[TERMINE] Feeling tired of pretending x Samael

Ce n’est finalement pas si désagréable que ça, d’être dans les bras de quelqu’un qui n’a pas l’intention de m’arracher mes vêtements dans le but égoïste de prendre du bon temps, sans penser au mien un seul instant. Ça me change, oui, de sentir que Sam fait ça par amitié, pour m’apporter son soutien, pour me montrer qu’il est là. A tel point, que j’arrive même à venir nicher ma tête dans le creux de son épaule, où je m’y sens bien…si bien que je lui parle du meurtre de ma mère, des années plus tôt, quand j’avais même pas une dizaine d’années. Ça remonte à si loin, et pourtant, dans mes souvenirs, c’est aussi frais que si ça c’était passé hier. Les détails, la peur qui faisait tambouriner mon cœur si fort, les cris de Diego, les pleurs de ma mère, l’odeur dans le salon après le coup de feu, le sang qui coulait jusqu’aux bottes de ces types effrayants…oui, je me souviens de tout, avec beaucoup trop de détails. Mais Sam les détourne de mes pensées d’un léger baiser sur la tête, qui me fait esquisser un petit sourire touché, alors que je finis par passer mon bras autour de sa taille, nous rapprochant davantage.

Pour changer drastiquement de sujet de conversation, et éviter de s’épancher sur des maux pour lesquels on ne peut plus rien faire, je préfère le prévenir qu’il ne faut pas titiller trop longtemps la Bambi qui sommeille en moi, avec des phrases telles que celles qu’il vient de sortir, parce qu’elle ne demande que ça, reprendre les rennes, remettre en place toutes les barrières érigées au cours de ces cinq années, reprendre la distance instaurée spontanément avec presque tout le monde. Je sens son visage se tendre pour venir s’ancrer dans mes yeux, et une nouvelle fois, mes doigts viennent trouver ses côtes, maintenant que je le sais chatouilleux. « -La traiter de sauvageonne n’est pas la meilleure idée que tu puisses avoir ! » Je souris en coin à ses petites plaisanteries, alors que mon regard se plisse légèrement. « -Bambi aime bien se jouer de toi, oui…mais seule elle saura te dire si elle est sensible à tes charmes ou pas… » Nouveau sourire, qui s’étire légèrement plus, avant que je rigole. « -En revanche…je ne t’imagine pas pudique un seul instant. Tu me feras pas croire ça. Ni à elle, ni à moi… » Et je lui adresse un regard entendu, sourcils légèrement haussés.

Samael finit par s’écarter, et on retourne dans la chaleur du loft, dont il s’éclipse à peine quelques instants, revenant avec un ordinateur, alors que je m’installe en tailleur sur le canapé. Le blond bidouille sur son pc, jusqu’à me laisser découvrir une page personnelle, celle présentant les travaux de sa mère. Je dépose donc l’ordi sur mes genoux, et observe les clichés un à un, les détaillant précisément avec intérêt, appréciant les jeux d’ombre et de lumière, les poses des sujets, les perspectives. « -Ta mère a un talent de dingue… » Je ne décroche pas mon regard de l’écran tandis que je lui dit ça, glissant à la photo d’après, puis celle qui suit, jusqu’à avoir fait le tour du site. Il bidouille une nouvelle fois, et me montre désormais ses clichés, certains rappelant le travail de sa mère, qui doit être sa source d’inspiration au quotidien. Les paysages sont magnifiques, tout comme les portraits qu’il a fait, et qui ont tous ce petit quelque chose dans le regard, comme si Sam savait exactement comment capter cette étincelle-là. « -La pomme n’est pas tombée bien loin de l’arbre, on dirait ! » Je lui donne un petit coup d’épaule taquin, avant de me pencher vers l’écran, quand la nature des clichés changent, pour dévoiler des corps féminins, tous en courbes, volupté…mais surtout, nudité. Enfin…pas des corps…un seul, d’après ce que je vois aux grains de beauté, ici ou là. « -Hein hein…Samael le pudique fait des photos de nus ? C’est plutôt inattendu, ça… » Je lui adresse un sourire amusé, avant de pencher légèrement la tête pour toutes les regarder une nouvelle fois, avec davantage d’attention. « -C’est la même femme, à chaque fois…une amante passagère ? Ton premier amour ? Une relation interdite ? Dis-moi tout… » Je le fixe avec malice, et une pointe de mystère, découvrant une facette insoupçonnée de l’artiste qui sommeille en lui.

