[TERMINE] Call my fucking lawyer ! - Livia

Call my fucking lawyer !

Ok, clairement là, t'as merdé et en beauté, tu peux pas le nier. Et même si tu tentes de le faire, le fait d'être coincée au commissariat te le rappelle bien. Sans parler de l'état de ta gueule avec ton cocard et ta lèvre inférieure fendue… Ils t'ont pas pété le nez mais t'as quand même bien saigné du pif en plus même si ça se voit plus trop maintenant. Mais bon, pour le moment, tu te retrouves devant ses putains de téléphones fixes du poste avec un flic en uniforme en train de me surveiller alors que t'es en train de taper le numéro du bureau de Livia. Putain, qu'est-ce que t'as bien fait de réussir à retenir ce putain de numéro à la con. Et autant dire que t'es clairement pas tranquille quand les premières tonalités se font entendre. Parce que si elle te répond pas, t'auras l'air bien conne à avoir bousiller ton seul appel possible. Et alors que t'es en train de te dire que c'est Kenny que t'aurais dû appeler pour faire passer le message, tu entends finalement la voix de la mexicaine à l'autre bout du fil.

- Oh putain merci, t'as répondu !

Ne peux-tu t'empêcher de lâcher avec un soulagement plus qu'audible dans ta voix. Mais normal vu ta situation, non ? Et t'as même pas le temps de dire bien plus que ça, pas même le temps de lui préciser que c'est toi, au cas où, que l'autre con de flic se fait déjà entendre en t'aboyant presque dessus.

- T'as 30 secondes !
- C'est c'qu't'dis ta femme l'soir avant d's'endormir alors qu'tu veux la fourrer ?

Ouais, toi et ta putain de grande gueule… Mais en même temps, il t'a clairement tendu une perche ce gros con, non ? Ok ok, vu la tronche qu'il tire, tu commences à te dire que t'en rajoute encore une couche à ta situation déjà bien merdique. Oups ? Nan mais Livia va arranger tout ça, pas vrai ? Merde, Livia ! Tu lui as encore rien expliqué et elle vient déjà de t'entendre provoquer bien comme il faut un flic. Allez, on se concentre deux secondes Tegan. Ou va falloir à pas tarder à demander de voir si t'as pas une putain de commotion cérébrale… Ah non, pour ça faut un cerveau, c'est vrai, t'es sauvée du coup. Hé ho, tu divagues encore là !

- Pardon, c'con d'flic qui m'emmerde.

Finis-tu par lâcher au téléphone comme pour te justifier tout en essayant de te reconcentrer sur ta situation pour l'expliquer à l'avocate du gang. Parce que c'est clairement plus l'avocate que l'amie que tu appelles là.

- J'suis au commissariat, j'me suis faite arrêtée par les flics et ils veulent me garder. J'crois qu't'as entendu qu'j'ai pas beaucoup d'temps mais… P'tain, faut m'sortir d'là s'te plait. Envoie un d'tes gars s'te plait.

Au moins, tu vas direct à l'essentiel cette fois. Et puis ouais, non seulement t'as pas le temps de tout lui expliquer par rapport à ton arrestation mais en plus, tu te vois pas trop faire ça au téléphone au milieu d'un couloir du commissariat. Mais bon, ça elle doit le comprendre de toute façon, non ? Alors autant s'en tenir à ça. De toute façon, tu n'as pas vraiment le temps de rajouter quoi que ce soit de plus que l'autre con de flic te fais déjà comprendre que ton appel est fini. Mais wesh, connard, tu viens juste de le commencer ! C'est pas possible, il a pas le même chrono que toi ! Mais bon, une chose au moins te rassure au moment où on te fait raccrocher malgré toi, c'est que tu as réussi à avoir Livia pour lui dire d'envoyer un des avocats du gang te sortir là. Parce que ouais, tu te doutes bien que ce sera pas elle qui viendra vu ton peu d'importance dans le gang, toi qui reste juste une convoyeuse parmi tant d'autres au final. Elle, c’est juste pour les gros bonnets du gang et les capos.

Mais bref, pas le temps de réfléchir plus que ça qu'on te tire déjà de nouveau dans une salle d'interrogatoire et qu'on te laisse y poireauter un moment. Tu m'étonnes ! Vu qu'on t'a serré avec dix kilo de coke dans le coffre d'une bagnole volée et un sac de cash à côté, c'est clair qu'on va chercher à te faire cracher plus qu'un "j'savais pas que c'était là"… Surtout vu ton insolence avec les flics pendant et depuis ton arrestation. Ouais bah quitte à être dans la merde, autant l'être jusqu'au bout, non ? Tu restes un moment seule dans cette putain de salle, sans trop savoir combien de temps exactement, mais tu te doutes bien que c'est fait exprès, avant que deux flics te rejoignent et commencent à vouloir te faire parler. Mais hé, t'as peut-être -15 de QI mais y a quand même un truc que t'as retenu et que tu répètes en boucle dès qu'on te pose une question.

- J'parl'rais qu'en présence d'mon avocat.

Même si bordel de merde, t'espère aussi qu'il va finir par vite se pointer ce trou du cul en costard là ! Tu veux sortir de là, merde !

Feat. @Livia I. Aldana

HJ :

Les photographies étalées sur le bureau de Livia présentaient déjà quelques traces d’usure, signe qu’elles étaient passées entre plusieurs mains depuis l’instant où ces brefs instants de vie avaient été saisis. Sous ses yeux, les visages de dizaines de manifestants, ceux rassemblés sous les fenêtres de leur QG à peine quelques semaines plus tôt, au cours d’une émeute qui aurait pu bien mal tourner. Le cartel des Prayers of Insanity s’en était globalement bien tiré, les dégâts ayant surtout été matériels. Il y avait bien eu cette planque sur laquelle la police avait mis la main, elle qui avait profité de la manifestation pour s’infiltrer dans leur quartier, dont les Prayers les avaient tenus rigoureusement éloignés depuis quelques mois déjà. C’était pourtant un moindre mal, songea la juriste avec amertume, au regard des pertes qu’ils auraient pu subir ce jour-là, humaines et matérielles.

Depuis ce jour, l’avocate, comme nombre de ses compagnons, s’était fixée comme but de découvrir l’identité des Rats présents au sein de la foule, jusqu’à obtenir le nom de ceux qui avaient commandité cette désastreuse journée. Ils avaient bien quelques indices, et Ferguson ne devait certainement pas être étranger à tout ce remue-ménage. Une étincelle s’allumant au milieu de ses réflexions, Livia prit le temps de noter le mot “médecin”, qu’elle souligna deux fois, se rappelant qu’Olivia avait annoncé connaître l’un des hommes sur la photo, un quarantenaire dont elle pensait tirer quelques informations. L’hispanique ignorait où en était cette affaire, il faudrait donc qu’elle en profite pour poser la question au chien de garde d’Aaron quand elle verrait la jeune blonde. Pour l’heure, Liv était occupée à retranscrire ses notes avec application, son stylo parfois en suspens trahissant le cours de ses réflexions.

Perdue dans ses pensées, et les plans qui s’échafaudaient déjà dans son esprit, la mexicaine eut une mimique trahissant son irritation soudaine quand le portable se mit à sonner sur son bureau, sa langue claquant contre son palais marquant son impatience. Un long soupir quitta les lèvres de la jeune femme, alors qu’elle s’empara du téléphone pour remarquer que le numéro s’affichant sur l’écran lui était totalement inconnu. “-Aldana.” décrocha-t-elle sobrement, les sourcils se haussant aussitôt quand elle reconnut son interlocutrice. Plus que la surprise encore de remarquer que Tegan ne l’avait pas appelée de son propre téléphone, ce fut le ton empressé, et passablement soulagé, dans la voix de la blonde qui interpella l’avocate du cartel. “-Tegan ? Qu’est-ce que…” Mais Livia douta même que la convoyeuse l’entendit, alors qu’elle se faisait interpeller par une tierce personne, une voix masculine inconnue, à qui la blonde s’empressa de répondre sans aucun tact, et avec une vulgarité qui n’était pas étrangère à Livia.

