible à Los Angeles ou dans le reste de la Californie, alors dans une ville comme Downfall… Tu te demandes même durant une nouvelle fraction de seconde si derrière son petit air innocent et presque enfantin, cette femme ne pourrait pas être là non pas pour voler un dossier, détruire des documents, des preuves ou autres choses dans ce genre mais pour te faire disparaitre toi… Peut-être que finalement, tu devrais l'appeler, la sécurité, avant qu'il ne soit trop tard.

Tu es encore en partie sous le choc de trouver une parfaite inconnue dans ton bureau au moment où tu lui demande plus ou moins de s'identifier. Ce qu'elle fait, même si c'est de façon assez minimale en se présentant sous le prénom de Skye… Et juste avant de se lancer dans un exposé qui, à tes yeux et à ce moment-là n'a absolument ni queue ni tête. Non, sincèrement, tu commences vraiment à te dire que tu ferais mieux d'appeler la sécurité pour virer cette jeune femme de là. Puis soudainement, elle utilise le nom de Holloway et voilà que tu ressens presque comme un second choc. Un nouveau choc dont elle profite encore allègrement pour continuer sa véritable tirade alors que tu continues de la fixer en silence, la bouche légèrement entrouverte à cause de la surprise en plus désormais.

- C'était toi son indic' secrète ?

Finis-tu presque par dire à mi-voix, alors que cela semble pourtant une évidence maintenant que tu remets toutes les pièces du puzzle en pièce. Grâce aux paroles de la petite blonde ayant débarqué dans son bureau pour lui parler de puzzle justement. Oh, si tu n'étais pas autant sous le choc de réaliser que tu es face à cette femme dont il t'avait si souvent parler comme d'un atout de grande valeur mais sans jamais vouloir la nommer, tu trouverais sans doute presque l'ironie de la chose à mourir de rire. Mais à la place, tu essayes de te reprendre suffisamment pour continuer de manière un peu plus constructive cette conversation. Et la première chose à faire pour ça, c'est de fermer la porte derrière toi, pour t'assurer que cette conversation reste réellement qu'entre cette Skye et toi.  

- Ok alors attend. On va tout reprendre depuis le début, ok ?

Reprends-tu à peine quelques secondes après avoir fermé la porte et en essayant encore de remettre en ordre la multitude de questions et de pensées qui inondent ton cerveau depuis que tu as compris qui est vraiment cette jeune femme. Les yeux fermés et te passant rapidement la main sur le visage, comme si ça allait pouvoir t'aider à ordonner tout ce bordel que tu as en tête, tu finis quand même par faire quelques pas vers ton bureau. Au moins, tu peux enfin poser les dossiers que tu avais encore en mains dessus pour te libérer vraiment les deux mains cette fois. Même si cela te fait un peu bizarre de te retrouver de ce côté-ci de ton bureau et pas dans ton fauteuil. Que la petite blonde occupe toujours. Et maintenant, juste avec le peu - ou pas vu la tirade qu'elle t'a livré quand même - qu'elle t'a dit pour se présenter, tu commences aussi à comprendre pourquoi Holloway répétait régulièrement que son indic' secret était un peu particulier.

Tu laisses de nouveau échapper un soupir tout en appuyant tes deux mains sur le bord de ton bureau, du  côté des gens que tu convoques, qui viennent témoigner ou que tu prépares pour les procès en temps normal. Non, vraiment, c'est bizarre pour toi d'être à leur place et non à celle qui est la tienne habituellement. Mais tu dois quand même réussir à mettre ça de côté pour saisir cette putain d'opportunité pour le dossier Gallagher qui t'es offerte avec la présence de cette Skye ici. Tu finis d'ailleurs par assez vite relever ton regard vers elle pour faire en sorte de le capter. Et surtout tout faire pour ne plus le perdre, comme si une part de toi avait soudainement peur qu'elle puisse disparaitre de la même manière qu'elle est apparue dans ton bureau. D'un seul coup et de façon totalement incompréhensible. D'ailleurs, oui, comment avait-elle réussi à entrer ici ?

