Dear Sister - Kaitlyn

La ville me semblait toujours aussi austère et ce n’était pas faute d’avoir fait trois fois le tour ces derniers jours. Il fallait bien s’occuper et reprendre ses marques jusqu’à ma reprise de travail la semaine prochaine. Hier, j’avais un peu picolé et fait des folies et j’étais heureuse de voir qu’il ne m’était rien arrivé. Est-ce que c’était une façon d’oublier l’animosité de ma sœur ? Sans doute, en attendant, aujourd’hui, j’étais là, mais me pardonner semblait être au-dessus de ses forces. Enfin bon, pas le temps de niaiser. Je sortais finalement de ma chambre avec un short et un t-shirt, les cheveux pas coiffés et la ferme intention de me préparer une petite collation avant d’aller dans notre salle de sport personnalisé.

Notre mère était comme nous, une femme forte et athlétique, c’est pour ça qu’elle avait transformé l’ancien bureau de papa en salle de sport, elle trouvait bête qu’un endroit inutile pour le fonctionnement de la maison le reste. J’avais pris mes marques doucement, mais je sentais toujours le jugement de ma sœur, il faudrait sans doute que je déménage, il était peut être temps d’en parler calmement. Enfin, je n’irais peut-être pas la chercher sur ce sujet. Il ne me fallut pas longtemps pour sortir du placard, flocon d’avoine, lait et complément alimentaire. J’ajoutais un œuf avant de tout passer dans le mixeur. J’étais heureuse de constater que je n’avais pas trop bu puisque le bruit de ce dernier ne me vrilla pas trop la tête. J’avais la même routine matinale depuis plus de dix ans et ce n’était pas aujourd’hui que cela allait changer. Je ne buvais pas de café et aucun excitant. Ce n’est pas bon pour le corps.

Le bruit du mixeur avait sans doute attiré ma sœur qui entra dans la pièce, je l’aimais toujours autant bien qu’elle ne me le rendait pas. Je trouvais que cette haine contre moi lui donnait un air d’autant plus charmant. Je lui offrais un sourire l’air de rien alors que je versais le contenu de mon mixeur dans un grand verre. La cuisine était pour tous le monde, elle avait bien le droit de venir ici aussi.

- Bonjour, Kait, comme ça va aujourd’hui ?

Je ne savais pas si c’était une bonne idée de ma part de commencer la conversation, mais au moins on ne pourrait pas me reprocher de ne pas être cordiale avec elle. J’attendais de voir dans quelle humeur elle était avant de continuer la conversation. Je savais que c’est un dernier temps que ça avait été compliqué pour elle au boulot. Je préférais fixer mon verre qu’elle comme pour me montrer inférieur d’une certaine façon. Je commençais à boire son contenu tout en rangeant dans les différents placard et frigo les choses que j’avais sorties pour faire mon petit déjeuner. J’espère qu’elle serait en état pour discuter et qu’elle n’allait pas me rentrer dedans dès le matin. Si elle était encore là, soit c’est parce qu’elle était en repos soit qu’il était encore tôt. D’ailleurs je n’avais pas regardé l’heure encore.

Un regard en coin, j’avais la sensation que cela n’irait pas. Est-ce que j’avais raison et bien oui, il ne fallut pas longtemps pour entendre les premiers mots désagréables sortir de sa bouche ? Pour le moment, elle n’avait rien dit, mais je savais que cela ne durerait pas. Je passais une main dans mes cheveux par nervosité alors que j’attendais que le reste tombe un peu plus fort. Des choses à me reprocher, il y en avait toujours, je le savais. Je me doutais aussi que ce que j’avais pu faire hier soir ne lui plairait pas. Heureusement, bientôt je reprendrais le travail. Je ne m’étais cependant pas attendu à ce qu’elle me dise que je fasse la fanfare la veille en rentrant, j’estimais avoir fait mon maximum pour limiter le bruit et la maison suffisamment grande pour ne pas la réveiller, j’avais eu tort.

- Vraiment ? J’ai fait mon maximum pour ne pas faire de bruit et puis je ne suis même pas rentrée si tard.