Le visage de cette dernière n’était qu’un masque d’impatience, qui fut rapidement soufflée par le mot qui venait de claquer, détendant tous les traits de l’avocate sous le coup de l’incrédulité. Un flic. Tegan avait été, selon tout vraisemblance, arrêtée. Toute son attention accaparée par la voix de l’autre côté de la ligne téléphonique, Livia ne perdit pas un mot des explications fournies par son amie, à qui elle lâcha simplement : “-Ne prononce pas un mot de plus.” Et la conversation fut coupée, sans plus de cérémonie, sans que la brune sache vraiment si c’était de l’initiative de la convoyeuse, ou de ce flic à qui elle semblait s’adresser. Toujours assise à son bureau, le regard de l’hispanique fixait les photos, sans même les voir, son esprit déjà en pleine ébullition. Elle se répéta les paroles prononcées par son amie, en proie à une rare hésitation. Devait-elle se conformer à la demande de Tegan, et envoyer un subalterne ? La pensée même qu’il s’agisse de son amie biaisait les réflexions de la juriste, qui n’avait plus autant tergiversé depuis bien longtemps. Sa raison lui dictait une conduite stricte que Livia avait pourtant du mal à accepter, encore davantage à appliquer. Finalement, après de trop nombreuses tergiversations, elle recula subitement sa chaise, prenant malgré tout le temps de ranger les photographies ainsi que ses notes dans un dossier, qu’elle enferma en lieu sûr, dans son tiroir sécurisé.

Sans perdre une seconde de plus, la mexicaine enfila une tenue plus adaptée, un tailleur sombre, qui accentuait encore davantage son sérieux, et l’austérité qui pouvait parfois se dégager d’elle. Elle prit le temps de s’attacher les cheveux dans une queue de cheval haute, dont aucun cheveu ne dépassait, renforçant l’impression de rigidité qui émanait déjà de son apparence. Son reflet lui renvoya l’image d’une femme à peine maquillée, les lèvres pourtant soulignées d’un rouge à lèvres assez foncé, tout en sobriété, à l’image soignée, mais dont on ne pouvait douter de la détermination, de l’inflexibilité. Parfait, c’était ainsi qu’elle voulait qu’on la perçoive. Cela faisait longtemps que la jeune femme avait compris le pouvoir qui se dégageait d’une première impression, d’un physique, d’un minois, et elle avait appris depuis longtemps à utiliser cela à son avantage. Aussi, elle ne s’attarda pas plus longtemps et quitta son bureau, qu’elle s’empressa de refermer derrière elle, sa pochette à l’épaule. Durant le trajet qui la séparait du commissariat, Livia réfléchissait déjà aux stratégies qu’elle pourrait mettre en place dans le cadre de cette affaire, en fonction de ce qu’avait fait Tegan, et des raisons qui l’avaient conduite en garde à vue. Malgré une conduite prudente, l’attention de la brune était entièrement tournée vers ce qui ne manquerait pas de suivre, alors qu’elle se rapprochait de sa destination.

La voiture garée, l’hispanique ne s’attarda pas, se présentant au guichet d’accueil, sans le moindre sourire pour l’agent en uniforme qui se trouvait derrière. “-Maître Aldana. Je souhaite que vous m’accompagniez auprès de ma cliente, Tegan Hargreaves.” Le ton était courtois, mais aucune chaleur ne se dégageait de la juriste, qui ne fit démonstration d’aucune once de sympathie. Le téléphone fut décroché, et malgré son air détaché, elle tenta de ne rien louper de l’échange qui se déroulait devant elle, quand bien même le regard sombre de Liv se posait autour d’elle, et qu’elle s’appropriait les lieux, à sa façon, gardant la tête haute, et le dos bien droit. Un nouvel agent ne tarda pas à arriver à son tour, demandant à la jeune femme qu’il la suive, celle-ci se contentant d’un hochement de tête sec, avant de se mettre en route, marchant dans les pas du policier devant elle.

Son sens de l’observation la poussa à faire attention au moindre détail qui se présentait à elle au cours de ce bref trajet, alors qu’une porte grise s’ouvrait finalement devant Livia, laissant apparaître Tegan, et un homme, séparés par une table. “-Maître Aldana, je suis l’avocate de Mlle Hargreaves.” se présenta-t-elle, posant un regard sur l’homme, avant de se tourner vers Tegan. Son visage resta impassible à la découverte des traces de coups sur le visage de la blonde, alors même que la mâchoire de Livia se contractait, prouvant qu’ils n’étaient pas passés aperçus à son regard sombre. Elle posa sa sacoche sur la table, et avança jusqu’à rejoindre le même côté que celui de la jeune convoyeuse, comme une façon silencieuse de faire front commun face à cet agent qui lui hérissait déjà les poils de la nuque. “-Je souhaite m’entretenir seule à seule avec ma cliente. lâcha-t-elle sans avoir accordé le moindre mot à Tegan, alors que le policier lâchait une mimique à la limite du dédain. “-Pourquoi faire ? Votre cliente va filer tout droit en taule, peu importe ce que vous faites.” Il ricana, augmentant encore davantage l’aversion que l’avocate avait pour lui, une sensation qu’elle ne chercha pas à cacher.

Pourtant loin de se démonter, surtout pas devant un homme, encore moins lorsqu’il était flic, elle posa un sourire sur son visage, froid, alors qu’elle reprenait la parole. “-Vous avez du mal entendre. J’exige de m’entretenir seule avec ma cliente.” Ils se jaugèrent du regard de longues secondes, au cours desquelles aucun d’entre eux ne sembla disposé à baisser les yeux en premier. Un soupir se fit finalement entendre, mettant fin à ce trop long échange visuel, alors que l’homme redressait sa carcasse corpulente, et se levait, toisant les deux femmes à tour de rôle. “-Vous avez dix minutes. Pas une de plus.” Livia attendit que la porte se ferme dans son dos, et qu’elles soient enfin seules, pour se tourner vers Tegan, alors qu’elle posait ses mains à plat sur la table. “-C’est quoi ce bordel ?” demanda-t-elle finalement sans mâcher ses mots, sourcils froncés, sans cacher son impatience et son incompréhension.

La Prayer of Insanity n’avait pas hésité bien longtemps avant de prendre sa décision, et de quitter Florence pour venir de son plein gré dans ce commissariat grouillant de flicaille, où Tegan se trouvait en garde à vue. Elle ignorait pourtant ce qui était reproché à la jeune convoyeuse, mais cela n’avait même pas semblé avoir beaucoup pesé dans la balance au moment de faire un choix. Avec le recul, Livia comprendrait sans l’ombre d’un doute que sa décision avait été entièrement guidée par l’affection qu’elle portait à la blondinette, et qu’au regard de sa position au sein du cartel, ce n’était sans doute pas ce qu’il y avait de plus prudent à faire. Là, à cet instant, son jugement était obstrué, et la brune n’était même pas en mesure de s’en apercevoir.

Alors que Tegan relevait vivement la tête vers elle quand elle prit la parole à peine arrivée en salle d’interrogatoire, l’hispanique ne lui accorda qu’un bref regard, juste le temps de constater que la convoyeuse s’était sans doute approchée d’un peu trop près d’un poing, son oeil portant déjà la marque de cette rencontre. Avec autorité, l’avocate demanda à s’entretenir seule avec sa cliente, ne cédant pas d’un iota même face au refus de l’agent de police de leur accorder cet entretien. Elle retint de justesse un soupir exaspéré suite à l’intervention tout à fait inutile de Tegan, refusant d’accorder à ce policier le plaisir de voir que les deux Prayers n’étaient pas sur la même longueur d’onde. Il fallait faire front commun face à ce semblant d’autorité, et ce, dès les premiers instants. Après un duel de regards silencieux, et un soupir blasé de la part de l’officier Allister, les deux jeunes femmes se retrouvèrent enfin seules, Livia attendant pourtant que la porte se soit fermée dans son dos pour obtenir quelques explications de Tegan.

Et les explications ne tardèrent pas à pleuvoir, totalement décousues, partant dans tous les sens, au point que Livia fronça clairement les sourcils, essayant de suivre le discours survolté de son amie. Elle nota malgré tout soigneusement dans son esprit quelques informations, le prénom de ce Prayer qui semblait à l’origine de l’arrestation de la jeune femme -un certain Mouse-, le coquard infligé par cet agent de police, et qui ne manqua pas de faire une nouvelle fois serrer la mâchoire de la juriste, les trouvailles que les flics avaient fait dans le coffre de la voiture. Coke et argent, donc. Voilà qui n’arrangeait certainement pas les affaires de Tegan, et expliquait sa présence entre ces murs austères, face à ce policier qui l’était tout autant.