- Déjà… Tu as conscience que ce que tu viens de faire là, entrer dans mon bureau par effraction, c'est interdit ? Que tu pourrais avoir des problèmes pour ça si je décidais de te dénoncer ?

Lui demandes-tu d'un ton assez proche de celui que tu pourrais utiliser pour expliquer quelque chose à un enfant. Rien de dégradant à tes yeux ni même dans ton intention, bien au contraire. Tu es assez nulle pour faire comprendre tes intentions ou tes motivations aux autres quand il s'agit de se montrer sociable ou ce genre de chose, tu le sais très bien. Et la preuve en est d'ailleurs à ta manière de galérer autant pour convaincre des Blackened à travailler avec toi, à témoigner contre Gallagher alors que c'est clairement autant dans leurs intérêts, si ce n'est plus, que dans le tien de le faire. Tout ce que tu veux à ce moment précis, c'est qu'elle comprenne vraiment que ce qu'elle vient de faire n'était pas vraiment le meilleur truc à faire, même avec toute la bonne volonté du monde. Parce que cela pouvait complètement se retourner contre elle. Pour preuve, tu as hésité à appeler la sécurité quelques secondes encore avant qu'elle ne parle de Holloway ! D'ailleurs, c'est en pensant à cela, au fait que tu aurais pu l'envoyer faire un petit tour en garde à vue d'une simple décision de ta part, que tu réalises aussi les conséquences que cela pourrait avoir sur tout le reste de ton travail.

- Skye, c'est bien ça ?

Tu le lui redemandes son prénom pour confirmer, mais plus pour la forme que par réelle nécessité. Parce que même si tu n'as qu'un prénom pour elle et pas une identité complète, avec tout le temps que tu as passé à essayer de convaincre Holloway de te la présenter et celui que tu as perdu à essayer de la trouver après le départ de Luke, tu ne comptes pas l'oublier de sitôt. Loin de là même ! Mais peu importe pour le moment, il faut encore que tu t'assures de quelque chose d'un peu plus urgent à propos de tes dossiers et de la présence de la blondinette dans ton bureau.

- Ok, donc je te remercie grandement pour ta volonté de m'aider Skye. Vraiment. Mais si on veut arrêter Gallagher et les siens, il y a des choses qu'on ne peut pas faire. Comme entrer dans mon bureau quand je n'y suis pas et regarder dans mes dossiers. Parce que ça peut annuler toute l'action en justice contre eux. Tu comprends ?

Essayes-tu de lui expliquer de nouveau au mieux, en espérant que tu arrives à t'y prendre correctement pour ça et surtout avec elle. Oh non, et si tu la vexes à lui parler comme ça ? Et si soudainement elle décidait de ne plus vouloir t'aider et partait sans t'aider plus que ça ? Non, allez Alder, aie un peu confiance en toi ! Tout va bien se passer, il faut juste que tu prennes le temps de lui faire comprendre comment fonctionne la justice et ce qui est recevable ou non dans un tribunal. Ou ce qui peut carrément invalider tout un dossier si on découvre par exemple que cette petite blonde est entrée dans son bureau et a pu avoir accès au dossier de Gallagher avec la possibilité de le falsifier d'une manière ou d'une autre. Et voilà que cette pensée t'arrache un nouveau soupir fatigué alors que tu te laisses tomber dans l'un des deux fauteuils installés en face du tien.

- Dis-moi que personne ne t'as vu entrer dans mon bureau s'il te plaît.

Demandes-tu d'un ton assez las, presque même suppliant, et en espérant vraiment qu'elle ne t'annonce pas de mauvaise nouvelle. Parce que là, tu n'as pas la moindre envie d'entendre qu'il y ait des chances que tu sois obligée de jeter l'entièreté du dossier de Gallagher et donc les années d'enquête et de travail nécessaire pour le constituer, à la poubelle car désormais jugé comme irrecevable devant un tribunal. Pitié non. Tout mais pas ça.