Je hausse une épaule, et ne retiens pas un léger sourire face à son rire concernant cette demoiselle qui l’a suffisamment inspiré pour qu’il la photographie dans le plus simple appareil…et plus d’une fois apparemment. « -Quoi ? Tu serais pas le premier artiste à tomber amoureux d’une nana, et à en faire sa muse…L’histoire est pleine d’anecdotes de ce genre… » Je penche un peu plus la tête, et attrape mon verre de vin, tandis que Sam finit par me raconter l’histoire derrière ces clichés, et ce corps dénudé, dont il a su capturer toute la beauté, sans pour autant aucune vulgarité. Il me parle de leur relation, charnelle sans être amoureuse, de cette nana devenue mannequin, de ce bon temps qu’ils ont passé ensemble. Au final, il ne semble pas bien rancunier, le petit Samy, et j’imagine qu’au final c’est tout ce qui compte, qu’il ai gardé un bon souvenir de ces moments passés à deux, avec ou sans objectif. Je me demande si sa vie à LA lui manque, même si je sais pourquoi il est ici, et qu’il ne quittera sans doute pas Downfall sans savoir où est sa petite sœur…si vraiment elle est ici. Des retrouvailles que je lui souhaite vraiment de pouvoir vivre un jour.

Le verre de vin toujours en main, je m’arrête en plein geste alors que j’allais le porter à mes lèvres, portant un regard étonné sur Samael, les sourcils se haussant, alors que mes lèvres s’entrouvrent pour finalement laisser un petit sourire s’y poser, alors que je glisse un regard sur sa silhouette, puis sur son ordinateur. Je laisse un index lascif glisser sur le dos de sa main, le genre d’attitude ouverte et sans gêne qu’à en général la peste Beauty avec lui, alors que le sourire s’accentue, et que je me reproche sensiblement de lui dans le canapé, jusqu’à ce qu’il puisse sentir la chaleur émanant de mon corps : « -Samy…qu’est-ce que je t’ai dit, concernant les propositions que tu pouvais faire, ou les mots que tu pouvais employer ? » Je m’humecte délicatement les lèvres, de façon trop sensuelle pour que ce ne soit pas calculé, tout en posant sur lui le genre de regards qui enflamment les clients du Naughty Night en un instant. « -Faut voir…tu veux voir qui sous ton objectif Samael ? Bambi…ou Solveig ? » L’index glisse davantage, gagne son avant-bras, trouve sa cuisse, alors que le sourire en coin persiste, et que mon regard plonge dans le sien, si beau. « -Parce que…les deux sont danseuses, tu sais…pas le même style, définitivement, pas le même genre de tenues non plus…et l’une d’elle casserait sans doute la lentille de ton appareil photo… » Du Bambi tout craché, tout en insolence, et en sous-entendus sexuels dont il doit avoir l’habitude maintenant. Mais le sourire finit par s’adoucir, tandis que j’hausse les épaules tout en finissant mon verre de vin, que je viens reposer sur la table basse, où le cuisinier a pris ses aises. « -Fais attention à tes mots, sérieux. Et sinon…j’ai jamais fait de shooting photo. Je…je sais pas si je serai très à l’aise, mais…y’a qu’un moyen de le savoir, j’imagine ! » Et je lui fait un clin d’œil complice, amusé, délaissant une nouvelle fois le masque de la Blackened que j’ai revêtu cinq ans plus tôt.

Je laisse finalement l’arrière de mon crâne trouver l’appui-tête du canapé en soupirant, et reste silencieuse un long moment, avant de tourner un regard en biais vers lui, hésitante. « -Samy ? Tu peux me promettre quelque chose… ? » Je garde de nouveau le silence quelques secondes, avant de me redresser pour venir planter mon regard clair dans ses yeux, tout en prenant une grande inspiration. « -Promets-moi que tu chercheras jamais à en savoir plus sur moi que ce que je veux bien t’en dire. Genre…tape jamais mon nom sur internet, mets pas nos photos en public si on voit mon visage, et rien dans le descriptif. Si je suis ici, à Downfall, c’est pas pour rien. Je veux pas qu’on me retrouve, alors…il faut pas que qui que ce soit puisse faire le lien entre le quartier expérimental et moi. » Je ne plaisante pas cette fois-ci, aucune trace de sourire sur mon visage, adieu l’insolence de Bambi, il ne reste qu’un sérieux profond, peut-être aussi un soupçon de peur au fond de mes yeux bleus. « -Tu promets ? »

Je hausse une épaule aux confessions de Sam, serrant les lèvres pour ne pas confesser que du haut de mes vingt-neuf ans, je ne sais pas forcément ce que le mot « sentimental » veut dire. Je n’ai jamais été amoureuse, me contentant de brèves relations éphémères ou de simples coups d’un soir, fuyant la queue entre les jambes pour m’assurer de ne jamais ressentir quoi que ce soit avec ce truc qui palpite dans ma poitrine. L’amour ? Beurk, non merci. Et puis, comme il le dit…ça ne se termine jamais bien, pas vrai ? Alors autant s’éviter toute cette peine directement, garder ses distances, et tout le monde s’en portera bien mieux au final. Je vois sur le visage de Samael que parler de cette nana le renvoie loin dans ses souvenirs, à une époque sans doute plus apaisée, puisqu’il ne vivait pas à Downfall, cet antre du mal, qui côtoie le pire au quotidien. Je lui laisse le temps de revenir dans le salon de mon loft à son rythme, alors qu’il finit par me poser une question qui éveille aussitôt la Blackened Beauty en moi, qui ressort les griffes à la vitesse de l’éclair.