Dix minutes, c’était bien trop court pour se permettre de se perdre en détails pour l’instant insignifiants, et il fallait que Livia ait suffisamment d’informations à portée de main pour le retour de l’agent Allister. Sans cela, elle ne serait d’aucun secours dans la défense de la convoyeuse, qui passerait la nuit en cellule plutôt que dans son lit. Alors, dans un geste trahissant son impatience, et l’urgence de la situation, la brune tapa des mains sur la table avec une autorité qu’elle n’avait que rarement eu avec la blondinette, plantant son regard dans celui de Tegan : “-Tu peux te concentrer juste deux minutes, s’il te plait ?” bougonna-t-elle, penchée en avant, alors qu'elle prenait une longue inspiration. La réponse première de la blonde la laissa une brève seconde surprise, incapable de toute réaction, avant que Liv se reprenne pourtant bien vite : “-Tu aurais dû me dire au téléphone que tu ne comptais pas prendre ça au sérieux, j'aurais envoyé quelqu’un d’autre.” la sermonna-t-elle, alors qu’elle posait finalement sa pochette par terre, un bloc-notes bien en évidence sur la table.

Sa langue claqua bruyamment contre son palais tandis que Liv s’installait sur la seconde chaise côté suspects, juste aux côtés de Tegan, alors qu’elle tournait finalement le regard vers cette dernière, qui reprenait la parole d’un ton plus posé. L’avocate l’encouragea d’un bref hochement de tête, écoutant avec attention les explications que lui fournissait la convoyeuse, et qui expliquaient sa présence dans cette petite pièce exiguë. Les éléments s’imbriquaient enfin les uns dans les autres, alors que la mexicaine prenait connaissance de ce qui s’était passé, et qui avait conduit à l’arrestation de la sœur Hargreaves. Alors que Tegan se perdait de nouveau en expliquant ce qu’elle ferait subir à ce dit Mouse pour la situation dans laquelle il l’avait mise, Livia lui adressa un nouveau regard d’avertissement. “-Si tu veux avoir l’occasion de le revoir, et de sortir d’ici, continue de me raconter ce qu’il s’est passé. Juste ce qu’il s’est passé.” répliqua-t-elle sobrement, masquant mal l’impatience qui grandissait en elle.

Une voiture volée, dix kilos de drogue, et un sac plein d’argent. Voilà qui n’arrangeait vraiment pas les affaires de Tegan. Livia resta silencieuse un instant, le regard se détournant de sa cliente du jour pour fixer la vitre sans tain, les méninges déjà en pleine action. Les lèvres de la juriste se pincèrent dans une fine ligne à la suite des nouvelles paroles de la convoyeuse, bien qu’elle ne rebondit pas dessus tout de suite. Le temps qui pressait ne donna pas à l’hispanique l’occasion de réfléchir à la situation autant qu’elle l’aurait voulu. Elle resta silencieuse et immobile encore une poignée de secondes, avant de se tourner une nouvelle fois vers son amie. “-As-tu touché le coffre, le sac d’argent ou la drogue ? Est-ce que tes empreintes peuvent être retrouvées ailleurs que là où elles devraient l’être si tu avais réellement pris cette voiture juste pour la tester ?” demanda-t-elle en premier lieu, les sourcils légèrement haussés, étudiant avec attention le visage de la blonde.

Concentrée au possible, il fallait dire que le trajet en voiture lui avait laissé le temps pour ça, Livia tâchait de se remémorer si une situation semblable s’était déjà présentée, et qu’elle avait alors été sa ligne de défense. La juriste n’en était pas à son coup d’essai, et en choisissant le bon angle, peut-être parviendrait-elle à sortir Tegan de cette salle d’interrogatoire en lui évitant un quelconque séjour en prison. “-Marque, modèle, couleur et plaque d’immatriculation de la voiture ?” demanda-t-elle, alors qu’elle attrapait son stylo, prête à noter les précieux renseignements, alors qu’une idée germait dans son esprit. Ce n’était pas grand-chose, mais il fallait bien commencer quelque part. Jetant un œil à sa montre pour jauger du temps qu’il leur restait, Livia demanda également : “-Tu n’as rien dit qui pourrait te compromettre, ou aller contre cette version que tu leur as donnée ?” Savoir ce qui avait déjà été dit était primordial pour ne surtout pas aller dans une autre direction que celle déjà prise par Tegan, au risque de perdre toute crédibilité, et de donner envie aux policiers de creuser encore davantage.

Malgré la situation, Livia gardait la tête froide, n’oubliant pas les conséquences possibles si elle ne faisait pas preuve du même sérieux et du même professionnalisme que celui qu’elle arborait au cours de toutes ses affaires…ou même dans son quotidien. Pourtant, elle était la première à reconnaître que ce n’était pas forcément très judicieux de mélanger le professionnel et le personnel, et en l'occurrence, de représenter les intérêts d’une amie. Elle n’avait pourtant pas pris le temps d’y réfléchir réellement, pas alors qu’elle savait Tegan en train d’attendre l’arrivée d’un avocat, seule dans une salle d’interrogatoire face à des policiers. Elle qui était pourtant réfléchie et stratège en temps normal aurait tout le temps de se surprendre de cette impulsivité, une fois qu’elle aurait tiré la convoyeuse du commissariat où elle se trouvait. Pour l’heure, il lui fallait se concentrer, et réfléchir au meilleur plan d’action à adopter pour innocenter la blonde.

Un bref hochement de tête vint ponctuer les paroles de Tegan qui confirmait qu’en cas de recherche, ses empreintes ne se trouveraient nulle part ailleurs que côté conducteur, et sur le capot. Et même si la mexicaine n’en montra rien, la réponse était plus que satisfaisante. Elle allait dans le sens de ce que la convoyeuse avait dit à la police, et ça, c’était une bonne chose. La blonde n’était pas tirée d'affaires pour autant, et il y avait fort à parier que l’officier Allister et ses petits copains ne laisseraient pas les deux Prayers of Insanity repartir gentiment comme si de rien n’était, présentant des excuses pour la gêne occasionnée, et le temps perdu. Oh non, Livia sentait bien qu’il allait falloir se montrer inflexible, et sûre d’elle dans la défense choisie pour les intérêts de Tegan.

A ce sujet, la juriste ne tarda pas à demander quelques informations à son amie concernant le véhicule dans lequel elle avait été arrêtée, ses sourcils se haussant subtilement quand elle remarqua l’absence de toute hésitation dont fit preuve Tegan, qui se montrait cette fois-ci bien plus sérieuse. A croire que la jeune femme avait des préférences bien nettes quand il s’agissait d’arrêter de divaguer. Sans répondre verbalement, Livia marqua malgré tout son écoute, alors qu’elle notait les éléments sur son bloc-notes, son stylo s’arrêtant un instant de voler sur le papier aux nouvelles paroles de la blonde, qu’elle recadra rapidement. “-Tegan !” Le prénom claqua dans la petite salle d’interrogatoire, alors que Livia lançait à la convoyeuse un regard sans doute plus efficace que toutes les réprimandes du monde. S’emparant de son téléphone, la brune tapa un bref message à destination de l’un de ses subalternes, avant de le reposer à côté du bloc-notes.

Le temps passait trop vite pour se permettre de le perdre en nouvelles divagations, et elle aurait apprécié que son amie s’en aperçoive avant qu’il ne soit trop tard. Son regard chargé de sérieux couvant Tegan, l’avocate des Prayers of Insanity hocha une nouvelle fois la tête à la réponse de la blonde. “-Bien, c’est bien. Tiens toi en à la version que tu as donné lors de ton arrestation.” dit-elle en plantant ses yeux chargés d’avertissements dans ceux de Tegan, le visage légèrement penché. Livia resta ainsi une brève poignée de secondes, comme si elle était en pleine réflexion, pesant silencieusement le pour et le contre. “-En fait, tu sais quoi ? Ce serait vraiment bien que tu te contentes de répondre aux questions de l’officier. Rien que ça. T’as été essayer la voiture d’un client qui se plaignait d’un bruit, et là, la police t’est tombée dessus. Tu plaides coupable pour l’excès de vitesse, tu t’en sortiras avec une belle amende, mais tu n’as jamais touché le coffre, l’argent ou la drogue.” ajouta-t-elle, avant de se redresser et d’écrire quelques mots de plus sur le bloc-notes.