Si tu n'étais pas déjà occupée à soupirer à cause de cette histoire d'intrusion dans ton bureau et toutes les conséquences que cela pourrait avoir, tu le ferais sans doute en entendant la petite blonde répondant au nom de Skye en train de te proposer de répéter tout ce qu'elle a dit depuis le début. Le fait qu'elle le dise de manière assez innocente et naïve, ayant vraiment l'air de vouloir t'aider autant qu'elle le peut, lui permette de trouver quand même un peu grâce à tes yeux. Et puis il faut bien avouer que les personnes prêtent à t'aider ne sont pas légion alors ce n'est pas vraiment le moment de froisser la seule personne susceptible de le faire sans rien te demander en retour ou sans avoir besoin de te faire renier tes principes au passage.

Alors oui, tu reprends depuis le début. Ou plutôt, tu prends le temps de lui expliquer les choses. Des choses qui te sont parfaitement évidentes, toi qui baignes dans ce milieu depuis tant d'années et qui passe la plupart de tes journées entourée par des confrères, des avocats adverses, des juges ou des policiers. Bref, des gens qui gravitent également plus ou moins dans ce milieu. Ce qui fait que tu as parfois tendance à oublier que ce qui te parait évident ne l'est pas toujours. Et tu en profite aussi pour lui faire comprendre combien il est important que personne ne l’ait vu entrer dans ton bureau, juste avant de lui demander si c'est le cas ou non. Elle t'assure que non, ce qui te rassure un peu… Même si tu ne sais pas trop si elle t'a répondu ça pour te faire plaisir ou parce que c'est vrai. Mais tu préfères rester sur l'idée que c'est vrai pour ne pas avoir à t'inquiéter plus que de raisons à propos de ça.

Bien vite après ça, tu l'entends de nouveau exprimer son envie de t'aider, ou plutôt d'aider de manière générale là où elle peut. Mais elle réalise aussi que de ne pas connaître la loi pouvait l'empêcher de le faire comme elle voudrait, preuve qu'elle a bien compris ce que tu viens de lui expliquer. Du moins, c'est un peu comme ça que tu le vois. Même si elle ne tarde pas à évoquer le fait qu'il vaut mieux qu'elle reste dans l'ombre, souhaitant alors trouver un moyen de rattacher ce qu'elle sait ou ce qu'elle a comme preuves à d'autres preuves pour aider, mais sans la trahir. Une chose qui prouve bien sa bonne volonté, tu ne peux pas le nier. Mais qui te fais quand même légèrement soupirer de nouveau alors que tu penses avant tout aux problèmes que ce genre de choses entrainent.

- Ça n'est pas aussi simple que ça. Ça déprendra bien sûr des preuves et des informations que tu as, mais on ne peut pas modifier un témoignage ou d'autres preuves pour les rattacher à ce que tu as et te garder dans l'ombre sans prendre le risque de tout faire foirer. S'il y a le moindre soupçon de manipulation de preuves, au mieux, cette preuve n'est plus utilisable - ce qui ne facilite déjà pas les choses pour la suite - et au pire, c'est toute l'affaire qui est invalidée.

Lui expliques-tu de nouveau avec un ton assez patient qui te surprend presque toi-même. Tu ne sais pas si c'est parce qu'il y a quelque chose chez cette jeune Skye qui donne l'impression qu'elle veut apprendre en plus de se rendre utile, si c'est à cause de son comportement ou parce que c'est toi qui a changé depuis que tu es dans cette ville mais en tout cas, tu l'es. Avec elle en tout cas. Tu prendras le temps de réfléchir à cette idée plus tard car pour l'heure, tu préfères quand même te concentrer sur ta conversation avec Skye. Qui en plus de cela te pose déjà une question par rapport à l'organisation des lois via des nombres.

- Euh, oui.

Lui réponds-tu assez rapidement, pas vraiment sûre de comprendre pourquoi cette question. Même s'il suffit que tu te rappelles l'espace d'une demi-seconde à son petit discours d'introduction quand elle s'est présentée pour te dire qu'elle doit avoir un truc avec les chiffres. Mais là encore, elle en te laisse pas vraiment le temps de réfléchir à cela qu'elle reprend déjà la parole pour énoncer cette fois-ci non plus son envie d'aider mais pour te confirmer son envie d'apprendre. Le droit en l'occurrence, pour justement pouvoir aider au mieux. Une chose qui te fait légèrement sourire alors que tu t'adosses un peu plus contre la chaise que tu occupes, de l'autre côté de ton bureau. Tu commences vraiment à comprendre pourquoi Holloway voulait la protéger.