Entre deux et trois heures du matin, ça reste encore respectable, mais bon, forcément, j’avais été aux toilettes ce qui bien évidemment avait fait un bruit certain, pourtant j’avais essayé d’utiliser ceux qui était le plus loin de sa chambre, j’avais même fait l’économie d’une douche, j’irais après ma séance de sport matinal sans faute. J’avais envie d’une douche bien chaude depuis un moment, mais bon, il fallait souffrir pour être belle et cela attendrait encore une heure ou deux. Je la regardais sans trop savoir quoi répondre de plus. Il était alors évident pour moi que je devais lui parler de mon idée. C’était peut-être le plus simple, j’étais celle qui était revenue, donc j’étais celle qui devait partir. Du moins, dit comme ça, tout me paraissait logique. J’inspirais profondément avant de le dire à ma sœur, ça me faisait mal au cœur, mais c’était peut-être la solution pour que les choses aillent mieux.

- Tu sais, si tu veux, je peux voir avec la DPD pour qu’il me loge temporairement, le temps qu’on décide si je dois me prendre un appartement pour te laisser de l’espace.

De l’espace, ça faisait des années qu’elle en avait avec moi si loin de cette ville. Est-ce que cela pouvait vraiment être la solution pour qu’elle aille mieux ? Je devais repartir de là où j’étais venu, pourtant c’était pour elle que j’étais revenue. Je voulais l’aider, je voulais qu’elle m’écoute, mais c’était peine perdue. Elle m’en voulait d’avoir voulu me sauver de cet enfer à ciel ouvert. Je comprenais maintenant ce que cela pouvait faire aux gens et je savais qu’il serait difficile de rattraper le temps perdu.

Je me replongeais dans le fond de mon verre en continuant de boire, j’avais peur de ce qu’elle allait me répondre. J’avais envie de croire qu’elle voudrait que je reste, mais dans le fond, dans son idée tout ceci était de ma faute. J’avais fait tant de choses mal, j’étais partie, j’avais pensé à moi, alors qu’elle était restée ici à aider notre mère pendant qu’elle sombrait dans une dépression certaine. Elle ne savait pas comment c’était compliqué de revenir entre ses murs quand on les avait quitter. C’était presque un parcours du combattant administratif. Une horreur en sommes...

Elle était en train de remuer le couteau dans la plaie. Je savais très bien ce qu’elle faisait, elle allait m’en vouloir jusqu’à ce qu’elle change d’avis, nous étions dans la même équipe et ce n’était pas forcément facile de lui faire accepter. Je soupirais, je finissais mon petit déjeuner mixer d’une traite alors que je me pris dans la gueule des mots durs qu’elle ne pensait pas. Je savais très bien ce qu’il en était et je la laissais faire, par habitude par résignation. Aujourd’hui, j’étais cependant allé plus loin et je ne regrettais pas mes mots. J’en avais marre de cette sorte d’indifférence entre nous. Il fallait bien dire les choses, on ne pouvait pas avancer sans parler. Je sentais la rage, la colère et la tristesse dans sa voie. Je savais qu’elle n’avait pas fait son deuil. Tout comme je n’avais pas fait le mien, mais j’étais celle qui était partie et celle qui n’avait pas le droit de souffrir.

- J’essaie de trouver une solution figure toi et j’ai l’impression que tu ne veux pas m’aider…

Je ne pleurais pas, je n’en avais le droit et pourtant la voir dans cet état me retourner l’estomac. J’avais envie de vomir et pourtant j’avais le cœur bien accroché. Surprenant, je pouvais voir et sentir un cadavre en décomposition depuis plusieurs jours, mais pas ma sœur souffrir. Je suppose que nous avons chacun nos faiblesses et la mienne se trouve justement devant moi. Je lui tendais une joue comme pour lui dire de m’en coller une si cela pouvait la soulager. Si c’était ce qu’elle avait envie de faire et bien je l’attendais, prête à encaisser sans rien dire, sans rien faire. Simplement être son souffre-douleur. Je serais les dents et les poings l’espace d’un instant. Je ne m’attendais cependant pas à ce que ce soit dans mes bras qu’elle s’effondre plutôt.