L’hispanique tapotait doucement le papier du capuchon de son stylo lorsqu’elle sentit le regard insistant de Tegan sur elle, la poussant à tourner le visage vers elle, pour remarquer cet air sérieux qu’arborait désormais la convoyeuse. Par réflexe, Livia se redressa à la question de son amie, fronçant légèrement les sourcils, alors que ses lèvres s’entrouvraient déjà pour apporter une réponse. Elle fut cependant coupée par le retour de l’officier Allister, qui lui fit serrer la mâchoire, même si son arrivée était assez bien tombée. La mexicaine détestait faire des promesses sans être sûre et certaine de les tenir. Alors, étant privée de la possibilité de répondre avec des mots, elle glissa ses doigts jusqu’à ceux de Tegan, tapotant légèrement le dos de sa main, son regard accrochant la montre à son poignet. “-Allister…je suis navrée de vous annoncer que votre montre avance d’au moins deux minutes. J’imagine que nous ne devons y voir rien d’autre que l’expression de votre zèle et votre passion pour la justice ?” demanda-t-elle d’un ton courtois, même si la lueur dans son regard était suffisante pour comprendre qu’il ne fallait certainement pas y voir la moindre marque de respect. Elle savait malgré tout qu’il valait mieux ménager les égos des personnes qui lui étaient inconnues, pour éviter tout accès de de susceptibilité, dont Tegan paierait les conséquences.

D’ailleurs, cette dernière ne manqua pas de lancer un commentaire dont personne ne connut la fin, le coude de Livia filant droit vers les côtes de la blonde pour l’empêcher de prononcer la fin de sa phrase. Mais ! Quelle partie de “se contenter de répondre aux questions de l’officier” Tegan n'avait-elle pas compris ? Le regard de gosse fâchée qu’elle lui adressa n’échappa pas à Livia, qui se contenta d’une brève oeillade d’avertissement, comme une façon silencieuse de lui dire de ne pas tout foutre en l’air. L’officier les regarda à tour de rôle, avant de s’installer sur la chaise -s’y laissant tomber, plutôt-, reprenant : “-Alors…elle plaide coupable la petite dame ?” Son ton moqueur n’échappa pas à l’avocate, qui malgré une expression neutre sur le visage, se retint de laisser transparaître son agacement. “-Ce n’est pas la petite dame, mais Mlle Tegan Hargreaves.” commença-t-elle, d’une voix ferme. Elle n’accepterait pas que cet homme se montre aussi irrespectueux envers elles, sans le remettre à sa place avec diplomatie.

Livia jeta un coup d'œil en biais à Tegan, hochant légèrement la tête, avant de faire une nouvelle fois face à Allister : “-Ma cliente plaide coupable pour l’excès de vitesse ayant conduit à son arrestation. Elle ignorait cependant que la voiture avait été volée, et n’avait donc pas connaissance de son chargement.” reprit-elle d’une voix posée, les mains croisées sur la table devant elle, couvrant le bloc-notes, son regard se plantant dans celui de l’officier Allister. La mimique dédaigneuse de ce dernier ne lui échappa donc pas, alors qu’il s’affaissait un peu plus sur sa chaise, tournant son visage antipathique vers la convoyeuse. “-Et elle en dit quoi la petite…euh…Mlle Hargreaves ?” se corrigea-t-il en jetant un bref coup d'œil vers l’avocate, avant de se pencher vers la blonde, un sourire goguenard venant trouver ses traits : “-C’est un peu simple comme défense, non ? Je suis flic depuis une paire d’années maintenant, je sens les bobards à des kilomètres à la ronde. Et tu sens ça ?” Il renifla l’air plusieurs fois en surjouant ses gestes, avant de froncer le nez, comme si une odeur l’avait réellement dérangé. “-Et bah on dirait que ça pue. Alors, Hargreaves, à qui appartiennent l’argent et la drogue ?”

Les mains sur la table, le corps droit, Livia prit la parole pour faire face à cet officier manifestement trop zélé, et particulièrement décidé à déclarer Tegan coupable des chefs d’accusation qui pesaient pour l’heure sur elle. L’avocate n’était pourtant pas décidée à laisser ce flic conduire son amie derrière les barreaux, pas sans se battre férocement auparavant. Alors, d’un ton posé et poli qui contrastait avec celui de la jeune convoyeuse, la juriste annonça à Allister que la blonde reconnaissait l’excès de vitesse, il devait d’ailleurs savoir s’il avait consulté son dossier que ce n’était pas le premier, mais qu’elle ignorait tout du chargement du véhicule. Après l’avoir regardée quelques secondes, sans que Livia ne sache s’il attendait simplement de voir si elle comptait ajouter quelque chose, ou s’il cherchait à déceler la vérité sur les traits de son visage, Allister tourna son regard éteint vers Tegan, qui de quelques mots, appuya la déclaration de son avoka(te), la mexicaine approuvant les paroles et l’attitude de la convoyeuse des Prayers d’un petit signe de tête.

Pourtant, dès l’instant où cet agent de police attaqua verbalement une nouvelle fois la blonde, Livia douta que cette dernière saurait modérer ses excès d’humeur face à ce flic qui la titillait avec un peu trop d’insistance. D’ailleurs, la première réponse de Tegan, et cette évocation du Père Noël poussa l’hispanique à serrer les mâchoires, bien qu’elle ne montra rien de ce que lui inspirait la bravade de sa cliente du jour. Allister, en revanche, voyait rouge. Littéralement. Une grosse veine venait subitement de se gonfler dans son cou, alors qu’il tapait brusquement de la main sur la table, sans pourtant arracher le moindre sursaut aux Prayers of Insanity. Quelques postillons s’étalèrent sur la table entre les jeunes femmes et l’officier, qui ne semblait pas vraiment sensible à l’humour de sa suspecte…qui ne trouva rien de mieux à faire qu’en rajouter une couche, diluant encore un peu le peu de patience que semblait conserver Allister. “-Tegan !” La voix de la juriste claqua une nouvelle fois dans la petite pièce exigüe, alors que la brune tournait un regard passablement irrité vers son amie qui feignait presque avec innocence de ne pas comprendre qu’elle était en train d’aggraver son cas, par pure provocation. “-Tu n’aides pas, là.” ajouta-t-elle à mi-voix, les dents serrées, une lueur impatiente au fond du regard.

Leur échange visuel ne dura cependant pas, Allister reprenant la parole pour relancer Tegan sur les circonstances de son arrestation, sur ces faits qu’elle clamait haut et fort depuis cet instant, à savoir qu’elle ignorait à qui appartenait l’argent et la drogue. Et non, le Père Noël ne semblait pas être la réponse adéquate à cette question. Aussi, et sans doute pour la énième fois depuis que la blonde se retrouvait de ce côté-ci de la salle d’interrogatoire, elle répéta une nouvelle fois ce qu’elle avait déjà dit, et que le flic semblait avoir tant de mal à entendre. Pourtant, il avait beau agacer l’avocate, qui n’aimait rien chez lui, de ses manières rustres à son agressivité verbale, Livia savait qu’il ne faisait sans doute que son travail…un travail ingrat à ses yeux. La nouvelle pique de Tegan lui valut un nouveau regard réprobateur et un léger soupir las de la part de la mexicaine, qui réfléchissait déjà à un nouvel angle d’attaque. Allister, lui, semblait toujours camper sur ses positions, persuadé, à juste titre d’ailleurs, que Tegan était bien moins innocente qu’elle le clamait. Pour autant, Liv était bien décidée à ne rien lâcher, jusqu’à ce qu’elles ressortent de cette pièce, en femmes libres.