- Tourne-toi. Vers la gauche. L'avant-dernière étagère de la bibliothèque. Tu vois ce gros livre à la couverture rouge ?

Lui indiques-tu rapidement, tout en pointant du doigt le livre en question comme pour l'aider à le trouver plus facilement.

- C'est celui du Droit Fédéral des Etats-Unis. Et on doit le compléter avec le gros bleu juste à côté, celui du Droit de Californie. Tu vois toute la lecture que ça représente ? C'est pour ça que beaucoup de gens ne connaissent pas toutes les lois par cœur. Parce qu'il faudrait lire tout ça pour les connaitre.

Lui dis-tu pour qu'elle puisse comprendre pourquoi malgré cette phrase de "nul n'est censé ignorer la loi", en réalité, beaucoup de gens n'en connaissent que les grandes lignes. Déjà en dehors de Downfall il y a peu de gens qui prennent la peine de ne serait-ce qu'acheter ce genre de livres pour chez alors le lire… Et ici, où en plus de cela, pas mal de natifs sont analphabètes, cela ne peut compliquer les choses. Sans parler du fait que cela ne doit pas être des plus facile de se procurer un exemplaire de ces bouquins de ce côté du mur. Ceux que tu as là, tu les as depuis ton entrée à la fac, bien des années auparavant. Et en plus, avec le nouveau statut de Downfall, cela peut être encore plus compliqué car il se peut que d'ici peu, ces lois ne soient plus toutes en application ici. Mais tu ne vas pas encore un peu plus compliquer les choses pour Skye. Tu estimes qu'il y a déjà pas mal d'informations qu'elle doit enregistrer sans que tu n'en rajoute une couche là où toi-même tu ne sais pas si et quand cela va arriver.

- Et c'est pour ça aussi que des gens comme les avocats ou les procureurs existent. Pour les connaître pour les autres et les faire appliquer. Parce qu'on a étudié ces bouquins et toutes les jurisprudences qu'il faut encore y rattacher pendant plusieurs années.

Enchaines-tu pourtant assez rapide, comme pour compléter tes premières explications. Une façon aussi peut-être de justifier ton propre travail, ce bureau et tous ces dossiers qu'il y a ? Va savoir. Mais quitte à prendre le temps de lui expliquer autant de choses que possibles sur le Droit, la Justice et comment elle fonctionnement, autant le faire jusqu'au bout, non ?

Il faut croire que dès que cela sort du cadre de tes précieuses lois ou de ta zone de confort, tu n’es pas la meilleure pour expliquer les choses. Surtout quand tu essayes de faire une analogie pour être sûre de te faire comprendre par la jeune femme en face de toi. Même si au final, elle la poursuit, l’analogie, la petite blonde qui occupe encore ta place de l’autre côté du bureau pour essayer elle aussi de t’expliquer ce qu’elle veut dire. Ou au moins en quoi elle n’est pas d’accord avec ce que tu as tenté de dire ou de la façon dont elle l’a compris. Et pour le coup, vu ce qu’elle te dit, tu pars surtout sur cette option-là, que tu n’as pas su te montrer suffisamment claire dans ce que tu voulais éclaircir.

- Je comprends ça, je le sais mais…

Commences-tu par dire avant de t’interrompre, le temps de soupirer tout en te passant rapidement une main sur le visage. Le temps aussi de chercher une autre manière d’expliquer les choses pour réussir à te faire comprendre au mieux à ce sujet. Pourquoi est-ce que tu cherches presque naturellement à le faire en gardant l’image du puzzle ? Oh, sans doute parce que tu es déjà bien lancée là-dessus et que tu ne vois pas comment changer d’images au milieu de la conversation sans prendre le risque de vous perdre encore plus, cette Skye et toi. Parce qu’il faut bien avouer que maintenant que tu es embarquée là-dedans, tu peux aussi facilement te perdre que la petite blonde dans vos tentatives d’explications.