- C’est toi qui compte Kat, tu resteras mon petit chat quoi qu’il arrive…

Son contact me fit du bien, c’était le premier depuis que j’étais revenue, jusqu’à présent elle n’avait fait que m’en vouloir, toujours et sans que cela ne se termine. C’était en partie pour ça que j’avais choisi de sortir hier et de me vider la tête, j’avais fait des folies avec un inconnu dans un bar, j’avais sans doute consommé un peu de drogue, j’avais espérais retrouver un sourire qui ne voulait pas revenir simplement parce qu’elle m’en voulait et que rien ne pouvait me consoler. Je soupirais. Ma main se posa sur sa tête que je commençais à masser calmement c’était la seule personne avec qui je me montrais tactile et pour le coup, j’étais un peu rouillé.

- Je ne veux pas partir, je veux simplement ce qui est le meilleur pour toi. Je sais que tu m’en veux et je comprends.

Oui, c’était sincère, je savais pourquoi on en était là, je savais qu’elle avait mal. Comme je devais me montrer forte et bien c’était ce que je faisais. Je la serrais un peu plus fort contre moi en espérant qu’elle ne me déteste pas pour ça. Je posais mon visage contre le haut de sa tête qui était blotti dans mon cou. J’étais heureuse, pour la première fois depuis de longues semaines, j’avais l’impression que les choses allaient changer. Une partie de moi avait envie de lui demander si je ne puais pas trop puisque je ne m’étais pas encore lavé depuis ma soirée et qu’il devait bien avoir des effluves d’alcool ou de tabac sur ma peau et mes cheveux, mais je préférais ne rien dire, les choses avanceront à leurs rythmes, c’est à dire encore très doucement.

Une étreinte ce n’était pas grand-chose et j’avais pourtant l’impression que c’était le nouveau départ dont nous avions besoin toutes les deux. Elle voulait plus, je voulais plus, nous étions d’accord. Les choses n’étaient pas toujours comme je le voulais et c’était presque normal. Le monde ne pouvait pas être calqué sur tout ce dont j’avais besoin. Dans la vie, tout ce que l’on possède c’est qu’on s’est battue pour l’avoir et l’obtenir. J’avais senti qu’enfin ma sœur m’acceptait et il était alors évident qu’il n’y avait plus de je et elle, mais bien un nous. Un nous contre le monde. Il était maintenant tant de se battre et d’obtenir les réparations qu’on souhaitait depuis si longtemps. J’entendais ce qu’elle me disait et je ferais en sorte que ses doutes se transforment en force. Ce n’était pas si dur en plus de transformer son ressentiment en moteur pour avancer.

- On fera en sorte que tu l’extériorises mieux…

Je glissais ses mots dans un murmure, elle devait devenir plus forte et l’entraînement de police minimum ne suffirait pas. Elle devait se surpasser et être en situation de crise et bien nous le serons ensemble. S’il fallait qu’on parte dans le no man’s land de la ville pendant une semaine pour survivre avec nos bites et nos couteaux, nous le ferions même si nous n’avions pas de bite. Les vieilles expressions militaires ont la vie dure et certaines ont très très mal vieilli… J’étais déjà en train d’imaginer silencieusement qu’elles seront nos prochains entraînements et ce que nous devrions faire pour nous améliorer. Je soupirais doucement en l’entendant dire qu’elle n’y arrivera pas seule.

- Tu n’es pas seule et tu ne le seras plus jamais, c’est une promesse. Je ne voulais pas te laisser de côté.

Elle avait eu l’impression de devoir affronter la solitude depuis si longtemps qu’elle ne devait même plus savoir ce que cela voulait dire avoir quelqu’un sur qui se reposer. Je serais là maintenant, plus jamais je ne partirais et pour m’éloigner de toi, il faudra me tirer par les pieds de mon cadavre fumant. J’avais des idées macabres, c’est vrai, mais la vie ici l’été. Je m’en étais rendu compte sur les derniers jours que j’avais passés ici. Je visualisais les choses autour de moi un peu mieux et je m’étais rappelais pourquoi j’étais partie la première fois, la vie ici rend le monde malade, triste et glauque. Sauf que Kait était ici et je ne pouvais plus la laisser derrière moi. Les derniers mots qu’elle m’annonça me fit froid dans le dos, si elle n’était plus la voix de ma raison à quel point allais-je sombrer dans le chaos ? La question se poserait plus tard. Je rompais notre étreinte avant de passer une main sous son menton pour qu’elle me regarde droit dans les yeux.

- Si c’est vraiment ce que tu veux, je le ferais.