Un soupir audible quitta cette fois-ci les lèvres de l’hispanique quand Allister attaqua une nouvelle fois, répétant ce qu’il semblait déjà avoir dit une paire de fois, un soupir qui n’avait d’autre but que de faire comprendre à l’officier qu’il ne parviendrait à rien en tournant en boucle. Livia n’eut cependant pas le temps de prononcer le moindre mot, et rebondir sur cette énième affirmation, que Tegan lui coupait l’herbe sous le pied avec pertinence, alors qu’Allister marquait un temps d’arrêt, bref, presque éphémère, mais suffisant. “-Hé bah, c’est que…on t’a quand même arrêtée à bord de cette voiture et la drogue et l’argent étaient dans le coffre.” dit-il avec une assurance qui sembla vaciller un très court instant. “-T’étais au volant, alors…tu savais forcément, me prend pas pour un abruti.” ajouta-t-il en redevenant rouge, son regard passant de Tegan, à Livia, pour revenir sur la blonde, alors qu’il pointait sur elle un index accusateur.

L’avocate des Prayers of Insanity resta de marbre face à ce qui ressemblait au désespoir à l’état brut, alors qu’elle reprenait rapidement, comme pour éviter de laisser l’occasion à la convoyeuse de provoquer une nouvelle fois l’officier. Livia pouvait deviner d’ici ce que lui répondrait son amie : “-non mais regarde…il le cherche aussi.” et elle n’avait pas tout à fait tort. “-Allister, vous avez bien conscience que ce genre de preuves, si tant est qu’on puisse appeler cela ainsi, ne sera absolument pas recevable par un juge ?” demanda-t-elle en dépliant ses longs doigts, toujours aussi droite sur sa chaise, sa posture contrastant avec celle de la blonde à ses côtés, avachie sur son siège. “-Laissez moi reformuler la question de ma cliente. Avez-vous une preuve physique et matérielle indiquant que Mlle Hargreaves avait connaissance du contenu du coffre ? De l’ADN sur le tapis dudit coffre ? Des empreintes sur la carrosserie, l’argent ou la drogue ? Quelque chose de plus tangible que votre instinct de vieux flic ?” reprit-elle d’un ton égal, alors que son regard sérieux se plantait dans celui de l’agent de police, strié de petits vaisseaux sanguins.

Sa grosse veine dans le cou palpitait, Livia se demandant même le temps d’un battement de cils si elle n’allait pas finir par se rompre, et Allister se vider de son sang devant elle, sur le sol de sa salle d’interrogatoire. “-Mes gars font les relevés habituels. Les résultats tomberont d’un instant à l’autre.” lâcha-t-il d’un ton mauvais, les traits durcis par la colère, les poings serrés, qu’il fit disparaître sous la table. Il resta silencieux un instant, mâchonnant à grand renfort de bruits son chewing-gum, reprenant au bout de quelques instants. “-Admettons que je te crois, et c’est pas le cas, fillette. Ton gars là, t’as son identité ? Son permis de conduire ? Les papiers d’identité de la voiture ? Quelque chose qui prouverait que tout ça, là, c’est pas du baratin ?” demanda-t-il dans une nouvelle salve de postillons.

Avant que Tegan ai le temps de prononcer le moindre mot, ou encore de rebondir sur ce surnom peu flatteur dont elle se retrouvait affublée, Livia lui donna un très léger coup avec son pied sous la table, à l’abri des regards, comme une façon silencieuse de lui dire de ne pas s’enflammer de suite. “-Ma cliente est une professionnelle, bien sûr qu’elle possède ces documents. Le fait que vous les lui réclamiez seulement maintenant me pousse cependant à me questionner sur le vôtre, de professionnalisme.” répliqua-t-elle, la grosse veine palpitant une nouvelle fois face à ce qui devait sonner comme un affront aux oreilles d’Allister. En réalité, ces documents n’existaient pas. Pas encore entièrement du moins. Livia avait pourtant demandé à un membre de son équipe de falsifier des papiers d’identité, et une carte grise conforme aux informations transmises par Tegan un peu plus tôt, juste au cas où. Restait encore la question de comment amener ces documents jusqu’au commissariat, mais la mexicaine jugea qu’elle se pencherait sur le sujet en temps voulu. “-Alors comment il s’appelle, ton client mystérieux ?!” demanda-t-il dans un aboiement, en tournant son visage rubicond vers Tegan, les yeux rétrécis par la colère. “-Et arrête de me mener en bateau !” ajouta-t-il dans une pluie de salive, alors qu’on toquait deux brefs coups sur la porte de la salle d’interrogatoire, un flic en uniforme passant sa tête par l'entrebâillement.

Profitant qu’Allister se soit levé pour aller récupérer le dossier que son collègue avait entre les mains, Livia attira discrètement l’attention de Tegan sur son bloc-notes, où elle avait écrit quelques informations lors de leur petit entretien en tête à tête. Parmi ces informations, un nom complètement bidon, censé être celui de ce mystérieux client qui n’existait pas, ce nom qui figurerait sur les faux papiers. Elle aurait voulu lui parler de cela lors de leur entretien, mais le retour du flic plus tôt que prévu l’avait empêchée de dévoiler une quelconque stratégie à la blonde. Un simple hochement de tête qu’elle espérait suffisant, et Livia reposa ses mains sur les papiers, dans la même posture que précédemment, alors que l’officier en charge du dossier de Tegan s'asseyait de nouveau face à elles, veillant à garder le dossier en papier brun recyclé clos, mais posé en évidence devant lui. “-Son nom ?” réclama-t-il une nouvelle fois, étrangement un brin plus calme que précédemment. Un changement d’attitude soudain qui ne disait rien qui vaille à l’hispanique.

Le léger signe de tête que lui avait adressé Tegan confortait l’avocate dans le fait que la convoyeuse avait compris le plan qui était en marche, et qu’elle serait raccord sur le nom qui figureraient sur les faux papiers qui étaient en train d’être fabriqués. Rassurée, Livia ne le fut pourtant pas bien longtemps, cette expression de triomphe assumée sur le visage de l’agent Allister ne lui disant rien qui vaille. Ce dernier avait pris la peine de poser le dossier qui venait de lui être remis sur la table devant lui, bien en évidence entre la police d’un côté, et les deux jeunes femmes qui faisaient front de l’autre. Pour autant, ledit dossier demeura pour l’heure clos, sans rien laisser deviner de ce qu’il pouvait contenir, alors que le policier demandait une nouvelle fois le nom du client de Tegan. Bien que son visage soit toujours tourné vers Allister, la mexicaine avait légèrement hoché la tête vers son amie, se redressant sous l’effet de la satisfaction quand le nom fut lancé.

Une satisfaction qui fut cependant de courte durée, alors que l’agent face à elles se laissait emporter dans un nouvel excès de colère, qui le rendit rouge écarlate, et particulièrement détestable en même temps. La mâchoire de l’avocate se contractait de plus en plus, alors que l’agent laissait finalement déverser toute sa fureur, usant des mots qui arrachèrent aussitôt à la brune une exclamation outrée, la colère s’immisçant à son tour dans les veines de Livia. “-Officier Allister !” grogna-t-elle dans un accès d’impatience, alors même que sa voix était couverte par celle de la convoyeuse, qui s’indignait face aux paroles prononcées par cet homme, qui n’avaient tout bonnement pas leur place dans ce lieu. Qui n’avait d’ailleurs leur place dans aucun lieu.

L’excès de calme dont avait subitement fait preuve l’agent de police était désormais plus clair maintenant qu’il exposait aux deux Prayers ce qu’avaient donné les investigations faites par les agents de la police scientifique, révélant des empreintes sur le coffre. Pourtant, Livia ne comprenait pas vraiment pourquoi Allister se sentait soudain si euphorique, ne comprenant pas le cheminement qui se faisait dans l’esprit du policier. Les empreintes relevées n’étant pas celles de sa cliente, l’avocate ne voyait pas vraiment où voulait en venir désormais l’homme face à elles. S’il clamait haut et fort ne pas être un bleu, et même plutôt un vieux de la vieille, ses paroles, son comportement, et ce travail bâclé qu’il leur exposait laissait pourtant suggérer tout le contraire.

Pourtant, avant que la mexicaine n’ai eu le temps de répliquer, Tegan lui avait coupé l’herbe sous le pied, faisant remarquer à juste titre que les faux papiers d’identité étaient monnaie courante à Downfall. Elle-même en possédait d’ailleurs, tout comme bon nombre de Prayers of Insanity qui devaient protéger leurs identités. La nouvelle pique qui accompagna ces quelques paroles censées n’étonna pas vraiment Livia, qui pourtant, ne pouvait blâmer la blonde. Elle-même commençait à montrer des signes d’impatience face à cet énergumène, alors même que ses nerfs étaient pourtant d’habitude à toute épreuve.