- Ces nouvelles pièces, qui permettent de voir celles qui ne sont pas à la bonne place, on n’a pas le droit de les récupérer de n’importe où. Ni de les avoir n’importe comment. Tu vois ce que je veux dire ? Si on ne peut pas prouver que nos pièces ne viennent pas d’une autre boite qu’on n’a pas le droit d’utiliser pour finir notre puzzle, alors tout le puzzle n’est pas validé.

Tentes-tu cette fois, sans trop savoir si cela marchera mieux ou non expliquer de cette façon. De toute façon, tu verras bien comment elle réagit à cette nouvelle tentative de ta part. Même si tu ne lui laisses pas vraiment l’occasion de te répondre à ce sujet, commençant déjà à parler des différents livres de lois avec lesquels tu dois travailler et dans quel ordre si on peut dire, tout en lui indiquant ceux dont tu parles.

Cette fois-ci, elle semble n’avoir aucune difficulté à comprendre ce que tu es en train de dire. Sans doute parce qu’en plus d’être totalement dans ta zone de confort cette fois, tu n’uses d’aucune image pour expliquer les choses, indiquant juste des faits. Une chose avec laquelle tu es bien plus à l’aise que les analogies, il faut bien l’avouer. Pourtant, à peine as-tu fini de parler qu’elle te pose une question qui te laisse totalement pantoise, il faut le dire, tant tu ne t’y attendais pas. Est-ce qu’elle peut les lire ? Avoir une copie ? Mais… Tu restes là, bouche bée et sans voix, alors qu’elle continue de parler et que de ton côté, tu ne sais absolument pas comment réagir à ça. Est-ce qu’elle n’a pas compris encore une fois ? Est-ce qu’elle se paye ta tête ? Ou est-ce que tu es juste devant un putain de génie aux allures de femme-enfant ninja qui est en train de transformer tout ça en une sorte d’entretien d’embauche complètement invraisemblable ? Si tu peux prendre des stagiaires ? Ok, si tu n’es pas encore sûre de la première partie sur le fait que ce soit un génie, maintenant, c’est sûr, cette petite blonde est en train de transformer votre conversation en tout autre chose sans que tu ne l’aies vu venir celle-là. Et profitant du fait que tu restes à la fixer sans rien dire semble l’encourager à parler et à aller encore plus loin dans ses réflexions, se proposant déjà pour passer des tests en calculs, définitions - comment ça, elle a lu 3 dictionnaires ?! - ou quelque chose dans ce goût-là. Pendant un quart de seconde, tu te demandes sincèrement qui est cette femme et d’où elle sort. Juste avant de te reprendre un minimum et lâcher un bref pouffement - nerveux, clairement nerveux - devant l’improbabilité de cette scène.

- Je crois pas que tout ça soit nécessaire. Je…

Tu laisses ta phrase en suspens alors que tu réalises qu’il y a peut-être bien un moyen de pouvoir utiliser tout ce qu’elle sait sur cette affaire - selon les dires de Holloway mais tu as toujours accordé toute ta confiance - tout en la protégeant comme l’avait demandé le flic maintenant parti. Parce que oui, elle parlait de stages, de tests et tout ça mais même si en temps normal tu pouvais plus ou moins t’arranger dans ce genre de situation pour lui donner au moins le statut de stagiaire, dans une ville comme Downfall, c’était encore plus vrai. Avec le manque cruel de personnel qualifié ou même juste compétent dans à peu près tous les domaines, peut-être que tu peux jouer là-dessus. Mais cette Skye a raison sur un point : il faudrait quand même lui faire passer au moins un semblant de tests pour s’assurer non seulement que cela en vaut la peine, mais surtout que personne ne viendra vous prendre la tête, l’une ou l’autre à ce sujet.

- Tu sais quoi ? Commence à lire celui-ci, je reviens.

Finis-tu par lui dire en lui indiquant le gros livre rouge dont tu lui a déjà parlé tout à l’heure, celui du droit fédéral américain. Autant la faire commencer par le début après tout. Et tu ne prends même pas le temps de t’assurer qu’elle le fasse bien - ton intuition te dit qu’elle va sans doute sauter sur l’occasion de pouvoir le lire - que tu recules déjà de quelques pas avant de tourner les talons et sortir de ton bureau.