Jeu de séduction, index lascif qui glisse sur son corps ferme, œillade incandescente, Bambi ne peut s’empêcher de taquiner le jeune photographe à coups de répliques salaces, et je m’amuse de sa réaction, qui m’arrache un sourire. Je me mordille la lèvre, accentuant la pression de mes doigts sur sa cuisse, remontant légèrement vers l’endroit fatidique, alors que le blond s’esclaffe soudainement, accompagnant son rire d’une remarque qui, loin de me vexer, dessine un sourire insolent sur mes lèvres, et exacerbe l’envie de jouer le jeu. “-Allons Samy...tu m’as déjà vu en petite tenue, tu sais comme moi ce qui se cache sous ces vêtements. D’ailleurs...je me demande bien qui de l’appareil photo ou de toi rendrait l’âme en premier.” Le sourire sur mes lèvres persiste, alors que mes doigts se font plus inquisiteurs sur son corps. Puis, comme si le bouton avait simplement été switché, Bambi retourne dans sa boîte, alors que Solveig reprend les rennes, et je rappelle à Sam l’importance de faire attention aux mots qu’il prononce. Prétendre être quelqu’un d’autre pendant cinq ans laisse des marques, et il est parfois difficile de savoir qui s’exprime, ou réagit, savoir même qui je suis réellement.

Je reprends ma place dans le canapé, et reste silencieuse quelques instants, avant de demander au jeune photographe une promesse qui a l’air de le laisser surpris, ou peut-être plutôt curieux. Lèvre inférieure mordillée par cette demande qui en dévoile beaucoup de moi, je le fixe avec un sérieux que je n’ai pas besoin de feindre, comme pour lui faire comprendre davantage à quel point il est vital qu’il tienne sa langue, qu’il ne tape jamais mon nom sur Google, ne parle pas du fait que derrière Bambi se cache une blondinette du nom de Solveig, docteur, qui a quitté New York cinq ans plus tôt. Je détourne malgré moi la tête quand il parle d’être milliardaire, la fille d’un quelconque homme important, et déglutis difficilement, parce que le jeune cuisinier n’a sans doute pas idée d’à quel point il a mis le doigt précisément sur la vérité. Je hoche néanmoins la tête doucement, et souffle un bref “-Merci.” à son attention, laissant le coin de mes lèvres se relever dans un infime sourire, avant de relever la tête vers lui, pour répondre à sa taquinerie. “-Tu devrais te méfier, t’as raison. J’ai lu assez de thrillers pour avoir beaucoup d’idées, et je suis médecin, je saurai transformer ça en simple accident. T’es pas encore sur ma liste de victimes potentielles, alors c’est safe pour toi...pour l’instant. Mais promis, si t’y apparaît un jour, je ferais ça proprement, et tu sentiras presque rien.” Et j’accompagne ça d’un sourire plein de promesses, le genre de sourire sadique qu’aurait un vrai serial-killer.

Mais Sam ne s’arrête pas là, et si j’acquiesce avec reconnaissance à ses paroles lorsqu’il dit qu’il tiendra sa promesse, et ne cherchera pas à en savoir plus sur moi que ce que je veux bien lui dire, il poursuit en évoquant malgré tout le fait qu’il se confiera à ses deux chats, ce qui m’arrache une mimique mi-blasée, mi-amusée. Puisqu’il se protège les côtes pour éviter que je le chatouille, je laisse discrètement mes doigts venir trouver l’un des coussins qui se trouvent sur le canapé, et le lui balance au visage dans un sourire gamin, ravie de mon sale coup. “-Okay...tes chats seront donc les prochains sur ma liste.” C’est faux, bien sûr, mais je n’ai pas besoin de le préciser, Sam s’en doute déjà. Je finis par lui tendre son ordinateur, avant de me relever pour ramasser les verres de vin vides, puis la vaisselle sale, mettant tout dans l’évier, alors qu’il se lève lui aussi du canapé. L’heure de dormir a sonné pour tous les deux, je vois bien qu’il est crevé, et je dois bien admettre que je le suis moi aussi. Je l’accompagne donc jusqu’à la porte, M’sieur Pantoufles faisant son apparition à ce moment-là, y voyant sans doute une opportunité de se tirer une nouvelle fois en douce. Porte ouverte, mon corps faisant barrage au chat fugueur, je lève le visage vers Samael, pour lui adresser un doux sourire reconnaissant. “-J’ai passé une bonne soirée Sam...bizarrement, ça fait du bien, de...pas faire semblant pour une fois. Merci.” Le sourire s’élargit un peu plus, même si je ne peux cacher le fait que je sois un peu mal à l’aise à cet instant. Je lui souhaite une bonne nuit, referme un peu la porte, avant de lâcher finalement : “-Reviens quand tu veux...surtout si t’as du risotto.” Et je ferme la porte sur ce large sourire sur mon visage, prenant le temps de faire la vaisselle, de me griller une nouvelle clope sur le balcon avant de rejoindre mon lit, le chat noir s’installant sur le fauteuil de la chambre. Oui, vraiment...c’était agréable de n’être que Solveig le temps de quelques heures.