Et ce soi-disant gardien de la paix en rajoutait une couche, manifestement enclin à rallonger la liste des charges qui pesaient contre Tegan. Cette dernière y alla de son petit commentaire, qui poussa Livia à tourner un visage passablement interloqué vers elle, à peine une seconde, alors qu’elle se réfugiait bien rapidement derrière son masque de professionnalisme. Alors que l’agent de police était déjà en train d’ouvrir la bouche, sans doute pour répliquer une nouvelle gentillesse, l’hispanique fut plus rapide, prenant une nouvelle fois la parole, d’une voix ferme, mais empreinte d’une autorité qu’elle n’avait pas besoin de feindre. “-Non, agent Allister, c’est vous qui allait changer de ton direct avec ma cliente, qui n’a que trop entendu vos surnoms railleurs et méprisants. Si vous désirez vous adresser à elle, ce sera en l’appelant Tegan Hargreaves. Pas la petite, fillette, pétasse, et encore moins gouinasse de vos couilles. Votre vulgarité et votre irrespect ne compenseront jamais votre manque de professionnalisme, vous pouvez dès lors épargner nos oreilles de votre poésie.” souffla-t-elle tout en se redressant, se levant à son tour, alors qu’elle posait les deux mains à plat sur la table, le corps penché vers l’agent de police. Elle n’avait pas besoin d’élever la voix, de se mettre à taper du poing, d’user de surnoms dédaigneux, ça n’avait jamais été dans sa façon de faire de toutes façons. Pour elle, un tel spectacle n’était qu’un aveu de faiblesse, de l’esbrouffe à l’état brut.

Pour autant, Allister ne daigna pas s'asseoir, tendant même son visage vers celui de Livia, si proche qu’elle put sentir le souffle de l’homme caresser son visage. Tenant bon, la mexicaine ne lui offrit pas le plaisir de faire un pas en arrière, quand bien même l’envie était tentante. “-Ou sinon, quoi ?” demanda-t-il dans un sourire mauvais, dévoilant des dents jaunies qui n’échappèrent pas à l’attention de l’hispanique. “-Votre putain de cliente me raconte des cracks depuis que je l’ai arrêté. J’ai su que c’était une embrouilleuse à la seconde où elle a ouvert son clapet. Regardez-là, c’est une baratineuse, ça se voit. Une baratineuse et une criminelle. Et vous qui la défendez, vous valez pas mieux. Vous êtes aussi coupables l’une que l’autre.” S’il avait pu cracher sur la table, la mexicaine ne doutait pas qu’il l’aurait sans doute fait. A croire que les mots employés n’étaient pas déjà suffisants pour exprimer le mépris évident qu’il ressentait. “-Attention à vos paroles Allister, n’oubliez pas à qui vous vous adressez.” siffla Livia entre ses dents, ses doigts se crispant sur la table. Il renifla  avec un dédain qu’il ne chercha même pas cacher, restant dans cette position encore de longues secondes, avant de consentir à se reculer et à prendre place sur sa chaise. Peut-être venait-il de songer aux conséquences que pourraient avoir sur sa carrière de s’adresser ainsi à une avocate, dans l’enceinte même du commissariat.

Avec des gestes raides, et quelques secondes de battement, Livia en fit de même, s’asseyant à son tour. Le visage toujours fermé, la brune se tourna une brève seconde vers Tegan, s’éclaircissant la gorge, reprenant alors : “-Donc…vous avez trouvé sur le coffre du véhicule volé les empreintes d’un homme, un certain Chelar Mason. C’est bien cela ? » demanda-t-elle de façon tout à fait rhétorique, son regard de nouveau vissé dans celui de l’agent Allister. Ce dernier hocha la tête, sans s’être défait de son sourire mauvais. « -Vous cassez pas la tête Aldana, votre petite protégée va aller en prison. » lança-t-il, bien trop sûr de lui, alors que la brune poursuivait comme si elle n’avait pas été interrompue. « -Tegan, tu reconnais l’homme sur la photo ? C’est bien celui qui t’a confié sa voiture pour révision ? » enchaîna-t-elle après confirmation de l’intéressée. « -Et il s’est présenté sous le nom de Vince Prescott, c’est ça ? Le nom présent sur les papiers d’identité qu’il t’a fourni. Est-ce que cet homme, par son comportement, t’as donné l’impression d’être nerveux, ou de cacher quelque chose ? Etait-il suspect d’une quelconque façon ?” poursuivit la juriste, le visage tourné vers sa cliente, attendant que Tegan s’exprime sur le sujet, pouvant malgré tout voir dans son champ de vision à quel point l’agent de police semblait prendre tout cela à la rigolade. Pour lui, il n’y avait aucun doute, la jumelle Hargreaves allait passer la nuit derrière les barreaux.

C’était pourtant sans compter sur l’acharnement de Livia, qui n’avait pas pour projet de donner gain de cause à cet imbécile. “-Bien, que l’un ou l’autre de vous m’interrompe si je me trompe. Donc…un homme s’est présenté à toi sous le nom de Vince Prescott, en te demandant de procéder à la révision de son véhicule. Les policiers ont trouvé les empreintes de ce Prescott sur sa propre voiture, et notamment au niveau du coffre, où se trouvaient l’argent et la drogue. Et vous, officier, avez réussi à déterminer d’après ces empreintes, et vos fichiers, que cet homme était en réalité Mason Chelar, et que les papiers présentés étaient des faux.” énuméra-t-elle, en observant tour à tour Tegan et l’agent de police, déroulant à voix haute les faits en sa possession. “-Allister, vous n’avez pas évoqué les empreintes de ma cliente, j’en déduis donc que, conformément à ses déclarations, elles ne se trouvaient pas sur la carrosserie où vous espériez les découvrir. Sinon, votre ligne d’attaque ne serait pas été aussi bancale que celle que vous usez contre ma cliente, n’est-ce pas ?” Il se renfrogna, ne trouvant rien à répondre pour une fois, alors qu’un fin sourire passait sur les lèvres de Livia, qui fronça légèrement les sourcils, avant de reprendre : “-J’ai toutefois du mal à suivre les charges qui pèsent contre ma cliente, officier. Mlle Hargreaves est-elle coupable d’avoir conduit une voiture volée contenant des biens dont elle ignorait l’existence, d’avoir finalement mis la drogue et l’argent dans le coffre, ou de ne pas avoir deviné que son client était en réalité un criminel qui usait de faux papiers ? Vos accusations sont assez confuses.” demanda-t-elle sans quitter l’officier écarlate du regard, alors que celui-ci semblait gonfler ses poumons, prêt à exploser une nouvelle fois.

Allister leva son gros index, reprenant sur ce ton qu’il avait déjà usé précédemment, et qui semblait pourtant n’avoir aucun effet sur les deux femmes. “-Puisque je vous dit que je sais qu’elle est coupable. C’est évident. Mais regardez-la, bon sang !” éructa-t-il au milieu de quelques injures, alors que de nouveaux postillons mouillaient la surface de la table d’interrogatoire. Livia redressa légèrement la tête, poursuivant d’un ton égal : “-Ce qui est évident, surtout, c’est votre obstination à accuser Mlle Hargreaves alors même que les preuves l'innocentent, en vous basant sur quoi…votre instinct défectueux ? L’apparence de Mlle Hargreaves ? Allons officier, ça ne tient pas la route une seule seconde, mais vous provoquerez sans doute un sacré fou rire au juge à qui vous soumettrez votre dossier. Au mieux vous retournez sur les trottoirs en uniforme, au pire, vous perdez jusqu’à votre badge. Mais jamais ma cliente ne sera déclarée coupable avec des preuves aussi insignifiantes.” Faire naître le doute, et l’entretenir, elle savait y faire. Le ton de Livia ne souffrait d’ailleurs d’aucune contradiction, et dans ces moments-là, elle aurait pu être à pas grand-chose de convaincre Paul qu’il s’appelait Pierre. Elle devait pourtant bien admettre que cet homme était un adversaire qui brillait par sa bêtise, peu évidente à contrer.