Tu prends bien la peine de fermer la porte derrière toi, mais pas à clé cette fois. Inutile de toute façon, cette petite blonde te l’a plus ou moins bien prouvé. Et une fois dans le couloir, tu ne perds pas une seule seconde avant de partir en direction du bureau administratif occupé par une seule personne portant plusieurs casquettes. Encore une belle preuve du manque de personnel, non ? Quoi qu’il en soit, une fois là-bas, tu ne tardes pas à demander les formulaires à remplir pour engager une stagiaire, même si tu restes encore dans l’hypothétique et que tu dois le rappeler aussi à l’autre femme face à toi. Rien n’est encore sûr mais il est vrai que tu gardes cette possibilité quand même. Et tant qu’à être là, tu demandes également, l’air de rien, si elle peut te donner un dossier qui est stocké dans les archives depuis quelques années maintenant. Simplement pour vérifier s’il n’y a pas un lien avec une de tes affaires en cours que tu prétends face aux froncements de sourcils de l’autre femme. Qui peut se transformer parfois en véritable cerbère mais ça, tu le gardes bien pour toi. Le dossier - qu’elle a finalement consenti à te donner - et tes papiers en mains, tu finis par retourner à ton bureau. Même si tu as profité du chemin pour retirer une ou deux feuilles du dossier que tu as dans les mains : celles des transcriptions du procès ainsi que celle récapitulant la décision qui a été rendue lors de ce même procès. Ces feuilles cachées sous celles des formulaires te voilà donc de nouveau dans ton bureau où tu retrouves Skye… Toujours assise à ton bureau et en pleine lecture de ton livre de droits. A croire que ton intuition avait été bonne ne peux-tu t’empêcher de penser avec un léger sourire amusé au coin de tes lèvres alors que tu te diriges déjà vers ton bureau, vraiment pas habituée à être de ce côté-ci de ce dernier.

- Tiens. Je te laisse regarder ce dossier. Dis-moi ce que tu en penses.

Lui donnes-tu simplement comme consigne tout en déposant le dossier en question devant elle. Non, vraiment, cela te fait bizarre d’être de ce côté-ci, mais passons. Elle avait parlé d’un test pour être prise comme stagiaire après tout ? Et bien on pouvait toujours dire que tu venais de lui en dégoter un. Un dossier que tu as traité plusieurs années auparavant, quand Woodrow était encore de ce monde et qui avait d’ailleurs été un de vos nombreux sujets de disputes quand cela n’allait plus du tout entre ton ancien mentor et toi. L’époque où il voulait mettre au pas Downfall en enfermant les gens sans leur offrir de véritable procès, pour frapper fort, pour aller vite, pour réduire le chiffre de la délinquance dans cette ville. Et pour lui, comme pour bien des gens, cette affaire de meurtre sur fond de trafic de drogues était pliée avant même d’être commencé. L’accusé était forcément coupable, tout le pointait comme tel, et en plus de cela, il y avait de forts soupçons sur son affiliation aux Prayers of Insanity. Mais un détail assez bien caché dans le dossier et que beaucoup n’avait pas vu avait quand même attiré ton attention, sans que tu ne saches vraiment pourquoi au départ. Avant que tu ne réalises que ce détail en question révélait que le tireur était droitier, alors que votre accusé, lui, était gaucher. Et que la taille de l’empreinte de chaussures ne correspondait pas non plus avec l’accusé mais bien plus avec son propre frère, droitier, bien évidemment. Et le véritable coupable aussi, qui avait tout fait pour piéger son frère et éviter la prison. Une chose que tu avais tenu absolument à défendre, qui avait donc bien sûr rallongé le dossier et conduit à l’ouverture d’un autre, mais qui avait quand même évité la prison à un innocent… Enfin, aussi innocent que puisse l’être quelqu’un d’affilier à ce cartel que tu avais été plus qu’heureuse de voir s’effondrer. Mais pour l’heure, tu voulais voir si Skye allait voir la même chose que toi, reconnaître le véritable coupable dans cette histoire, et donc confirmer ce qu’elle te disait sur son don sur les puzzles. Ou au moins te montrer de quoi elle était capable et quelle était sa logique.