Je lui fis un sourire en coin avant de la relâcher. Je faisais de mon mieux pour réfléchir le plus rapidement possible. Je mettais mon verre dans notre lave-vaisselle avant de l’invité à me suivre dans notre salle de sport aménager. Il y avait dans cette pièce un tableau veleda sur roulette qui me servait à noter tout un tas de trucs qui pour la plupart des gens étaient incompréhensibles et qui me servait pour mes entraînements. D’un geste, je le tournais, pris un stylo et écrit en haut "New beginning". Il était temps de se fixer des objectifs et d’avancer ensemble.

- Mon idée est assez simple, je pense que nous n’avancerons pas si on ne se fixe pas des objectifs. La première chose à faire, c’est de gagner en confiance. Kait, si je te dis que je suis un ennemi, que tu dois m’attraper et de me mettre au sol, est-ce que tu t’en sens capable ?

La question était simple, sera-t-elle en mesure de me mettre hors d’état de nuire, je pense que la réponse était non, parce qu’elle suivrait trop les règles et moi pas assez. Cependant, je ne savais pas tout ce qu’elle avait pu apprendre en mon absence et peut être que je serais agréablement surprise. Si elle n’y arrivait pas, ce serait le premier point à mettre sur la liste, améliorer le combat rapproché.

Je ne savais pas par quel angle elle allait s’en prendre à moi et encore moi si elle le faisait. J’étais cependant agréablement surprise de voir qu’elle tentait le coup. C’était un bon point pour elle. Je comprenais aisément qu’elle avait donc vraiment envie. Plus que les autres fois où j’avais pu l’entendre prononcer ce genre de phrase. Évidement, sa technique était des plus académiques, ce qui faisait qu’elle n’avait pas ou peu de chance d’y arriver. Il ne me fallut pas longtemps pour mettre mes deux mains sur ses épaules et l’empêcher d’aller plus loin. J’avais vu ce que je voulais voir, il fallait maintenant que je lui explique ce qui pêchait pour qu’elle puisse améliorer la suite au besoin.

- Merci, c’est bon. Déjà, je suis contente que même s’il y avait peu de chance que tu y arrives, tu aies essayé. Maintenant ce que je voulais voir en te demandant de faire ça, c’est ta capacité d’improvisation. Je pense que c’est là-dessus qu’il faudra qu’on travaille le plus.

Je me retournais donc vers le tableau pour noter ce point qui me paraissait important. L’improvisation était primordiale, il fallait qu’elle se sorte de ses limites que la police avait mises dans sa tête. Je réfléchissais donc aux meilleures façons pour lui permettre de voir les choses sous un autre angle. Il y avait bien évidemment tout plein d’activité qu’on pourrait mettre en place dans le futur, mais nous verrons cela par la suite. Il fallait continuer d’avancer pour voir ce qui pouvait manquer encore. La liste ne serait sans doute pas exhaustive, mais les poings qui me semblaient le plus importants seront à prévoir. Le suivant me semblait être une évidence.

- Est-ce que tu te sens capable de mentir et d’inventer des excuses ? Est-ce que tu as besoin d’aide pour cela ?

La réponse serait évidente suivant sa question, des cours de théâtre. Si le théâtre c’était trop, nous pourrions sûrement trouver une alternative et faire des petits jeux entre nous. Il y en avait souvent à base de carte dans lesquels il fallait inventer des histoires. Le but de ces questions était simplement de jauger si elle était capable de raconter un bobard à son chef qui semblait être cohérent pour expliquer tel ou tel autre chose qui ne se serait pas passé comme prévu. Des choses qui n’avancent pas dans le sens que l’on voudrait, il y en a toujours des tas dans ce milieu. Par moment, c’est aussi et surtout parce qu’on a mal réagi. Mais ça, se serait un point à voir plus tard. Il fallait d’abord avoir des bases solides. Il faudrait sûrement que je lui parle de son rythme de sommeil digne d’une poule, mais cela aussi viendrait plus tard. Elle avait sans doute besoin de ses détendre un peu. Peut être qu’il faudrait qu’on parle un peu d’histoire d’amour, mais c’était toujours un sujet qu’on avait tu entre nous. Comme si nous étions des filles pures et chastes, aujourd’hui, il est question d’être suffisamment corrompu pour pouvoir survivre au milieu de cette ville.