Livia tourna une nouvelle fois son visage vers Tegan, en prenant une légère inspiration. “-Nous maintenons notre position. Ma cliente est uniquement coupable d’excès de vitesse. Pour le reste, je peux vous donner un coup de main pour résoudre votre affaire. Voilà votre homme.” dit-elle, tout en poussant la photo de ce Chelar en direction de l’agent de police. Livia tapota de son index la photo de l’homme, alors qu’elle ajoutait “-Je suis certaine que vous ne voudriez pas que nous racontions au juge comme Mlle Hargreaves s’est sentie obligée de plaider coupable pour un crime qu’elle n’a pas commis, poussée par les crises de fureur, les insultes, les menaces verbales et physiques de l’agent de police dévoué qui s’est chargé de cette enquête. Ce serait vraiment très embêtant de devoir expliquer au juge comment l'œil de ma cliente s’est malencontreusement cogné contre votre matraque lors de son arrestation, n’est ce pas, Allister ? Ou comment vous avez manqué de respect à l’avocate présente en salle d’interrogatoire avec vous ?” ajouta-t-elle, les sourcils légèrement haussés, alors même qu’elle n’attendait aucune réponse de la part du policier. Le regard de celui-ci était désormais fixé sur la photo du suspect, mais à la palpitation encore rapide de la veine dans son cou, il était impossible de savoir s’il s’était laissé convaincre, ou s’il avait encore quelques attaques dans sa manche. Que ce soit l’un, ou l’autre, les deux Prayers ne manqueraient sans doute pas de le savoir rapidement.

S’aidant de la photographie que l’agent Allister avait posé sur la table entre les deux jeunes femmes, quand il pensait sans doute encore qu’il parviendrait à arracher des aveux à Tegan, la mexicaine tâcha de reprendre son argumentaire, comme si elle n’avait jamais été interrompue par les attaques verbales et le manque de professionnalisme de l’agent de police. Questionnant la convoyeuse, alors même que c’était l’homme de loi qui aurait dû le faire, Livia retraça les événements, tels qu’ils auraient pu se passer, si les deux Prayers of Insanity n’en avaient pas inventé une partie de toutes pièces. En l’absence d’éléments allant contre leur version, Allister n’allait pas pouvoir garder sa ligne d’attaque bien longtemps. Pas alors que l’avocate s’employait à démonter avec application les arguments vainement avancés par l’agent de police jusque-là.

Si elle tentait de n’en rien montrer, Livia sentait pourtant que sa patience était mise à rude épreuve, et commençait à montrer des signes de faiblesse face aux excès d’humeur de l’agent de police. Cet Allister faisait preuve d’une bêtise à toute épreuve, l’agaçant profondément, la poussant à ne pas mâcher ses mots, ni à prendre la moindre pincette pour s’adresser au policier. D’ailleurs, à l'instant où elle évoqua le juge, et le fait que le dossier de Tegan serait rapidement considéré comme ridicule et risquait même de lui valoir une rétrogradation, l’homme se renfrogna, avant de se tourner dans le même mouvement que la mexicaine vers la blondinette qui venait de lâcher un commentaire qui arrondit les yeux de Liv. “-Tu…? Euh…d’accord. Très bien.” bredouilla-t-elle pour toute réponse, son expression vacillant une brève seconde sur son visage pour afficher sa surprise, avant qu’elle parvienne à retrouver son masque de sérieux détaché. Pourtant, l'hispanique continua d'observer son amie encore de longues secondes, les sourcils à peine froncés, alors que la blonde semblait tout à coup passionnée par ses chaussures.

Aucun d’entre eux n’eut cependant vraiment l’occasion de s’attarder sur les paroles de Tegan que la porte s’ouvrait à la volée avec fracas, un nouvel arrivant déboulant comme une tornade dans la salle d’interrogatoire dans laquelle ils ne tarderaient pas à se trouver à l'étroit. L’avocate observa avec attention le nouveau venu, qui de son côté n’avait d’yeux que pour Allister, qui perdit bien vite le peu d’assurance qui lui restait, alors qu’il se ratatinait sur sa chaise, dans le vain espoir de disparaître. Une moue désapprobatrice trouva le visage de Livia quand cette dernière apprit qu’Allister avait reçu l’ordre, un quart d’heure plus tôt, de laisser partir les deux Prayers. Ses lèvres se pincèrent légèrement, retenant la remarque acerbe qui menaçait de lui échapper.

Sans attendre une quelconque autorisation, la juriste rangea ses affaires, et se leva, faisant face au supérieur d’Allister, qui lui présentait des excuses, avant d’enchaîner sur les suites de cette affaire, possibles grâce à l’identification de la convoyeuse. La voix de Tegan se fit entendre dans son dos, bougonne, mais sans se tourner vers elle, Livia prit à son tour la parole. “-Hm…vous savez ce qui serait encore plus pertinent que vous présentant des excuses pour le travail bâclé de l’un de vos subalternes ? C’est que ledit subalterne présente lui-même des excuses pour le comportement déplacé qu’il a pu avoir, ses propos tendancieux et son manque de professionnalisme évident.” lâcha-t-elle, les sourcils légèrement haussés, avant de se tourner vers l’homme qui les avait fait tourner en bourriques, trop buté pour reconnaître ses torts, et les laisser partir quand il en avait reçu l’ordre. “-Allister ? Quelques mots de plus pour Mlle Hargreaves ?” relança-t-elle, entièrement tournée vers l’agent aux joues cramoisies, qui aurait sans doute préféré se trouver n’importe où ailleurs plus que dans cette salle trop remplie à son goût.

Le nouveau venu prit une longue inspiration, posant ses mains sur ses hanches, alors que sa patience semblait encore plus ténue que celle de l’avocate. “-Hé bah alors, Allister ? On a pas toute la journée, bon sang ! Crachez le morceau !” beugla-t-il une nouvelle fois, à pas grand-chose de saisir son officier par les épaules pour le secouer. Allister, de son côté, n’en menait pas large, et ne tarda pas à lâcher à son tour : « -Ouais…bah…j’suis désolé. » marmonna-t-il, en fixant la photographie du suspect de cette affaire, après les avoir pourtant gratifiées d’un regard, à tour de rôle. La langue de l’hispanique claqua contre son palais, trahissant cet agacement qu’elle ne parvenait plus à contenir, alors qu’elle reprenait : « - Vous avez dit ? Mes tympans doivent encore souffrir de vos cris,je n’ai pas compris vos paroles, Allister. » Il la fusilla une nouvelle fois du regard, sans que Livia ne daigne baisser le sien, se contentant de continuer à le fixer. L’agent de police serra la mâchoire plusieurs fois à la suite, avant de se racler la gorge, pour s’exprimer un peu plus fort : « -J’ai dit…ahem…je vous présente mes excuses Mlle Hargreaves. » lâcha-t-il, plein de mauvaise foi, en se levant à son tour. Oh, Liv savait bien qu’il n’en pensait pas un mot, mais elle s’en moquait pas mal. Elle avait simplement souhaité l’agacer une dernière fois avant de quitter le commissariat. Et ça semblait plutôt bien réussi.

Adressant un simple signe de tête à celui qui était venu les tirer de cette vaste plaisanterie, la brune entraîna Tegan à sa suite, ralentissant le pas une fois sorties de la salle d’interrogatoire, jusqu’à ce que la blonde soit très proche pour lui glisser discrètement :“-Pas un mot avant qu’on soit dans la voiture.” lui dit-elle avec un regard entendu, avant qu’elles aillent récupérer les affaires qui avaient pu être confisquées à la convoyeuse lors de son attestation, alors que le regard mauvais d’Allister ne les quittait pas une seule seconde. Il n’eut cependant pas le loisir de poursuivre bien longtemps, qu’il fut contraint de suivre son supérieur dans ce qui semblait être son bureau. La porte claqua après le passage des deux hommes, mais cela ne fut pas suffisant pour couvrir les éclats de voix des deux policiers. Quelques minutes de plus, et elles purent enfin fouler le bitume hors de la station de police, alors que Livia entraînait son amie vers sa voiture.