Si tu ne réagis pas vraiment verbalement devant l'enthousiasme plus qu'évident et assez important de la petite blonde pour avoir le droit de lire les livres de droits que tu as dans ton bureau, tu ne peux quand même t'empêcher de sourire légèrement, un peu surprise par ça. Après tout, ce n'est pas tous les jours que tu croises quelqu'un qui a l'air si ravie de pouvoir lire ce genre de bouquins assez indigestes, il faut bien l'avouer. Mais tu l'abandonnes assez vite seule dans ton bureau pour aller chercher les renseignements et les documents dont tu as besoin pour mettre en œuvre l'idée qui t'es venue en tête quelques instants auparavant.

Et c'est bien une dizaine de minutes plus tard que tu finis par revenir dans ton bureau, un dossier et des documents à la main. Tu sens encore une fois un fin sourire se dessiner sur tes lèvres quand tu découvres, sans trop de surprise pour le coup, la jeune Skye en train de lire le livre de droits que tu lui as indiqué à ton départ de la pièce. Même si tu fais en sorte d'attirer assez vite son attention sur toi, ou plutôt sur le dossier - avec quelques feuilles en moins, c'est vrai - que tu poses devant elle, en lui demandant déjà de te dire ce qu'elle en pense. Elle en est encore à le prendre et à l'ouvrir qu'elle te demande déjà ce que tu entends pas là, soulevant même déjà des hypothèses alors que ses questions te tirent de nouveau un très léger sourire en coin.

- Un peu tout ça… Quand on reçoit un dossier ici, on doit composer avec le travail des autres avant nous et donc tout regarder, vérifier, mettre en commun et voir ce qui est logique ou non. Alors regarde ce dossier et vois ce que tu trouves de logique ou non. Comme si tu devais travailler à partir de ça pour finir le puzzle qu’est ce dossier.

Expliques-tu assez rapidement et en faisant des raccourcis pour le moment. Tu préfères commencer de manière simple avant de te lancer directement dans les grandes explications de comment cela fonctionne réellement au niveau du circuit que doit suivre un dossier d'enquête. Tu te contentes donc juste de lui faire comprendre que oui, la majeure partie du temps, tu es en bout de circuit et que tu dois donc t'adapter au travail qui a été fait par d'autres que toi en amont, reprenant assez naturellement et sans même réellement t'en rendre compte sur le moment son analogie avec les puzzles. Car au final, tu dois bien lui rendre ça : elle a trouvé une image parfaite pour illustrer tout ça avec ses puzzles, rubik's cube et autres casse-têtes de ce genre.

Elle a l'air de le comprendre assez facilement en tout cas, reprenant déjà le dossier que tu lui as confié depuis le départ et prenant le temps de le lire un peu plus attentivement. Si tu l'observes les premiers instants, essayant de voir si elle remarque assez vite un détail ou non, tu t'actives soudainement un peu plus quand elle demande si elle peut avoir une feuille blanche et un stylo.

- Bien sûr.

Réponds-tu de manière quasi automatique en même temps que tu te mets en mouvement pour lui donner ce qu'elle demande. Pour le stylo, pas besoin de grandes recherches alors que tu en attrapes déjà un dans le pot à stylos dans un coin de ton bureau. Mais pour la feuille, les seules que tu as sous la main sont celles "officielles" du bureau du Procureur de Downfall, dans le carnet de notes qu'on te fournit régulièrement, et qui est donc estampillé du logo du bureau ainsi que par son nom. Bon, pour le coup, tu estimes que cela ne devrait pas avoir trop d'importance pour Skye, d'autant plus qu'elle peut toujours retourner la feuille si elle la veut parfaitement blanche. Quoi qu'il en soit, il ne te faut que quelques secondes pour lui passer ce qu'elle vient de te demander.