Une fois n’était pas coutume, c’est l’avocate qui s’installa derrière le volant, démarrant bien vite pour les éloigner au plus vite de ce foutu commissariat. Raide, les mains crispées sur le volant, la juriste jeta un coup d’œil dans le rétroviseur, avant de lâcher à l’adresse de la blonde : “-La police va se rendre au domicile de ton Mouse pour l’arrêter. Tu aurais tout intérêt à ce qu’il ne soit pas chez lui à ce moment-là.” lâcha-t-elle sobrement, imaginant déjà tout ce qu’il pourrait être susceptible de raconter si la police mettait la main sur lui, et sur le mal qu’il pourrait causer, à Tegan et aux Prayers of Insanity. Livia s’autorisa un regard un biais vers son amie, s’humectant légèrement les lèvres : « -Est-ce que ça va ? » demanda-t-elle doucement, même si elle se doutait que la blonde n’avait pas dû passer le meilleur moment de sa vie.

Après avoir récupéré les affaires confisquées par les forces de l’ordre lors de l’arrestation de Tegan, les deux Prayers of Insanity quittèrent le commissariat sans demander leur reste. Il n’y avait de toutes façons rien qui nécessitait qu’elles s’attardent davantage dans les lieux. Allister était en train de se faire passer un savon par son supérieur hiérarchique, aussi, rien ni personne ne pourrait se mettre en travers de leur chemin, et barrer la route des deux jeunes femmes, qui foulèrent bien vite le bitume de la rue. Une odeur de nicotine caractéristique envahit l’air autour d’elles, alors que Livia conduisait son amie vers sa voiture, dans laquelle elle avait débarqué ce qui ressemblait à une éternité plus tôt. Combien de temps était-elle restée en salle d’interrogatoire avec la convoyeuse ? La mexicaine n’en avait pas la moindre idée, même si la bêtise et l’acharnement de l’agent Allister avait eu tendance à rendre cela encore plus long que ça avait dû l’être en réalité.

Quoiqu’il en soit, une fois n’était pas coutume, Livia prit place derrière le volant de sa voiture, et une fois Tegan installée à son tour, l’hispanique démarra bien vite, peu désireuse de rester dans le coin inutilement. Un certain silence s’installa entre elles, que l’avocate fut la première à rompre, pensant à cet homme qu’elles avaient directement mis dans la ligne de mire des officiers de police pour innocenter Tegan, et qui risquerait de faire plus de mal que de bien si jamais il venait à se faire arrêter. Ce Mouse avait mis la blonde dans de beaux draps, mais s’il ne se faisait pas prendre, il restait une chance que la convoyeuse s’en sorte finalement plutôt bien. Aussi, Livia ne tarda pas à conseiller à mi-voix à la blondinette de pousser le fautif à la fuite, pour éviter que l’affaire ne s’envenime, d’une façon ou d’une autre. Pour autant, la juriste ne fut pas vraiment surprise de s’entendre dire qu’il avait sans doute déjà fui, et qu’il ne serait pas un souci à la défense qu’avait opposé Livia aux accusations qui pesaient sur Tegan. “-Le garage risque d’être surveillé pendant un temps aussi. Les allées et venues, le matériel entrant ou sortant, les clients, l'activité nocturne...ce ne serait pas étonnant qu'un flic ou deux repasse par là, ne serait-ce que pour te faire savoir qu'Allister ne t'oublie pas.” ajouta-t-elle en mettant son clignotant, les entraînant toujours plus loin du commissariat. Bien que persuadée que la jeune femme y avait déjà songé par elle-même, Liv se devait malgré tout d'avoir ces mots-là, défendant les affaires -et la liberté- de son amie jusqu'au bout. Hors de question de donner du grain à moudre à ces flics, si l’un d’entre eux, plus curieux que les autres, venait mettre son nez dans les activités de mécanicienne de Tegan. Autrement dit, il fallait que la convoyeuse fasse profil bas pendant quelques temps, pour éviter de remuer tout soupçon.

Il fallut quelques instants à Livia pour comprendre ce qui lui semblait étrange dans leur situation, autre que le fait que Tegan se trouve côté passager, ce qui n’était plus arrivé depuis…depuis presque toujours, à vrai dire. Non, c’était autre chose…une chose sur laquelle elle mit le doigt après une nouvelle longue minute de réflexion. Son amie était étrangement…calme. Silencieuse. Éteinte. Et l’hispanique avait plutôt l’habitude de la voir exactement à l’opposé de tout ça. Elle imaginait sans peine qu’elle n’avait pas passé le meilleur moment de son existence, Allister n’y ayant pas été de main morte, aussi bien dans ses gestes que dans ses paroles. Alors, prudemment, Livia ne tarda pas à demander à la blondinette comment elle se sentait, réellement préoccupée par la réponse. Une réponse qui tint, en tout et pour tout, en deux mots. Décidément, Tegan se montrait soudainement bien avare de mots, ce qui ne lui ressemblait pas du tout. Elle qui avait l’occasion de s’emporter contre ce Mouse, contre Allister, contre les policiers de manière générale resta parfaitement…silencieuse. Les sourcils de la mexicaine se froncèrent à cette réponse tout sauf convaincante, mais elle s’en contenta, ne voulant surtout pas forcer la jeune femme à se confier sur son réel état d’esprit si elle n’en avait pas envie. Livia lui adressa à son tour un simple hochement de tête, qui pouvait tout aussi bien passer inaperçu aux yeux de Tegan, qui préférait observer la ville défiler par la fenêtre.

Imitant l’attitude de cette dernière, la juriste se mura dans un profond silence, le calme de l’habitacle désormais uniquement troublé par le fond musical léger auquel aucune des deux Prayers ne semblait d’ailleurs faire attention. En proie à ses réflexions, Livia repensa aux paroles d’Allister, et à cette façon qu’il avait eu de s’adresser à Tegan, et à elle. Un type détestable, cela ne faisait aucun doute. Et il ne faisait d’ailleurs pas de doute qu’il aurait un comportement similaire au cours d’une autre affaire, avec deux autres femmes face à lui, et ce malgré les remontrances de son supérieur. Il avait été à pas grand-chose de la faire perdre patience, et pourtant, la juriste pouvait se targuer d’être d’un calme olympien en toute situation. Du moins…en apparence, évidemment. Allister aurait cependant pu aisément mettre à mal cette réputation, si son chef n’était pas intervenu à point nommé. Quand elle songeait qu’il s’était obstiné à poursuivre cet interrogatoire, et ce, malgré les ordres reçus…

Se repassant le film de cet entretien tout sauf agréable, Livia s’étonna des nouvelles paroles prononcées par Tegan, un haussement de sourcils marquant sa surprise, alors qu’elle tournait son visage vers la blonde. Tout d’abord silencieuse, et ce malgré la note d’humour de son amie, qu’elle n’espérait plus, la mexicaine se contenta de l’observer de longues secondes, avant de se racler légèrement la gorge : “-Ne t’en fais pas pour ça. Je n’ai pas besoin que tu me paies des cheeseburgers à vie. Et à vrai dire…la question de savoir si je devais venir en personne ne s’est pas posée bien longtemps.” répondit-elle avec sérieux, avant de laisser son regard glisser sur la lèvre de la jeune femme, fendue par les bons soins des agents de police. Fendue, et douloureuse, si Liv en croyait la petite grimace de la blondinette.

Avec des gestes lents, elle attrapa doucement le menton de Tegan entre son pouce et son index, tournant à peine son visage, comme pour mieux jauger de la blessure. Un bref soupir las quitta les lèvres de la brune, qui relâcha le menton de la Prayer au moment où le feu repassait au vert : “-Je vais te déposer chez toi, tu pourras mettre du froid sur tes blessures. A moins que tu préfères que je te dépose ailleurs ?” demanda-t-elle malgré tout, les sourcils toujours légèrement haussés, avant qu’un très léger sourire ne vienne trouver les lèvres de l’hispanique : “-Tu pourras te vanter que la numéro 2 t’a servi de chauffeur ce soir. Crois-moi, je ne fais pas ça pour tout le monde.” plaisanta-t-elle, quand bien même le cœur ne semblait pas vraiment y être. Il y avait d’ailleurs peu d’individus pour lesquels elle aurait débarqué en personne dans un poste de police pour en défendre les intérêts, mais Livia ne jugea pas utile de le préciser.