Tu restes de nouveau silencieuse alors que la petite blonde installée dans ton fauteuil commence à gribouiller sur la feuille que tu lui as donné. Et déjà, elle te fais comprendre qu'elle a remarqué une incohérence sur la trace de chaussure, ce qui te fais légèrement hocher de la tête. Si elle continue de travailler encore un peu sur l'ancien dossier aujourd'hui terminé, tu restes quand même assez impressionnée de la vitesse avec laquelle elle a remarqué ce détail quand tu sais qu'il n'avait pas sauté aux yeux des enquêteurs à l'époque. Encore une preuve, qu'il est toujours bon d'avoir quelqu'un avec un peu plus de recul pour vérifier ce genre de chose. Skye continue de gribouiller encore quelques secondes sur sa feuille avant de se redresser un peu et reprendre la parole en tournant sa feuille vers toi. Un peu plus et elle pourrait presque te faire penser à une enfant toute fière de présenter son exposé à quelqu'un d'autre. Une chose qui te fait légèrement sourire, même si tu le perds assez vite pour prendre une expression légèrement surprise et perplexe. Son approche n'avait strictement rien à voir avec la tienne ou celles des flics ayant bossé sur cette enquête et était assez surprenant, avouons-le Mais le résultat était là quand même, non ? Tu finis pourtant par retrouver un léger sourire quelques instants plus tard, quand elle te fait comprendre qu'elle aurait besoin de voir les lieux ou les gens pour avoir plus de certitudes et plus d'éléments.  

- Ca, c’est la seconde partie de mon travail. Aller voir les lieux, poser d’autres questions aux enquêteurs, aux témoins et aux suspects… Ça aide à trouver d’autres pièces du puzzle. Ou à savoir où mettre celles qu’on a déjà.

Réponds-tu à ton tour, continuant tes explications là où tu estimes en avoir besoin. Même si pour cette fois-ci, tu ne vois pas trop ce qu'il y a à préciser. Et bien évidemment, encore et toujours cette analogie du puzzle qui vous suit jusqu'au bout, toujours aussi parfaite pour ça.

- Mais oui, l’accusé dans ce dossier était innocent en réalité. C’était son frère le vrai coupable et il a essayé de le piéger pour ne pas être arrêté lui.

Finis-tu quand même par annoncer tout en remettant dans le dossier les pages que tu en avais enlevé sur le chemin jusqu'à ton bureau sur le dessus du dossier ouvert devant Skye. De quoi lui montrer tout ce qui avait été pris en compte et remarqué à ce sujet et comment vous en étiez arrivés, tes collègues et toi, à mettre en cause le frère de l'accusé justement. Ainsi que le verdict du jugement qui avait suivi, sur la dernière page que tu remettais dans le dossier. Elle pourrais prendre le temps de les lire si elle le voulait, mais peut-être plus tard. Pour l'heure, tu avais une dernière chose à voir avec elle, contente de ce que tu avais pu voir durant ce petit test si on peut dire.

- Même sans diplôme, je peux te prendre comme stagiaire ici si tu veux. Tu ne pourras pas travailler toute seule mais tu pourras me suivre comme mon ombre dans la plupart des affaires que je traite et travailler avec moi sur ces dossiers. Ce n’est pas très bien payé mais si ça te plait et que tu te débrouilles aussi bien que sur ce dossier, je pourrais essayer de t’aider à obtenir plus facilement un diplôme que tu pourrais avoir par le parcours normal. Ça prendra sans doute un peu de temps et tu auras pas mal de boulot mais à terme, tu pourras sans doute travailler officiellement ici. Et pas juste dans mon ombre ou avec moi. Et aussi avoir un vrai salaire… Qu’est-ce que tu en penses ?

Même si tu poses la question, tu as déjà les formulaires à remplir avec toi si elle accepte. Ce que tu espères d'ailleurs, espérant que ton petit discours et tes arguments sauront la convaincre. Car tu as comme l'impression que, malgré son profil atypique et sa façon de penser qui l'est tout autant, elle pourrait devenir rapidement un sacré atout pour le bureau du procureur. Et donc indirectement pour la justice dans cette ville. Ne serait-ce que par ses liens avec les Blackened Beauties, permettant de faire un premier pas vers une réconciliation - si on peut dire - avec les Amazones de la ville.